5h30

Ce matin, avant d'aller écrire......... 5h30, premières lumières à l'Est et le réveil des oiseaux.....

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KUNDALINI

Extrait

Le soleil tomba dans la gorge comme une averse. La température monta aussitôt, comme si la porte d’un four immense venait de s’ouvrir. Les parois se tapissèrent de lumière et révélèrent totalement leurs formes. Des dalles, des ressauts, des piliers, des bosquets de végétation affamée de chaleur.

 

« On va à la cascade, Maud ? »

Son prénom. Était-ce la première fois qu’il le prononçait ? L’impact, en tout cas, avait un effet étourdissant. Elle s’amusa intérieurement de cet émoi juvénile et pensa aussitôt à l’incongruité de cette pensée… Juvénile… Cette joie adolescente était-elle donc toujours là, toujours présente, toujours vivace ? Enfouie sous les gravats des adultes. 

Cette idée qu’elle devait briser toutes les enceintes à la joie, que la vie ranimait en elle des émotions étouffées, qu’elle se devait d’en accueillir pleinement l’hommage.

 

« Oui, Sat, un bon bain revigorant avant de profiter du soleil. Je vous suis. »

 

Ils s’approchèrent du bassin de réception des eaux en longeant la rive rocheuse. Elle descendit lentement dans les ondes agitées, les remous cristallins des bulles. Sat avait plongé sans retenue et il nageait vers la chute d’eau. Il disparut en riant sous le flot vertical.

Elle nagea jusqu’à lui. Il s’était glissé jusqu’à la paroi et avait trouvé refuge sur une vire moussue. Il lui tendit la main et l’aida à se rétablir.

Côte à côte derrière le rideau liquide.

Accroupie, les genoux contre la poitrine, les bras croisés, elle regarda la gorge à travers les voiles translucides, des images mouvantes et flouées, les yeux à demi fermés, la bouche ouverte. Impressionnée et reconnaissante.

Laurent n’aurait jamais initié cette expérience. Il n’aimait que ce qu’il connaissait. Elle aimait ce qu’il proposait. Une vie planifiée. Comme s’il s’était appliqué à installer des repères immuables pour la rassurer. Et vivre une autre existence, secrète, inavouée, flamboyante sans doute.

Sat avait raison. Elle pouvait remercier Laurent d’avoir eu la force et l’honnêteté de briser ce carcan qui les emprisonnait tous les deux. Il n’avait pas seulement repris sa liberté. Il lui avait donné l’opportunité de découvrir la sienne.

Elle avait erré pendant une année comme une condamnée en fin de peine.

Et la peine l’avait emplie de marées de larmes.

Elle les sentit couler et se mêler aux gouttelettes qui parsemaient son visage.

Comme une cascade libérée.

Sa vision du monde. Juste le rideau tendu par les êtres autour d’elle mais ils n’en étaient pas responsables. C’est elle qui avait décidé de passer derrière le voile, d’accepter cette geôle. Cette colère contre Laurent. C’était absurde. Il lui suffisait de traverser le rideau tendu pour accéder à sa propre lumière, à cette vision pure du Réel.

 

« J’ai un peu froid, Sat. »

Il sauta à l’eau et tendit les bras.

« Venez. »

 

Ils nagèrent vigoureusement jusqu’à la berge et retrouvèrent le sac de Sat. Il en sortit deux serviettes et un flacon.

Elle se sécha partiellement et étala sa serviette.

Il s’approcha avant qu’elle ne s’allonge.

« Je vais vous passer de l’huile sur le dos, Maud. Ici, entre les parois, le soleil a une puissance décuplée. »

Elle le regarda sans répondre. Comme si venait de couler en elle, dans la totalité de ses fibres, un ciment émotionnel, une paralysie délicieuse, l’arrêt de tout.

Il prit au sol la bouteille d’huile, en versa dans sa main et passa dans son dos.

Elle ne put s’empêcher de se crisper lorsque ses doigts se posèrent sur sa peau, un sursaut infime mais qui ne pouvait lui échapper, elle le savait, il percevait davantage de phénomènes qu’elle n’en avait conscience elle-même.

Elle s’appliqua à respirer calmement, les yeux fermés.

Les mains de Sat.

Elle suivait minutieusement leur parcours, captant chaque sensation, chaque point de contact, chaque pression.

Les mains de Sat. Elles glissaient sur les épaules, descendaient doucement en suivant la colonne, dessinaient une courbe au niveau des reins puis reprenaient leur ascension. Elle aurait voulu que ça ne s’arrête jamais. Elle sentit des picotements étranges au bout des doigts, comme des grésillements qui devinrent des ondes et remontèrent vers la nuque.

Les yeux fermés. Elle voyait en elle des auras orange. Là, où les mains passaient.

Une vague l’engloutit, comme une averse soudaine, des frissons infinis qui emplirent son crâne, comme s’ils venaient de l’extérieur, comme s’ils l’enveloppaient avant de se glisser en elle et de ruisseler jusqu’à la terre.

Les frissons la pénétraient par tous les pores, comme des milliards de filtres abandonnés au délice. Elle se vit traversée, irradiée, elle se vit crépiter.

Les mains de Sat.

Combien de temps cela dura ?

Elle ouvrit les yeux lorsque le contact fut rompu. 

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Commentaires

  • Darinah
    • 1. Darinah Le 10/05/2015
    Avec grand plaisir Thierry !! Merci :-D
  • Thierry
    • 2. Thierry Le 09/05/2015
    Lorsque je mettrai le point final et qu'il faudra que je cherche des "lecteurs-critiques", je penserai à vous ;)
  • Darinah
    • 3. Darinah Le 09/05/2015
    Eh bien, je vibre avec Maud et ses découvertes :-) bon week end à vous Thierry.
  • Thierry
    • 4. Thierry Le 08/05/2015
    Bonjour Darinah. Très heureux de voir que vous êtes toujours enthousiaste :) J'écris, j'écris.....Maud se découvre, "s'exe-plore", s'illumine....Une plongée spirituelle à travers l'énergie corporelle.
  • Darinah
    • 5. Darinah Le 08/05/2015
    Youpi ! Un nouveau passage que je lis avec joie... :-)

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