Croyance et foi.

Suite à un échange sur "forum métaphysique" (voir liens).

Merci à "Gereve" et "Jo", intervenants des plus précieux.

 

Croyance et foi

« Le savoir diffère de la croyance en ce qu’il est ouvert, la réponse à une question fait surgir mille autres questions. La croyance est fermée, le croyant interdit qu’on mette le dogme en questions et à la limite, c’est lui qui vous soumet à la question (allez voir sous l’inquisition). S’il accepte, parce qu’il est bon bougre, il a réponse à tout. Poussé dans ses retranchements, il invoque le mystère.
Le croyant est psychologiquement fragile, il a besoin d’être conforté dans sa croyance en faisant des adeptes. Il est fermé à l’épreuve du réel et l’interprète à sa façon. Il a peur et en quelque sorte il est ligoté par sa peur. A l’opposé, le non croyant est ouvert à l’épreuve du réel, mais de ce fait c’est aussi un croyant : il croît au réel. Lui aussi a peur, longtemps il s’est accroché à l’idée que les atomes sont les particules ultimes de la matière. Ça rassure de croire que quelque chose de solide existe de toute éternité. On sait ce qu’il en est de cette solidité. Maintenant on s’accroche à la notion de réalité. Mais même dans les milieux scientifiques cette notion de réel est très controversée. Bernard d’Espagnat a écrit un livre intitulé “à la recherche du réel. » La seule chose que je sache, c’est qu’il existe entre mes perceptions, des relations pourvues d’une certaine cohérence et d’une certaine durée. De là, j’infère qu’une réalité les sous-tend, mais ce n’est en aucune façon une certitude, c’est un credo. Et ce credo me rassure, il répond à un besoin psychologique. Je n’ai en aucune façon une nécessité logique. Je crois au réel parce que j’ai peur d’être seul. En ce sens, la croyance diffère de la foi.
La croyance est le refuge de ceux qui n’ont pas la foi.

La foi est en effet pour moi, affaire de confiance, profonde, totale en la vie. La croyance a toujours un objet, la foi n’en a pas, elle vient de l’intérieur. Vous me direz que la croyance aussi vient de l’intérieur. Oui, mais elle a un objet qui vient de l’inconscient. Dieu, par exemple, est le substitut du père, c’est une réponse à l’angoisse de la solitude, du vide laissé par le père disparu (réellement ou symboliquement). La croyance vient pour combler un vide, un attachement à l’enfance. La foi par contre accepte la solitude, mais elle émane d’une grande puissance de vie et elle emplit la solitude. C’est en quelque sorte, le plein dans le vide. Là où il y a foi, il y a absence de peur.

Le réel est ce qui reste quand on a laissé derrière soi toute croyance.
La croyance et la foi diffèrent, l’une est une réponse à la peur, l’autre une curiosité insatiable, un appétit de vivre. Mais paradoxalement, elles diffèrent et pourtant elles sont de même nature. La foi est aussi une croyance mais une croyance à l’état pur, une croyance sans objet. La croyance serait en quelque sorte un point qui se déplace entre la superstition et la foi. La croyance et la foi diffèrent en ce qu’elles sont séparées comme deux points, qui sont de même nature, mais qui diffèrent parce qu’ils sont distants l’un de l’autre. Comme un point sur une droite, la foi serait une croyance à l’infini c’est-à-dire une croyance en rien ou une croyance en tout, comme on voudra, selon qu’on est pessimiste ou optimiste.

Pour prendre une autre image, les croyances sont comme des îles. Je suis libre de passer d’une île à une autre encore faut-il que je sache nager et que je sois assez résistant pour tenir la distance. Si c’est le cas, je concrétiserai ma liberté, sinon je resterai sur l’île. Nous sommes le plus souvent plusieurs sur une île. Un jour l’un d’entre nous s’exclame: “et s’il y avait d’autres îles par-delà l’horizon?” Beaucoup répondront “mais non, il n’y a qu’une île, la notre!” parce qu’ils sont peureux ou paresseux. D’autres diront “peut-être” et partiront. Ceux qui sont partis, à force d’aller d’île en île, prendront des forces, de la technique, de la confiance et un jour, ils n’auront plus envie d’une île, ils prendront leur plaisir à nager, ils seront libres, comme des dauphins. Ceci dit, ceux qui restent sur l’île peuvent l’embellir, (les cathédrales, les livres, les symphonies, les peintures d’inspiration religieuse) et peut-être sans le vouloir, en inciter d’autres à chercher de nouvelles îles. »

Gereve.

 

 

« Foi et confiance ont la même racine, je crois. Voilà: pour moi, la foi c'est la confiance. On renonce à raisonner et même à comprendre : on "se fie".
Dans la croyance, on est persuadé d'avoir compris et trouvé LA vérité. »

Jo.

 

 

Je pense Gereve et Jo que l'intellect entretient les croyances, qu'elles soient religieuses, scientifiques, philosophiques. Ce sont des idées auxquelles on tient, sur lesquelles on cherche à avancer, elles nourrissent notre égo, sans que ça soit péjoratif ou négatif, ce sont des signes d'appartenance, de reconnaissance, d'union. A mon sens, elles restent dans la dimension des "croyances", même si nous leur trouvons d'indéniables justifications parce qu'elles sont justement de l'ordre de l'intellect...Il suffit pour s'en convaincre de juger des changements de ces "croyances", des discussions infinies sur les religions elles-mêmes... Elles sont fluctuantes parce qu'elles n'existent que par notre intellect. Il est normal qu'elles évoluent dans cet espace mentalisé, sinon il s'agirait de fanatisme...Mais elles ne peuvent dès lors permettre à l'individu de nager en eaux libres, elles n'offriront que des traversées incessantes comme tu l'as très bien écrit.
La foi n'est pas dans cet espace parce qu'elle ne trouve pas sa source dans l'intellect. Elle est de l'ordre du ressenti, mais un ressenti qui n'est pas identifié, maîtrisable, reproductible. Les cinq sens eux-mêmes s'y affolent et dès lors qu'une tentative de contrôle est envisagée tout se perd. L'abandon du moi est à la source du Soi. La foi est son combustible. Rien à faire. Peut-être même que seul l'abandon de l'intellect, momentané, involontaire ou pas, reste le point de départ. Ne pas chercher revient à découvrir que c'est déjà là, comme si l'effort était un paravent au lieu du cheminement qu'on imagine. Les voies de l'intellect sont impénétrables...La foi, elle, n'est même pas une voie puisque cela laisse entendre qu'il y a un horizon à conquérir. Ce n'est pas une voie sur la montagne, c'est la montagne. La croyance est une voie.

 

Dans mon cheminement, je dirais que la foi est la certitude que je n'ai pas à chercher une réponse. Alors que la croyance m'inviterait à absorber celles qui me seraient proposées. Il me serait facile de « croire » après avoir été envahi d'auras bleues qui me parlaient, d'avoir recommencé à marcher, d'être devenu une "énigme" médicale...Les Eglises m'invitaient. Mais je n'ai pas de croyance. J'ai une certitude. Celle qu'il est inutile et présomptueux de vouloir obtenir une réponse autre que celle de la Vie en moi. Il n'est pas question pourtant de laxisme ou de lâcheté ou de fatalisme. Juste une bénédiction totale et constante devant cette certitude qu'il existe ce que je ne peux pas saisir mais qui pourtant vibre en moi. Mon cerveau est un organe inerte dans le courant de ce flux, un obstacle qui me prive du bonheur de l'eau qui tourbillonne. Il me suffit de m'asseoir et de laisser monter les larmes. La foi en moi, ce sont ces frissons qui m'enflamment. Dieu ? L'Energie, l'Architecte ? Quelle importance ? La croyance voudrait le nommer, le reconnaître, l'identifier, lui donner une histoire, un projet, nous transmettre des Textes, la croyance voudrait souder les âmes perdues, leur donner une direction...Ca ne m'intéresse pas. Le chemin est en moi. C'est ma foi. Une certitude.

Thierry.

 

 

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