David et Goliath

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Paul François, l'agriculteur qui a fait condamner Monsanto : "Je comprends la peur des agriculteurs, mais il faut sortir de la chimie"

Par franceinfo – Radio France

Mis à jour le  – publié le 

Paul François est un agriculteur charentais qui a réussi à faire condamner Monsanto, l'entreprise américaine, pour intoxication, après dix ans de procédure. Invité de franceinfo, mercredi 25 octobre, il a réagi à la décision de la Commission européenne de reporter son vote sur le renouvellement pour dix ans de l'utilisation du glyphosate, qui entre dans la composition d'un herbicide notament produit par Monsanto. 

Paul François a été intoxiqué en 2004 par un autre des produits de Monsanto, le Lasso, un herbicide à base d'alachlore, qui n'est plus commercialisé. Il a raconté son combat dans un livre, Un paysan contre Monsanto (Fayard, octobre 2017). La firme a été jugée responsable en appel de l'intoxication en septembre 2015.

franceinfo : Que dites-vous aux agriculteurs qui, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer du glyphosate ?

Paul François : Je comprends leur peur mais je leur dis que de toute façon, il faut se sortir de la chimie de façon globale et le glyphosate en fait partie. Certes, ce sera compliqué, mais ceux qui sont en bio s'en passent, et il y a des agriculteurs qui ne sont pas en bio qui se passent du glyphosate depuis des années. J'en fais partie.

En 2004, vous êtes tombé malade après avoir inhalé un herbicide de Monsanto, le Lasso. Comment s'est déroulée la reconnaissance de votre maladie, après votre intoxication ?

Les médecins refusaient de faire le lien parce que les toxicologues expliquaient qu'une intoxication telle que celle-ci ne pouvait pas provoquer ces symptômes aussi longtemps après. Il a fallu que des chercheurs, contactés par mon entourage, disent que pour eux cette intoxication pouvait provoquer ces symptômes. À partir de là, ils se sont battus, il a fallu qu'ils soient très tenaces auprès des médecins pour qu'il y ait des analyses et des recherches de faites, pour retrouver le métabolisme ou non de cette intoxication.

Pourquoi certains toxicologues ont eu du mal à vous soutenir ?

On a vu dans un premier temps que certains toxicologues avaient des liens plus ou moins proches avec la firme [Monsanto]. Ça, on l'a rencontré parce que j'étais coriace. Une fois que j'ai été sorti d'affaire, nous avons voulu demander une reconnaissance en maladie professionnelle à la Mutualité sociale et agricole, qui m'a été refusée. Cinq ans de procédure avant d'être reconnu. Pendant cette procédure, je me suis aperçu que ce produit avait été interdit depuis très longtemps dans d'autres pays. Là, j'ai commencé à avoir une suspicion sur Monsanto.

Que vous a répondu Monsanto quand vous les avez contactés ?

Ils ont dit à ma femme qu'ils seraient là pour nous soutenir s'il m'arrivait quoi que ce soit. Ma femme leur a répondu qu'elle leur demandait simplement un antidote. On n'était pas dans l'idée de porter plainte, un jour, contre cette société. Je me suis frotté aux experts du ministère de la Santé belge qui sont en fait des consultants de Monsanto, et la technique est là même que ce qu'on voit en ce moment : c'est de dénigrer toute personne qui oserait faire une enquête ou une étude. 

J'ai osé porter plainte contre Monsanto, et en permanence ils m'ont dénigré.

Paul François, agriculteur, auteur d'"Un paysan contre Monsanto"

à franceinfo

Que s'est-il passé après la condamnation de Monsanto ?

Pendant que j'étais à l'hôpital, mon avocat m'a dit que nous devions retourner devant la Cour d'appel parce que la Cour de cassation a estimé que ce n'était pas un défaut d'information, mais plutôt un produit défectueux. On est reparti pour deux, trois ou quatre ans de procédure. Monsanto refuse de me verser les indemnités alors qu'il y avait injonction dès la première condamnation. On me dit que c'est choquant de parler d'argent, mais ces gens-là n'ont pas de scrupules à engranger beaucoup de bénéfices. Mon avocat ne m'a pour l'instant pas demandé de régler ses honoraires, mais rien que les frais annexes me coûtent 50 000 euros. Heureusement des personnes m'ont aidé, mais je ne vais pas me mettre en faillite. C'est pour ça que j'ai fait un appel aux dons.

 

 

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