Entre invalidité et handicap

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Invalidité et handicap

Je fais une différence entre les deux termes.

L’invalidité relève à mes yeux de l’état d’une personne possédant l’intégralité de son potentiel physique et intellectuel mais qui ne cherche pas à l’explorer au-delà des obligations quotidiennes. L’état d’une personne qui vit en mode « pause », une personne qui instaure d’elle-même des limites étanches, comme une carapace et qui espère que rien ne viendra briser cette quiétude inerte.

Quand on dit qu’un projet est validé, cela signifie qu’il a abouti, que le travail mené a permis d’appliquer intégralement ce que ce projet contenait. Mais alors qu’en est-il de ces gens « valides » qui n’explorent pas au-delà du nécessaire vital le potentiel dont ils disposent ? Peut-on considérer que le projet est validé ? Quels sont les critères qui permettent d’établir la continuité du travail mené pour tendre vers les horizons les plus lointains ?

Se contenter du territoire connu est-il un gage de validité du projet ?

Personnellement, je pense que l’individu qui se satisfait des limites atteintes n’entre pas dans la catégorie des gens valides. Il est devenu, à un moment de son existence, une personne « invalide », c'est-à-dire à l’arrêt. Rien dans son existence ne parvient à l’extraire de ce qu’il juge être son confort, sa plénitude, comme un aboutissement alors que cette immobilité relève de la négation du potentiel disponible.

Qu’en est-il maintenant des personnes en situation de handicap ?

Elles ne possèdent pas, ou plus, ce potentiel commun à la majorité des individus et cette différence impose à leurs existences une difficulté constante. Il ne peut y avoir de contentement confortable qu’au prix d’une grande force morale.

Cette « lutte » constante pour atteindre des objectifs considérés comme évidents pour des personnes valides instaure une dépense d’énergie physique et psychologique qui au lieu d’éveiller un regard compatissant devrait nourrir une réelle admiration.

Je pense que les gens qui sont admirés pour leur physique ou leur statut de star, pour leur fortune ou leur succès sont en fait la représentation des rêves de ces individus « invalides » qui se contentent du seuil d’exploitation interne le plus accessible, celui qui ne réclame pas d’intenses efforts. L’admiration des stars est aisée. Alors, chacun divague à s’imaginer identiques à elles et se réjouissent quelques instants, comme une évasion au-delà des limites habituelles, un rêve délicieux...

Pour ma part, je considère que la personne en situation de handicap ne devrait pas être regardée avec compassion mais bien avant tout avec admiration car elle sait combien, à chaque instant, il est vital d’explorer le potentiel disponible et l’énergie qu’elle doit déployer pour y parvenir, au regard de celle bien souvent gaspillée inutilement par les personnes valides, ne peut être ignorée et rejetée dans une simple pensée empathique.

Lorsqu’ils m’arrivent de ne pas avoir l’énergie pour aller marcher en montagne ou pour m’astreindre à une réflexion, pour fendre du bois ou entretenir le jardin ou la maison, il m’arrive de penser à cette force morale de la personne handicapée, de l’acceptation inévitable de la difficulté, même si peut s’y joindre de la colère ou de la tristesse ou du désespoir.

Il faut réaliser pourtant ce qui doit être fait. Coûte que coûte.

Cette validation de l’existence, par l’énergie intérieure nécessaire,  se fait à travers le handicap et il existe dans cette vie qui se gagne à chaque instant, une forme d’exemplarité.

Je ne suis pas très enclin à l’exaltation envers le genre humain. Quelques aventuriers, montagnards, explorateurs, marins et quelques écrivains, philosophes ou artistes et quelques personnes qui ne font rien de particulier mais qui le font très bien. Mais j’éprouve un profond respect pour les personnes en situation de handicap, non pas par compassion mais parce qu’elles sont à mes yeux admirables.    

 

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