Instinct et passion. (spiritualité)

Une réflexion qui me vient d'un message de Nadia, une amie.

 

"La passion, c'est l'instinct qui s'éveille."

 

Instinct :

"L'instinct est la totalité ou partie héréditaire et innée des comportements, tendances comportementales et mécanismes physiologiques sous-jacents des animaux. Chez l'homme, il constitue la nature qui s'oppose traditionnellement au concept de culture.

Dans le langage populaire, le mot instinct est utilisé de façon abusive pour remplacer le mot intuition. On dira, par exemple, que l'on prend une décision en suivant son instinct, ou que l'on agit instinctivement, pour parler d'une situation où l'on a suivi une impulsion ou une intuition."

 

 

Passion :

"Selon Hegel, la passion est la tendance puissante qui pousse un individu ou un peuple à unifier toutes ses énergies spirituelles et physiques pour créer une œuvre artistique, technique ou politique unique, originale et déterminante dans le cours de l'histoire : «Nous disons donc que rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont collaboré. Cet intérêt, nous l'appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.» La Raison dans l'histoire.

Pour certains stoïciens, les passions sont des perversions de la raison, au sens étymologique, des égarements de notre jugement qui nous écartent de nos devoirs naturels. Ainsi d'après Cicéron, Zénon de Cittium, fondateur du stoïcisme, affirmait que «la passion est un ébranlement de l'âme opposé à la droite raison et contre nature» (Tusculanes)."

 

 Descartes, Spinoza, Hume, Kant et bien d'autres ne se sont pas privés pour massacrer la passion et en faire une perversion de l'esprit, de l'âme et de tout le bonhomme...Bon, là, c'est la philosophie classique. Je me souviens d'ailleurs d'un exposé de 71 pages que j'avais rendu à ma prof de philosophie en Terminale sur la passion. J'étais déjà bien engagé dans l'alpinisme et je ne supportais pas cette vision négative de la passion.

"C'était passionnant" avait-elle écrit en marge :) Et elle avait parfaitement admis que "je pouvais avoir raison d'être passionné".

"Raison et passion" dans la même phrase, j'avais gagné :) (séquence nostalgie...)

 

Mais alors, pour en revenir à cette idée que " la passion, c'est l'instinct qui s'éveille," comment peut-on concevoir la possibilité que la passion ferait partie de l'instinct, qu'elle serait insérée en nous, tout comme nous savons manger, marcher, avoir peur, aimer... Si j'élimine la notion d'égarement de la philosophie classique et que je garde à l'esprit l'idée de Hegel, cela voudrait dire que la passion est en nous avant que nous en prenions conscience, comme un cheminement pré établi...

Je me suis souvent demandé ce qui m'avait poussé vers les montagnes pendant mon adolescence. Je vivais à quelques minutes de l'Océan, je faisais de la voile, j'aimais la mer, j'aimais le large, il m'est arrivé de partir en planche à voile, droit vers l'horizon et de ne rentrer qu'à la nuit. 

Et puis, un jour, je suis tombé à la bibliothèque du village sur le livre de Walter Bonatti "A mes montagnes". Je l'ai dévoré, et je suis retourné à la bilbiothèque et j'ai pris "Les conquérants de l'inutile" de Lionel Terray et "Meije" de Goerges Sonnier et j'ai demandé au responsable de trouver tous les livres d'alpinisme qu'il pouvait... 

Nous sommes allés en vacances dans les Pyrénées, première fois que je voyais les montagnes, mes parents et moi, et dans le cirque de Gavarnie, alors que je cavalais tout seul, mes parents loin derrière, j'ai vu deux grimpeurs dans une voie, j'ai remonté le névé et je les ai suivis...Totale inconscience mais un bonheur si fort...Descartes aurait dit que j'étais "possédé"...Les deux grimpeurs ont fini par me voir et m'ont passé une engue... de première catégorie. j'avais quatorze ans. On était à trois cent mètres du sol...Ils m'ont encordé et redescendu. 

 Je savais que je vivrais pour les montagnes, dans les montagnes, mais plus jamais sans elles.

 D'où ça venait cette énergie fabuleuse ? D'où venait cet amour ? Ces gestes de grimpeur ? Je n'avais rien appris d'autre que ce que les livres racontaient. Ca ne fait pas un grimpeur. Un instinct réveillé par la passion ? Comme si enfin, je trouvais ma place, comme si tout était déjà là et qu'il fallait juste que je l'éprouve...

Est-ce qu'on peut mettre ça sur l'éducation, un désir de ma part de me différencier de mes parents, de quitter le cocon familial, de prendre mon envol en me servant d'un prétexte ? Un défi pour exister par moi-même ?

 

Est-ce qu'il y a en nous une force innée plus puissante que l'éducation, plus puissante que les attachements, quelqu'ils soient ? Et d'où viendrait-elle ? La montagne faisait-elle partie de mon cheminement de vie, devait-elle être le pilier contre lequel je pouvais prendre vie ? Pourquoi ? Pourquoi était-ce en moi ? Se peut-il que ça soit une décision d'âme, quelque chose qui n'est pas du domaine de la raison mais d'une évolution programmée ? Cela rejoindrait l'idée d'un instinct mais sous une autre forme, pas un instinct archaïque, pas une transmission d'espèce mais un instinct d'âme...

La passion serait-elle l'opportunité offerte par la Vie en nous d'aller voir "Là-Haut", au delà des limites éducatives, au-delà des astreintes quotidiennes, dans des altitudes lumineuses. ?

Je cherche les réponses...

 

Commentaires

  • Thierry
    • 1. Thierry Le 25/05/2012
    Bonjour Élise. Merci pour votre commentaire, c'est toujours un grand bonheur de voir des liens se faire, des échos chez les lecteurs et lectrices de ce blog. Je vous souhaite de vivre pleinement ce bonheur de la plénitude, là-haut.
  • LION Élise
    • 2. LION Élise Le 25/05/2012
    Bravo pour cette réflexion magnifique qui me donne des frissons, car comme vous je suis habitée par par la montagne, depuis toute petite, c'est ma passion, mais contrairement à vous, j'ai plus vécu proche des montagnes (Hautes-Alpes, Alpes de Haute Provence, Isère) que proche de la mer et cet instinct qui me pousse à communier avec ces montagne et à aller toujours plus Haut, est comme quelquechose qui devait être pré-établi en moi (comme vous dîtes), ce devait sans doute être mon cheminement. Mais vous expliquez beaucoup mieux que moi ce que peut être la passion et l'instinct à travers votre réflexion et expérience. Magnifique...

Ajouter un commentaire