Marcel Ruffo

Aux parents d'élèves : Vos enfants sont fatigués et bien ils sont déprimés...Vous êtes juste de "mauvais" parents...

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Rufo, en conférence jeudi à Rouen : « Un enfant fatigué, ça n’existe pas »

Publié le 16/11/2014 á 23H17
 

Conférence-débat. Marcel Rufo qui est considéré depuis des décennies comme « la » référence chez les pédopsychiatres sera à Rouen le jeudi 20 novembre. Le directeur médical de l’espace méditerranéen de l’adolescence à l’hôpital Salvator à Marseille animera une conférence aux Docks 76 sur le thème du « stress à l’école ».

Marcel Rufo, en conférence jeudi à Rouen : « Un enfant fatigué, ça n’existe pas »
Marcel Rufo qui sera à Rouen le 20 novembre a sorti un livre « Allo Rufo, un pédopsychiatre à votre écoute » dans lequel il répond à 500 questions que se posent tous les parents

Qui sont les plus stressés, les enfants ou les parents ?

Marcel Rufo : « Pourquoi l’école devrait-elle faire peur ? Pourquoi les parents ont-ils peur de l’échec scolaire ? Du harcèlement ? L’école a pris une importance majeure car la société a changé. On a perdu 9 millions d’agriculteurs sur 10. Avant, les parents ne se posaient pas la question. Ils disaient à leur enfant : « Tu seras agriculteur mon fils. » Aujourd’hui, les parents sont beaucoup plus démocratiques avec leurs enfants. Et ils ont cette peur de leur intégration dans la société. »

Quel est le bon âge pour scolariser un enfant ?

« La scolarité précoce, à partir de 2 ans et demi, devrait être réservée à des enfants qui rencontrent des difficultés de développement, de langage, de comportement. À condition d’adopter un modèle à la scandinave, c’est-à-dire avec deux adultes pour sept enfants. »

À trois ans, un enfant est donc prêt à entamer sa vie scolaire ?

« C’est là qu’intervient le premier stress dans la famille : mon enfant va-t-il pouvoir se séparer de moi ? C’est encore plus marquant lorsque cet enfant a un petit frère ou une petite sœur et que la maman est en congé maternité ou parental et reste à s’en occuper à la maison. Derrière l’école, il y a cette idée qu’il faut se séparer pour grandir des deux côtés. »

Les parents ne sont-ils pas les principaux responsables de cette montée du stress à l’entrée en maternelle ?

« Il y a aussi des enfants collants. Quand un enfant ne parvient pas à se séparer lorsqu’il entre à l’école c’est parfois la révélation d’un enfant anxieux. Il y a environ 15 % d’enfants anxieux en France. »

Le stress augmente au fur et à mesure que l’enfant passe de classe en classe...

« Avant l’entrée en CP, il y a l’évaluation réalisée en grande section de maternelle, celle qui sert à dire si oui ou non l’enfant possède les prérequis. La question n’est pas de savoir si cette évaluation est bonne ou mauvaise. Ce qui est capital, c’est la façon dont les résultats sont présentés et annoncés aux parents. Et lorsque les prérequis ne sont pas acquis, que fait-on ? »

Vous regrettez que les parents n’interviennent pas davantage à l’école. C’est une façon de remettre en cause le travail des enseignants ?

« Il faut ouvrir l’école aux parents ! Pourquoi les parents n’interviendraient-ils pas à l’école ? Si un parent parle parfaitement l’anglais, pourquoi ne pourrait-il pas apprendre l’anglais aux enfants de la classe de son fils ou de sa fille dès la maternelle ? C’est à 3 ans qu’il faudrait enseigner l’anglais aux enfants. Si c’était le cas, on aurait peut-être enfin en France des enfants bilingues ! »

Avec une telle proposition, vous n’allez pas vous faire que des amis dans le milieu des enseignants...

« Il faut avoir le courage de dire les choses telles qu’elles sont : nous n’avons pas en France une éducation formidable. Ce n’est pas Marcel Rufo qui le dit mais le classement Pisa (Programme for international student assessment). Pisa, ce n’est pas uniquement l’évaluation des élèves (NDLR : étude sur les élèves de 15 ans réalisée tous les 3 ans) mais aussi l’évaluation des enseignants. »

Nouvelle source de stress depuis cette année : les nouveaux rythmes scolaires. Les parents ne cessent de répéter que leurs enfants sont fatigués...

« Un enfant fatigué, ça n’existe pas. Un enfant fatigué, ça cache un enfant déprimé. Ce que je regrette c’est que cette réforme aurait dû s’appliquer le week-end. Il aurait fallu placer cette demi-journée de classe le samedi matin. Les enfants auraient été les grands gagnants, surtout ceux qui sont les plus en difficulté. Mais c’était trop compliqué avec les parents séparés qui veulent avoir tout le week-end avec leur enfant... Résultat il y a 15 % des enfants qui entrent en 6e en ne sachant pas lire et écrire. Doit-on être fier de cette situation ? »

Les parents trop stressés ont-ils des circonstances atténuantes à vos yeux ?

« On a tous envie que nos enfants réussissent à l’école et qu’ils fassent des études que nous n’avons pas faites. »

Les parents ne sont-ils pas trop exigeants quant au choix des études ?

« Vous avez raison. Un enfant dit à ses parents qu’il veut faire un bac L et c’est tout de suite la catastrophe ! Quel que soit le métier qu’il souhaite exercer, c’est S ou rien du tout. Dans son dernier discours à la télévision (NDLR : jeudi 6 novembre), François Hollande a parlé du « drame des gosses qui n’ont rien à 16 ans ». Mon rêve, ce serait de faire rentrer un gamin de 16 ans en échec scolaire dans le système classique dans ce que j’appelle « l’école des métiers ». Le problème en France, c’est que tous les enfants doivent suivre le même tempo dans l’apprentissage. Mais je comprends aussi les parents car on est d’autant plus au bord de la route si on n’a pas de diplômes. »

Stress et pessimisme vont souvent de pair. Les Français sont-ils des inquiets de nature ?

« Les ados français sont plus pessimistes que les ados du Rwanda. La France est un pays pessimiste. À force de nous plaindre, nous sommes dans une vision apocalyptique de l’avenir. »

Les parents d’aujourd’hui sont-ils de meilleurs ou de plus mauvais parents ?

« Les parents ont fait beaucoup de progrès. Les pères sont nettement mieux. En consultation, je vois systématiquement les pères. Leur part féminine est moins scandaleuse. On tolère mieux aujourd’hui l’homosexualité. Quand je regardais tous ces défilés contre le mariage pour tous avec ses parents et leurs enfants. Je me disais : « Qu’allez-vous lui dire quand il vous annoncera son homosexualité ? » Je suis sûr que vous lui direz que vous l’aimez. »

On entend parler du burn-out parental : un phénomène de mode ?

« Je vois beaucoup de pères déprimés dans le cadre d’une séparation avec une femme aimée. Au sujet du burn-out parental, ce sont des familles où le mal-être ne doit pas exister. Ce sont des gens qui croient qu’ils vont bien mais qui sont comme tout le monde. Toutes ces théories sur le bonheur, ça me gonfle. C’est comme nier l’existence de la maladie, de la mort ou du malheur. C’est un déni de la réalité. »

Qu’est-ce que vous plaît dans ces conférences-débats que vous animez à travers la France ?

« Ça m’intéresse de voir comment les gens sont libérés. Ils posent leur question devant 400 personnes. Je leur réponds toujours par une histoire. Je suis dans le jeu de la transmission. Il y a aussi une partie plus socratique, plus théâtrale. C’est ce qui me plaît. »

C’est presque aussi fort qu’une consultation ?

« Quand c’est terminé, je suis rincé ! Il n’y a pas de filtres. Je dois être plus attentif. Je dois plus maîtriser mon contre-transfert. Le lendemain matin, je repense toujours à certaines questions. Et j’ai envie de rappeler les gens pour leur apporter une réponse plus complète. Quand une question posée dans la salle est très douloureuse, je m’arrange pour voir la personne en aparté. »

Vous risquez d’être redemandé à Rouen après votre passage du 20 novembre...

« Mais je vais devoir arrêter. Comme la télé d’ailleurs. Car j’ai le dictionnaire amoureux des enfants et des adolescents à finir. C’est mon œuvre testamentaire ! »

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY RABILLER

CONFÉRENCE-DÉBAT

Dans le cadre de son partenariat avec Version Femina, le magazine qui vous est offert chaque samedi avec votre édition, le pôle des quotidiens normands (Paris-Normandie, Le Havre Presse, Havre Libre, Le Progrès de Fécamp) organise ce jeudi 20 novembre, de 18 h 30 à 20 h, dans une salle du complexe de cinéma Gaumont aux Docks 76 à Rouen une conférence-débat avec le docteur Marcel Rufo sur le thème « le stress à l’école ».

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