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  • Des virus en attente

     

     

    Je mets ce reportage ici pour le retrouver si, un jour, ma tétralogie en cours est publiée. Le scénario est parfaitement plausible. 

     

     

    La Terre se réchauffe et les pôles fondent, faisant apparaître une menace silencieuse. Dans ces terres gelées en permanence, appelées le permafrost, des virus et bactéries sont conservés intacts, grâce au froid, depuis des dizaines de milliers d’années, mais sont prêts à refaire surface. L’équipe d’Élément Terre s’est rendue à Longyearbyen, dans l’extrême nord norvégien, à la rencontre de chercheurs et d’habitants qui vivent avec ce danger.

    Dans ce village de l'archipel du Svalbard, par exemple, sept mineurs ont été enterrés à la fin de la Première Guerre mondiale, emportés par la grippe espagnole. Le virus peut-il émerger ? La menace est-elle réelle ou fantasmée ?

    Le permafrost est une boîte de Pandore dont on ne connait pas le contenu, avec des conséquences sanitaires imprévisibles.

    Reportage Marina Bertsch, Florence Villeminot, Jonathan Walsh et Sonia Baritello.

  • LE DÉSERT DES BARBARES : Casting de la quadrilogie

     

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    La liste des personnages principaux pour :

    LES HÉROS SONT TOUS MORTS (publié aux éditions du 38)

    TOUS, SAUF ELLE

    LE DÉSERT DES BARBARES

    TERRE SANS HOMMES

     

    Le tome 4 est en cours de construction dans ma tête. D'autres personnages viendront s'ajouter.

    Pour l'instant, je m'applique à suivre les conseils de Philippe, un ami écrivain.

    "L'apocalypse de Roger" Philippe Renaissance (cliquez sur le lien)

    Corrections orthographiques, constructions de phrases, ponctuation... Pour le tome 2.

    Une fois fini, je l'enverrai aux éditions du 38 et j'attendrai leur avis.

    Pendant ce temps-là, ça sera la correction du tome 3, une dernière fois.

    Puis, je reprendrai toutes les notes que je prends au fil de mes idées pour le tome 4 et je me lancerai...

    Sur l'ensemble des tomes 2 et 3, j'arrive à 628 pages. Donc, la correction, c'est long...

    Je tiens à présenter un manuscrit le plus "propre" possible. Seule, l'histoire doit accrocher le lecteur de la maison d'édition qui jugera le texte. 

     

    CASTING

    Laure Bonpierre : sportive professionnelle, adepte de l'ultra-trail et records d'ascension.

    Gaston Floc’h: chasseur

    Lucas Marcieux : lieutenant à la SRPJ, ancien compagnon de Laure

    Lucie : compagne actuelle de Lucas

    Moses : guide africain, accompagnateur de Laure au Kilimandjaro

    Fabien Dumont : lieutenant de police

    Mathieu Denis : lieutenant de police

    Francis Thiébaut : flic, équipier de Mathieu et Fabien

    Thomas Blanchard : militaire, ami de Lucie.

    Alfonso : ami italien de Francis, receleur

    Vincenzo : ami italien d’Alfonso, faussaire

    Raphaël Guérini : truand

    Paolo Midugno : porte-flingue

    Martin Kravanski : diamantaire, receleur.

    Figueras : Indien Aruhaco, ami des Indiens Kogis.

    Kalèn ; Mamu (sage) Indien Kogi

    Ayuka : Indien, guide.

    Pierre Favre : deuxième identité de Francis Thiébaut

    Walter Zorn : Chef suprême de l’Ordre des Immortels. Concepteur du plan Nemesis.

    Fabiola Mesretti : banquière, première femme intégrant l’Ordre des Immortels

    Jonas : père de Walter Zorn

    Abraham : grand-père de Walter Zorn

    Tariq : fanatique islamiste de Daech

    Farid : frère de Tariq, mort à Kaboul

    Jacques : flic

    Martial : flic

    Laurent : flic

    Zack : garde du corps de Walter Zorn.

    Docteur Flaurent : chirurgien, hôpital sud de Grenoble

    Terence : trader pour Walter Zorn

    Nacer : islamiste, coordonnateur des attentats à Paris.

    Sélim Karmaz : banquier à Istanbul

    Akram : homme de main de Sélim Karmaz

    Aziz : islamiste, héberge Tariq

    Tian : étudiant

    Louna : étudiante

    Elizabeth : mère de Tian

    Antoine : père de Tian

    Boris Strogo: milliardaire russe, membre de l’Ordre des Immortels

    Hans Van de Kerkoff : milliardaire belge, membre de l’Ordre des Immortels

    Yves : père de Laure Bonpierre

    Lisette : mère de Laure Bonpierre

    Tim : Frère de Laure Bonpierre

    Aurore : compagne de Tim

    Alec : radio-amateur

    Gros Bill : tenancier à Christchurch

    Langlois : flic, patron de la brigade

    Didier : père de Louna

    Fabienne : mère de Louna

    Anne : compagne de Didier

    Sophie et Tristan : le couple qui a fondé un groupe de survivalistes 

    Emma et David : couple ami

    Moussad : ancien combattant de Daech, intégré au groupe de Sophie

    Kenza : ancienne otage de Daech, libérée par Moussad

    Delphine et Jean Mangin : Couple survivalistes voisins du groupe de Sophie

    Martha : fille de Delphine et Jean

    Joachim Nichols : colonel américain, ami de Walter Zorn

    Valentin Volkoff : ancien militaire russe

    Fanfan : ami de Valentin

    Markus Solberg : norvégien, homme d’entretien de l’université de biologie de Longyaerbyen.

    Ahmed , Kevin, Mouloud, Dylan, Jason, Ernesto, Domi, Kimberley, Rihanna, Stacy, Aldo, Romuald, Diego : des barbares.

    Loris : frère de Emma.

    Stella et Isabelle : étudiantes en fuite.

    Harry Boyd : ami de Tim

    Kathleen : épouse de Harry

    Matt : fils de Harry et Kathleen

    Jodie : fille de Harry et Kathleen

    Daniel et Mireille : couple de survivalistes du groupe de Valentin

    Francine : amie de Daniel et de Mireille

    Josh Randall, ancien Marines, tireur d'élite.

    Larry Hammet : pasteur, leader du groupe de L'arche. (USA)

  • LES HEROS SONT TOUS MORTS : Figueras, un personnage majeur

     

    Figueras est un Indien de Colombie, un Arhuaco, ami des Indiens Kogis, peuplade autochtone vivant dans la Sierra Nevada de Santa Marta, massif montagneux de la Cordillère des Andes.

    Laure Bonpierre le rencontre dans un train, alors qu'elle tente de rejoindre le clan des Indiens Kogis.

    Ce personnage énigmatique, porteur d'un très grand savoir, joue un rôle très important, dans ce roman et dans les deux suites que je viens de finir.

    Il sera toujours là dans le tome 4.  

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    Train de marchandises. Elle avait obtenu une place dans le wagon des mécanos. Elle y avait mis le prix. Elle n’avait pas aimé le regard surpris du chef de la loco. Trop d’argent d’un coup. Elle avait appâté un poisson qui pourrait bien la bouffer. Elle imaginait l’air réjoui de la peur qui s’imposait en elle une nouvelle fois.

    Un indien. Une intuition. Il devait avoir un rôle peu important, l’employé aux tâches ingrates. Il s’était assis face à elle. Il ressemblait au Grand Chef du Vol au-dessus d’un nid de coucou. Gigantesque, des mains comme des battoirs. Il l’étranglerait comme on tue un poussin. La peur, insoumise, l’imagination en bataille. Elle chercha à se rassurer, à s’extraire de cet étau qui l’étouffait. Compartiment rudimentaire, des bancs couverts par de vieilles toiles délavées, le revêtement plastique du plancher était déchiré à plusieurs endroits, des placards aux portes délabrées, des outils sommairement rangés, une hache fixée au mur, sans doute pour dégager des arbres tombés sur la voie. Le panneau coulissant de l’entrée était ouvert. Le vacarme des roues la raidissait.

    Il la regardait. Elle ne voulut pas soutenir son regard. Elle posa les yeux sur ses pieds. Le sac à dos en support.

    « De quoi as-tu peur ? » lança-t-il.

    Elle repassa la phrase dans sa tête, interloquée et incertaine du sens.

    « De quoi as-tu peur ? » redemanda-t-il.

    Elle leva les yeux. Il souriait.

    Ils étaient seuls dans le compartiment.

    « Pourquoi dis-tu que j’ai peur?

    -Je le sens sur ma peau. »

    Un Indien. Une certitude. Que faisait-il là ? Qui était-il ? L’impression qu’elle devait cesser de trembler intérieurement. Une intuition rassurante.

    « Personne ne te volera ici. »

    Un regard d’aigle, les yeux plissés, une peau brune qui luisait. Des muscles saillants sous sa tunique. Elle lui donnait quarante ans. Il était très beau. Des cheveux noirs et fins tombant sur ses épaules.

    « Pourquoi tu vas à Santa Marta?

    -Je veux aller voir des amis Kogis dans la montagne. »

    Le vacarme du train sur un aiguillage l’empêcha d’entendre la réponse. Elle pencha la tête en avant pour le lui signifier.

    L’Indien se leva et vint s’asseoir à ses côtés. Une démarche féline. Des sandales rafistolées, un pantalon déchiré sur les genoux.

    « Je suis un Arhuaco. Je connais les Kogis. Qui veux-tu voir ?

    -Kalén, un Mamu.

    -Il est dans le village du haut en ce moment. Tu lui donneras mon salut. Je suis Figueras.

    -Il va bien ?

    -Il va avec son âge. Je l’ai vu l’an passé. Mais il vit toujours. Sinon, je l’aurais senti. »

    Elle ne chercha pas à comprendre. Tout était possible ici. Elle le savait bien puisqu’elle aurait dû mourir sur cette terre. Et qu’un chaman l’avait sauvée. Tout était possible ici. Même ce qui n’est encore jamais arrivé.

    « Personne ne te volera dans le train.

    -Comment le sais-tu ? demanda-t-elle.

    -Je suis le chef ici. »

    Elle croisa son regard. Des pupilles comme deux soleils noirs. Elle se sentit explorer jusqu’à l’âme.

    « Même si j’ai l’air d’un mendiant », ajouta-t-il en souriant.

    Il se leva et se dirigea vers un placard. Il dénoua la ficelle qui retenait les vantaux. Il revint s’asseoir avec un panier de fruits. Il posa le récipient sur le banc.

    « Tu peux prendre.

    -Merci, répondit-elle, honteuse désormais de ses suspicions.

    -Pourquoi vas-tu chez les Kogis ? Ils n’aiment pas être dérangés par les Blancs.

    -C’est une vieille histoire. Kalén m’a sauvé la vie. Je veux les aider.

    -Comment ? »

    Elle devait mentir. Ne pas s’étendre.

    « Je voudrais créer un mouvement de soutien en Europe, pour récupérer de l’argent et les aider à racheter leurs terres au gouvernement.

    -C’est bien. Avec le malheur que les Blancs ont fait ici, il faudra beaucoup de gens comme toi pour que la terre revive. Mais il ne faut rien attendre en retour. Même pas la pureté de vos âmes. Sinon, tu la souilleras encore. »

    Une claque. L’observation de ses intentions, le désir d’être reconnue, la bienfaitrice, la femme blanche qui vient sauver le peuple des Kogis. Oui, elle devait bien admettre qu’elle s’était attribué tous ces honneurs et qu’il n’y avait rien de gratuit dans sa démarche. Les Blancs étaient-ils condamnés à n’être jamais autre chose que des esprits tortueux et torturés ? Portaient-ils comme un fardeau ancestral les dérives de leurs prédécesseurs ? Connaîtraient-ils un jour la paix véritable ?

    « Mais ne crois pas que les Indiens sont tous bons. Beaucoup sont devenus comme les Blancs. Avides et perdus. Et quelques Blancs sont devenus comme les Indiens. Il faut apprendre à sentir ce que les gens portent. Toi, tu as peur mais tu veux faire le bien aussi. Tu vas aller voir un ami à Santa Marta. Il te guidera. »

    Elle sentait la fatigue l’envahir de nouveau. Tellement de sommeil perdu. Comme une vase qui l’engloutissait, des sables mouvants où elle s’enfonçait. Jusqu’à la nausée.

    « Il faut que je me repose un peu.

    -Dors. Tu as le temps. Et laisse dormir tes peurs aussi. »

    Il se leva et se dirigea vers la locomotive. Il ferma la porte en lui adressant un sourire.

    Elle sortit une veste de son sac et le poussa sous le banc puis elle ajusta la pochette sous sa chemise. Elle devinait la sueur contre sa peau. Elle s’allongea sur le banc et glissa le vêtement sous sa tête.

    Elle s’appliqua à entortiller une sangle du sac autour de son poignet."

    Puis, elle ferma les yeux.

    ...............................................................................

    Elle courait à en mourir, l’impression qu’elle allait vomir son cœur, un étrange détachement alors qu’elle sentait la mort autour d’elle, une lucidité extrême, comme une conscience décuplée, elle savait parfaitement ce qu’elle devait accomplir mais elle ne parvenait pourtant pas à se libérer de la pesanteur de ses pas, elle devait produire des efforts gigantesques pour avancer de quelques mètres, comme si elle devait se mouvoir dans un espace gluant, un océan invisible qui ralentissait chacun de ses gestes, elle n’éprouvait étrangement aucune peur, juste l’application de ses actes, sans aucune émotion, sans aucune pensée invalidante, malgré le danger, malgré la mort, malgré l’incertitude. Rien. Elle courait au ralenti dans une extrême vigilance. L’impression d’être surveillée, un regard qu’elle n’identifiait pas, une énergie qui coulait en elle, comme un don… Incompréhension.

    Le train passa sur un aiguillage et le vacarme la réveilla.

    Elle avait vu les yeux étroits qui l’observaient. Des yeux d’Indien.

    Elle se frotta le front et s’assit sur le banc, le corps endolori et lourd. Elle leva la tête.

    Il était là, face à elle. Son regard scintillant, les prunelles comme deux soleils noirs.


     

    « Tu vois, la peur est encore en toi mais tu es sur le bon chemin. Tu commences à l’accepter et à ne plus lutter contre elle. Plus tu luttes, plus tu la nourris de ton énergie. Un jour, tu comprendras.

    -Comment vois-tu tout ça ?

    -Je ne le vois pas. Je le sens. Vous, les Blancs, vous passez votre temps à regarder avec vos yeux et c’est pour ça que vous ne voyez rien. Écoute, respire, touche, et retourne tes yeux vers l’intérieur. Là, tu pourras apprendre. Mais surtout, bien plus important que tout, arrête de penser quand ça ne sert à rien. Tu manges quand tu as faim, tu bois quand tu as soif, tu dors quand tu es fatiguée, tout cela est nécessaire parce que ton corps en a besoin. Fais la même chose avec ton esprit, apprends à penser quand c’est nécessaire. Là, tu pourras saisir la réalité. Sinon, tu l’étouffes. »

    Ces leçons de vie dans un vieux train de Colombie, face à un Indien qui lui parlait comme s’il la connaissait depuis son enfance. Un million caché sous son gilet en toile. Est-ce qu’il le savait? Que pouvait-il voir ou sentir? L’odeur de l’argent? Ou l’odeur de la peur de celle qui le porte…

    « Tu vas aller voir Ayuka. Tu lui diras qu’il doit t’accompagner jusqu’aux Kogis. Tu lui diras mon nom. Il ne te posera aucune question, il ne te demandera pas d’argent.

    -Je vais bien le payer quand même ?

    -Oui, mais c’est toi qui décideras de la somme. Une toute petite part de tout ce que tu transportes. »

    Elle le fixa et baissa les yeux. Certaine d’avoir retenu son souffle sans le vouloir, un coup au ventre, comme s’il venait d’ouvrir la sacoche et de répandre les billets sur le sol.

    « Vous avez inventé les trains et les moteurs, vous avez fait voler des avions, mais vous ne savez pas voyager à l’intérieur de vous. Alors, vous ne pouvez rien savoir des autres. Pour celui qui sait lire les âmes, tout ce qui est en vous est visible parce que ça ne vous appartient pas, tout vous échappe. Et vous croyez en plus que vous pouvez mentir aux autres. C’est à vous que vous mentez. Je ne sais pas lire les mots et les hommes qui sont allés à l’école me méprisent. Mais ils ne savent lire que les mots et ce savoir les aveugle jusqu’à ne rien savoir d’eux-mêmes. »

    Elle ne savait pas répondre. Une telle ignorance. Cette impression d’être une enfant devant un Maître et de découvrir soudainement l’immensité des espaces à parcourir. Elle courait sur les montagnes du monde et ne savait rien de ce qui la constituait, de ce qui émanait d’elle, de ce qui était perceptible.

    Et c’est pour cela qu’elle avait peur.

    Une évidence.

    Nous ne pourrions vivre en paix, les uns avec les autres, qu’avec une connaissance absolue de nous-mêmes.

    Figueras était en paix. Une paix qui semblait l’envelopper comme si l’espace intérieur ne suffisait plus, comme si cette énergie bienfaitrice éprouvait le désir des autres, comme s’il fallait propager cette lumière. Le soleil noir de ses pupilles. Et ce sourire bienveillant sur son visage, rien de connu, comme un amour diffusé, elle se sentait enlacée.

    Il lui raconta son enfance dans les montagnes, les humiliations et les spoliations, la misère existentielle des Indiens qui avaient perdu leurs racines, attirés par des illusions fatales, il parla de ses luttes, de son engagement, des enseignements qu’il avait reçus. Il avait vécu une nuit une intuition d’une force immense, une révélation sublime qui l’avait bouleversé jusqu’aux larmes. Devenir le ver dans le fruit, rogner de l’intérieur les croyances néfastes des hommes civilisés, sonder les âmes et révéler les failles. Il avait longtemps été animé par un esprit de vengeance, un désir d’humiliations puis il avait compris, peu à peu, qu’il entretenait dès lors la scission des âmes, que sa mission était souillée par des intentions perverses, qu’il devait lui-même apprendre à tendre son âme vers les autres, à ne pas juger, à ne pas souiller l’intention de la Vie. Sa colère n’était qu’une citadelle dressée. Elle n’ouvrait pas les enceintes des âmes rencontrées. Il avait sombré pendant de longues saisons, comme rongé par un Mal insaisissable, un poison qu’il avait mis longtemps à identifier. Il avait dû connaître l’effondrement pour apprendre à aimer.

    « Je te remercie infiniment Figueras. »

    Elle ne savait pas parler d’elle et elle comprit avec une violence soudaine que son ignorance intime, que cette méconnaissance des méandres intérieurs l’avait privée des plus belles flamboyances, qu’elle n’avait toujours été qu’une âme perdue cherchant frénétiquement des ancrages existentiels. Elle courait depuis des années pour une reconnaissance extérieure. Comme si une ombre pouvait se remplir, comme si les regards reçus pouvaient suffire à combler les vides.

    Un Indien venait de lui parler de son âme et elle ressentait désormais en elle un vide incommensurable.

    « Ne te juge pas, reprit Figueras. Ta colère contre toi ne serait qu’une condamnation. Réjouis-toi simplement de savoir désormais qu’il te reste beaucoup à apprendre. Reconnais simplement que tout est déjà en toi. Mais simplement que tu ne le savais pas. Simplement. Tu vois l’importance de ce mot ? Lorsque les choses que tu vis te semblent compliquées, c’est que tu n’es plus reliée à la Vie. Le réel problème n’est pas ce qui survient mais la façon dont tu le perçois. Un jour, tu comprendras. »


     

    Elle raconta ses courses en montagne, la découverte de ses qualités physiques, ses premières compétitions et la fierté qu’elle éprouvait, les premiers sponsors et l’entraînement acharné qu’elle devait supporter, la pression de plus en plus forte et ce sentiment de gâchis au sommet du Kilimandjaro.

    « C’est bien, écoute bien tout cela. Et réjouis-toi. »

    Elle ne comprenait pas d’où venait cette impression qu’il souriait en permanence alors que rien sur son visage ne l’indiquait. Une neutralité totale. Et pourtant, cette joie qui l’inondait. Elle en éprouva de la gêne. Comme un lien physique qu’elle ne commandait pas. L’impression d’être reliés, non pas d’elle à lui, mais comme deux énergies compatibles, un flux sans matière, une reconnaissance cellulaire.

    « Quand tu sauras lire en toi, tu comprendras ce que les autres portent. »


     

    Il lui raconta encore la vie de ses ancêtres, la communion avec la Nature, l’hommage rendu à chaque élément de la Terre Mère, la vie des enfants dans les tribus, les explorations spirituelles par le travail solidaire et les jeux, l’apprentissage des connaissances ancestrales, des ancrages qu’il honorait chaque jour, un respect immuable qui nourrissait ses cheminements. Les enfants recevaient des racines qui leur donnaient des ailes.

    Elle songea aux enfants de l’Ancien Monde, les ailes rognées de leurs âmes, leurs racines empoisonnées par une Histoire immonde, ces tombereaux de morts et de massacres, ces peuples exterminés et ces génocides orchestrés par des Puissants avides de richesses et de pouvoir. Rien n’avait changé. Les justifications avaient pris des tournures honorables mais les intentions restaient les mêmes. Les petits d’hommes recevaient en héritage des avenirs prémâchés, une pâte infestée par des esprits pervers, des égrégores toxiques qui les condamnaient à une imitation formatée.

    Elle réalisa soudainement que son projet était dérisoire. L’intuition que son désir consistait à emballer dans du papier cadeau des charniers infinis. Elle sentit une boule gonfler dans sa gorge, comme si la révélation l’empêchait de respirer, toute la beauté du don envisagé périssait sous les assauts impitoyables de la réalité. Peut-être même portait-elle dans ce projet, le désir de soulager sa conscience. Mais que pouvait bien représenter l’argent dispensé dans des âmes violées par des siècles d’outrages?

    L’impression que tout cela allait voler en éclat.

    Elle regarda Figueras. Il ne la quittait pas des yeux, comme attentif à des messages sans paroles, percevant des pensées insoumises.

    « Tu auras tes réponses quand elles seront nécessaires », avança-t-il en souriant pour de bon.


     

  • L'empreinte carbone d'AVATAR 2

    Je n'ai pas l'intention d'aller voir ce deuxième film. Autant j'avais trouvé l'image magnifique, une technologie effectivement stupéfiante mais le scénario guerrier de la deuxième partie et des scènes de bataille interminable m'avaient franchement déçu et lassé. 

    La question s'était posée pour moi de l'empreinte carbone d'un tel déploiement de haute technologie quand le film se veut porteur d'un message écologique. 

    Cet article reprend cette problématique et montre comment James Cameron a tenté de la résoudre. Et où on voit la puissance décisionnaire des financiers au regard de la promotion du film...

    Je lis par ci par là que le message écologique est puissant et peut toucher les jeunes générations. J'aimerais alors savoir si les jeunes générations vont aller voir ce film pour son aspect "philosophique" ou pour les effets spéciaux. Et la question est donc de savoir si l'emploi considérable de cette technologie est vraiment nécessaire quand on veut développer un message spirituel. S'il s'agit de montrer la richesse extraordinaire de la nature et les conflits entre colons et peuples autochtones, le film de Terence Malick, " Le nouveau monde" est à mon sens bien plus puissant. Et je ne parle pas de la beauté de la musique de ce film au regard de la musique assourdissante du premier Avatar...

     

     

     

    Publié le 16 décembre 2022 à 17h09

    Pop culture

    Séries et cinéma

    Les coulisses d’Avatar 2 sont-elles aussi écolos que le film ?

     

    Panneaux solaires et repas végans

    Temps de lecture : 6 min

    L'avatar de Marcus Dupont-Besnard

    Marcus Dupont-Besnard

    Source : Avatar 2 : La Voie de l'Eau

    Avec Avatar : La Voie de l’Eau, James Cameron livre un grand film écologique, construit autant comme un conte que comme du grand spectacle. Mais le message d’Avatar 2 est-il cohérent avec la façon dont il a été produit ? La réponse est oui — à ceci près que c’est pour la promotion que le bât blesse.

    À l’image d’Avatar, et peut-être plus encore, sa suite Avatar : La Voie de l’Eau est un chef-d’œuvre. La beauté visuelle n’est pas la seule raison, car c’est aussi dans l’écologie que ce second opus brille d’intelligence et de poésie. Ce constat est particulièrement rare à l’échelle de blockbusters.

    Une question peut alors légitimement se poser : les coulisses de tournage, de production et de promotion du film sont-ils cohérents avec les messages du film ? La réalité est meilleure que ce que vous pouvez imaginer… mais n’est pas épargnée par quelques paradoxes.

    Une production « zéro carbone »

    Assez tôt par rapport aux usages, James Cameron a milité pour l’usage de drones, plutôt que d’hélicoptères, pour tourner les scènes aériennes. Mais le réalisateur s’est aussi engagé, dès 2012, dans une tâche ambitieuse : produire les suites d’Avatar à l’énergie propre.

    Kiri, la fille de Neytiri et Jake, dans Avatar 2. // Source : Avatar : La Voie de l'Eau

    Kiri, la fille de Neytiri et Jake, dans Avatar 2. // Source : Avatar : La Voie de l’Eau

    L’objectif : réduire l’empreinte carbone d’Avatar 2 et d’Avatar 3, voire atteindre un bilan zéro carbone, concernant en tout cas la réalisation des films. Il détaillait alors durant un reportage de l’époque : « Je ne veux pas que les gens puissent venir me voir à la sortie en me disant ‘vous êtes un écologiste faisant un film sur comment on devrait se comporter et pourtant vous utilisez toute cette énergie pour alimenter ces ordinateurs’. J’ai entendu cette critique, quand on a fait le premier film, donc on a fait quelque chose pour ça. »

    Il y a dix ans de cela, donc, James Cameron s’engageait dans la construction de panneaux solaires pour le studio principal de tournage et de production de sa saga — afin que cette énergie solaire alimente en électricité les ordinateurs et les systèmes de capture de mouvement.

    « Nous avons fait installer un mégawatt de panneaux solaires sur le toit de notre studio »

    James Cameron

    C’est donc ainsi que La Voie de l’Eau, et le troisième opus pour 2024, ont été réalisés. « Nous avons établi très tôt quelle serait la quantité d’énergie nécessaire et, à la suite de ces études, nous avons fait installer un mégawatt de panneaux solaires sur le toit de notre studio. Non seulement ils ont fourni l’énergie nécessaire pour tous nos ordinateurs et nos serveurs, mais nous avons obtenu en prime un surplus que nous avons pu vendre aux Manhattan Beach Studios », rappelait récemment le réalisateur, au magazine Trois Couleurs. « C’était donc une très bonne affaire financièrement, en plus de nous garantir une empreinte carbone négative. »

    Des repas végans sur le tournage

    La mise en pratique des messages du film ne s’arrête pas là. Avatar : La Voie de l’Eau aborde la protection des espèces — un propos d’autant plus pertinent à l’époque de la 6e extinction de masse causée par les activités humaines. Si James Cameron est végan (non-consommation de tout produit de provenance animale), qu’en est-il des tournages ?

    Les espèces marines de Pandora sont à l'honneur dans cette suite // Source : Avatar La Voie de l'Eau

    Les espèces marines de Pandora sont à l’honneur dans cette suite // Source : Avatar La Voie de l’Eau

    Là encore, le réalisateur a impulsé une mise en cohérence : l’intégralité des repas servis dans les selfs des studios étaient des plats végans. Pour tous les studios, toutes les régies, toutes les sections de capture de mouvement — bien que tout le monde était évidemment libre d’aller manger ailleurs que dans ces cantines.

    « Nous devons vivre nos vies, en tant que personnes travaillant sur ces films, en cohérence avec le message des films. »

    James Cameron

    Il a expliqué à Deadline : « Je me suis assis avec toute l’équipe — environ 130 personnes alors — et j’ai dit : ‘Ces films, nous ne les faisons pas seulement pour gagner de l’argent ou pour faire des images cool et imaginatives avec des animations incroyables. Nous les faisons dans un but plus élevé, parce qu’ils signifient quelque chose. Et nous devons agir en conséquence. Nous devons vivre nos vies, en tant que personnes travaillant sur ces films, en cohérence avec le message des films. Nous allons donc tous manger végan sur cette production.’ Vous auriez pu entendre une épingle tomber dans une pièce de 130 personnes. »

    La limite : la promotion du film ?

    Voilà qui dresse un tableau assez positif des coulisses d’Avatar 2 et d’Avatar 3 en matière d’empreinte environnementale. Un élément reste toutefois encore en suspens dans l’équation : la promotion du film. C’est là que le bât blesse pour un blockbuster. Évidemment, il y a l’ensemble des trajets, en avion notamment, entrepris par l’équipe du film. S’ajoutent les écrans publicitaires. Et la liste de ces ingrédients pourrait être plus longue.

    Le clan Metkayina est le peuple maritime de Pandora. // Source : Avatar 2

    Le clan Metkayina est le peuple maritime de Pandora. // Source : Avatar 2

    Mais ce qui a le plus attiré l’attention des fans de la franchise est une vidéo prise au Japon, début décembre, où l’équipe du film (dont James Cameron) assiste à un spectacle promotionnel impliquant des dauphins captifs. Or, le Japon est réputé pour sa cruauté dans la capture de cette espèce. La situation contrevient pleinement aux idées de James Cameron et à ce que défend le film. Une phrase du réalisateur semble d’ailleurs teintée à demi-mot de son propre malaise : « Je suis sûr que tout le monde leur a demandé la permission pour les intégrer au spectacle… J’aime ces animaux, j’aime leur intelligence. »

    Qu’en est-il de la cohérence sur laquelle le réalisateur a tant travaillé pendant 10 ans ? La réalité derrière cette séquence est assez limpide : l’équipe n’a pas eu son mot à dire. La distribution est gérée à l’échelle du studio de production (20th Century Fox / Disney) et les événements auxquels assister sont contractuellement imposés. Il semblerait que personne, au département marketing, n’ait perçu (ou eu envie de percevoir) l’absurdité de la situation. Si le studio est peut-être prêt à concéder des efforts dans le processus de création, étant donné le poids de Cameron à Hollywood, les enjeux financiers pour la réussite du film en salles sont une tout autre histoire. Et l’Asie est un marché conséquent.

    Il y a d’ailleurs un passif en la matière, puisqu’on sait que James Cameron et la Fox s’étaient déjà opposés par le passé. Un cadre de la production aurait demandé, pour le premier film, à ce que le message environnemental soit tout bonnement… supprimé. « Il y avait une inquiétude, concernant Avatar, que les thèmes environnementaux — explorés à un niveau profond et spirituel — nuisent au film. Quelqu’un à la Fox, qui n’est plus là aujourd’hui, a dit : ‘Y a-t-il un moyen de réduire ces conneries de New Age, d’écologistes et de hippies ? », relatait-il en 2011.

    Alors : Avatar, blockbusters écolo ou non ?

    Indéniablement, Avatar 2 : La Voie de l’Eau est d’autant plus unique en son genre que la dimension écologique au cœur du film est cohérente avec son processus créatif — tout du moins en partie (ce qui est déjà beaucoup pour un blockbuster mettant en jeu des dizaines de millions de dollars). Il est donc vrai que James Cameron a su changer les choses et pousser la logique aussi en coulisses.

    Le biome de Pandora fait rêver. // Source : Avatar 2

    Le biome de Pandora fait rêver. // Source : Avatar 2

    Mais la réalité d’un monde où l’écologie n’a pas tant que cela sa place dans la prise de décisions est vite revenue en pleine figure de la saga : pour diffuser le message d’Avatar, il faut passer par le circuit type de l’entertainment, lui-même empreint de capitalisme et donc d’une considération assez faible pour l’écologie.

    Sauf que James Cameron l’a dit lui-même en 2012 : il avait été touché par les critiques sur le coût énergétique de production du film, et c’est aussi pour cela qu’il a eu la motivation d’améliorer cet aspect. Le buzz de la vidéo prise au Japon ne restera probablement pas lettre morte en coulisse. Les fans, qui aiment la saga et le réalisateur pour leur amour du vivant, peuvent légitimement ressentir de la déception. On peut toutefois imaginer que, pour Avatar 3, une telle situation en inadéquation totale avec l’œuvre devienne impossible.

    Il y a par ailleurs un tableau plus large encore. L’impact d’Avatar sur la société n’est autre qu’une vaste diffusion de la conscience écologique — c’est aussi dans les imaginaires que cela se joue. Et l’impact de sa production sur Hollywood est une démonstration objective que certaines méthodes plus positives sont tout bonnement… possibles !

    Découvrez notre podcast « La 6e extinction »

    Notre podcast La 6e extinction, écrit et narré par la vulgarisatrice scientifique Marie Treibert, explore la crise du vivant causé par les activités humaines… mais avec des notes d’espoir ! Les épisodes sont disponibles sur toutes les plateformes d’écoute. Le premier épisode aussi à découvrir sur le player ci-dessous :

    Actualités et décryptages autour de Avatar 2 : La Voie de l'Eau

    Les coulisses d'Avatar 2 sont-elles aussi écolos que le film ?

    Avatar 2 La Voie de l'Eau : critique sans spoiler du chef-d'œuvre écologique

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    Au fait, comment se terminait Avatar 1 ? Notre récap avant Avatar 2

    Comment le premier script d'Avatar 2 de James Cameron a fini à la poubelle

  • SEENTHA de Jean-Michel ARCHAIMBAULT

     

    Seentha | Jean-Michel Archaimbault | 2009

    SEENTHA de Jean-Michel ARCHAIMBAULT

    éditions Rivière blanche (2009)

    Je ne lis plus de SF depuis bien longtemps après avoir pourtant adoré Asimov, Van Vogt, Silverberg, Anderson, Dick, Sturgeon, Stefan Wul, etc...

    Je ne connaissais donc pas Jean-Michel Archaimbault. Et sans aucune hésitation, je le range avec les auteurs cités ci-dessus.

    Plus d’une fois, lorsque j’étais jeune, je me suis demandé si ces auteurs de SF n’étaient pas des esprits revenus d’un futur lointain.

    Autant, il est aisé de se documenter sur les faits passés pour écrire un roman historique, autant j’ai toujours trouvé fascinant l’imagination de ces auteurs de SF capables de créer des mondes inconnus, des technologies qui dépassent mon entendement, sans aucune possibilité de puiser dans des connaissances étayées, connues de tous, à travers des faits anciens.

    Là, tout est à inventer et il faut pour cela une imagination qui me sidère. Ou alors user de souvenirs d’une vie qui n’a pas encore pris forme dans l’époque en cours, une vie qui vient d’un temps qui n’a pas encore existé.

    Je pense donc que Jean-Michel Archaimbault vient du futur.

    Je ne développerai pas le fond de ce roman parce que la richesse ne se décrit pas, au risque d’en donner une vision appauvrie. C’est un roman de SF, une œuvre totale, un espace au-delà du connu. Pour ce qui est de la forme, c’est magistral. D’une part parce que le foisonnement de termes et de descriptions de technologies dont j’ignore s’ils existent ou s’ils sont pures inventions ne sont jamais source d’égarement ou de lassitude. Bien sûr, il m’a fallu accepter de plonger dans ce bain linguistique et de ne pas en saisir à coup sûr la pleine compréhension. Je me suis donc laissé emporter par le flot et il est arrivé un moment dans la lecture où je lisais ces termes comme si je les avais toujours fréquentés et c’est là que j’ai réalisé que l’ensemble du texte contenait tout ce dont j’avais besoin pour être happé.

    L’histoire est complexe mais les personnages ont une densité si forte qu’ils l’emportent sur cette fatigue qui aurait pu survenir s’il ne s’était agi que d’une description de technologies toutes plus fascinantes les unes que les autres. L’humain prédomine. Les relations sont plus prenantes que les vaisseaux les plus sophistiqués, que les technologies les plus étourdissantes.

    Bien sûr que la trame a une importance considérable. Aucun roman ne peut être aimé en dehors de son histoire, qu’elle que soit la maîtrise de l’écriture. La technique n’a pas de vie, elle doit la servir. Tout comme un roman dont l’histoire est fascinante n’aura pas d’existence s’il n’est pas nourri par une technique d’écriture incontestable.

    Ici, les deux paramètres sont réunis.

    Plus d’une fois, j’ai tenté d’imaginer l’auteur devant ce défi de maintenir une écriture aussi riche et une histoire aussi foisonnante d’idées, cette projection dans un futur aussi lointain, des technologies aussi étourdissantes. Quelle est la vie intérieure d’un esprit capable d’imaginer cela ? Quel est son rapport avec la vie quotidienne de notre époque ? D’où viennent des pensées aussi éloignées de notre réalité ? Je n’ai pas la réponse et c’est une interrogation qui me renvoie inévitablement à cette hypothèse qu’il s’agit d’un esprit revenant d’un futur qui nous échappe, à nous, humains contemporains.

    Fascinant.

    Je ne connais rien à l’œuvre de Wagner et à son « Hollandais volant ». Je ne connais pas grand-chose de la mythologie. Et je n’en ai éprouvé aucun manque. De ce que j’ai lu sur ce roman, des divers commentaires trouvés sur le Net, j’ai toujours vu citées ces références. Mon ignorance n’a aucunement amoindri mon plaisir à cette lecture. Cette histoire, pour moi, existe en dehors de ces cadres artistiques même si j’imagine que l’auteur a tenu à témoigner par ce roman de son admiration pour l’œuvre de Wagner, pour les opéras, pour la mythologie. L’idée d’inclure tout cela dans le cadre d’une histoire appartenant à la science fiction était un défi de taille.

    Mission accomplie.

     

    Seentha | Jean-Michel Archaimbault | 2009

     

     Un article ajouté/rédigé par  | 23/07/2018 | Lu 1701 fois

    https://www.legaliondesetoiles.com/Seentha--Jean-Michel-Archaimbault--2009_a3476.html
     

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    Seentha | Jean-Michel Archaimbault | 2009

    Seentha | Jean-Michel Archaimbault | 2009

    Cet ouvrage débute par un prologue chargé et peu digeste(1) d’une vingtaine de pages. Là, je dois dire en toute sincérité que j’ai galéré pour affronter ce passage obligé. La lecture du prologue terminée, je souffle un peu. Puis, arrive l’acte premier qui s’ouvre avec la scène 1 qui se déroule dans l’espace, à bord du vaisseau Aniara II, à deux mille six cents années-lumière de l’amas des Hyades. Et là, tout à coup, je retiens mon souffle, happée par les premières phrases du chapitre ! Dès lors, impossible de lâcher cet ouvrage jusqu’à son acte dernier !

    Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre avec cet ouvrage, et j’ai été agréablement surprise par cette lecture. Quelle belle découverte ! Pour ne point gâcher votre plaisir de lecture, je n’entrerai pas dans les détails du récit. Sachez simplement que « Seentha » est en quelques sortes une revisite à la sauce SF des opéras « Le Hollandais Volants » et « Tristan et Iseut » de Richard Wagner, soupoudrés de mythologie nordique. On y retrouve les thèmes majeurs de ces deux œuvres, tels que l’errance, l’arrivée d’un personnage inconnu, le sacrifice et l’amour absolu qui a un goût de folie et de mort. Chers lecteurs, soyez prêts à prendre part à un jeu cruel aux dimensions du cosmos !

    Lire la suite de l’article de Koyolite Tseila pour Le Galion des Etoiles :

    Seentha | Jean-Michel Archaimbault | 2009 (legaliondesetoiles.com)


  • "Pardon, pardon..."

     

     

    Désespérant, effarant, d'une tristesse immense. "Pardon, pardon..." Nous devrions tous le dire et puis nous engager, corps et âme, parce que les mots ne suffisent pas.

    Cette semaine, on a passé le cap des deux cents plantations, arbres, arbustes, haies fruitières. Quand on court en forêt, on repère des jeunes arbres qui poussent sur le sentier, sur une piste forestière, au bord d'une route, tous ces arbres dont l'espérance de vie est très réduite. Alors on revient avec une binette et on les déterre pour les planter sur notre terrain, là où ils auront un avenir assuré. Une petite forêt qui nous survivra.  

     

    https://lareleveetlapeste.fr/proteger-les-forets-pour-proteger-leau-donc-la-vie-tribune-dun-forestier/

    Protéger les forêts pour protéger l’eau, donc la vie : tribune d’un forestier

     

    Et si cette protection des sols et de la résilience forestière naturelle, qui a juste besoin du temps et de l’espace nécessaire, ne deviennent pas une priorité absolue, si l’on ne prend pas conscience qu’il faut dès à présent s’adapter au temps dont elle a besoin, et non plus essayer de l’adapter au temps de nos courtes générations, alors nous allons, très vite, le payer, et très cher.

    27 février 2020 - La Relève et La Peste

    Forêts est le seul livre en France à faire un tour d’horizon aussi complet sur notre monde végétal. Intelligence et communication, protection des forêts, déforestation… bien d’autres sujets vous attendent pour vous émerveiller et vous donner une dose d’inspiration positive.

    - Thème : Intelligence et communication, protection des forêts, déforestation, santé…
    - Format : 300 pages
    - Impression : France

     

    Commander

    Ecrit en fin d’année 2019 par un forestier de l’ONF, membre du Snupfen-Solidaires de Franche-Comté, nous avons décidé de relayer son cri du cœur, plus que jamais d’actualité. Alors que l’ONF est en proie à une privatisation qui menace les forêts françaises, son témoignage nous appelle à regarder les choses en face, à faire le deuil de ce que nous avons déjà perdu, et à agir.

    J’ai commencé en 1998… Une autre époque. Un triage de 800 hectares, deux communes. Le temps de faire les choses bien, propres, dans le détail. Le temps de discuter avec le papy qui sort son bois de la tourbière avec sa brouette, d’échanger avec les bûcherons, les ouvriers, pour qu’ils me racontent aussi, qu’ils m’apprennent.

    Les plus beaux hêtres se tranchaient à 3500 francs du mètre cube, et les feuillus précieux flambaient, vendus à la pièce sur les parcs à grumes, jusqu’à 90 000 francs du mètre cube ! Du jamais vu…

    En ce temps-là, les marteaux étaient toujours au coffre, à la division, gardés comme un trésor. On ne coupait les feuillus qu’en hiver, hors sève, et on attendait le gel pour débarder. Le bûcheronnage était saisonnier… comme les dégagements sylvicoles.

    Et puis, le 26 décembre 1999, j’ai compris. J’ai compris qu’on ne maîtrise rien, tout forestier qu’on soit. Qu’on ne sait rien de l’avenir, du possible ou de l’impossible. Que la nature, quoi qu’il arrive, a le dernier mot. J’ai vu mes collègues perdre toute leur vie de travail en deux heures. Perdre tous leurs repères…

    Le monde entier est venu acheter du bois : on a rempli des wagons, des containers, qui partaient jusqu’au bout du monde. On a cubé pendant des mois, tous les jours, des milliers de mètres cubes, des kilomètres de grumes le long des routes. On était les forestiers de l’an 2000, et on avait l’impression de vivre l’apocalypse forestière…

    Mais la forêt a repoussé, riche de cette glandée qu’on attendait depuis quinze ans, de toutes cette fructification miraculeuse, juste avant Lothar.

    Elle savait, la forêt.

    Crédit : Zoë Gayah Jonker

    Nous, forestiers de l’an 2000, allions passé notre vie à mener ces peuplements issus de cette terrible tempête. Mon premier triage ravagé, j’ai découvert la sylviculture extensive, le cassage, le traitement irrégulier. Dans des trouées de 200 hectares, les ouvriers ont repris le croissant. Et ils étaient contents. Et c’était beau toute cette régé mélangée, riche, vive…

    C’était beau, même s’il fallait lutter encore, pour que les crocodiles qui voulaient profiter de la tempête ne mettent pas la main sur ces forêts, ne massacrent pas les sols pour en faire des lotissements, des routes, des carrières, à coup de milliers d’euros.

    Des millions promis en masse aux communes sinistrées, et même aux directions qui voyaient d’un bon œil arriver les 12% de ces jolis millions promis… Il a fallu convaincre, défendre, tenir bon malgré les menaces, montrer aux élus toute la richesse de ces milieux meurtris mais si importants…

    Et puis il y a eu la réforme aussi. On a lutté, oui, de toutes nos forces je crois. C’était beau. Nous étions ensemble, solidaires. Je pense vraiment qu’on a réussi à éviter le pire, malgré tout. Mon deuxième triage, sur 7 forêts, a pris d’abord une, puis trois, puis 5 forêts supplémentaires au fil des années. On m’a changé d’équipe, on m’a retiré les forêts debout pour des forêts rasées. On a eu la canicule aussi, en 2003, son lot de chenilles, de scolytes…

    On s’est mis à marteler à la peinture, toute la journée, toute l’année. A couper les bois en toute saison, à débarder par tous les temps, pour les ventes. Tout s’est mis dans le même rythme. Mais toujours, toujours la forêt repoussait.

    On nous disait tout ce qu’on ne ferait plus, que tout irait bien, parce que les communes s’en débrouilleraient plutôt que de payer. Mais elles payaient, les communes, cash, pour que surtout rien ne change.

    A la seizième forêt qu’ils m’ont rajouté, j’ai dit non. Stop. J’ai laissé mes 500 cessionnaires, mes papys, mes conseils municipaux, mes petites et grosses mairies, mes bucherons caractériels. J’ai choisi la montagne, plus loin, plus dure, plus rude, mais si belle aussi… La forêt des pentes et des roches, mélangée, jardinée. La francomtoise. J’y ai retrouvé le marteau et les saisons…

    Crédit : Thomas Tixtaaz

    Et moi qui m’étais juré de ne jamais porter d’étiquette, j’ai sauté le pas : j’ai pris des engagements, vraiment, au Snu. J’ai porté ses valeurs, son cri, car c’était aussi les miens : quelles forêts pour nos enfants ?

    On a lutté oui, de toutes nos forces, défendu ces forêts et leurs forestiers.

    J’ai découvert le mépris aussi, de ceux qui font semblant de nous écouter mais qui n’entendent rien, parce qu’ils savent mieux. Mais le mépris aussi de ceux qui se demandent toujours : « Mais que font les syndicats ??? » J’ai pris la morsure des sous-entendus…

    Ben oui parce que quand tu sièges tu n’es pas sur ton triage, donc tu ne fais rien. Et quand tu n’obtiens pas ce que veulent ceux que tu représentes, c’est que tu ne sers à rien, que tu es vraiment nul, que tu vas juste glandouiller avec tes potes pendant que les autres bossent !

    Et si tu ne sièges plus parce que cette mauvaise foi en face est juste insupportable, ce gouffre entretenu entre la direction et notre réalité quotidienne, la malhonnêteté des promesses jamais tenues, quand en face de toi les dirigeants eux-mêmes s’assoient sur la loi pour faire la leur, quand tu renonces parce que même si tu dis non ça ne change rien, les autres, ceux qui restent en forêt sans surtout en sortir, tu les entends encore : mais que font les syndicats ?

    Et toi, tu fais quoi ?

    J’ai vu les dépressions des collègues autour de moi, les burn-out. Les départs en retraite non remplacés. Les collègues déçus, aigris, plein d’amertume, partir soulagés en nous souhaitant bonne chance et bon courage. Les contractuels non renouvelés.

    Mais il y a eu des belles choses aussi. J’ai vu les jeunes arriver, motivés, heureux. On s’est mis à garder des bois bio, à tenir compte ça et là des sols, des oiseaux, de toutes ces espèces en train de disparaître. Les réseaux naturalistes se sont développés. Je me suis enrichie de toujours plus d’expériences, d’échecs et de réussites, de petites victoires et de grandes déceptions.

    Et puis, toujours, nourrissant, ces petits moments de grâce dans le quotidien du forestier : la lumière dans les houppiers dans les fins de journée d’automne, le givre qui fige la moindre brindille au petit matin, le faon niché et tremblant sous la ronce, la mer de nuage sous la crête… Le chant d’une Tengmalm au détour du chemin, le grand tétras levé au bout d’une virée … Tous ces petits riens qui font de ton métier l’un des plus beaux, que tu ne changerais pour rien au monde.

    On s’est adapté aux nouveaux services, aux nouveaux départs, aux expérimentations, au TDS, aux nouvelles directives, aux contre-ordres, aux notes de service, à Teck, à ProdBois, aux services qui se vident, aux postes jamais pourvus, aux intérims interminables.

    J’ai appris à dire non, encore. C’est très mal vu, mais salutaire.

    On a aussi martelé des peuplements entiers de chênes de 45 au-dessus de rien, parce qu’il y avait du retard dans les aménagements, parce que la surface d’équilibre, parce que ceci, parce que cela. J’ai vu les prix des bois chuter toujours plus bas, remonter parfois avant de redescendre, la direction demander de prélever plus pour compenser.

    J’ai vu des bûcherons payer toujours plus de charges sans pour autant gagner un euro de plus. 100 francs du mètre cube en 1999, 15 € en 2019 : étrange, mais ça n’a pas bougé. J’ai vu des gros bois partir en tritu : des siècles de croissance pour finir en lamellé collé dans un meuble en kit qui finira à la déchetterie dans dix ans… Pour 38 €, 250 balles…

    Je ne m’y fais pas, ça me fait toujours mal, à chaque fois. Je préfère les savoir mourir en forêt de leur belle mort.

    J’ai vu des machines de plus en plus grosses, de plus en plus lourdes, sortir tout de la forêt, parfois jusqu’aux feuilles et aux aiguilles. J’ai vu des forestiers retourner marteler parce que l’objectif n’était pas atteint. J’ai senti l’amertume de ceux qui n’avaient pas eu le concours, l’examen, des contractuels payés au lance-pierre et gentiment remerciés. Pour boucler le budget on a fermé le campus, vendu les Arcs, vendu le siège pour mieux le louer ensuite.

    J’ai vu le bon sens se perdre, comme fondu, au nom du chiffre, des objectifs, et du budget …

    Et puis il y a eu 2019. Ce printemps-là, j’ai compris plus encore. En 2019, les sapins se sont mis à sécher même en hiver… Même les plus beaux, surtout les plus beaux, les plus vieux, les plus grands, les uns après les autres, se sont éteints, comme ça, soudain. Il s’est mis à pleuvoir des feuilles et des aiguilles, en plein été, même dans les jeunes peuplements, même dans les peuplements les plus mélangés, les plus sains, même en RBI.

    En plus des frênes qui mourraient déjà, se sont mis à sécher les hêtres, les sapins, les épicéas. Le paysage a changé, très vite, en quelques mois… J’ai marqué des bois secs ou en train de mourir tous les jours. Tous les jours.

    Crédit : congerdesign

    Et j’ai compris que moi, forestier de l’an 2000, je ne laisserai peut-être rien derrière moi… Rien du travail de toutes ces générations de forestiers, rien de ces vingt ans à y croire si fort.

    Le gibier en surpopulation bouffe tout en dessous, tout sèche au-dessus. Le gel de mai a cramé les feuillus, puis ils ont pris la canicule de juin, puis celle de juillet, puis celle d’août. En octobre, les scolytes continuaient encore dans les épicéas.

    Et j’ai pleuré, oui, j’ai pleuré. Je n’ai pas honte de le dire.

    J’ai pleuré en martelant des sapins centenaires, qui se dressaient si fièrement hier encore. Je leur ai demandé pardon, à eux qui ont traversé les deux guerres, la sècheresse de 76 et celle de 2003, qui ont survécu à Lothar, à la neige, au vent, aux orages et aux crues…

    Pardon, pardon pour les hommes… pardon pour tout ce carbone rejeté sans conscience, pardon pour cette insouciante surconsommation perpétuelle, pardon pour cette chaleur implacable qui vous tue… On savait, depuis longtemps, mais on a continué, comme si de rien n’était… Pardon, pardon…

    On a tous, chacun, notre responsabilité. Parce qu’on n’a pas entendu, pas cru, parce qu’on a pensé que c’était pour demain, et que demain ce ne serait pas pour nous, pas pour eux… Parce qu’on s’est laissé convaincre, qu’on a laissé gouverner les crocodiles, préservé notre petit confort… Parce que la lutte n’a pas suffi…

    J’ai compris que mes petits enfants ne connaitraient pas ces forêts de grands bois, si fiers, si riches… Que le monde qu’on a connu jusqu’ici ne sera plus jamais le même. Il y a, à un moment donné, quelque chose qui s’est brisé en moi…

    On m’a dit de ne pas m’inquiéter, que ce n’était pas si grave. Que ça allait s’arranger. S’arranger ? Les étés à venir ? Les canicules, les sécheresses, les parasites, les tempêtes, les crues ? Non, soyons réalistes, honnêtes avec nous-même. Ça ne va pas s’arranger. Nous le savons très bien.

    Les sapins, les hêtres, ne sont pas faits pour des températures de 40°, des nuits sans rosée. Le chalara, les chenilles, les scolytes, non, ça ne va pas s’arranger.

    Au bout de six mois, oui, finalement tout le monde a reconnu qu’il y avait là une crise, grave. Il y a des embauches de CDD, non affectables aux triages vacants bien sûr, des financements pour les camions qui emmènent les bois au large. Mais le feuillus précieux partent chez Ikea, les scieurs locaux n’ont plus de contrats, il a fallu leur vendre nous-même nos lots sans le service bois. On continue de marcher sur la tête, à l’envers…

    Mais depuis quelques semaines, je sais, moi, forestier de l’an 2000, quel est mon projet pour les 20 prochaines années. Parce que comme il y a vingt ans, les crocodiles vont revenir à l’assaut, auprès des communes démunies. Ils vont essayer de convaincre, promettre les milliers, les millions d’euros.

    Si nous n’avons, nous, en face, qu’un argument de dépenses et de plantations aléatoires à leur proposer, qui s’adapteront peut-être malgré les printemps secs, malgré le gibier, à coup de subventions, ou pas, si c’est ça notre réponse, on va droit dans le mur.

    Mais la forêt, résiliente, toujours, s’adaptera. Il faut juste lui laisser le temps et l’espace nécessaire. Préserver à tout prix, cet espace, et ces sols.

    Ce ne seront plus les mêmes forêts, les mêmes arbres. Le climat nouveau est arrivé, et ce sont d’autres essences, d’autres équilibres qui vont se mettre en place. La forêt nouvelle s’adaptera. Laissons-lui juste le temps, les dizaines d’années nécessaires.

    Mais en attendant, nos arbres ne tiendront plus les sols de montagne, les roches, ne retiendront plus les crues, ne réguleront plus l’eau, là-haut. Alors partout, jusqu’au plus bas de la plaine, tous en subiront les conséquences. Nous n’en avons pas fini avec les inondations, ni avec les sécheresses.

    Malheureusement si nous, forestiers, sommes aux premiers fronts, je crains que tant qu’il y a de l’eau au robinet, peu de gens prennent vraiment conscience de l’urgence, de la gravité de la situation. Mais il va venir très vite le moment où l’eau ne coulera plus au robinet. Bien plus vite qu’on ne le pense, car nous sous estimons largement la part de la biosphère dans les équilibres climatiques.

    La disparition de la forêt, même juste pour un temps, même juste pour une ou deux générations humaines, c’est la disparition de la régulation de l’eau.

    Crédit : Jp Valery

    Et ce n’est pas en jouant aux apprentis sorciers, en espérant accompagner les migrations des espèces végétales sans que l’on sache du tout quelle sera l’évolution du climat dans 10, 20, 60 ans, en plantant tout et n’importe quoi n’importe où, qu’on va éviter ça.

    Non, le boulot du forestier d’aujourd’hui et de demain ne sera plus de produire ou de récolter du bois, ouvrons les yeux, mais bel et bien de protéger les forêts pour protéger l’eau, donc la vie.

    Protéger les forêts pour protéger l’eau, donc la vie. Pas seulement celle de la faune et de la flore, mais toute la vie, de toutes les espèces, nous compris.

    Et si cette protection des sols et de la résilience forestière naturelle, qui a juste besoin du temps et de l’espace nécessaire, ne deviennent pas une priorité absolue, si l’on ne prend pas conscience qu’il faut dès à présent s’adapter au temps dont elle a besoin, et non plus essayer de l’adapter au temps de nos courtes générations, alors nous allons, très vite, le payer, et très cher.

    J’ai reconnu cette brisure en moi, je l’ai reconnue car je l’ai vue dans les yeux de mes collègues en 2000. Mais cette brisure j’en ai fait une force aujourd’hui : mes yeux sont ouverts, je sais où est ma place, quel est mon rôle. Si le quotidien reste difficile, je sais, moi, mes priorités absolues.

    Et je sais combien chacun a besoin du forestier pour être là, pour protéger ce qui survit des feux à venir, de la destruction des sols forestiers, de la pollution et des crocodiles. Gageons qu’il faudra beaucoup, beaucoup de temps avant que cette prise de conscience monte jusqu’aux cerveaux encombrés de nos dirigeants.

    Espérons que lorsque l’eau ne coulera plus au robinet, que lorsque la Seine aura envahi Paris, ils feront le lien, et réfléchirons non plus en euros, mais avec du bon sens, non plus à échéance électorale, mais à l’échelle de la vie.

    Je suis forestier de l’an 2000, et la première chose que j’ai apprise, lorsque j’avais vingt ans, c’est que le forestier doit avant tout préserver sa surface forestière, l’état forestier. C’est ce qu’il y a de plus difficile, mais c’est notre métier, avant tout. Il est plus que jamais fondamental aujourd’hui. Tout ce que nous pourrons préserver donnera une chance supplémentaire à nos enfants, à nos petits-enfants, de connaître les arbres, les forêts, l’eau. De survivre… Ne l’oublions jamais.

    27 février 2020 - La Relève et La Peste

    "Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

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  • Rien ne meurt en soi.

     

     

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     J’avais onze ans. Je vivais en Bretagne. Mes parents avaient fait construire une maison près des bois. Avec mon vélo, il me fallait vingt minutes pour arriver à la plage. Mon vélo, c’était le Solex de ma grand-mère, le moteur avait fini sa carrière et je l’avais entièrement démonté à grands coups de burin…Je me levais à sept heures les jours de congé, je me préparais un copieux petit-déjeuner, j’enfilais mes habits des bois et je partais pour la journée avec un bout de pain, une tranche de jambon, une pomme, une gourde.

    J’aimais tellement le silence du matin. J’aimais la lumière, le vent, la pluie, le soleil. J’aimais par-dessus tout être dehors. Libre. Un sourire perpétuel, l’envie de rire parfois, tout seul, juste comme ça, pour le bonheur de la vie en moi, la force de mes muscles, ma respiration quand j’appuyais comme un mort de faim sur les pédales.

    J’étais seul, très souvent. Mon grand-frère ne venait pas avec moi. Très peu de complicité entre nous… Olivier était mon seul ami. Les autres n’étaient que des connaissances épisodiques, des camarades de classe, mais rien ne nous unissait. Olivier, par contre, était comme moi. Il aimait la Nature, il aimait la mer, le silence, c’était un « taiseux », comme moi. On pouvait marcher ou rouler pendant des heures sans se dire grand-chose, juste des regards échangés ou une proposition de balade, des rochers à escalader, une cabane à construire, un nouveau lance-pierres qu’on coupait dans une fourche de sapins, un bâton de marche qu’on sculptait, assis sur un rocher, face à la mer. Parfois, on se lançait des défis : nager en hiver pour aller planter un bâton le plus loin possible au fond de la mer, trois, quatre mètres de profondeur, on restait habillé et après on se faisait sécher en allumant un feu sur la plage, avec le bois flotté. On escaladait des falaises qui tombaient dans la mer et quand on se loupait, on finissait à l’eau… On aimait bien aussi installer une rampe de tremplin au bout d’une jetée, une vieille porte qu’on cachait dans un buisson, on glissait une pierre dessous et on prenait notre élan à vélo de tout au bout de la jetée, on décollait, on sautait en l’air, on lâchait le vélo et on tombait à l’eau. On remontait le vélo avec une corde qu’on accrochait sur le tube de selle. On réparait nos vélos en allant dans les décharges sauvages, on trouvait toujours ce qui nous manquait.

    J’ai passé des milliers d’heures à marcher dans les bois, à écouter le vent, le chant des oiseaux, à jouer au bord d’un ruisseau, à sculpter des bouts de bois, j’avais un joli couteau de poche, j’étais comme un trappeur, je lisais Jack London parfois, le dos appuyé à un tronc d’arbre et puis quand je sentais bouillir l’énergie en moi, je reprenais mon avancée. J’étendais inlassablement les horizons.

    Je n’avais pas conscience de l’importance du Sacré. Je vivais l’instant. La joie de partager ma vie avec le monde. Il y avait bien ces moments de contemplation immobile, les yeux rivés sur la houle du large ou le balancement hypnotique des grands arbres. Une absence totale de pensées. Une plénitude qui ne portait pas de nom. Je me souviens avoir pleuré parfois. Sans savoir pourquoi.

    Le Sacré.

    J’ai mis longtemps à comprendre.

    La télévision était rarement allumée, j’avais le droit de regarder « Histoires sans paroles » et « La piste aux étoiles. ». J’attendrais quelques temps encore pour avoir le droit de regarder les films du soir. J’aimais beaucoup le cinéma.  « Ben Hur », « Les révoltés du Bounty », « Vingt mille lieues sous les mers ». Quelques films comme ceux-là qui ont marqué mon adolescence.

    Je n’avais pas de PlayStation, ni de Wii, ni de jeux vidéo, bien évidemment. Ma chambre était garnie de romans et de livres sur la nature. Je lisais sous ma couette avec une lampe de poche après que ma mère soit venue éteindre. J’apprenais les noms des animaux, les pays, les forêts, les grands fleuves et les Peuples Premiers, je lisais les aventures des grands explorateurs, les marins ou les marcheurs. « Bornéo » de Douchan Gersi, « Seul à travers l'Atlantique » d'Alain Gerbault, « Hymne à la mer » de Henry de Monfreid etc... et puis j’ai découvert un livre de montagnes à la bibliothèque du village où je passais beaucoup de temps : « Les conquérants de l’inutile » de Lionel Terray. Un choc immense, cet engagement physique et cette force morale m’enthousiasmaient, je sentais qu’il y avait dans les ascensions l’opportunité de se grandir.

    Mais je vivais en Bretagne et je devais attendre. Alors, je continuais à courir dans les bois et à enfiler les kilomètres à vélo. Toujours dehors. Avec mes habits des bois que ma mère n’avait pas le droit de laver.

    « Mais maman, les animaux me sentent arriver sinon, il faut que je sente la terre, les feuilles, la mer, il faut que je sente la Nature sinon ils s’enfuient. »

    Parfois, elle craquait et fourrait le tout dans la machine à laver. À la première sortie, je me roulais dans les feuilles et dans la terre, je m’en couvrais, j’accrochais du lierre dans mes cheveux et je m’amusais à me glisser sous les frondaisons sans un bruit.

    J’avais une vie très simple, construite sur un cadre immuable. L’école, des Maîtres que j'aimais, la Nature, le sport, les livres et un peu de télévision.

    C’est le livre de Jack London, « L’amour de la vie » qui a été le véritable déclencheur. Le sens du Sacré. Le sens de la Vie.

    Je réalise aujourd’hui que je ne me souviens quasiment plus des visages des gens que j’ai connus à cette époque. Tout s'efface. Mais je me souviens très bien des lieux, le petit pont, le moulin, la digue, le bois des marais, les rochers de Saint Guénolé, toutes les routes que j'ai parcourues à vélo. Je me souviens de la terre et de ses parfums. Je me souviens bien d’Olivier, un des seuls. Une tête ronde, des yeux rieurs, des bras de bûcheron. Il voulait être marin pêcheur. Il détestait l’école. Il a fait une formation d’apprenti à seize ans sur un chalutier et il a peu à peu disparu de ma vie.

    Olivier est mort d’une rupture d’anévrisme l’année de ses vingt ans. Son grand-frère est mort de la même façon deux ans plus tard. Une malformation génétique qui n’avait jamais été décelée.

    La mort. J’allais souvent la croiser. La souffrance, la douleur, la détresse, la lutte pour survivre, pour sauver ceux qu’on aime. Un très long apprentissage.

    Le sens du Sacré. Je ne pouvais pas y échapper.

    Mes parents travaillaient très dur pour qu’on ne manque de rien. Et ils me manquaient finalement. J’aurais aimé que mon père fasse du vélo avec moi, qu’ils viennent se promener avec moi. Ils n’avaient pas le temps. Ils étaient souvent fatigués ou ils étaient trop occupés, l’entretien de la maison et du jardin, des invitations chez des amis et des invitations à rendre.

    Je n’aimais pas ces repas, ces visiteurs qui m’obligeaient à rester enfermé. Je n’aimais pas les repas du dimanche. Tout ça était si dérisoire à mes yeux.

    Je savais ce dont je ne voulais pas.

    Je partais à 7 heures le dimanche matin, je roulais à vélo dans un club avec essentiellement des adultes. J'étais leur mascotte. Je rentrais épuisé, empli de bonheur. 

    Je serai instituteur et mes élèves seront heureux. Je les aimerai comme nous aimait M Quéré, mon Maître de CM2. C’est dans sa classe que j’ai décidé que je serai instituteur. Je n’ai jamais changé d’avis. Il est la première personne que je suis allé voir quand j’ai eu mon diplôme. Il m’a pris dans ses bras. Il était mon père spirituel.  

    J’aurai une femme et trois enfants, je les aimerai infiniment et je passerai tout mon temps libre avec eux. Je leur apprendrai la Nature. Je leur apprendrai le Sacre de la Vie. 

    Et puis je les laisserai grandir en les accompagnant au mieux.

    J'ai rencontré Nathalie l'année de mes 25 ans, elle aimait la montagne. Marine, Rémi et Léo sont nés. 
     

    J'avais seize ans. Mon grand-frère a eu un accident de voiture. Cliniquement mort. Je ne pensais pas qu'on pouvait vivre encore dans un tel état. Une dévastation. J'ai passé presque les deux mois d'été à ses côtés, nuits et jours. Il est sorti vivant. Une énigme médicale. Roger, un ami d'école, avait été admis dans le même service. Cliniquement mort. J'allais lui lire un livre de Saint-Exupéry toutes les nuits, "Citadelle". Et puis, une fois, je n'y suis pas allé, j'étais trop fatigué. Et Roger est mort cette nuit-là. On ne peut pas vivre sereinement avec ça en soi quand on a seize ans.

    Le sens du Sacré. Le devoir. L'engagement. Ne jamais lâcher. Vérifier à chaque instant que les pensées, les décisions et les actes sont à l'image de la personne qu'on veut être.

    Au lycée, j'ai eu un professeur de français, M Ollier, que je n'oublierai jamais et en terminale une professeur de philosophie, Mme Sotirakis, que j'adorais. À la suite d'un devoir de français, M Ollier m'avait dit : "Ledru, continuez à écrire, un jour vous serez édité." La force des mots qui s'ancrent ou qui tracent une voie à suivre. 

    Dix-huit ans. Lorsque j’ai passé mon permis, j’ai tout de suite travaillé. Éducateur sportif pendant neuf mois puis j'ai passé le concours pour devenir instituteur. Reçu.

    Je logeais dans le logement de fonction fourni par la mairie. À l'époque, un instituteur, c'était quelqu'un de respecté et dont on prenait soin.

    À vingt ans, j’ai acheté un fourgon et je l’ai aménagé. J’ai vécu pendant un an et demi dedans. Pas d’adresse fixe. J’étais instituteur remplaçant, j’allais dormir à la plage ou dans les bois, là où j’avais été nommé, je bougeais tout le temps. Marcher la nuit, j’adorais ça, me baigner sous les étoiles, courir avec une lampe frontale. Parler avec mes élèves, leur enseigner l'Amour de la Vie. 

    Je passais tous mes congés à escalader les falaises de Pen Hir sur la presqu’île de Camaret. Je savais que le moment où je partirais en montagne approchait à grands pas.

    L’escalade. Un défi puissant. Grimper en tête dans des falaises sans équipement fixe, poser ses protections, assurer son compagnon, apprendre le contrôle, la peur, l’euphorie, la puissance, cette énergie folle qui m’enflammait parfois, cette impression d’être plus que moi…

    Je courais beaucoup aussi, vingt, trente, quarante kilomètres, dans les bois, sur la route, toujours ce désir de pousser le plus loin possible, d’entrer dans cet espace intérieur où tout se révèle, où l’insignifiant s’efface, où apparaît parfois ce qui n’est pas connu, l’invisible, l’insondable, l’insaisissable, des perceptions que je cherchais à prolonger, une fois allongé sur mon lit et que la pesanteur de mon corps disparaissait dans une évanescence délicieuse. Le vélo sur des distances de plus en plus importantes. Trois cent soixante-quinze kilomètres une fois. Je me souviens qu’au retour, je ne reconnaissais pas le paysage, les maisons, les villages et puis j’ai eu l’impression de me voir par-dessus, de très haut, un cycliste minuscule dans un espace immense, tout petit être agité sur la Terre, comme un insecte sur un animal gigantesque.

    Je me souviens de galaxies d’étoiles, des lumières intérieures qui scintillaient, des pulsations de soleils, comme des chaleurs en moi, un cœur bien plus grand que l’organe.

    J’avais une planche à voile et je partais parfois, droit vers le large, juste un petit sac sur le dos avec de l’eau et une pomme, je naviguais pendant des heures, sans aucun objectif sinon celui d’aller le plus loin possible. Plus d’une fois, je ne suis rentré qu’à la nuit en utilisant le phare de Bénodet qui m’indiquait la direction. Naviguer, debout sur ma planche, dans le silence immense de la nuit, la phosphorescence de l’eau sous les étoiles.

    Mes parents ne savaient rien de ce que je faisais.

    Ce qui était sacré pour moi leur était inaccessible, nous n’évoluions pas dans la même dimension. Mais je les aimais et je les aime toujours. Je sais aussi la vie qu’ils ont eue. De leur enfance, de la guerre, de la misère, l’Algérie pour mon père, les fins de mois sans un sou, travailler, travailler, enchaîner les heures, accepter les humiliations, gravir peu à peu les échelons, obtenir un poste un peu plus important et subir une pression encore plus forte… Ils se sont usés au travail.

    En moi vibre toujours l’enfant qui pédalait sur les chemins de Bretagne, l’enfant qui courait sur le sable, grimpait sur les rochers, contemplait les vagues, construisait des cabanes, écoutait les oiseaux, dormait sur un tapis de feuilles, grillait des châtaignes et cuisait des pommes dans les braises, l’enfant qui aimait l’odeur du feu sur lui, l’enfant qui rentrait boueux, crotté, en sueur et heureux.

    Rien de tout ça n'a disparu. J'ai toujours une tenue des bois et j'aime toujours autant respirer la terre chaude quand la pluie vient la rafraîchir et ruisseler de sueur quand le soleil inonde les paysages, contempler les arbres, marcher sans aucune pensée, m'arrêter pour admirer une fleur, courir dans les chemins des bois, écouter le ruisseau qui murmure, jouer avec les formes des nuages, guetter le coucher du soleil.

    Je vieillis mais je mourrai enfant.

  • Musique : Superpoze

    Régulièrement, je cherche de nouvelles musiques. 

    Soit pour écire, soit pour courir ou pédaler, parfois, aussi, quand je travaille dans le jardin.

    Aujourd'hui, j'ai découvert ce groupe.

    Et c'est un grand bonheur. Demain, on va courir. Dimanche dernier, on a fait le tour du lac de Vassivière : 26 kilomètres. Les six derniers kilomètres sous la pluie et c'était magique. Les couleurs automnales, un sentier sous les arbres et au bord de l'eau. La musique tout au long du parcours. Demain, ça sera celle-là :

     

     

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