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  • Cyril Dion : constat et avenir

    Démission de Nicolas Hulot : pour Cyril Dion, “Il faut qu’on arrête d’être des enfants”

    Emmanuel Macron et Nicolas Hulot le 20 juin 2018 lors d'une visite au Cap Frehel à Plevenon, France.

     

     

    “Ne plus se mentir”, a lâché Nicolas Hulot en démissionnant de son poste de ministre de la Transition écologique. Le paysage politique se divise donc désormais entre ceux qui souhaiteront mettre l’écologie au centre de leur projet et ceux qui continueront de faire l’autruche. Cyril Dion, le réalisateur de “Demain”, réagit à cette annonce.

    La démission de Nicolas Hulot, mardi 28 août, est un séisme dont on ne mesure pas encore tous les effets. Mais elle clarifie aussi les choses : dans un projet politique qui manifeste, au choix, son mépris ou sa totale incompréhension du drame écologique en cours, la défense de l’environnement n’est plus, aujourd’hui, incarnée par un ministre. Le fauteuil est vide. Comment ne pas se laisser gagner par l’angoisse du vide ? Cyril Dion, confondateur avec Pierre Rabhi du mouvement Colibris, et coréalisateur avec Mélanie Laurent du triomphal Demain(César du meilleur documentaire en 2016), publiait en mai un Petit Manuel de résistance contemporaine chez Actes Sud. Entretien.

    Dans le Petit Manuel de résistance contemporaine,vous évoquez deux types d’engagement face à la tragédie environnementale : le démantèlement brutal de la société industrielle, notamment par le sabotage ; ou la mobilisation des citoyens, des entrepreneurs et des élus, pour transformer le système « de l’intérieur ». L’échec d’Hulot est-il celui de la méthode pacifiste et démocratique ?

    En partie, oui. Mais je consacre plusieurs pages dans ce livre à l’idée que les responsables politiques que nous élisons ont en réalité très peu de pouvoir aujourd’hui pour transformer la société. Les lobbies et les multinationales, les grands pétroliers, les grandes banques ou les Gafa ont bien plus de pouvoir qu’eux pour influer sur la société. Ce que le lanceur d’alerte Edward Snowden appelle l’Etat profond, ces hauts fonctionnaires qui restent de gouvernements en gouvernements et orientent la politique de ces derniers en formatant des responsables parfois inexpérimentés (comme l’était Hulot), ce sont eux, bien souvent, qui tiennent le gouvernail.

    Au-delà du pouvoir, il y a les intentions. Emmanuel Macron a-t-il eu, à un moment ou à un autre, le projet de donner une véritable importance à l’écologie ?

    Il s’est intéressé au sujet, et comme il a une grande intelligence politique, il a vu combien aller chercher Nicolas Hulot serait un signe très fort dans son projet de dépasser les clivages. Mais depuis un an, on voit bien qu’il n’a jamais eu l’intention de transformer le cœur de sa politique pour donner une place importante à l’environnement. On ne peut pas à la fois demander à Bercy de relancer la croissance, au ministère de l’Agriculture de donner systématiquement ou presque raison à la FNSEA (qui continue de militer pour un modèle agricole résolument productiviste), signer des contrats de libre-échange… et en même temps demander au ministre de l’Ecologie de résoudre les problèmes que tous les autres ministères font naître pour la planète. Ce n’est pas sérieux. Le fond du problème est là. Comme écrivait Naomi Klein dans Tout peut changer, si on veut vraiment inverser le cours du changement climatique, il faut rompre avec le capitalisme tel qu’il existe aujourd’hui. Et Emmanuel Macron n’est pas prêt à le faire – pas plus que les dirigeants qui l’ont précédé.

    “Il est urgent que le mouvement écologiste se structure pour prendre le pouvoir”

    L’impossibilité de changer le système de l’intérieur, malgré l’urgence, signe-t-elle la mort de toute action pacifique pour la défense de l’environnement ?

    Il existe une alternative à la violence. Je consacre la dernière partie de mon livre à une stratégie révolutionnaire non violente qui permettrait, à terme, à ceux qui mettent l’écologie au centre de leurs préoccupations de prendre le pouvoir. Le mouvement écologique souffre pour le moment d’un déficit d’organisation énorme. Pour défendre les intérêts économiques des grandes entreprises polluantes, un escadron de personnes très bien organisées suffit. Elles savent d’ailleurs très bien ce qu’elles font, ces entreprises (le contenu de scénarios développés en interne sur le réchauffement climatique, chez BP et Shell, a fuité) : elles tablent sur un accroissement de 5 degrés d’ici à 2050, dont on sait qu’il serait tragique. Elles ne sont donc pas du tout dans le déni, elles continuent simplement à défendre leurs intérêts. Il est donc urgent que le mouvement écologiste se structure pour prendre le pouvoir. Comment ? En s’appuyant sur un majorité culturelle massive. Il n’y a jamais eu autant qu’aujourd’hui de personnes convaincues par les arguments de la défense de l’environnement, et pourtant cette adhésion aux idées ne se traduit pas par un mouvement de masse. Il faut donc se donner une vision, une stratégie et des étapes. Des mouvements spontanés comme Nuit debout, ou Occupy Wall Street ont occupé des places mais sans stratégie : où leur action devait-elle aboutir ? Des mouvements politiques comme ceux de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon ont bien commencé à intégrer l’environnement dans leur programme, mais ils continuent de se déchirer ! Face à un drame dont les effets pourraient s’apparenter à ceux d’une guerre mondiale, n’y a-t-il pas moyen de s’entendre sur les fondamentaux ? Si un accord n’aboutit pas, la place sera libre pour des mouvements révolutionnaires durs et des actions violentes, ou pour des régimes autoritaires comme en Chine, qui mettent en place une politique de plus en plus répressive sur la question écologique, quitte à mettre les gens en prison lorsqu’ils contreviennent aux règles.

    Un hélicoptère de pompier fait tomber de l'eau alors qu'un incendie se déclare près du village de Metochi, au nord d'Athènes, Grèce, le 15 août 2017.

    Puisque vous filez la métaphore de la Seconde Guerre mondiale, l’histoire montre malheureusement qu’il a fallu attendre le déclenchement de cette guerre pour que la résistance devienne effective… Cela ne vous rend pas pessimiste ?

    Je suis très inquiet, comme tous ceux qui s’intéressent au sujet. Une étude publiée il y a trois semaines par des scientifiques allemands, danois et américains notamment indique que même si l’on tient les objectifs de l’Accord de Paris – limitation du réchauffement à 2 degrés – cela provoquera sans doute des boucles de rétroaction, et les gaz à effet de serre emprisonnés sous le permafrost seront probablement libérés par le dégel. On entrerait alors dans une spirale à 5 ou 6 degrés, et on sait qu’à ce niveau-là une bonne partie du monde devient inhabitable. Oui, il est peut-être déjà trop tard.

    Etes-vous favorable au lancement d’actions en justice contre le chef de l’Etat ou le chef du gouvernement, pour non-assistance à personne en danger ou crime contre l’humanité, comme cela existe déjà dans certains pays ?

    Absolument. Des initiatives comme cela sont effectivement déjà prises et j’y suis favorable. Il faut utiliser tous les moyens possibles, mobilisation citoyenne comme action en justice. Mais pour cela il faut définir une stratégie, créer une véritable coopération entre tous les acteurs autour d’objectifs atteignables et enchaîner les opérations, comme l’a fait l’ONG Bloom, qui est passée d’une belle victoire sur l’interdiction de la pêche en eaux profondes à l’interdiction de la pêche électrique. Il faut mobiliser et coordonner ONG, élus et entrepreneurs pour faire bouger les choses. Un tel mouvement de base, s’il était efficace, pendant deux ou trois ans, dans une démarche transpolitique, pourrait ensuite présenter des candidats aux élections, certain qu’un vaste mouvement populaire pourrait les soutenir. Mais il faut que les citoyens s’impliquent dans cette transformation. Il faut qu’on arrête d’être des enfants, qu’on se rende compte que la démocratie ne peut fonctionner que si on s’y implique tous les jours.

    “Aujourd’hui, la plupart d’entre nous envisage l’écologie comme une perte potentielle [...] Avec Demain, nous avons essayé de montrer que quand on raconte correctement une histoire de l’avenir « inspirante », pour susciter l’enthousiasme et la créativité, ça marche”

    Pour que cette mobilisation ait lieu, encore faut-il que le message passe. Nicolas Hulot n’a pas réussi à convaincre Emmanuel Macron de l’imminence du désastre, et les Français eux-mêmes ne semblent pas mobilisés…

    Je ne crois pas que le message ne passe pas. Si vous allez dans la rue et que vous demandez aux gens si le réchauffement climatique ou la disparition des espèces pose problème, la plupart vous répondront « oui ». Le problème n’est pas dans la réception du message mais dans la mise en œuvre des actions nécessaires. Barack Obama, en arrivant à la présidence des Etats-Unis, avait sincèrement l’intention de faire plus. Mais comme le dit Snowden, en quelques semaines, on l’a vu faire un virage à 180 degrés, reprendre dans ses équipes des gens de Goldman Sachs, responsables en partie de la crise financière, bref, il s’est fait happer par la machine. On sait aujourd’hui quels peuvent être les principaux moteurs d’une transformation radicale de nos modes de production et d’existence, acceptés par tous : les catastrophes ou les récits. Ce sont les récits qui favorisent le mieux les changements culturels de fond. Les gens ont besoin d’imaginer à quoi ressemblerait un monde vraiment respectueux de l’environnement pour avoir envie de le mettre en œuvre. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous envisage l’écologie comme une perte potentielle, le renoncement aux quelques acquis dont nous pouvons profiter, notre confort, notre emploi, notre voiture, etc. Alors nous nous trouvons chaque jour face à des choix cornéliens : « J’ai besoin de ma voiture pour aller travailler, mais si je prends ma voiture, je pollue » ; « Je vends encore des Airbus parce que cela crée des emplois, mais ces mêmes avions polluent terriblement l’atmosphère »… Avec Demain, nous avons essayé de montrer que quand on raconte correctement une histoire de l’avenir « inspirante », pour susciter l’enthousiasme et la créativité, ça marche. Et les initiatives sont innombrables, du Plan climat pour Paris, très ambitieux, aux efforts de certains entrepreneurs pour s’engager résolument sur le plan social et environnemental, sans parler des simples citoyens qui ont changé de boulot…

     

    On a tout de même l’impression que c’est la stratégie de la dernière chance…

    Il faut aller vite, c’est vrai. En 1938, Daladier et Chamberlain ne voulaient pas repartir pour une guerre, et ils ont choisi la solution la plus raisonnable. Cela n’a pas fonctionné. On ne peut donc pas se rater. Aujourd’hui, je plaide pour la voie non violente, afin d’éviter l’affrontement et le chaos. J’espère qu’on atteindra des résultats par cette voie, et qu’on amortira le choc – car choc il y aura, quoi qu’il arrive. On peut seulement essayer de l’amortir, pour que moins de gens meurent, moins de régimes dictatoriaux fleurissent sur le désastre écologique. En accélérant la révolution culturelle, en transmettant des stratégies révolutionnaires non violentes, j’espère qu’on pourra limiter les dégâts. Si on n’y arrive pas, il faudra en accepter les conséquences.

  • "Sale temps pour l'écologie"

    Je poste cet article qui représente une grande partie de l'opinion des gens au regard de ce que j'ai lu ces deux derniers jours. 

    A chacun de se faire son idée.

    Il est clair pour moi que les propos de Hulot quant à son admiration pour M Macron me restent salement en travers.

    L'article est en tout cas sans appel par rapport à Nicolas Hulot et à cette déroute inévitable et pire encore à cette sortie de route qui serait uniquement destinée à sauver son image.

    Je n'en sais rien et au final, c'est sans importance.

    Il m'importe davantage de souligner ce qui est dit sur l'autonomie des communes et des individus, sur l'engagement de chacun à oeuvrer, à sa mesure, au sauvetage de ce qui peut l'être.

    Le changement de paradigme ne viendra pas du sommet de la pyramide mais de la base. C'est à dire nous tous. 

     

    Le départ de M. Hulot n’est ni surprenant, ni courageux

    29 août 2018 / Isabelle Attard 
     

          
     

    Le départ de M. Hulot n'est ni surprenant, ni courageux

    L’annonce de Nicolas Hulot n’a pas vraiment surpris notre chroniqueuse, qui voit surtout dans cette démission une opération de « sauvetage d’image ». « Sale temps pour l’écologie », conclut-elle, à l’heure où le gouvernement semble incapable de prendre la mesure de l’effondrement en cours.

    Isabelle Attard a été députée écologiste du Calvados. Elle se présente comme « écoanarchiste ».

    Isabelle Attard.

    Ce mardi 28 août en écoutant les matinales, j’ai donc entendu comme tout le monde le ministre de l’Écologie annoncer qu’il démissionnait de son poste. De nombreux commentateurs parlent de « surprise », tandis que des femmes et hommes politiques de tous bords saluent son « courage ». Apparemment, d’après les confidences du ministre au journaliste de France Inter Thomas Legrand, la réunion avec le président de la fédération nationale des chasseurs Willy Schraen et le lobbyiste Thierry Coste, lundi à l’Élysée, aurait été la goutte d’eau pour Hulot.

    Énième et dernière couleuvre donc.

    Mais revenons sur les notions de « surprise » et de « courage ». À quel moment Nicolas Hulot a-t-il pu imaginer qu’Emmanuel Macron et son gouvernement allaient suivre ses idées pour sauver la biodiversité, la planète et nous avec ?

    Déjà pendant la campagne électorale de la présidentielle, à cette fameuse audition de tous les candidats par la Fédération nationale des chasseurs, Macron avait raillé publiquement l’écologie et les écologistes, se faisant ovationner par les chasseurs conquis. On pourrait se passer cette scène en boucle tellement elle est révélatrice de l’état d’esprit méprisant de notre président.

    Puis le choix d’Édouard Philippe comme Premier ministre aurait pu être un deuxième indice. VRPfavori d’Areva et de l’industrie nucléaire dans son ensemble, Philippe n’allait pas soudainement virer sa cuti en prenant la tête du gouvernement.

    De manière générale, le programme ultralibéral de croissance, de diminution des services publics, de cadeaux fiscaux aux privilégiés annoncés bien avant mai 2017 par Emmanuel Macron était connu de tous et de Nicolas Hulot en particulier. Ce dernier avait d’ailleurs écrit dans son livre Osons  : « Le libéralisme n’est pas compatible avec l’écologie. »

    Dont acte, quelqu’un de cohérent et lucide n’aurait jamais mis un orteil dans ce gouvernement et aurait plutôt fui le plus loin possible. Pas Hulot. Lui, il y est allé et son fan club de reprendre en cœur des éléments de langage du style : « Il est important d’essayer de l’intérieur » « Au moins, Hulot, il est courageux, il essaie ! » « Avec Hulot au gouvernement, l’écologie est bien représentée » et j’en passe.

    Mois après mois, renoncement après renoncement, il s’en trouvait toujours pour plaindre ce brave et sympathique Nicolas Hulot « coincé »« sans marge de manœuvre »« perdant ses arbitrages » !

    Cessons ces simagrées hypocrites. La position libérale de ce gouvernement n’est pas une surprise et Nicolas Hulot n’est ni un naïf ni un perdreau de l’année.

    Sa cote de popularité était en chute libre, entraînée par celle de Jupiter. Il lui fallait réagir avant que son image n’en sorte flétrie à jamais. Je ne vois dans cette séquence politique ni « surprise » ni « courage » mais simplement une histoire de « timing » et de « sauvetage d’image », à moins que nous n’ayons connaissance de motifs supplémentaires dans les semaines qui viennent.

    Sale temps pour l’écologie en tout cas, car pourtant il y a urgence. Je ne parle pas comme Brune Poirson (potentielle candidate à la succession de Hulot ?) de l’urgence à réduire ses courriels, supprimer les pailles en plastique et couper l’eau en se lavant les dents. Non, je parle de l’urgence d’être lucide sur l’effondrement en cours.

    Tout comme Vincent Mignerot et Arthur Keller au sein de l’association Adrastia, je pense qu’il est trop tard pour empêcher les dérèglements climatiques et l’extinction massive des espèces, que les sociétés du « capitalocène » ont provoqués.

    Par contre, ce que j’attends de femmes et d’hommes politiques responsables et d’un·e ministre de l’Écologie en particulier, dès aujourd’hui, c’est de « limiter la casse », de tout miser sur la résilience des territoires urbains et ruraux, c’est-à-dire que les communes puissent être autonomes en production d’énergies renouvelables, qu’elles valorisent l’autonomie alimentaire et la prise de décisions en assemblée locale pour l’intérêt général et non celui des lobbies. J’attends également que les responsables politiques ne prennent pas la pollution de l’air et la question des pesticides à la légère. Que l’on réinvente des modes de vie compatibles avec ce que la planète peut endurer. Que nous puissions enfin nous passer de voitures même si l’on habite à la campagne, que nous apprenions à réduire notre consommation d’électricité grâce aux actions gouvernementales.

    Bref vous l’aurez compris, nous devrions urgemment faire un 180 degrés dans nos façons de vivre en supprimant le capitalisme et cette société thermo-industrielle qui nous a menés dans le mur en nous gavant de publicités et de jeux télévisés.

    Alors, si notre Premier ministre, qui cite souvent le livre Effondrement de Jared Diamond, pouvait tirer de ce livre les conclusions qui s’imposent, enfin je dirais que « c’est une belle surprise » et que « c’est extrêmement courageux » !

  • Lobbies et démocratie

    L'affaire Hulot a le mérite de mettre sous les projecteurs un vaste problème connu et identifié mais dont les médias parlent très peu. Très peu puisqu'elles sont directement concernées : les lobbies. (on sait combien dans le milieu de la presse d'information, tout est cadenassé par des des "personnages hauts placés".) De vrais paniers de crabes.

    Les projecteurs s'éteindront rapidement. Commme d'habitude.

     

    Les lobbies en France, une entorse à la démocratie en l'absence de transparence

    AFP 29/08/2018 à 16:27

    Nicolas Hulot sort de l'Elysée le 22 août 2018 ( AFP/Archives / Bertrand GUAY )

    Nicolas Hulot sort de l'Elysée le 22 août 2018 ( AFP/Archives / Bertrand GUAY )

    En jetant l'éponge après 15 mois au gouvernement, Nicolas Hulot a mis en cause le poids des lobbies, dont l'influence bien réelle en France peut être une entorse à la démocratie si elle demeure dans l'ombre, avertissent des spécialistes.

    C'est l'"élément qui a achevé de me convaincre", a expliqué Nicolas Hulot mardi: la présence, lundi lors d'une réunion à l'Elysée sur la chasse, d'un lobbyiste "qui n'était pas invité", Thierry Coste, conseiller politique de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). "C'est un problème de démocratie. Qui a le pouvoir? Qui gouverne?".

    Fin mai, le poids des lobbies avait déjà été pointé du doigt, à propos de la loi agriculture, lorsque l'ex-ministre socialiste de l'Écologie, Delphine Batho, avait accusé un lobby d'avoir pu consulter son amendement sur l'interdiction du glyphosate plusieurs jours avant les députés.

    Longtemps, le sujet est demeuré tabou en France, selon Cornelia Woll, professeure à Sciences Po, spécialiste des lobbies. Dans l'hexagone, "on a cette conception que la politique éclairée ne devrait pas être pervertie" par des groupes, analyse-t-elle pour l'AFP.

    Pour autant, poursuit la chercheuse, "est-ce que les chasseurs doivent avoir une chaise à la table? Oui. Mais dans la même mesure que les autres groupes".

    Or, soutient Benjamin Sourice, de l'ONG anti-corruption VoxPublic et auteur d'un "Plaidoyer pour un contre-lobbying citoyen" (éd. Mayer), il y a un déséquilibre: "Aujourd'hui la société civile, même organisée en associations, a des difficultés d'accès aux décideurs et trouve des portes fermées là où certains lobbyistes comme Coste ont des accès sans limites."

    Thierry Coste racontait récemment sur France Inter: "Mon métier c'est d'abord de faire beaucoup d'investigation, je suis un spécialiste du renseignement, j'en cherche aussi dans les groupes de pression opposés, que j'infiltre - associations de consommateurs, ONG environnementales, syndicats..."

    Taclant "certaines personnes qui ont oublié qu'on faisait un métier de prestation de service", Clément Leonarduzzi, président de l'agence de relations publiques Publicis Consultants, relativise pourtant. La loi Sapin II de 2016 et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique "permettent d'encadrer la profession: quand vous demandez un rendez-vous à un député, il doit être déclaré, vous devez expliquer qui vous avez vu, et pourquoi".

    - "Lobby transparent" -

    Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), assume, lui, son influence sur les sujets de rénovation énergétique: "Une fédération professionnelle, elle sent mieux que personne le ressenti des entrepreneurs sur un sujet."

    "C'est surtout un problème quand les lobbyistes cherchent à bloquer un progrès pour maintenir un avantage concurrentiel", note Benjamin Sourice.

    "On ferait mieux de s'interroger sur l'absence de courage et de conviction des politiques, il ne faut pas croire que ce sont les lobbies qui décident", fait valoir de son côté Alain Bazot, président de l'association de défense du consommateur UFC-Que Choisir.

    Se revendiquant "lobby transparent" à l'origine "d'études sérieuses publiées et soumises à la critique de tous pour dénoncer des dysfonctionnements de marchés", l'UFC-Que Choisir se trouve confronté à des lobbies professionnels très puissants, dotés de moyens financiers importants. Parmi ceux-ci, les lobbies des secteurs chimique, agro-alimentaire, bancaire mais aussi le Medef comptent parmi les plus influents auprès de l'exécutif, estime M.Bazot.

    Benjamin Sourice prône la transparence, opposant "le travail toujours public des associations" et "le lobbying privé, en coulisses, dont on ne sait pas exactement les réclamations".

    Une règlementation efficace est d'autant plus difficile à concevoir qu'"en France, le lobbying ce n'est pas la mallette d'argent, mais les liens interpersonnels, la connivence entre ceux qui ont été à l'école ensemble", souligne Cornelia Woll.

    "C'est la structure de l'élite française, il est assez facile de passer du public au privé, de travailler dans un cabinet, puis d'être précieux pour une entreprise car on a des contacts politiques", ajoute-t-elle.

    Le gouvernement actuel compte d'ailleurs d'anciens lobbyistes. Le Premier ministre, Edouard Philippe, assume avoir été directeur des relations publiques d'Areva, tandis que le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait un poste similaire chez le géant de l'immobilier commercial Unibail-Rodamco.

  • "Le temps précieux de la maturité"

    « Le temps précieux de la maturité », de Mário Raul de Morais Andrade, (1893 - 1945) Poète, Romancier, Musicologue Brésilien.

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    " J’ai compté mes années et j´ai découvert qu’à partir de maintenant, j’ai moins de temps à vivre que ce que j’ai vécu jusqu’à présent… 
     

    Je me sens comme ce petit garçon qui a gagné un paquet de friandises: la première il la mangea avec plaisir, mais quand il s’aperçut qu’il lui en restait peu, il commença réellement à les savourer profondément. 
     

    Je n’ai plus de temps pour des réunions sans fin où nous discutons de lois, des règles, des procédures et des règlements, en sachant que cela n’aboutira à rien. 
     

    Je n’ai plus de temps pour supporter des gens stupides qui, malgré leur âge chronologique n’ont pas grandi. Je n’ai plus de temps pour faire face à la médiocrité. 
     

    Je ne veux plus assister à des réunions où défilent des égos démesurés. 
     

    Je ne tolère plus les manipulateurs et opportunistes. 
     

    Je suis mal à l´aise avec les jaloux, qui cherchent à nuire aux plus capables, d’usurper leurs places, leurs talents et leurs réalisations. 
     

    Je déteste assister aux effets pervers qu’engendre la lutte pour un poste de haut rang. 
     

    Les gens ne discutent pas du contenu, seulement les titres. 
     

    Moi, mon temps est trop précieux pour discuter des titres. 
     

    Je veux l’essentiel, mon âme est dans l’urgence … il y a de moins en moins de friandises dans le paquet… 
     

    Je veux vivre à côté de gens humains, très humains. qui savent rire de leurs erreurs, qui ne se gonflent pas de leurs triomphes, qui ne se sentent pas élus avant l’heure, qui ne fuient pas leurs responsabilités, qui défendent la dignité humaine, et qui veulent marcher à côté de la vérité et l’honnêteté.


    L’essentiel est ce que tu fais pour que la vie en vaille la peine. 

     

    Je veux m´entourer de gens qui peuvent toucher le cœur des autres…des gens à qui les coups durs de la vie leurs ont appris à grandir avec de la douceur dans l’âme. 
     

    Oui … je suis pressé de vivre avec l’intensité que la maturité peut m´apporter. 
     

    J’ai l’intention de ne pas perdre une seule partie des friandises qu´il me reste… 
     

    Je suis sûr qu’elles seront plus exquises que toutes celles que j´ai mangées jusqu’à présent. 
     

    Mon objectif est d’être enfin satisfait et en paix avec mes proches et ma conscience. 

     

    J’espère que la vôtre sera la même, parce que de toute façon, vous y arriverez… "

     

  • Nicolas Hulot (suite de la suite)

    Glyphosate, nucléaire, perturbateurs endocriniens… Les multiples couleuvres avalées par Nicolas Hulot au gouvernement

     

    Il espérait que l'interdiction du glyphosate sous trois ans soit gravée dans la loi, défendait la baisse de la part du nucléaire à 50% d'ici 2025... Nicolas Hulot a renoncé à plusieurs de ses combats pendant son passage au gouvernement. Tour d'horizon. 

    Nicolas Hulot a renoncé à plusieurs de ses convictions pendant son année passée au gouvernement. 
    Nicolas Hulot a renoncé à plusieurs de ses convictions pendant son année passée au gouvernement.  (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

    C'était devenu un sujet d'interrogation récurrent : Nicolas Hulot allait-il rester ministre ? Il a finalement annoncé sa démission, mardi 28 août, au micro de France Inter, devant des journalistes plus que surpris, après une année marquée par plusieurs batailles perdues pour le militant écologiste. Ou, comme dirait le ministre, "une accumulation de déceptions" qui ont fait de ces derniers mois "une souffrance" pour lui, qui s'est surpris "par lassitude" à parfois "baisser les bras".

    >> Nicolas Hulot démissionne : suivez les réactions à son départ du gouvernement dans notre direct

    Ces renoncements en série sur le nucléaire ou encore les pesticides ont mis en lumière l'isolement du ministre au sein de la majorité. Retour sur ces différents dossiers.

    Le recul sur les perturbateurs endocriniens

    Ce qui a été décidé. En juillet 2017, les membres de l'UE ont adopté une définition commune des perturbateurs endocriniens, ces substances qui peuvent interférer avec le système hormonal, présentes dans de nombreux produits de consommation courante. Selon la Commission européenne, les critères ainsi définis permettent d'identifier les perturbateurs endocriniens"avérés et présumés".

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Ces critères de définition ont été votés trois ans après la date initialement attendue. Sous François Hollande, Ségolène Royal avait jugé "inacceptable" la définition proposée par la Commission et dénonçait des garanties insuffisantes. Plusieurs associations étaient elles aussi hostiles à cette définition, estimant notamment qu'elle nécessiterait trop de preuves pour classer un produit comme perturbateur endocrinien.

    Quelques jours avant de valider l'accord, Nicolas Hulot avait assuré sur RMC qu'il "ne céderait rien sur le sujet". "Quand je suis arrivé, la première chose que j'ai demandée, c'est le report de ce texte", avait-il affirmé, ajoutant : "Mon rôle, c'est d'aider à protéger les Français de ces empoisonnements."

    "Nous n’avons pas gagné cette guerre, mais nous avons gagné une bataille", a estimé Nicolas Hulot après le scrutin, dans Libération. "Si nous avons voté le texte, qui se heurtait à un poids monstrueux des lobbys, c’est que nous avons ouvert une très grande brèche, qui ne se refermera pas et qui s’élargira dans le temps." Il a aussi souligné avoir obtenu l'inclusion des perturbateurs endocriniens présumés, et pas seulement avérés. Il a toutefois reconnu une insuffisance de l'accord, ajoutant que "le risque, si nous ne votions pas ce texte, était qu’un certain nombre de produits reste encore durablement sur le marché". 

    Le recul des objectifs sur la baisse du nucléaire 

    Ce qui a été décidé. En novembre 2017, à la sortie du Conseil des ministres, Nicolas Hulot l'annonce : il sera "difficile" de tenir l'engagement de ramener la part du nucléaire à 50% d'ici 2025 et le gouvernement préfère tabler sur 2030, "au plus tard" 2035. Une annonce justifiée à l'époque par une volonté de "réalisme et de sincérité", relevait Le Monde"Si on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50%, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques", avait déclaré le ministre. 

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Avant d'entrer au gouvernement, il était ferme sur le sujet. "Il faut sortir du nucléaire. Fukushima a achevé de me convaincre", affirmait-il en avril 2011 au Point. Une nouvelle fois, en 2015, en pleine polémique sur le retard pris dans la construction de l'EPR de Flamanville (Manche), il martelait à quel point lui importait que soit tenu l'objectif de ramener la part du nucléaire à 50% en 2025, comme prévu dans la loi de transition énergétique. Le revirement opéré par le ministre en 2017 a inspiré à l'écologiste Yannick Jadot cette raillerie : "Nicolas Hulot n'avale plus des couleuvres, mais des boas constricteurs."

    Le vote européen sur le glyphosate  

    Ce qui a été décidé. Toujours en novembre 2017, les pays de l'Union européenne ont voté le renouvellement pour cinq ans de l'autorisation du glyphosate, un herbicide classé comme "cancérigène probable" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). 

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Le ministre souhaitait prolonger l'autorisation pour trois ans, mais, dans un premier temps, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, avait tablé sur sept ans. Finalement, la France a voté contre une prolongation de cinq ans, mais, étant minoritaire, le renouvellement pour cinq ans a été adopté. "C’est une décision que je regrette car l’Europe avait ici les moyens de montrer qu’elle est synchronisée avec les attentes légitimes des citoyens sur l’utilisation de ce produit", a réagi Nicolas Hulot dans L'Obs, affirmant vouloir tout mettre en œuvre pour "développer des alternatives et, à partir de là, interdire le glyphosate, au plus tard dans trois ans". Déçu au niveau européen, le ministre s'est donc raccroché à l'échelon national, d'autant que l'interdiction sous trois ans était soutenue, à l'époque, par Emmanuel Macron. 

    Emmanuel Macron@EmmanuelMacron

    J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans.

    Twitter Ads info and privacy

    Le rejet d'un amendement interdisant le glyphosate en 2021 en France

    Ce qui a été décidé. Un amendement à la loi sur l'équilibre dans le secteur agricole et alimentaire, qui proposait l'interdiction du glyphosate au 1er mai 2021, a été rejeté fin mai 2018. Il était porté par Matthieu Orphelin, député LREM proche de Nicolas Hulot, mais le gouvernement a émis un avis défavorable. 

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Il soutenait publiquement l'amendement. "C'est une décision à la fois des députés et du gouvernement", avait déclaré le ministre, qui  s'était alors dit "déçu". Selon Le JDD, voyant la défaite se profiler, il aurait préféré prolonger un séjour en Corse, prévu en même temps que le vote à l'Assemblée. Dans une interview au Parisien début août, il n'a pas suggéré d'avancer cette échéance, pointant du doigt les groupes de pression "qui ont pignon sur rue" et tiennent "parfois même la plume des amendements". 

    L'attitude du gouvernement sur les pesticides a sans doute largement pesé dans sa démission, comme il l'a évoqué au micro de France Inter. "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'usage des pesticides ? La réponse est non (...) Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là." 

    L'entrée en vigueur du CETA 

    Ce qui a été décidé. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (Ceta) est entré en vigueur de façon provisoire et dans sa quasi-totalité le 21 septembre 2017. Il baisse les droits de douane pour doper les échanges commerciaux et a pour objectif d'aboutir à une convergence de certaines normes. 

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Lorsqu'il dirigeait encore sa fondation, celle-ci employait des mots très durs à l'encontre du Ceta, qualifiant le texte de "climaticide et antidémocratique". Ministre, Nicolas Hulot est plus mesuré, mais reste méfiant. "J'étais très inquiet, et je le suis toujours, sur des traités comme le Ceta. Ce sont des traités qui nous exposent au lieu de nous protéger", affirme-t-il sur Europe 1 en réaction à son adoption. 

    Les conclusions des états généraux de l'alimentation 

    Ce qui a été décidé. Après cinq mois de discussions, les états généraux de l'alimentation touchent à leur fin en décembre 2017. Des débats sur lesquels l'écologiste du gouvernement compte beaucoup. "J'espère qu’aujourd’hui est le début de quelque chose d’inattendu et de magnifique", a-t-il déclaré à leur ouvertureDans son discours de clôture, Edouard Philippe annonce "un projet de loi au début de cette année pour garantir des conditions de marché justes, efficaces, saines". Parmi les mesures évoquées, on trouve la restriction des promotions, le plan pour le bio, la défense du bien-être animal ou encore la lutte contre le gaspillage alimentaire, résume Le Figaro. 

    Nicolas Hulot@N_Hulot

    j'appelle à 1 mobilisation de la restauration collective pour 50% de produits locaux, de qualité et de saison

    Informations sur les Publicités Twitter et confidentialité

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. En décembre 2017, il boude la clôture des états généraux de l'alimentation, pilotés par Stéphane Travert. "Ce n’est pas un psychodrame, je considère que les conclusions ne sont pas à la hauteur de la qualité du travail extraordinaire et des propositions qui ont été faites dans les ateliers. Je ne vais donc pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n’y est pas", confie-t-il au Monde.

    Les arbitrages rendus en faveur des chasseurs

    Ce qui a été décidé. Les représentants des chasseurs ont à nouveau été reçus à l'Elysée, lundi 27 août. Ils ont obtenu plusieurs concessions, dont la réduction du prix du permis national de chasse, ainsi que la mise en place d'une gestion adaptative des espèces et d'une police rurale. 

    Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Selon BFMTV, le ministre est "très énervé"lors de cette réunion, "agacé" par les arbitrages rendus. C'est peut-être cette rencontre qui "a achevé de [le] convaincre" de démissionner, explique Nicolas Hulot sur France Inter. "J’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité à cette réunion. C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment poser ce problème sur la table"martèle le ministre démissionnaire, qui tient toutefois à souligner que sa décision vient d'une "accumulation de déceptions". 

  • Nicolas Hulot (suite)

    Bon...J'ai fait le tour des fameux "réseaux sociaux" et de quelques forums auquel je participe et pour parler clairement, Nicolas Hulot, il s'en prend "plein la gueule."

    Il est accusé d'avoir pactisé avec le diable et de s'y être brûlé, de faire sa pleurnicheuse avant d'aller profiter du pognon qu'il s'est fait pendant quatorze mois, d'être un hypocrite qui a servi de caution à M Macron et à sa clique, d'avoir joué le jeu du gouvernement en s'agitant tout en sachant que rien de sérieux ne serait fait, de n'avoir aucunement conscience que des millions de personnes sont dans des situations bien pires que la sienne et n'ont pas le privilège de venir s'épancher sur France inter pour autant, que ses propres pratiques dans l'entreprise Ushuaïa ne sont pas respectueuses de l'environnement, d'avoir une profonde admiration pour M Macron et M Philippe, de n'avoir pas compris qu'il était naïf et illusoire de croire qu'il allait arranger la situation et parvenir à infléchir la puissance des financiers juste parce qu'il avait des convictions, d'être même un vendu au lobbies, à EDF et à la filière nucléaire, aux chasseurs, à l'industrie agro alimentaire etc etc...

    De façon assez étrange, étant donné que je passe pour pas mal de monde comme quelqu'un d'intransigeant et manquant de bienveillance, je me retrouve du coup dans la situation de celui qui éprouve une réelle compassion pour le personnage, c'est à dire pour l'homme et non le politicien.

    Je pense aujourd'hui au regard de l'état dans lequel il se trouve qu'il a fini par comprendre que sa fonction permettait à l'état d'avoir une forme de caution mais je ne pense pas que M Hulot avait cela comme objectif. Je pense en écoutant ses propos et au vu de la douleur intérieure que ça représente qu'il a vraiment espéré pouvoir changer les choses. Est-ce que c'était de l'illusion ou la force de ses convictions, c'est à lui de le dire. Est-ce qu'il a été manipulé et qu'il a mis trop longtemps à en prendre conscience ? Mais alors, pour quelles raisons parle-t-il encore de son "admiration pour M Macron"? Il reste des zones d'ombres et lui seul pourra peut-être les éclairer lorsqu'il aura pris le recul nécessaire.

    Je pense pour ma part qu'il avait de profondes convictions et lui même parle aujourd'hui d'une "foi perdue."

    Quand des gens réalisent des choses jugées comme impensables, on dit que leur force de conviction ne pouvait pas les arrêter et quand ils échouent, on dit d'eux qu'ils étaient dans l'illusion...Tout ça est un regard extérieur.

    Il n'est qu'à étudier l'histoire de l'alpinisme ou de l'exploration de la Terre pour voir que les convictions donnent de fabuleuses aventures.

    Lui, il a échoué donc on lui reproche d'avoir été dans l'illusion et la naïveté, voire même l'inconscience. On lui reproche finalement son engagement auprès d'un gouvernement très fortement mal-aimé. 

    Ce que j'en retire en tout cas, c'est qu'effectivement, le milieu politique et donc financier ne se laissera jamais dicter des règles autres que celles qui les arrangent. Hulot dit aussi un problème majeur dans son cas : il était seul...Le constat dès lors est simple : rien ne viendra de la sphère étatique et c'est donc à nous, chaque individu, de pallier aux déficiences des états. 

    J'ai regardé plusieurs fois la vidéo de ce matin. Très clairement, Nicolas Hulot se retient de ne pas craquer en direct...Le bonhomme qui regarde en l'air, qui respire posément avant de lâcher une phrase, tous ses tics nerveux, le fait qu'en entrant dans le studio il n'avait pas encore décidé de faire cette annonce et là, boum, il lâche l'affaire...Ce gars est à bout, totalement à bout... Il y a au moins une personne qui va être terriblement soulagée aujourd'hui, c'est sa femme...

    Moi, dans cette interview, j'entends un homme (pas un politicien) qui n'en peut plus de se confronter à des contradictions majeures et la conclusion que j'en retire, c'est que le milieu politique et financier n'a strictement aucune écoute sur l'urgence de la situation planétaire.

    À la limite, M Hulot n'a aucune importance dans ce débat. C'est le fond qui est gravissime.

    Il n'empêche que la douleur du bonhomme, elle me touche et je n'oublie pourtant pas son passé. Mais, là, ce matin, il y a quelque chose qui s'est brisé en lui et ça, c'est une situation qui m'interpelle. C'est souvent lorsque les gens s'effondrent qu'ils disent les choses les plus importantes...

    Le problème, du coup, c'est que justement le fond du problème est effacé par toutes les images associées au personnage public et politique et que toutes les explications qu'il a données ne sont pas entendues et reprises. L'alerte qu'il lance n'est même pas entendue.

    Il ne tire pas le bilan de son passage au gouvernement mais bien davantage le constat d'un monde qui continue à ignorer l'urgence planétaire. Beaucoup lui reprochent d'avoir joué un double jeu et peu de gens semblent entendre l'essentiel.

    Lorsqu'à propos de la présence de personnalités appartenant à divers lobbies, il pose la question : "Qui gouverne ?" pourquoi est-ce que ça n'est pas entendu, commenté, analysé ? Parce qu'on lui reproche d'avoir été naïf et que tout le monde le savait déjà ? Non, beaucoup de gens l'ignorent, beaucoup de gens considèrent que c'est du "complotisme de pilier de bar".

    Lorsqu'il explique qu'un gouvernement, seul, ne peut rien, réellement, contre la puissance décisionnel de l'UE ou d'autres puissances économiques, beaucoup ne l'entendent pas. On lui reproche juste son "admiration pour M Macron". Je ne sais pas pour quelles raisons, M Hulot emploie ce terme à l'égard de "sa majesté" et bien évidemment, je n'y adhère pas mais encore une fois, cela ne devrait pas couvrir le reste de ses propos.

    Lorsqu'il dit qu'il y avait une opportunité inespérée de transformer le système agricole et qu'il n'y aurait jamais dû y avoir de confrontation avec M Travert, ministre de "l'agriculture industrielle", beaucoup lui reprochent encore sa candeur.

    Le bilan de tout ça, c'est que les convictions de M Hulot se retournent contre lui et accentuent son rejet parce qu'il a échoué dans les grandes lignes et qu'il ne reste de son séjour au gouvernement " que des petits pas".

    Finalement, M Hulot aura échoué dans son passage au gouvernement tout autant que sa sortie. 

    Et la plupart des individus s'arrêteront à ce fait.

    L'état des lieux qu'il a énoncé n'aura même pas été entendu.

    C'est là que je vois dans tout ça une forme de double peine.

    Vraiment, oui, très sincèrement, je le plains. 

     

    Maintenant, à mes yeux, il se pose un autre problème et avec ça, je vais encore sûrement passer pour un donneur de leçons. Je précise donc que pour moi, "un donneur de leçons" est quelqu'un qui parle de choses qu'il n'applique pas lui-même. Celui qui fait ce qu'il dit n'est donc pas un donneur de leçons mais juste un exemple de ce qu'il est possible de réaliser.

    Donc, lorsque M Hulot dit qu'il s'est senti considérablement seul dans ses différentes missions, il ne s'agit pas pour moi uniquement d'une solitude au sein du gouvernement même si c'est bien évidemment la cause première. Il parle également de l'engagement des citoyens, de tous les citoyens. Pierre Rabhi dit de son côté qu'il faut "prendre le maquis."

    C'est de cette façon que je vois les choses : s'extraire au mieux du systéme matérialiste, consumériste, d'une idée de croissance infinie. Par conséquent, tous les gens qui critiquent M Hulot au regard de sa participation à un gouvernement conspué (à juste raison), que font-ils de leur côté pour alléger le désastre planétaire dont parle M Hulot ?...

    Qui est passé à un régime végétarien pour ne plus amplifier les effets de l'élevage intensif ? Qui, parmi les heureux propriétaires d'un jardin d'agrément l'ont transformé en potager afin de ne plus avoir besoin de prendre son véhicule pour aller faire des courses et ne plus cautionner l'alimentation végétale industrielle ? Qui a décidé de ne plus aller visiter des pays exotiques en prenant l'avion ? Qui a décidé de faire ses propres produits d'entretien en utilisant des bouteilles en verre afin de ne pas participer à l'usage immodéré du plastique dans les maisons ? Qui a décidé d'user jusqu'à la trame ses vêtements au lieu de remplir indéfiniment ses placards de textiles divers ayant voyagé par cargos depuis les pays asiatiques? Qui a décidé de réduire sa consommation alimentaire afin de pouvoir supporter le surcoût des produits bio ? Qui essaie de trouver les produits locaux et non pas venant par camions de destinations lointaines ? Qui éteint systématiquement les lumières en sortant d'une pièce ? Qui utilise l'eau de vaisselle ou du lavabo dans la chasse d'eau ? Qui a jeté la télévision énergétivore ? Qui remplace au mieux le déplacement en voiture par la marche à pied ou le vélo ou les transports en commun ? Qui tente jour après jour d'analyser ses propres comportements et d'en déceler les travers écologiques et de les corriger ?

    Il y a beaucoup de gens qui le font et dont on ignore les engagements. C'est bien dommage d'ailleurs et il serait temps que les exemples soient mis en avant, sous les yeux de tous. Rien ne sera jamais parfait mais tout relève de la volonté de chacun.  

    La liste est longue, très longue de tout ce qu'il est possible de faire sans attendre qu'un N Hulot ou un chef d'état ou une personnalité publique vienne nous l'apprendre ou nous l'imposer. Il n'est pas honnête de critiquer un Hulot et de s'en tenir à ça.

    J'aurais aimé d'ailleurs que dans sa "sortie", il appuie bien davantage la responsabilité de tous...Mais sans doute s'en serait-il pris encore plus dans la tronche..."Qu'est-ce que c'est que ce donneur de leçons qui vend du shampoing dans des bouteilles en plastique et qui roule en 4X4 ? " Oui, c'est clair qu'un Pierre Rabhi est bien plus crédible avec sa 4L et ses vieilles chemises à carreaux. Mais doit-on s'intéresser uniquement aux gens parfaits quand nous ne le sommes pas nous-mêmes? Je ne suis pas parfait, je consomme de l'électricité du réseau avec cet ordinateur et sa fabrication a contribué à l'exploitation des terres rares et à la pollution des océans par son envoi en cargo depuis l'autre côté du monde. J'ai un 4X4 diesel parce que je m'en sers pour aller chercher mon bois de chauffage et que je n'ai pas les moyens d'acheter un véhicule plus moderne (d'autant que les véhicules modernes sont très polluants par leur usage de pétrole ( plastique) et électronique... Non, je ne suis pas parfait. Personne ne l'est. À part les morts. 

     

     

     

     

  • Nicolas Hulot

    Voilà, c'était inévitable et ça me désole au plus haut point. Pour lui bien évidemment et quand on voit son état physique et nerveux, je le comprends amplement. Il faut qu'il sauve sa peau maintenant...Je n'ai jamais vu une personnalité politique décrépir et s'abîmer aussi vite et avec une telle ampleur. Ce qui montre bien d'ailleurs à quel point, les autres personnes de ce milieu n'ont aucune conviction, aucun réel engagement, aucune réelle désillusion quand quelque chose n'aboutit pas... Aucune importance, ils continueront avec une autre idée, juste pour exister médiatiquement et justifier à leurs yeux leurs privilèges.

    On ne peut donc qu'accorder à M Hulot une sincère reconnaissance pour tout ce qu'il a tenté. Qu'il s'éloigne maintenant de la fange, qu'il reprenne vie, qu'il se repose, longuement...

    Désolé pour la réalité des choses ensuite, car comme il l'explique, rien n'a été réglé ni même amélioré. C'est toujours la même fuite en avant au nom de la croissance et de la consommation. Quant à ceux et celles qui pensent toujours que les politiciens et les financiers accordent un quelconque intérêt à la santé de la planète et par conséquent de la nôtre, qu'ils regardent bien les faits et cessent d'écouter les discours électoraux....

    Nicolas Hulot quitte le gouvernement

    Le ministre de la Transition écologique et solidaire en a fait l'annonce mardi 28 août sur France Inter. Il indique n'avoir prévenu ni Emmanuel Macron ni Édouard Philippe.

    Nicolas Hulot a annoncé mardi 28 août, sur France Inter, qu'il démissionnait de son poste de ministre de la Transition écologique et solidaire. "Je prends la décision de quitter le gouvernement", a déclaré Nicolas Hulot.

    "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation de pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", a déploré Nicolas Hulot.

    "Je ne veux plus me mentir"

    "Je vais prendre, pour la première fois, la décision la plus difficile de ma vie", a poursuivi l'ancien animateur. "Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là. Et donc je prends la décision de quitter le gouvernement."

    Nicolas Hulot affirme qu'il n'avait prévenu ni Emmanuel Macron ni Édouard Philippe de sa décision. "Ce n'est pas très protocolaire", a-t-il admis. Il précise avoir pris sa décision lundi 27 août au soir, "elle a été mûrie cet été".

    Nicolas Hulot avait participé lundi 27 août à une réunion à l'Élysée avec des représentants des chasseurs, à l'issue de laquelle Emmanuel Macron a accepté de diviser par deux le prix du permis national de chasse, et a dessiné les contours d'une vaste réforme de la chasse, suscitant l'inquiétude des défenseurs de l'environnement

  • Chamanisme

    Toujours aussi étranges ces synchronicités... Cette nuit, j'ai écrit dans le roman en cours, la "rencontre" de l'héroïne avec son animal totem et ce matin, je tombe sur cet article.


     

    TOUS, SAUF ELLE

     

    Quand elle arriva à la ferme et qu’elle ne vit pas le véhicule de Théo, elle repensa au texto et décida de le relire.

    Elle ouvrit la porte, alluma la lumière et s’assit dans le fauteuil du salon.

    « Tout va bien. Il ne s’est rien passé. Je reste à Lyon demain, deux, trois trucs à vérifier. Je t’aime. »

    Elle leva les yeux et balaya l’intérieur du regard et ce fut comme un rappel à soi, la sortie d’un tunnel, le retour à une vie connue.

    Il y a longtemps, elle était entrée dans une grotte et elle s’était allongée dans l’ombre. Le temps s’était étiré au-delà de l’espace habituel et elle avait maintenant l’impression étrange de ne pas être redescendue. Ou d’être quelqu’un d’autre.

    Une femme était montée là-haut. Quelqu’un d’autre était revenu.

    Elle ne se souvenait pas avoir fermé les yeux. Elle n’avait plus aucun repère temporel depuis l’instant où elle avait quitté le monde visuel.

    La main de Figueras s’était posée sur son front.

    Mais à l’intérieur.

    L’évaporation intégrale des ressentis humains. L’effacement de son corps allongé sur la roche. Aucun point de contact. Rien de connu. Et tout ce qui avait jailli n’était aucunement identifiable.

    Elle s’étonna même de ne pas oser vraiment se le remémorer comme si de telles pensées relevaient de la psychiatrie et ne devaient pas être ranimées.

    Elle sut alors qu’elle n’en parlerait jamais.

    Elle s’enfonça dans le fauteuil, posa le smartphone sur le plancher et ferma les yeux. Volontairement, cette fois.

    Qu’avait-elle vécu là-haut ? Elle devait se souvenir, ne rien perdre, elle en sentait douloureusement l’importance et s’en voulait de gâcher la beauté des ressentis par une peur ténébreuse.

    Plonger dans la lumière, la retrouver, se nourrir de sa bienveillance, du cadeau offert.

    La main de Figueras la regardait et elle savait maintenant que la phrase n’avait aucun sens.

    L’énergie qui coulait la visitait comme un flux électrique. Plus rien n’avait de sens. Figueras regardait en elle et elle se souvenait de la tendresse, de l’intention bienveillante. Ou peut-être l’imaginait-elle.

    Elle était gênée et simultanément comblée de deviner dans le phénomène un acte d’amour. Sans rien y comprendre.

    Elle ne savait plus rien. Pas dans la dimension humaine.

    Puisqu’elle était un puma. Un puma… Elle n’en connaissait rien avant d’entrer dans la grotte. Elle savait tout de lui maintenant. Puisqu’il était elle et qu’elle était lui.

    Plus rien n’avait de sens, rien n’était vérifiable, rien n’était racontable, rien n’était traduisible, aucun rêve n’avait cette portée.

    Un territoire infini s’était ouvert et elle n’en était pas revenue.

    Elle avait couru dans les montagnes, la puissance de l’animal dans ses fibres, elle était lui, il était elle, une reconnaissance cellulaire, des retrouvailles, la joie sidérante de l’euphorie musculaire, quatre pattes volant au-dessus de la terre, chaque appui dans une perfection totale, elle avait couru en lui, dans l’acuité de ses regards, dans le couronnement de ses sens, l’extrême déploiement de sa force, elle avait vu par son âme l’étendue des existences, le cheminement millénaire des incarnations. Dans l’immensité des montagnes, à l’envers des cieux, elle avait cavalé sur les nuages, elle avait traversé les abîmes du temps en découvrant leur inexistence, rien n’avait de durée, tout n’était que l’instant, éternellement.

    C’est là qu’elle avait ressenti le danger, une menace immense, constante, où que l’animal soit, qu’il coure dans les montagnes ou les forêts, qu’il traverse les torrents ou explore les ravins les plus profonds.

    Où qu’il soit, un péril majeur, un danger de mort.

    Elle ne savait pas quand elle avait ouvert les yeux. Ni quand elle avait décidé de quitter la grotte, ni comment elle avait franchi les ressauts, les pentes, les vires et les couloirs rocheux pour rejoindre la forêt, elle ne savait rien de ces instants inexistants.

    C’est dans l’espace fermé des murs de la ferme qu’elle avait réellement repris conscience.

    Ou qu’elle l’avait perdue.


     

    Les chamanes sont-ils les nouveaux psys du XXIe siècle ?

     

    Par Dalila Kerchouche | Le 26 août 2018

    Enquête. - Convoquer son animal totem, découvrir son esprit guide, dialoguer avec les arbres… Une nouvelle vague ésotérique chic ensorcelle de plus en plus de jeunes actifs urbains. Entre quête de sens, reconnexion à la nature et psychothérapie alternative, voyage au cœur de ces nouvelles spiritualités.

    •  

    À quatre pattes dans les hautes herbes, Amandine, 28 ans, feule, grogne, rugit et gratte furieusement le sol. Dans cette prairie ensoleillée de Bretagne, oubliant tout vernis social, la trentenaire nantaise entre dans la peau d’un jaguar qui arpente la jungle, renifle les dangers et frotte son pelage contre l’écorce des arbres. Électrisé par le tambour de Simeth, la chamane maya, le corps frêle d’Amandine, secoué de spasmes, expulse alors une colère colossale en une transe cathartique… Avant de s’effondrer dans l’herbe. Vidée, la jeune femme plonge avec délices dans une rivière ombragée, au milieu des libellules bleutées. Tout en essuyant ses cheveux ruisselants, Amandine exulte d’une joie sauvage : «C’est très libérateur !»

    Retrouver du sens

    Qu’est-ce qui a conduit cette jeune informaticienne, qui n’a rien d’une illuminée, à pratiquer ce rite ancestral maya ? «Il y a trois ans, je travaillais chez Capgemini, raconte-t-elle. Rester assise sept heures par jour derrière un écran, dans l’air conditionné et sans voir personne : je mourais à petit feu. Je ne me voyais pas vivre ainsi jusqu’à ma retraite.» Résultat : burn-out à 25 ans, scoliose et dépression. «Mon corps a dit stop. Je suis partie au Pérou chez un chamane faire du woofing (tourisme alternatif qui permet d’être nourri et logé chez l’habitant en échange de travaux, NDLR). Il m’a soignée avec l’ayahuasca, une liane médicinale d’Amazonie. Le chamanisme me nettoie de mes émotions négatives : mon manque d’estime de moi, ma peur du lendemain et la colère que provoque en moi la destruction de la planète. Depuis, j’ai retrouvé un sens à ma vie. Aujourd’hui, je me forme à la permaculturepour devenir maraîchère bio.»

    Entre totems et tipis indiens dressés dans une clairière du Morbihan, ils sont plus de 400 curieux, comme Amandine, à participer à ce festival chamanique baptisé Rencontre au cœur du sacré, né en 2015. Chaque été s’y entremêlent dans une ambiance joyeuse et bienveillante les traditions de guérisseurs celtes, mongoles, hébraïques, africains ou amérindiens. On y danse avec l’esprit du jaguar, on se connecte à son animal totem, on rencontre ses esprits guides, on communique avec les arbres, on nettoie sa lignée dans des huttes de sudation, et l’on célèbre la terre mère par des offrandes. «Notre public, qui est majoritairement féminin, jeune et passionné de développement personnel, a doublé en quatre ans», se réjouit Corinne, 57 ans, alias Oiseau de lune, ex-comptable parisienne devenue femme médecine et organisatrice du festival.

    Les psys du XXIe siècle ?

    Chamanes, les nouveaux psys ?

    Baptiste Stephan / Madame Figaro

    Chamane ! Par quel charme puissant cette figure du guérisseur sorcier, vieille de plus 40.000 ans, envoûte- t-elle en 2018 notre société occidentale désacralisée, matérialiste et technologique ? «Diabolisé en Occident par les philosophes des Lumières, puis réhabilité par l’anthropologue Claude Lévi-Strauss dans les années 1950, le chamanisme a resurgi pendant les seventies dans les milieux alternatifs hippies sous la forme d’un néochamanisme», explique l’anthropologue Jeremy Narby, coauteur de Plantes & chamanisme(Mama Éditions, avec Jan Kounen et Vincent Ravalec). Aujourd’hui, de la campagne bretonne aux dîners mondains, de plus en plus de millennials hyperconnectés et d’urbains actifs tout à fait rationnels, qui carburent plus au jus bio qu’au LSD, contactent un chamane aussi facilement qu’un thérapeute. Les chamanes issus des sociétés traditionnelles, qui savent entrer en relation avec le monde de l’invisible et les esprits de la nature afin d’y intercéder pour les hommes, deviendraient-ils les psys du XXIe siècle ?

    Cette chamane-mania ensorcelle aussi l’univers du luxe. Depuis 2016, Louis Vuitton aurait son chamane attitré. Le 28 mai dernier, la maison de luxe l’aurait même fait venir en jet privé pour chasser la pluie lors de son défilé croisière 2019, qui se déroulait en plein air à la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence. Ce même chamane aurait été mandaté pour garantir le beau temps lors des noces de Meghan Markle et du prince Harry. «Dans le monde du luxe, on s’échange discrètement les 06 des meilleurs chamanes», avoue la dircom d’une grande maison. Avec des séances pouvant atteindre 300 euros les deux heures, le chamane business se porte bien. Même le monde très pragmatique de l’entreprise y succombe. Ainsi, la chamane Liliane Van der Velde propose aux managers des stages pour voyager dans l’«esprit» de son entreprise, dénouer un litige avec un client ou trouver ses alliés professionnels.

    Dans les librairies, les livres sur le sujet fleurissent au rayon développement personnel. Sur Internet, où des guérisseurs sincères et efficaces côtoient des charlatans, les stages énergétiques explosent. En Amérique du Sud, un tourisme chamanique émerge autour de l’ayahuasca, cette plante sacrée pour les Amérindiens, mais interdite en France car considérée comme un psychotrope. Dans son récent best-seller How to Change Your Mind : the New Science of Psychedelics(Éditions Penguin Press), le journaliste du New Yorker Michael Pollan défend les effets thérapeutiques de ces plantes hallucinogènes utilisées par les chamanes depuis des millénaires.

    Des urbains désenchantés ?

    Faut-il voir dans ce phénomène une énième mode ésotérique new age, dont les risques de dérives sectaires ont été épinglés par un rapport de la Miviludes dès 2009 ? Ou une quête plus profonde, qui répondrait à la fois au désenchantement du monde, analysé par Max Weber, et à l’angoisse générée par la crise écologique ? Pour Arnaud Riou, auteur de Réveillez le chaman qui est en vous (Éditions Harmonie Solar), «le chamanisme revient au goût du jour parce que notre planète va mal. Beaucoup d’urbains en quête de sens, sensibles à l’écologie, à la méditation et au yoga désirent expérimenter une reliance plus spirituelle à la nature. Ils cherchent une connexion revitalisée avec le vivant. On a tous besoin de se reconnecter à la dimension sensible et sacrée de la nature, dont on a été coupé par le matérialisme et le monothéisme.»

    Le président du Palais de Tokyo, Jean de Loisy, qui a dirigé l’exposition Les Maîtres du désordre en 2012 au Musée du quai Branly, relie cet engouement au succès actuel de la littérature sur les arbres, la conscience des végétaux et des animaux : «Depuis la naissance du monde moderne, l’homme se considère comme étant en dehors de la nature, dans une relation de prédation et d’exploitation qui, aujourd’hui, est ressentie comme inacceptable. Cet intérêt pour le chamanisme exprime le désir d’un rapport moins rationnel, plus sensible et plus immersif au monde. On bascule d’un rapport de pouvoir sur la nature à une relation de résonance intime.»

    Cette quête d’une transcendance avec la nature touche des dirigeantes très structurées. Bénédicte, directrice marketing d’un groupe européen d’informatique, a réalisé plusieurs voyages en Amazonie : «Avec la prise d’ayahuasca, j’ai ressenti une connexion intense au vivant qui a aiguisé ma conscience écologique, raconte-t-elle. Je suis sortie de mon corps, je percevais les sensations des arbres et des plantes.» Dans le business, Bénédicte a aussi senti son intuition se décupler. «J’appréhende désormais le monde en 5D, avec ma raison, mes émotions, mes perceptions et mon ressenti, qui sont les bases de la communication intuitive. Lors des réunions, je sens la vibration des mots et des intentions cachées, je sais trouver le message juste et percutant, je peux rassurer des clients sur des appels d’offres à plusieurs millions d’euros. Je perçois la réalité avec une conscience élargie.»

    “Le corps est mémoire”

    Quand on lui a dit qu’elle était chamane, lors d’un festival, Bérangère, 48 ans, a éclaté de rire. «J’ai répondu : “Vous êtes dingues !” Adjointe au maire de Fréthun (Pas-de-Calais) et championne de France de randonnée aquatique, je ne suis pas du tout “perchée”. Je suis cartésienne, sportive et rationnelle. Pendant deux ans, j’ai tout rejeté. Et je me suis retrouvée clouée au lit par de violentes douleurs au dos. Quand j’ai accepté cette mission, mes douleurs ont disparu en quelques heures.» Initiée aux rites scandinaves, et baptisée désormais Vegvizir, elle soigne par des voyages au tambour nombre de femmes blessées dans leur féminin, victimes d’abus sexuels ou souffrant de fausses couches à répétition. «Le corps est mémoire, il garde tout. La demande est si forte que j’ai créé l’association Ursprang avec Anja Normann, une chamane suédoise, pour aider les femmes à se reconnecter à leur puissance et à prendre leur place.» Elle met en garde contre les dangers de la fascination : «Quand des patients en larmes se jettent à votre cou en vous remerciant, on peut vite s’enivrer et basculer dans une forme de pouvoir. Il faut rester humble, ancré dans ses valeurs. Il n’y a pas de magie, le chamane apporte ce qu’il peut avec ses outils, sa connexion et son altruisme.»

    Même les psys s’y convertissent. Quand les outils thérapeutiques classiques ne parviennent pas à résoudre des problèmes d’addictions, de névroses, de dépressions, de ruminations négatives ou de scénarios de répétitions, certains envoient leurs patients chez un chamane. C’est le cas de Stéphane, psychologue à Genève : «Face à certains traumas engrammés depuis des années dans la mémoire corporelle, la thérapie par le langage ne suffit pas. Je conseille alors à mes patients de participer à des huttes de sudation près de Morzine, menées par Milenko, un ami chamane chilien. Le chamanisme, qui intègre le physique, l’émotionnel, l’énergétique et le spirituel, aborde l’être de façon holistique. C’est un véritable booster thérapeutique, qui permet une transformation profonde et spectaculaire.»

    La science se penche aussi sur ce phénomène. Sur le modèle des recherches sur les bienfaits de la méditation réalisées avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’Inserm étudie en imagerie cérébrale les effets de la transe sur le cerveau, avec l’aide de Corine Sombrun, une pianiste devenue chamane en Mongolie.

    Un défi à la raison

    Voyage au cœur de ces nouvelles spiritualités.

    Baptiste Stephan / Madame Figaro

    Certains psys deviennent eux-mêmes chamanes. Pour soigner des traumas, ils s’initient aux rituels les plus étonnants, comme le recouvrement d’âmes. Psychologue clinicienne à l’hôpital de Plymouth, en Angleterre, et auteur de Comment je suis devenue chamane (Éditions Fayard), Claire Marie s’est formée à la médecine aztèque : «Quand on subit un trauma, une partie de notre énergie sort du corps. Cela crée un vide que l’on remplit par des pensées négatives et par l’énergie des autres.» Comment travaille-t-elle concrètement ? «Habillée de blanc, je frotte le corps de mon patient avec des œufs. J’utilise aussi le son avec un tambour, les parfums avec des fleurs, j’appelle l’esprit du vent, du feu, de l’eau et de la terre. En fin de cérémonie, je souffle sept fois sur différentes parties du corps pour réinsuffler les parcelles d’âmes qui se sont échappées. Quand le patient se nettoie en profondeur, souvent les œufs pourrissent en deux heures.»

    Ce type d’expériences mystiques, courantes dans le chamanisme, résonnent comme un défi à la raison. En 2018, faudrait-il donc croire aux esprits ? Pionnier de cette double approche thérapeutique et spirituelle, le psychiatre Olivier Chambon, qui a publié Le Chamane & le Psy (Mama Éditions, avec Laurent Huguelit), rassure : «Ce n’est pas un afflux d’irrationalité qui infiltrerait soudain notre société. Certains penseurs et chercheurs comme Ervin László ou Mario Beauregard posent la question de l’existence de champs d’informations et d’énergies qui sont intelligents et indépendants de nous. La physique quantique montre que nous baignons dans un monde de vibrations et d’ondes avec lequel nous sommes en interaction.»

    Qu’apporte, au fond, le chamanisme ? «Il nous montre que notre conscience est beaucoup plus large que notre petit “moi” de tous les jours. Dans notre vie routinière, nous vivons dans un état rétréci de conscience. Le chamanisme nous libère du brouillard mental de nos soucis quotidiens et de notre obsession pour la réussite. Il nous “éveille” de ce rêve contemporain. Il répond à un besoin de réenchanter nos vies, de se réanimer, au sens de remettre de l’âme dans nos existences, d’exprimer notre essence profonde et de restaurer l’équilibre entre l’homme et la nature. Il nous aide à retrouver un lien spirituel avec la terre mère pour nous guérir et comprendre le sens de notre vie, ce pour quoi on est là.»