« Là-Haut », le site de Thierry Ledru
« L'Amour et la Nature sont les ciseleurs talentueux
du diamant qui brille en chacun de nous. »
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NOVEMBRE 2009
Je suis marié, nous avons trois enfants (jeunes adultes aujourd'hui), je suis instituteur depuis mes 19 ans. Je vis en Savoie.
J'ai passé un BAC litté/philo et je suis tout de suite entré à l'école Normale. À l'époque je vivais en Bretagne mais j'étais passionné par l'escalade et l'alpinisme et je voulais aller vivre dans les Alpes.
Mes deux dernières années de lycée, j'ai eu la chance immense d'avoir un prof de Français et une prof de philo extraordinaires. J'adorais lire et écrire et peu à peu ils m'ont permis d'avoir avec eux une relation privilégiée, des échanges extrêmement enrichissants, non seulement d'un point de vue cognitif mais surtout sur le plan humain.
Hugo, Zola, Gide, Giono, Flaubert, Malraux, Camus, Sartre, Saint-Exupéry, Lanza del Vasto, Koestler, Conrad, Steinbeck, Heminghway, Freud, Merleau-Ponty, Descartes, Kant, Rousseau, Platon, Marc-Aurèle, Sénèque, London, tout ce qu'ils m'ont fait connaître et tout ce que j'ai découvert.
Krishnamurti, Ouspensky, Gurdjieff, Vivekananda, Desjardins, Gandhi, Sri Aurobindo, Prajnanpad, Thoreau ...
Je lisais comme un mort de faim ! La bibliothèque du lycée, celle du village, les livres que je lisais dans les librairies sans pouvoir tous les acheter.
J'écrivais des nouvelles, des exposés, des devoirs imposés, ils les lisaient, les critiquaient, ils m'encourageaient parfois. Ils disaient tous les deux qu'un jour je serai édité. Qu'il fallait travailler. La force des mots qui s'ancrent et résistent, contre vents et marées, contre le temps qui passe.
À seize ans, mon frère qui en avait dix-neuf a eu un accident de voiture. Cliniquement mort. J'ai passé trois mois dans sa chambre d'hôpital. Jours et nuits à ses côtés. Il en est sorti. Marqué à vie. Moi aussi...
À vingt-quatre ans, j'ai été opéré d'une première hernie discale. Opération ratée. Fin de mes rêves d'alpinisme. Dépression lourde. J'aimais toujours écrire alors je me suis lancé dans un roman. Une bouée de secours. Une thérapie aussi mais je ne le comprendrais que bien plus tard.
"VERTIGES".
Une histoire d'alpinisme. Un drame, un homme qui redescend son compagnon sur son dos. Je n'avais pas conscience de la symbolique envers ma propre histoire, comme si les mots s'imposaient, comme si mes écrits se devaient déjà d'être des introspections qui prenaient vie...Je l'ai envoyé à divers éditeurs parisiens. Je ne connaissais rien à ce milieu... Personne n'en a voulu. Quelques réponses impersonnelles. Impossible de connaître les raisons précises de ces refus successifs. Je savais que Bernard Giraudeau adorait l'alpinisme. Je lui ai envoyé un manuscrit. Sa secrétaire m'a appelé quelques semaines plus tard. Il voulait me rencontrer pour une adaptation cinématographique. On s'est vu à Brest. Il m'a dit qu'il avait un gros problème de finances et qu'il me tiendrait au courant. Un tournage en haute montagne coûte très cher. Trois mois plus tard. Sa secrétaire au téléphone. Il avait finalement choisi le roman de Simone Desmaison "la face de l'ogre". Il en a fait un téléfilm.
Pas d'explication, plus aucune nouvelle.
Grosse déprime. J'ai tout rangé dans un placard.
J'ai arrêté d'écrire sérieusement pendant de nombreuses années. Je récupérais lentement sans comprendre tout ce qui se tramait en moi, les douleurs à venir. Je griffonnais quelques scénarios sur des cahiers mais rien de vraiment abouti.
J'ai laissé passer dix ans avant de ressortir "Vertiges" de son tiroir et je l'ai relu. Considérablement honteux d'avoir osé adresser un texte aussi misérable aux éditeurs. J'ai tout recommencé. Et puis j'ai décidé d'attendre dix ans de plus en me disant que le même effet dévastateur aurait lieu. Je devais continuer à lire et si possible à écrire.
Je me suis finalement décidé en 2004. J'ai relu "Vertiges" et j'ai compris ce qui manquait. Ça n'était pas "mon" écriture mais "de" l'écriture. L'histoire était en place, les personnages existaient comme je le voulais, les situations étaient clairement décrites mais il n'y avait rien pour lier l'ensemble. Rien de personnel. C'était comme un orchestre assis mais qui ne jouait pas. Je devais trouver une musique.
J'ai tout réécrit. Une euphorie merveilleuse, comme une mélodie en moi et qui ne cessait de tourner en boucle. Impossible de perdre le fil. J'avais trouvé ma musique.
Le premier éditeur contacté l'a accepté.
"Vertiges" a eu deux prix littéraires régionaux.
Faut-il donc avoir souffert pour savoir écrire? Pour sortir de soi un écrit acceptable, faut-il donc être descendu dans les tréfonds de l'âme?
À partir de là, je me suis lancé à corps perdu (à esprit perdu) dans l'écriture. Elle m'a servi de thérapie. La vie continuait à m'asséner des coups de bélier. Je m'accrochais à mon stylo...Pour ne pas sombrer.
"LÀ-HAUT".
Un guide de haute montagne et sa femme vont au salon du livre de Paris. Attentat dans le RER. Une bombe. Le guide est amputé d'une jambe, sa femme est morte. Expérience de mort approchée. Un basculement absolu.
Mon éditeur n'en a pas voulu. Trop sombre, "une écriture trop exigeante pour le lectorat moyen auquel sa maison s'adressait"... Assez incroyable comme réponse... Incompréhension totale de ma part. Mon premier roman avait eu deux prix, pourquoi refusait-il celui-là, comment pouvait-il juger de l'accueil qui lui serait fait, pourquoi rejeter une écriture "exigeante" comme si les esprits ne pouvaient pas s'atteler à un effort inhabituel?
Finalement, je réalisais que d'avoir été édité ne suffisait pas à m'assurer une continuité. Je repartais à la case départ.
D'autres tentatives. Nouveaux refus.
"Trop spirituel, trop violent, trop sombre, trop compliqué, trop philosophique, trop anticlérical..."
Trop, toujours trop...L'écriture devait-elle donc rester dans un cadre restrictif, bien établi, des frontières précises? Ou bien mon écriture ne valait-elle rien?
Des wagons de questions à longueur de nuit...
"JUSQU'AU BOUT".
Le parcours chaotique d'un instituteur qui finit par enlever ses élèves.
"Très long. Trop long."
Personne n'en a voulu encore une fois. Un éditeur m'a répondu : "Sexe, drogue, meurtre et philosophie, où voulez-vous que je range ça? Et vous vous rendez compte du risque que vous prenez avec une histoire pareille par rapport à votre métier d'instituteur? Et puis, un pavé pareil, personne n'en voudra. Les gens veulent des histoires courtes et faciles à lire."
Incompréhension. Il fallait donc écrire des histoires qui pouvaient être "rangées" dans des catégories précises. Le mélange des genres était mal vu.
Où était la création si le marché imposait ses règles?
À moins, que ça soit encore mal écrit.
Des wagons de questions à longueur de nuit.
Deuxième hernie discale...Trente-cinq ans.
Nouvelle opération...
Nouvelle dépression.
Un autre roman. Toujours pour aller au plus profond, plus profond que tous les scalpels...
"NOIRCEUR DES CIMES".
J'ai travaillé dix mois, tous les jours, toutes les nuits, à chaque instant de liberté sur cette histoire. Une véritable addiction. Quatre amis alpinistes de haut niveau tentent l'ascension du K2, deuxième plus haut sommet de la planète. La femme de l'un d'entre eux les accompagne et reste au camp de base. Rien ne se passe comme prévu.
J'ai envoyé le manuscrit à une maison d'édition qui venait de s'installer dans la région. Il a été retenu. Immense bonheur. Une très belle rencontre avec Sarah Molina, une jeune éditrice portée par un enthousiasme fabuleux. Des articles de presse, une télé régionale, des radios, des invitations dans des salons, dans des bibliothèques, des dédicaces dans des grandes librairies.
Quelques mois plus tard, la maison d'édtion a été contrainte de fermer à la suite d'un désaccord financier avec le distributeur, une histoire qui me montrait combien la tâche d'un éditeur est un engagement risqué, incertain, aléatoire...
Mon frère est mort vingt ans après son accident. Une hémorragie cérébrale. Il vivait seul. La gendarmerie m'a téléphoné parce que mes parents étaient introuvables et qu'ils ne répondaient pas au téléphone. J'ai pris l'avion et j'ai retrouvé mon frère à la morgue. Pendant quatre jours, j'ai prévenu le reste de la famille, organisé la crémation tout en cherchant à contacter mes parents puis j'ai eu l'idée d'un transfert téléphonique. Ils étaient partis avec leur camping-car. Quand ils ont appelé mon frère, c'est moi qui ai répondu pour leur annoncer que Christian était mort.
Je n'imaginais pas alors que cette nouvelle épreuve douloureuse n'était pas la dernière.
Internet m'a mené sur la piste des éditions du 38 et je bénis ce jour. J'ai contacté sa fondatrice et je lui ai envoyé le manuscrit. Elle a décidé de le publier.
"Là-Haut" a été sélectionné pour participer à un prix littéraire décerné par le fond "Handicap et société" qui oeuvre auprès des personnes en situation de handicap. J'ai été invité à Paris, au centre Pompidou, pour assister à la remise du prix mais le roman est arrivé en troisième position. C'était malgré tout une belle soirée, émouvante et de belles rencontres.
Quarante-quatre ans.
Trois hernies discales d'un coup, un effondrement, incompréhension des chirurgiens, un calvaire...Paralysie, morphine...L'odeur de la mort.
Une rencontre inespérée. Une médium magnétiseuse alors que j'avais refusé l'opération chirurgicale.
Quatre heures de ma vie hors du temps; hors de la matière, au-delà du connu.
Trois mois après, je retournais en montagne. Je n'ai jamais arrêté depuis.
Un nouveau roman pour comprendre enfin tout ce que je portais et qui me brisait depuis si longtemps.
"LES ÉGARÉS".
Le récit d’un couple en crise qui s’engage sur un sentier de randonnée mais en démarrant chacun à une extrémité. Ils marchent l’un vers l’autre en espérant se retrouver, renouer deux vies que les douleurs ont alourdies, fissurées, séparées.
Les traumatismes, la mort, les souffrances, les refoulements, les conditionnements, la recherche de l’être intime, hors de tous modèles, l’émergence de l’individu libéré, des expériences mystiques qu’ils ne s’expliquent pas, une quête spirituelle qui va s’amplifier…Un livre pour mon frère, pour ma femme, nos enfants et pour moi.
"JARWAL LE LUTIN"
Ce personnage est venu ensuite me rappeler la promesse faite à nos trois enfants.
Lorsqu'ils étaient jeunes, nous allions très souvent en montagne et j'avais décidé de leur raconter les aventures de ce lutin. Jarwal a vécu avec nous pendant six ans, il était de toutes les sorties, sur tous les sommets. Et puis un jour, il a dit qu'il était temps qu'il reprenne la route, qu'il savait que toutes les leçons de vie étaient inscrites dans la mémoire de mes enfants et qu'il ne les oublierait jamais. C'est là que j'ai promis à Marine, Rémi et Léo, qu'un jour, j'écrirais ces histoires et cette période de notre vie pendant laquelle Jarwal a vécu avec nous.
Le tome 1, 2, 3 et 4 sont finis. D'autres suivront.
Le tome 1 a été publié aux éditions Laura Mare juste avant la fermeture définitive de la maison...Deux mois d'existence pour ce livre...
Je continue l'histoire pour le plaisir. Et pour nos petits-enfants.
"À COEUR OUVERT"
La société CARMAT a mis au point un coeur totalement artificiel pour les greffes. Le travail de toute une vie pour le professeur Carpentier.
Je m'interroge sur les effets psychologiques de cette implantation. "Le coeur a ses raisons que la raison ignore. " Et quand il n'y a plus de coeur d'origine humaine mais une machine, qu'en est-il?
Les effets de cette implantation vont être immenses, à tel point que le personnage ne sait plus qui il est. Jusqu'à découvrir qu'il n'était pas lui-même. Un cheminement existentiel étourdissant.
« J’ai fait un infarctus. J’étais condamné à brève échéance, des dégâts irréversibles. On m’a proposé un cœur artificiel. J’ai accepté et depuis je ne sais pas avec qui j’ai vécu. Non pas les gens autour de moi mais moi, à l’intérieur. »
"LES HÉROS SONT TOUS MORTS"
Depuis longtemps, Nathalie me disait d'écrire un polar. J'ai fini par l'écouter. Et je me suis régalé à l'écrire.
Comment agirions-nous si nous nous retrouvions avec une mallette contenant une somme d'argent considérable ? ...
Notre conscience morale est-elle à toute épreuve ?
L'Humanité est-elle condamnée à souffrir des affres du matérialisme, comme contaminée par un poison ?...
"KUNDALINI"
Un nouveau roman, une nécessité, comme à chaque fois, l'introspection du couple dans la voie orientale du tantrisme et de la sexualité sacrée.
Maud est une femme mariée, de cinquante-deux ans. Elle est professeur de yoga.
Laurent, son mari, va la quitter. Sans aucun signe précurseur. Une rupture destructrice.
Des mois de détresse, de colère, de remords, d'interrogations sans fin.
Maud décide de s'accorder un séjour dans une région perdue des Alpes. Le besoin de nature et de paix intérieure.
Elle va rencontrer un homme plus jeune qu'elle. Sat. D'origine hindoue, il détient la clé de l'éveil de Maud.
Elle va vivre avec lui une réelle métamorphose.
Au-delà du connu.
Nudité, nature, méditation, massage, alimentation, respect, attention, observation de soi, silence, contemplation, libération, conscience...
Sexualité sacrée vers le couple divin.
Illumination.
Jusqu'à l'ultime révélation...Ce qui est au-delà du connu.
1er JANVIER 2024
A ce jour, j'ai donc écrit 14 romans et le quinzième est en cours.
Sept romans sont publiés, cinq par les éditions du 38.
Deux publications sont prévues dans l'année.
Et j'aime toujours autant écrire.
MAI 2004
VERTIGES
AVRIL 2007
NOIRCEURS DES CIMES
JANVIER 2016
LÀ-HAUT
MAI 2018
LES HÉROS SONT TOUS MORTS
OCTOBRE 2018
KUNDALINI
MAI 2019
JUSQU'AU BOUT
MAI 2020
A COEUR OUVERT
À mon sens, il ne faut pas écrire avec un objectif, un espoir, une attente. Il faut écrire juste parce que ça répond à un besoin vital. Une nourriture spirituelle. En sachant que les lois du marché imposeront une réalité qui sera peut-être très douloureuse. Ne pas avoir de projet, ne pas tirer de plans sur la comète, permet de se protéger, de ne pas subir la menace de la désillusion.
Je ne pense absolument pas en terme de catégorie, de style, de marché, d'édition, j'écris comme je le ressens. L’essentiel, à mon sens, est de ne pas se trahir.
Travailler. Quotidiennement. C'est une nécessité. Pour entrer dans son histoire, vivre avec ses personnages, les connaître, s'émouvoir avec eux, les accompagner, le plus beau cadeau étant de rêver d'eux la nuit, de les voir, de les entendre. De ressentir leurs peines et leurs joies.
Pendant l'écriture de "Noirceur des cimes", le personnage principal m'a appelé une nuit, dans un rêve, un appel déchirant, il allait mourir, il fallait que je vienne le sauver. Je me suis levé, j'ai allumé l'ordinateur, je lui ai dit que j'arrivais. Une situation d'urgence. Je n’aurais pas pu l’ignorer.
Un écrivain à qui on demandait un jour si ce qu'il avait écrit était vrai a répondu: "Bien entendu que c'est vrai puisque je l'ai inventé."
Indispensable vie commune. Vivre réellement avec ses personnages jusqu'à ce qu'ils ne soient plus à soi mais à eux-mêmes. Devenir dès lors le simple transcripteur de leurs parcours. "Je" n'écris pas, "ça" écrit en moi. A partir de là, il me semble qu'on peut parler de livres émouvants. Que l'écrivain disparaisse. Ce n'est pas le style qui importe mais la vie qu'on trouve dans le livre. Et la vie ne peut pas être inventée. Si le style l'emporte sur la vie, c'est juste qu'un exercice de style alors que le roman est une forme écrite de la vie.
Je me suis longtemps écouté parler dans mes écrits, par prétention, en pensant que c'était suffisant pour écrire quelque chose d'intéressant. Je n'avais rien compris.
J'écris pour honorer la Vie, pas ma vie. J'écris par respect. Plus par prétention. Le chemin a été long. Mais ça en valait la peine.
"Avant de songer à réformer le monde, à faire des révolutions, à méditer de nouvelles constitutions, à établir un ordre nouveau, descendez dans votre cœur, faites-y régner l'ordre, l'harmonie, la paix. Ensuite seulement, cherchez autour de vous des âmes qui vous ressemblent et passez à l'action."
Platon
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