A CŒUR OUVERT (roman)
« Le principe du cœur artificiel intégralement implantable est d’offrir au patient la même liberté qu’avec un vrai cœur et lui donner la possibilité d’avoir une mobilité normale.
La prothèse de la société Carmat ne peut fonctionner toute seule, elle doit être alimentée par des batteries.
Ce système comprend le coeur artificiel, les batteries et un petit ordinateur. Ce système donne un confort d’utilisation pour le patient et une bonne qualité de vie, car il permet aux patients non seulement de retrouver une mobilité normale, mais également une sécurité de fonctionnement. »
Mais qu’en est-il de l’impact existentiel, philosophique, émotionnel ?
Qu’en est-il de l’idée du transhumanisme ?
Qu’en est-il des risques inhérents à une panne de batterie ?
Un individu ne possédant plus de cœur biologique mais une prothèse artificielle voit-il sa personnalité changer ? Ses propres valeurs, ses convictions, sa vision de l’amour, le sens de sa vie ?
Le cœur biologique est présenté aujourd’hui par les scientifiques comme une entité mémorielle. Mais que se produit-il si l’individu perd son propre cœur et que celui-ci est remplacé par une machinerie ?
La vie possède-t-elle une puissance que les scientifiques n’ont pas envisagée ?
LE PIÈGE DE L’AMOUR.
Je pense que notre enfance crée des ancrages profonds et que l'amour en est la source. Un amour préfabriqué par les influences diverses : famille, amitiés, société, Histoire, appartenance à un groupe, à un statut social, à un mode de vie... Les raisons sont innombrables et souvent confuses.
Le cœur possède plusieurs millions de neurones. Ils ont une importance émotionnelle considérable. Chaque émotion associée à une situation va s'ancrer dans la mémoire. Une mémoire cérébrale ou corporelle, les neuro biologistes sont dubitatifs quant au siège de cette mémoire.
Je pense en tout cas que ces émotions, qu'elles soient positives ou non, génèrent des adaptations de l'individu. Soit, il cherchera à reproduire et même à amplifier ces émotions favorables, soit il cherchera à les fuir.
Le conditionnement se met en place dès lors qu'il n'y a aucune analyse de ces fonctionnements.
"Pourquoi est-ce que tu aimes ?" est une question bien plus essentielle que de pouvoir indiquer uniquement ce qu'on aime.
Il peut y avoir des amours hérités ou des amours contrariants, des amours d'opposition, des amours par lassitude, des amours de dépit, des amours passionnés, des amours destructeurs. mais il y a toujours une raison profonde. Toujours.
Pourquoi est-ce que j'aime les montagnes ?
Il fallait que j'éprouve mes forces, que j'humilie la mort, que je retrouve cette puissance de la vie, celle que j'avais éprouvée au chevet de mon frère.
Peut-être aussi s'agit-il d'une mémoire plus ancienne encore...Cette impression indescriptible d'être à ma place, au cœur d'un espace que je comprends, qui me comble, qui m'élève. D'où est-ce que ça vient ? Je ne sais pas. Une autre vie peut-être. Une hypothèse qui restera insoluble.
Pourquoi est-ce que je hais la ville ? Parce que j'y ai uniquement connu des drames ou des douleurs. L'incompréhension des autres, le rejet, la solitude, le bruit alors que je n'aimais que le silence...
La ville, c'était aussi l'hôpital, une association morbide, effrayante. La mort contre laquelle je ne pouvais rien, ou pas grand-chose. Juste être là, soutenir mais sans pouvoir réellement combattre.
Les montagnes se dressaient pour que j'y épuise ma rage.
Je n'ai rien choisi. L'amour l'a fait pour moi sans que je n'y comprenne rien. L'amour ou la haine, les effets sont les mêmes, les émotions se fossilisent et nourrissent les certitudes. C'est effrayant de réaliser que cette façon inconsciente d'éprouver l'amour est tout aussi néfaste que la haine. Il n'y a pas d'individu dans ce fatras émotionnel mais un ego qui se glorifie de ses "choix"...
Mais alors qu'advient-il si ce cœur et les émotions qu'il a connues sont retirés de l'individu, si un cœur artificiel lui est implanté ? La source des amours est-elle tarie, la mémoire évènementielle est-elle épurée ?
C'est cela que j'ai cherché à explorer dans ce roman.
Que reste-t-il dans ce cas-là ?
Un amour originel mais avec la capacité d'analyse de l'adulte et non la saisie immédiate et spontanée de l'enfant qui n'a pas la lucidité nécessaire pour étudier profondément avant d'adopter. Rien n'est plus malléable qu'un esprit d'enfant.
Mais si l'adulte se découvre nu, sans aucune repère, avec une impression étrange de paix, de détachement, un besoin de contemplation et de silence, à qui le doit-il ?
Je pense qu'il s'agit simplement de la Vie elle-même. Sans les interférences de l'existence.
C'est pour ça que j'aime les montagnes. Il ne s'agit plus d'un amour par réaction, par combat, par conviction mais juste d'un amour par osmose. Je n'aime pas simplement ce que je vis là-haut parce que ce que j'y suis n'a aucune importance. C'est le fait de pouvoir y "disparaître" en tant qu'individu qui est beau puisque cet effacement engendre l'émergence d'un individu épuré. Cette fusion qui ne relève pas de l'amour inconscient mais d'un amour "maternel", les retrouvailles avec le placenta originel, avec la Vie.
À CŒUR OUVERT
1
« J’étais avec toi Diane. »
Juste un murmure, une voix monocorde.
« Je t’ai vue de l’intérieur. Et c’est moi qui t’ai guidée. Tu as vu ce que je te montrais. »
Elle s’interdit de l’interrompre.
« Nous n’existons pas Diane. Nous ne sommes que des formes. C’est la vie qui est là, elle est partout, c’est elle le flux électrique, c’est elle qui nous anime. Tu vas me dire que tu le sais bien mais je te parle d’autre chose. La vie m’a emporté, elle m’a fait courir dans tout ce qu’elle anime, dans toutes les structures qu’elle imagine, dans tout ce qu’elle crée, tout est relié, tout est connecté, tout est constitué du même courant, j’ai abandonné tout ce que je croyais être, je connais la vie des herbes, je connais les molécules des parfums, j’ai vu par-delà les yeux, j’ai couru dans les veines des antilopes, j’ai ressenti le bonheur de l’eau qui coule dans les ruisseaux, mais tout ça n’était pas moi, tu comprends, nous ne sommes rien que des formes, nous n’avons pas d’existence propre, tout ça n’est que notre imagination, notre raison, notre prétention, notre ego, des identifications qui nous rassurent, je n’ai pas survécu, c’est la vie qui s’est lancé un défi en moi. »
Six mois plus tôt…
Il venait de quitter Clermont-Ferrand. Il avait récupéré les clés de la location dans une agence immobilière. Direction Murol, puis Besse avant d’atteindre les Monts du Cézallier. Trois valises dans le coffre. Personne à ses côtés. L’impression pesante qu’il n’était même pas là. Des mois que ce vide incompréhensible s’était installé.
Les yeux attentifs à la route et l’esprit concentré sur un passé déchu. Radio éteinte, juste le ronflement du moteur, l’habitacle comme un refuge fermé, cette nécessité de rétablir la chronologie des évènements, une voix intérieure qui se raconte, un dialogue entre l’homme d’hier et celui qui roulait vers ailleurs, un dédoublement salvateur, l’obligation d’observer le champ de ruines, un regard renvoyé par un miroir inquisiteur...
« Paul Laskin, cinquante-trois ans, responsable d’une grande entreprise, secteur informatique et high-tech, une rentabilité exceptionnelle, une croissance exponentielle, cotée en bourse, actionnaire principal, un portefeuille rempli de stock-options, une très grosse somme, un travail de fou, une famille avec laquelle je ne passais pas assez de temps mais au moins, elle n’était pas dans le besoin matériel. Besoin affectif certainement. C’est au bureau que c’est arrivé. Le 2 février. Il était vingt et une heures. Je finissais de préparer une rencontre capitale avec des financiers. Une obligation de fonds pour accroître l’export. Des jours de travail, des nuits à réfléchir, à me questionner dans tous les sens. L’euphorie du projet et l’épuisement de son fardeau. Alice, ma femme, avait téléphoné pour me dire qu’elle était rentrée très tôt, Chloé avait de la fièvre. Le médecin était passé. Je n’avais pas vraiment écouté. C’est en reposant le combiné que j’en ai pris conscience. Et puis, la douleur est arrivée, comme un coup de poignard. J’ai ouvert la bouche pour appeler à l’aide mais rien n’est sorti. L’étau de fer rougi qui broyait ma poitrine vrillait les sons dans ma gorge. La terreur, les mains serrées sur mon cœur, comme pour empêcher l’arrachement des tissus, une incompréhension totale, aucun signe précurseur, la certitude de la mort. Je suis tombé sur le bureau au moment où la porte s’ouvrait. J’ai juste eu le temps de reconnaître Philippe, mon associé.
J’ai ouvert les yeux dans la chambre d’hôpital. J’ai compris que j’étais vivant. Il n’y avait personne. Ça m’a fait un mal de chien que personne ne me veille… J’ai pleuré tout seul. Je me suis souvenu soudainement de mes dernières larmes. Comme un éclair. La mort de mon grand-père, j’avais douze ans. Un rappel incongru.
Des tuyaux, des machines, les murs blancs de la chambre, j’ai posé une main sur ma poitrine, le souvenir de cette douleur incommensurable, j’ai senti les battements réguliers, l’idée infantile que j’étais intact, que mon intégrité physique était préservée.
Un médecin est passé. Compte-rendu de la lutte. J’avais perdu. La violence de l’attaque avait été fatale à mon cœur. Il ne s’en remettrait pas.
La rupture.
Le nombre de fois où les larmes ont jailli sans prévenir. Cette petite fille que j’ai vue en rêve. La seule échappée dont je disposais encore. L’enfant tenait la main de sa mère. Elle avait levé les yeux vers moi. Une si belle innocence, tout ce que la vie offrait à l’origine et que j’avais perdu. Cette idée que c’était la vie elle-même qui m’avait regardé. Incompréhensible.
J’ai tellement pleuré.
Un tel chaos en moi. Ce n’est pas ce que j’avais perdu qui me tourmentait jusqu’à l’épuisement mais tout ce qui avait surgi.
J’ai eu une greffe de cœur. Quatorze jours après l’infarctus.
Un cœur artificiel."
A CŒUR OUVERT : Se libérer du cœur.
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Le Fonctionnement
Le principe du cœur artificiel intégralement implantable est d’offrir au patient la même liberté qu’avec un vrai cœur et lui donner la possibilité d’avoir une mobilité normale.
Un système embarqué et surveillé :
La prothèse Carmat ne peut fonctionner toute seule, elle doit être alimentée par des batteries. Carmat a donc créé le concept du système embarqué. Ce système comprend le coeur artificiel, les batteries et un petit ordinateur. Ce système donne un confort d’utilisation pour le patient et une bonne qualité de vie, car il permet aux patients non seulement de retrouver une mobilité normale, mais également une sécurité de fonctionnement.
Une fois implanté, la prothèse est connectée par un système de raccordement électrique, placé derrière l’oreille, à une batterie rechargeable portée en holster sur chaque côté du patient.Ce raccord est réalisé à l’aide d’un micro trou placé derrière l’oreille gauche. Cet emplacement limite tous problèmes d’infections.
Enfin, le patient possède un boîtier de batteries rechargeables externes qui assurent l’apport en énergie permettant de faire fonctionner le cœur artificiel. Elles ont à ce jour une autonomie de 6 heures. Le patient peut les recharger sur le réseau électrique de son domicile ou sur un allume-cigare de voiture. La nuit, le patient utilise une batterie fixe.
Le patient porte au niveau de la ceinture un boîtier de télé diagnostic 24h/24. Il permet de donner au patient toutes les informations sur le fonctionnement du cœur implanté : son pouls, son rythme cardiaque, ... Ces données sont simultanément envoyées à l’hôpital. L’hôpital qui analyse continuellement ces données. Le suivi médical du patient est donc permanent. Lorsqu’un problème apparaît, l'hôpital fait appel à un médecin traitant qui intervient rapidement au service du patient.
Le fonctionnement du coeur artificiel:
La prothèse reproduit le fonctionnement du cœur naturel, il utilise pour cela un actionnement hydraulique, un liquide servant d’intermédiaire pour propulser le sang. Le rythme cardiaque du cœur artificiel se décompose en deux temps :
- La diastole lors du remplissage des ventricules par le sang ;
- La systole lors de l’éjection du sang vers les gros vaisseaux.
La membrane souple qui sépare les ventricules de la cavité contenant les motopompes transmet le mouvement. Cette dernière reproduit le mouvement visco élastique du muscle cardiaque.
Deux groupes moto pompes miniatures envoient le liquide d’actionnement vers les ventricules, générant ainsi la systole ou envoyant le sang vers le sac externe lors de la diastole par inversion de sens de rotation. Un dispositif électronique régule le fonctionnement de la prothèse en fonction des besoins des patients, de sa position et de son activité physique (repos ou effort physique) à partir d’informations données par des capteurs. Il y tout d’abord des capteurs de pression, puis des capteurs de positions qui sont appelés des inclinomètres, ceux-ci distinguent si le patient est couché ou s’il est debout et gèrent les transitions entre les différentes positions. L’ensemble de ces informations est traité par un microprocesseur, situé dans la prothèse, qui commande le groupe motopompes.
Les pompes hydrauliques poussent d'un côté ou de l'autre le fluide hydraulique. Par exemple, lorsque le groupe motopompes pousse le fluide hydraulique vers le ventricule gauche, cela crée un phénomène d'aspiration : la membrane du ventricule s'abaisse et le sang pénètre dans le ventricule à travers la nouvelle " valve tricuspide" . Simultanément, le fluide hydraulique s'accumule du coté du ventricule gauche : cela propulse alors le sang à travers la nouvelle "valve artérielle aortique" dans tout l'organisme.
Grâce aux capteurs de position, le microprocesseur va donc actionner ces pompes. C'est comme cela que la régulation cardiaque est assurée.
Commentaires
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- 1. Gaëlle Tournier de Gabriac Le 20/06/2020
Merci Thierry pour ce nouveau roman initiatique qui nous entraîne une nouvelle fois sur les chemins de la Conscience et de la réalité. Après Kundalini, il était difficile de recréer cette magie et pourtant tu y es arrivé avec ce nouveau roman qui m'a transporté. Merci mille fois ! Je recommande vivement ! -
- 2. Thierry LEDRU Le 20/06/2020
Mille mercis Gaelle pour ce commentaire enthousiaste. C'est un grand bonheur.
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