En Savoie

Voilà pourquoi on est parti, voilà pourquoi on est venu vivre dans le département de la Creuse.

La Savoie a une extension économique qui ne faiblit pas. On y a vécu 25 ans. Tout est fait pour que le maillage économique s'étende, sans cesse, partout où c'est possible et même là où on n'aurait jamais imaginé que ça se ferait.
Ce maillage économique induit l'augmentation de l'urbanisation et l'extension des zones habitées, l'augmentation du flot routier, des nuisances sonores, des pollutions atmosphériques, de la multiplication des zones commerciales. Et donc de la dispartion des zones naturelles. 

Je sais que pas mal de gens trouvent que cette vision est exagérée. Les montagnes sont si belles. Oui, elles sont belles Là-Haut.

Disons que notre capacité d'absorption de toutes ces nuisances avait été dépassée et que la beauté des sommets ne compensait plus ce désastre.

Depuis quatre mois qu'on vit dans la Creuse, à la limite du parc régional des Millevaches, on s'est pas mal baladé malgré tout le temps passé à travailler dans le terrain pour la mise en place du potager-verger. 

Résultat : il n'y a personne. Le silence ici est une donnée incontournable. La qualité de l'air, la beauté des nuits étoilées. la biodiversité aussi, on n'a jamais vu autant d'insectes et même certains qu'on ne connaissait absolument pas. Des salamandres dans le potager, des lucanes, des longicornes, des crapauds, des papillons multicolores, des oiseaux en pagaille, des chants qui emplissent les frondaisons, des rapaces diurnes et nocturnes, des chauve-souris, des mustélidés, des chevreuils qu'on croise en pleine journée. Quand on fait du vélo, sur des sorties de cinquante kilomètres, on est doublé par deux, trois voitures, en tout. En Savoie, j'avais fini par avoir peur du flux incessant de véhicules et même sur des petites routes. Quand on fait des randonnées à pied et que parfois, on doit emprunter une petite route pour retrouver un chemin, on peut très bien marcher au milieu de la chaussée, il n'y a personne. 

Alors, oui, c'est certain, il n'y a pas de zones commerciales à dix minutes, il n'y a pas de cinémas, la bibliothèque doit contenir une centaine de livres, il n'y a pas d'infrastructures sportives en dehors du tennis municipal qu'on balaye nous-même. C'est une vie particulière. C'est justement celle qui nous plaît. 

 

Savoie : le combat d’un apiculteur pour sauver 35ha de terres arables remplies de biodiversité

 

« Personnellement, avoue-t-il, c’est plus la perte de terres agricoles qui me touche. Un sol nécessite des milliers d’années d’évolution. Que des gestionnaires sans approche biologique détruisent cette rareté pour en faire des bureaux, ça me paraît inacceptable. »

24 juin 2021 - Augustin Langlade

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À Aiton, au cœur de la Savoie, Florent Caullireau, apiculteur, lutte pour sauvegarder un îlot de biodiversité bientôt englouti par l’extension de la zone industrielle locale. Si rien n’est fait, 35 hectares de terres arables et de vergers disparaîtront sous le béton, privant les abeilles d’un espace de butinage idéal.     

Les dangers de la bétonisation

La ville s’étend, la nature trinque. Cette fois-ci, c’est entre Chambéry et le parc naturel de la Vanoise que ce massacre discret, mais si ordinaire a lieu.

À cheval sur les communes d’Aiton et de Bourgneuf, Alp’Arc, le parc d’activités actuel, couvre déjà une surface de 70 hectares, le long de l’axe autoroutier Lyon-Turin (A43), au nord, et d’une ligne ferroviaire, au sud. 

Tout autour de ces nappes de béton, ces parkings, ces mornes bâtiments, « une vue de carte postale » : les Alpes immenses, majestueuses, des bois, des terres arables, des vergers à flanc de montagne, préservés jusqu’ici de l’urbanisation galopante.

Développement économique oblige, les 26 entreprises du parc d’activités ne suffisent plus à son gestionnaire, le Syndicat mixte de l’Isère et de l’Arc en Combe de Savoie (SISARC), qui cherche depuis longtemps des moyens de l’agrandir. 

Le parc d’activités Alp’Arc accueille actuellement 26 entreprises avec 300 salariés. Il veut s’étendre.

Début des travaux imminent

C’est chose faite. Au terme de plus d’une décennie de préparation, d’études et de négociation, les promoteurs de l’extension sont parvenus à s’emparer des terrains agricoles qui bordent le parc, à l’est, rachetés un à un à des propriétaires satisfaits de leur plus-value — ou simplement préemptés, sous prétexte d’utilité publique.

Cette conquête du rentable sur l’inutile exigera de défricher une partie du bois qui entoure le plan d’eau de Barouchat, de bétonner une dizaine de champs et de raser six hectares de noyers.

En tout, les plans du SISARC prévoient d’artificialiser 35 hectares en deux phases, afin de proposer à des acquéreurs hypothétiques ou cachés « des parcelles de 1,3 à 4 hectares » et « des bâtiments de 5 000 à 16 000 m2 », selon une offre foncière ‘clef en main’ de plus en plus courante. 

Fin mai, des marchés de travaux ont été notifiés aux entreprises de génie civil. Le début du chantier est imminent. Phase une ou phase deux, qu’importe, les constructeurs comptent créer, d’emblée, tous les « aménagements paysagers » (accès, voiries, espaces verts) et décaisser l’ensemble des surfaces agricoles, qui contiennent entre 40 et 100 centimètres de terres arables, fruits de plusieurs siècles de formation.   

Parc d’activités actuel. L’extension sera développée à droite, vers le plan d’eau.

Une centaine de ruches affectées

« Trente-cinq hectares de grandes parcelles toutes plates, c’était du pain béni pour leur projet, se désole Florent Caullireau. C’était facile de les acquérir, c’est encore plus facile de les décaisser et de les stabiliser pour couler le béton. »

Preuve que les drames se jouent toujours à plusieurs niveaux, Florent Caullireau est directement touché par l’extension de l’Alp’Arc. Apiculteur de profession, il possède environ 250 ruches dans le voisinage d’Aiton et Bourgneuf, dont une centaine sur le lieu-dit du Barouchat, près du verger de noyers.  

« Les travaux vont commencer en pleine période de récolte et de fécondation, nous explique-t-il. C’est préjudiciable pour la production annuelle. À long terme, mon rucher en sera aussi affecté, car tout ce qu’il y a dans une grande zone impacte les abeilles, le gel, les pesticides, le béton… »   

La petite centaine de ruches du Barouchat sont les seules que Florent peut laisser au même endroit toute l’année. Pour lui, cet emplacement est stratégique.

Les abeilles, qui œuvrent dans un rayon de 3 kilomètres, peuvent butiner sur les deux versants de la montagne et trouvent dans les six hectares de noyers des ressources complémentaires de proximité.  

Récolte de miel de Florent Caullireau

Céder ou résister

Les premiers travaux de voirie vont passer sur une vingtaine de ruches. Lors d’une réunion de chantier, mi-juin, les promoteurs ont demandé à Florent de les déplacer. Mais celui-ci refuse et s’est retiré de toute négociation.

« Si je négocie, nous confie l’apiculteur, ils trouveront un endroit pour que je puisse mettre mes ruches. Ça leur fera une peinture verte. Mais moi, je n’ai pas envie de faire la caution écologique, je ne veux pas finir sur un rond-point habillé en Indien et leur servir de justification. »  

Le calendrier est à la fois avec et contre lui. Détenteur d’un bail d’occupation précaire, Florent peut jouer la montre et retarder d’un an au moins son expulsion.

Le temps, pour lui, de récolter le miel, de préparer les reines pour l’année suivante, de fabriquer les produits biotechniques qui combattent les parasites et de recevoir les techniciens de l’Association pour le développement de l’apiculture en Auvergne-Rhône-Alpes (ARA AURA), qui suivent de près ses pratiques.

Une des ruches de Florent Caullireau

Toutefois, à terme, la zone sera bétonnée et Florent devra partir.

« Personnellement, avoue-t-il, c’est plus la perte de terres agricoles qui me touche. Un sol nécessite des milliers d’années d’évolution. Que des gestionnaires sans approche biologique détruisent cette rareté pour en faire des bureaux, ça me paraît inacceptable. »    

L’apiculteur ne cédera rien. Mais il a perdu l’espoir que ce projet soit abandonné. Selon lui, après des années de démêlés juridiques infructueux, il ne reste qu’un outil viable : la mobilisation.  

« Ce qui permettra d’arrêter ça, dit Florent, c’est un renversement d’opinion. Les décideurs sont des politiques. Ils agissent en fonction de l’opinion publique. C’est donc à nous, citoyens, de montrer que nous ne sommes pas d’accord, que nous voulons être acteurs, que nos métiers aient du sens, que nos enfants puissent manger sainement. Ce qui ne se fait pas sans terrains. »

Une pétition a été lancée sur internet. Elle devrait atteindre, sous peu, les 5 000 signatures.

 

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