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  • Manifeste pour une science post-matérialiste

     

    Ce manifeste a dix ans et même si le chemin à parcourir est encore très long, il est certain que la médecine est davantage réceptive à la spiritualité. 

     

    Manifeste pour une science post-matérialiste

    Publié le 26/01/2015 - Enquêtes 8min

    https://www.inexplore.com/articles/Manifeste-science-Beauregard

    La science matérialiste ne serait-elle pas un peu dépassée aujourd’hui ? Un comité de scientifiques, participants au Sommet international sur la science post-matérialiste, la spiritualité et la société, a élaboré un Manifeste arguant pour une ouverture des esprits scientifiques, au delà du matérialisme et vers une meilleure compréhension de l’esprit comme un aspect majeur de la fabrique de l’univers.

    Manifeste pour une science post-matérialiste

    Sciences

    f1.online

    Nous sommes un groupe de scientifiques reconnus internationalement et œuvrant dans divers champs d'expertise (biologie, neurosciences, psychologie, médecine, psychiatrie). Nous avons participé à un Sommet international sur la science post-matérialiste, la spiritualité et la société. Ce sommet, qui était co-organisé par Gary E. Schwartz, PhD, et Mario Beauregard, PhD, de l’Université de l’Arizona, ainsi que Lisa Miller, PhD, de l’Université Columbia, a été tenu à Canyon Ranch (Tucson, Arizona, É-U) du 7 au 9 février 2014.

    L’objectif de ce sommet était de discuter de l’impact de l’idéologie matérialiste sur la science et de l’influence du paradigme post-matérialiste émergent sur la science, la spiritualité et la société. Nous sommes arrivés aux conclusions suivantes, qui forment notre Manifeste pour une science post- matérialiste. Ce Manifeste a été préparé par Mario Beauregard, PhD (Université de l’Arizona), Gary E. Schwartz, PhD (Université de l’Arizona), et Lisa Miller, PhD (Université Columbia), en collaboration avec Larry Dossey, MD, Alexander Moreira-Almeida, MD, PhD, Marilyn Schlitz, PhD, Rupert Sheldrake, PhD, et Charles Tart, PhD.


    1. La vision du monde scientifique moderne repose en grande partie sur des postulats étroitement associés à la physique classique. Le matérialisme—l’idée que la matière est la seule réalité—est l’un de ces postulats. Un autre postulat est le réductionnisme, la notion selon laquelle les choses complexes ne peuvent être comprises qu’en les réduisant à l’interaction de leurs parties ou à des choses plus simples ou fondamentales telles que des particules matérielles.

    2. Durant le 19e siècle, ces postulats se changèrent en dogmes et s’unirent pour former un système de croyances qui devint connu sous le nom de « matérialisme scientifique ». Selon ce système de croyances, l’esprit n’est rien de plus que l’activité physique du cerveau, et nos pensées ne peuvent avoir aucun effet sur nos cerveaux et nos corps, sur nos actions et sur le monde physique.

    3. L’idéologie scientifique matérialiste devint dominante dans le milieu académique au cours du 20e siècle. Tellement dominante qu’une majorité de scientifiques se mirent à croire que cette idéologie reposait sur des évidences empiriques et qu’elle représentait la seule conception rationnelle possible du monde.

    4. Les méthodes scientifiques basées sur la philosophie matérialiste se sont avérées hautement fructueuses car elles ont permis une meilleure compréhension de la nature, ainsi qu’un plus grand contrôle et une liberté accrue par le biais des avancées technologiques.

    5. Toutefois, la dominance quasi absolue du matérialisme dans le milieu académique a étouffé les sciences et entravé le développement de l’étude scientifique de l’esprit et de la spiritualité. La foi en cette idéologie, comme cadre explicatif exclusif de la réalité, a amené les scientifiques à négliger la dimension subjective de l’expérience humaine. Cela a conduit à une conception fortement déformée et appauvrie de nous-mêmes et de notre place dans la nature.

    6. La science est d’abord et avant tout une méthode non dogmatique et ouverte d’acquisition de connaissances au sujet de la nature. Cette méthode est basée sur l’observation, l’investigation expérimentale et l’explication théorique de phénomènes. La méthode scientifique n’est pas synonyme de matérialisme et ne doit être influencée par aucune croyance, dogme ou idéologie.

    7. Vers la fin du 19e siècle, les physiciens découvrirent des phénomènes qui ne pouvaient être expliqués par la physique classique. Cela mena au développement, durant les années 1920 et le début des années 1930, d’une nouvelle branche de la physique appelée mécanique quantique (MQ). La MQ a remis en question les fondations matérielles du monde en montrant que les atomes et les particules subatomiques ne sont pas réellement des objets solides—ils n’existent pas de manière certaine en des endroits et des temps définis. Plus important encore, la MQ a introduit l’esprit dans sa structure conceptuelle de base puisqu’il a été découvert que les particules observées et l’observateur—le physicien et la méthode utilisée pour l’observation—sont liés. Selon l’une des interprétations de la MQ, ce phénomène implique que la conscience de l’observateur est vitale pour l’existence des événements physiques mesurés, et que les événements mentaux peuvent influencer le monde physique. Les résultats d’études récentes supportent cette interprétation. Ces résultats suggèrent que le monde physique n’est pas la composante unique ou primaire de la réalité, et qu’il ne peut être pleinement compris sans faire référence à l’esprit.

    8. Des études en psychologie ont montré que l’activité mentale consciente peut affecter causalement le comportement, et que la valeur explicative et prédictive des processus mentaux subjectifs (par exemple : croyances, buts, désirs, attentes) est très élevée. De surcroît, des travaux en psychoneuroimmunologie indiquent que nos pensées et nos émotions peuvent grandement influencer l’activité des systèmes physiologiques (par exemple : immunitaire, endocrinien, cardiovasculaire) connectés au cerveau. Par ailleurs, les études de neuroimagerie de l’autorégulation émotionnelle, de la psychothérapie et de l’effet placebo, démontrent que les événements mentaux affectent significativement l’activité du cerveau.

    9. L’étude des soi-disant « phénomènes psi » indique que nous pouvons parfois recevoir de l’information significative sans l’utilisation des sens ordinaires, d’une manière qui transcende les contraintes habituelles d’espace et de temps. De plus, la recherche sur le psi démontre que nous pouvons mentalement influencer à distance des appareils physiques et des organismes vivants (incluant les êtres humains). La recherche sur le psi montre également que l’activité mentale d’individus éloignés peut être corrélée de manière non-locale. En d’autres termes, les corrélations entre l’activité mentale d’individus éloignés ne semblent pas être médiatisées (elles ne sont pas liées à un signal énergétique connu); en outre, ces corrélations n’apparaissent pas se dégrader avec une plus grande distance et elles semblent immédiates (simultanées). Les phénomènes psi sont tellement communs qu’ils ne peuvent plus être vus comme anormaux ou des exceptions aux lois naturelles. Nous devons plutôt considérer ces phénomènes comme un signe que nous avons besoin d’un cadre explicatif plus large, qui ne peut être basé exclusivement sur le matérialisme.

    10. Une activité mentale consciente peut être expérimentée durant un état de mort clinique induit par un arrêt cardiaque (une telle activité mentale consciente est appelée « expérience de mort imminente » [EMI]). Certains expérienceurs ont rapporté des perceptions véridiques (c’est- à–dire, des perceptions dont on peut attester qu’elles ont coïncidé avec la réalité) durant des expériences hors du corps survenues durant un arrêt cardiaque. Les expérienceurs rapportent aussi de profondes expériences spirituelles durant les EMI déclenchées par un tel arrêt. Il est à noter que l’activité électrique du cerveau disparaît après quelques secondes suite à un arrêt cardiaque.

    11. Des études en laboratoire dans des conditions contrôlées indiquent que des médiums (individus affirmant qu’ils peuvent communiquer mentalement avec des individus décédés) doués peuvent parfois obtenir de l’information hautement précise au sujet de personnes décédées. Cela s’ajoute aux autres évidences supportant l’idée que l’esprit peut exister séparément du cerveau.

    12. Certains scientifiques et philosophes matérialistes refusent de reconnaître ces phénomènes parce qu’ils ne s’intègrent pas à leur conception exclusive du monde. Le rejet d’une exploration post-matérialiste de la nature ou le refus de publier de solides travaux de recherche supportant une vision post-matérialiste, sont contraires au véritable esprit d'investigation scientifique, selon lequel toutes les données empiriques doivent être considérées. Les données qui ne sont pas compatibles avec les théories et croyances des scientifiques ne peuvent être rejetées a priori. Un tel rejet appartient au domaine de l’idéologie, pas à celui de la science.

    13. Il est important de réaliser que les phénomènes psi, les EMI durant un arrêt cardiaque et les évidences reproductibles provenant des études de médiums doués, n’apparaissent anormaux que lorsqu’ils sont appréhendés à travers les lentilles du matérialisme.

    14. Les théories matérialistes échouent à expliquer comment le cerveau pourrait générer l’esprit et elles sont incapables de rendre compte des évidences empiriques discutées dans ce manifeste. Cet échec indique qu’il est maintenant temps de nous libérer des chaînes de la vieille idéologie matérialiste, d’élargir notre conception du monde naturel et d’embrasser un paradigme post-matérialiste.

    15. Selon le paradigme post-matérialiste:
    a) L’esprit représente un aspect de la réalité tout aussi primordial que le monde physique. L’esprit joue un rôle fondamental dans l’univers, il ne peut être dérivé de la matière et réduit à quelque chose de plus basique.
    b) Il existe une interconnexion profonde entre l’esprit et le monde physique.
    c) L’esprit (la volonté/l’intention) peut affecter l’état du monde physique et opérer de manière non-locale, c’est- à–dire qu’il n’est pas confiné à des points spécifiques dans l’espace (tels que le cerveau et le corps) et le temps (tel que le présent). Puisque l’esprit peut influencer non-localement le monde physique, les intentions, émotions et désirs d’un expérimentateur peuvent affecter les résultats expérimentaux, même lorsque des approches contrôlées expérimentales (par exemple, en double aveugle) sont utilisées.
    d) Les esprits individuels ne sont apparemment pas limités et peuvent s’unir. Cela suggère l’existence d’un Esprit qui englobe tous les esprits individuels.
    e) Les EMI survenant durant un arrêt cardiaque suggèrent que le cerveau agit comme un transcepteur de l’activité mentale, c’est- à–dire que l’esprit se manifeste à travers le cerveau mais qu’il n’est pas produit par cet organe. Les EMI survenant durant un arrêt cardiaque, combinées aux évidences provenant des études de médiums doués, suggèrent la survie de la conscience après la mort et l’existence de domaines de réalité qui ne sont pas physiques.
    f) Les scientifiques ne devraient pas être effrayés d’étudier la spiritualité et les expériences spirituelles car elles constituent un aspect central de l’existence humaine.

    16. La science post-matérialiste ne rejette pas les observations empiriques et la grande valeur des accomplissements scientifiques réalisés jusqu’à présent. Elle cherche plutôt à accroître notre capacité à comprendre les merveilles de la nature et, ce faisant, à nous permettre de redécouvrir que l’esprit est un aspect majeur de la fabrique de l’univers. La science post-matérialiste est inclusive de la matière, qu’elle perçoit comme un constituant fondamental de l’univers.

    17. Le paradigme post-matérialiste a de profondes implications. Il change fondamentalement la vision que nous avons de nous-mêmes, nous redonnant dignité et pouvoir en tant qu’êtres humains et en tant que scientifiques. Ce paradigme encourage des valeurs positives telles que la compassion, le respect et la paix. En mettant l’emphase sur la connexion intime entre nous-mêmes et la nature, le paradigme post-matérialiste promeut aussi la conscience environnementale et la préservation de notre biosphère. Ce paradigme nous permet également de redécouvrir ce qui a été oublié pendant 400 ans, à savoir qu’une compréhension transmatérielle vécue peut être la pierre angulaire de la santé et du bien-être. Cela a été enseigné pendant longtemps par les anciennes approches corps-esprit ainsi que par les traditions religieuses et contemplatives.

    18. Le passage de la science matérialiste à la science post-matérialiste peut être d’une importance vitale pour l’évolution de la civilisation humaine. Ce passage peut être encore plus crucial que la transition du géocentrisme à l’héliocentrisme.

    Nous vous invitons, scientifiques du monde entier, à
    lire le Manifeste pour une Science Post-Matérialiste et à le signer si vous désirez montrer votre appui.

  • Médecine et spiritualité

    Mario BEAUREGARD est médecin. 

    Je le précise afin que ses propos ne soient pas perçus comme venant d'un "illuminé" quand ce terme est associé à un état pathologique, voire psychiatrique.

     

    Un lien vers un ancien articleMario Beauregard

     

  • TERRE SANS HOMMES (6)

     

    Je relis et travaille et je repensais à l'article que j'ai posté sur la concordance entre l'état d'esprit d'un personnage et la nature qui l'environne.

    TERRE SANS HOMMES

     chapitre 7

    Francis aimait tenir la barre, une roue comme dans les navires de corsaire. Le compas devant les yeux, à l’abri du cockpit, il avait bien compris le système, juste garder le cap, le réglage des voiles, la surveillance, ne pas les laisser faseyer, jouer avec les winchs, les écoutes, les drisses, il avait appris des dizaines de termes de marin, les haubans, les barres de flèches, la trinquette, le génois, le foc, le tangon, le spi, le safran, ça lui plaisait, une expérience qu’il n’aurait jamais engagée de lui-même. Mais qu’aurait-il pu imaginer de tout ce qu’il avait vécu depuis le jour où il avait volé l’argent de Laure ? Rien, impossible.

    Il était parti pour vivre tranquille sous les tropiques, avec le poker, les filles, le soleil, une vie de rentier. Une vie de rentier. Putain, comme il se serait fait chier. Il en éclata de rire, intérieurement. Et maintenant, il naviguait dans le Pacifique, il allait passer le Cap Horn, rentrer en France, avec un gars complètement imprévisible, capable de tout plaquer pour un projet démentiel qui aujourd’hui le ravissait. L’aventure. Il était devenu flic parce qu’il voulait de l’aventure et de l’adrénaline, des rencontres qui secouent, des gens hors cadre.

    De quoi aurait-il pu se plaindre ?

    Il balaya l’horizon et contempla la masse liquide, cette immensité qui est au-delà du connu. Les risées du soleil sur la houle, le bleu du ciel coulant dans celui de l’océan, des nuages blancs comme des flocons géants, le scintillement de la lumière sur les crêtes des vagues, ce parfum iodé qui collait à sa peau et le souffle léger du vent comme une comptine murmurée, la simplicité des gestes répétés, cette sérénité des choses simples. Un sourire de bienheureux sur son visage. 

    Depuis combien de temps n’avaient-ils pas vu de terres et combien de temps encore avant que ça arrive. La planète bleue. Oui, il comprenait l’expression. Et lui, le terrien n’avait jamais pris conscience de cette présence, de ce monde si beau, si étrange, si absorbant. Le terme lui plût. Il se sentait absorbé, comme dilué, effacé, comme s’il n’était plus qu’un point vivant, insignifiant, dérisoire, il aurait pu disparaître que rien autour de lui n’en aurait été affecté et simultanément à cette conscience, il éprouvait une sorte de puissance, une énergie étrange, quelque chose dont il ignorait l’existence. De n’être rien que ce point vivant et de survivre pourtant et de rester maître de chaque instant, c’était fascinant et il en arriva à se dire que l’humanité, dans ses premiers temps, chaque individu, chaque point vivant, avait dû ressentir cette puissance de vie au cœur de l’immensité, dans la matrice. Nous étions emplis encore de cette effervescence de l’homme préhistorique qui se réjouissait, parfois, d’être encore en vie et parvenait à se projeter sur le jour à venir, sur les espaces à explorer, sur la nourriture à trouver et sur les combats remportés et le courage à trouver pour ceux à venir. De la petitesse de chacun dans un monde illimité naissait le goût de la lutte.

    Il guidait maintenant un voilier de quinze mètres à travers l’océan Pacifique sans rien savoir de ce qu’il advenait du reste de l’humanité. Lui, infime point vivant, au milieu de nulle part, tenait la barre et des frissons de bonheur l’électrisèrent.

    C’était donc ça l’aventure, l’exploration des grands marins qui étaient partis sur des navires fragiles, peu manœuvrables, sans aucune carte, avec les étoiles pour se guider, sans aucune certitude de retour, partir pour conquérir des terres nouvelles. Il ne connaissait pas grand-chose à ces époques de découvertes mais il savait bien que les soifs de richesse en avaient été le moteur essentiel. Et que les massacres et les pillages et l’esclavage et les dévastations de peuples entiers traçaient une ligne sanglante à travers l’histoire. Lui ne cherchait aucune terre à piller et découvrait en lui un espace délaissé. L’immensité liquide révélait l’immensité du territoire intérieur. Des idées inconnues qui jaillissaient, des pensées dont il se serait moqué dans sa vie passée, des réflexions qui le plongeaient dans un état méditatif, une bulle qu’il aimait désormais, ni joie, ni mélancolie, ni bonheur, ni détresse, ni euphorie, ni désœuvrement, rien d’exagéré, rien de déstabilisant, rien qui ne l’emportait au-delà de lui-même mais bien au contraire l’entraînait dans une exploration délicieuse. Oui, le mot lui plaisait. Délicieuse, ni trop puissant, ni trop fade. Un état de conscience qui favorisait le saisissement de tout, loin de l’excitation, loin de l’apathie. Il repensait à son travail, à l’adrénaline et à cette fièvre qu’il adorait puis à ces moments de naufrage quand après une mission de long cours et les risques assumés, il s’offrait des nuits d’alcools forts et de filles, suivies de journées nauséeuses parsemées de cafés forts avant de remonter au front. Cette alternance qui ne connaissait jamais cet état de plénitude qu’il ressentait maintenant en balayant des yeux l’immensité du ciel couché sur la mer. Et surgit alors l’évidence ignorée, l’incommensurable profondeur sous ses pieds et l’immensité de surface lui parut dérisoire. Les noirceurs des abysses où la lumière du soleil n’arrivait pas, combien de kilomètres sous lui, combien d’animaux qu’il ne verrait jamais, cette masse gigantesque de vie, il lui était impossible de la quantifier, que connaissait-il de la vie dans les océans en dehors du nom des poissons qu’il lui arrivait de manger et que connaissait-il d’ailleurs de la vie toute entière sur la planète, hormis celle de sa propre existence et le vertige l’obligea à serrer la barre, cette vie qu’il avait toujours limitée à son environnement immédiat, n’était-ce pas le symbole de nos limites humaines, de notre égocentrisme, de l’insignifiance de notre conscience, n’était-ce pas la raison première de notre indifférence pour la dévastation que nous menions, les éléments vitaux que nous arrachions à la terre, nous ne les jugions pas démesurés parce que nous limitions ce fait à notre existence. Le poisson que je mange n’est qu’un poisson et il ne me vient pas à l’idée d’imaginer que des millions d’êtres humains en font tout autant, au même instant. Un dialogue en sourdine qui ne voulait plus se taire. Nous étions des individus limités par une conscience personnelle, juste un regard tourné vers nous-mêmes, un point d’ancrage qui nous privait des horizons, c’était ça la cause du désastre. Il s’obligea à bouger la tête, à regarder la direction indiquée par le compas, à observer le gonflement du gennaker. Puis le vertige apaisé, l’observation intérieure reprit son cheminement, la plongée dans l’abîme, le soulèvement de l’inconscience, le déchirement de l’indifférence, et lui vint l’idée que la mort du poisson qu’il allait manger était ressenti par la totalité du vivant, qu’il existait un lien, un contact jamais identifié, que la terre et l’ensemble du vivant étaient, elles deux réunies, une entité indissociable, insécable, que nous n’avions rien compris, que nous étions enfermés dans une vision terriblement limitée, cette chaleur dans son ventre, là, maintenant, au milieu de ce rien empli de vie, de ce néant humain où il se sentait plus vivant que jamais, est-ce que la planète le ressentait, est-ce que la vie sentait en elle l’amour qu’il éprouvait pour elle à cet instant, l’émerveillement devant son gigantisme, la richesse cachée dans cette démesure liquide ? La vie toute entière avait-elle conscience de son éveil ? S’en réjouissait-elle ? Il faillit crier son bonheur, cette joie inconnue qui le transperçait, courait en lui comme un flux électrique, clamer à la planète sa reconnaissance, était-ce le symptôme d’une folie passagère ou le silence dans lequel nous nous tenions au regard de cet amour représentait-il le pire des outrages ?

    Il essuya des larmes qui le ravirent.

  • Humanité et nature

     

    Je sais pourquoi je ne supporte pas les villes, pourquoi je m'y sens si mal. C'est comme être dissous par des acides dans le ventre d'une bête.

     

    "Les développements de l'humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante.

    Une harmonie secrète s'établit entre la terre et les peuples qu'elle nourrit, et quand les sociétés se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine elles finissent toujours par s'en repentir.

    Là où le sol s'est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s'éteignent, les esprits s'appauvrissent, la routine et la servilité s'emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la nuit "

    Elisée Reclus géographe, pédagogue et écrivain français 1830-1905

    Elisée Reclus : une philosophie de la nature

  • La nature, reflet de l'âme

    C'est fou comme je me retrouve dans cette façon de concevoir l'écriture au regard des personnages. Je pourrais mettre ici des dizaines d'extraits répondant à cette méthode. Je ne veux pas dire par là que c'est réussi mais c'est ce que je cherche à produire :) 

     

    La nature comme reflet de l’âme des personnages

     

    https://www.uneautrevoix.com/points-de-vue/la-nature-comme-reflet-de-lame-des-personnages/

    Quand la nature dévoile ce que les mots cachent : l'art oublié de faire ressentir sans dire. Une technique narrative subversive à l'ère de l'émotion étiquetée.

    @Litt.et.ratures

    10 juin 2025

    L’écrivain moderne se trouve souvent piégé dans une description plate des émotions de ses personnages. « Elle était triste », « il se sentait anxieux »… Ces formulations directes, si elles ont le mérite de la clarté, privent le lecteur d’une expérience plus riche, plus subtile, plus immersive. Et si le véritable art résidait dans la capacité à faire ressentir sans nommer, à montrer sans dire ? C’est là qu’intervient la puissance évocatrice du paysage littéraire, cette toile de fond qui, loin d’être un simple décor, devient le miroir de l’âme des protagonistes.

    Cette technique, utilisée par les plus grands auteurs, n’est pas le fruit du hasard mais d’une compréhension profonde des mécanismes d’identification et de projection du lecteur. Alors que notre société contemporaine semble vouloir tout étiqueter, tout catégoriser, tout expliquer de façon didactique, ouvrons les yeux sur cette magie subtile qui opère quand le ciel s’assombrit au même rythme que l’humeur du personnage, quand la forêt s’éclaire pour refléter une renaissance intérieure.

    Les paysages émotionnels : une grammaire secrète de l’écriture

    Le paysage littéraire fonctionne comme un langage parallèle qui vient enrichir, contredire ou amplifier le récit principal. Cette grammaire secrète repose sur plusieurs techniques éprouvées que tout écrivain devrait maîtriser :

    Le parallélisme direct : La tempête qui fait rage pendant une dispute, le soleil qui perce les nuages lors d’une réconciliation. Ce procédé, s’il peut sembler évident, reste d’une efficacité redoutable lorsqu’il est manié avec subtilité. Il crée une résonance immédiate entre l’état d’âme du personnage et l’environnement du lecteur.

    Un orage menaçant avec un éclair

    Des Rois (aux échecs) sont sur des case noir et blanches

    Le contraste ironique : À l’inverse, placer un personnage désespéré dans un décor idyllique crée une tension narrative puissante. Ce décalage souligne la solitude émotionnelle du protagoniste, incapable de s’accorder au monde qui l’entoure.

    La transformation progressive : Plus subtil encore, le paysage qui se métamorphose graduellement pour accompagner l’évolution psychologique d’un personnage. Un procédé qui permet au lecteur de ressentir le changement avant même qu’il ne soit formulé.

    Des petits fruits et des gros fruits

    Un enfant est debout sur un bout de bois au sol, les pieds nus

    L’ancrage sensoriel : Odeurs, textures, sons du paysage qui deviennent indissociables d’un état émotionnel précis, créant ainsi des repères sensoriels que l’auteur peut réactiver plus tard pour évoquer instantanément une émotion.

    Ces techniques, loin d’être de simples ornements stylistiques, constituent de véritables outils narratifs. Elles permettent de contourner la censure contemporaine qui tend à standardiser l’expression des émotions en catégories facilement identifiables et donc contrôlables.

    Mère Gothel : quand la nature révèle la dualité

    Examinons maintenant un cas particulièrement frappant de cette symbiose entre personnage et environnement : celui de Mère Gothel, cette figure d’autorité ambivalente tirée d’un conte populaire moderne.

    Ce personnage fascinant illustre parfaitement notre propos par la dualité de sa relation à l’environnement. Dans la tour isolée où elle maintient captive sa « fille » (Raiponce), Gothel resplendit de jeunesse, entourée de plantes luxuriantes et de fleurs éclatantes qui symbolisent sa vitalité usurpée. Cette tour, nichée dans une vallée verdoyante et inaccessible, représente le cocon de mensonges qu’elle a tissé, un écosystème artificiel où elle règne en maître absolu.

    Mais dès qu’elle s’aventure à l’extérieur, dans le monde réel, sa transformation est saisissante : son corps se flétrit, les rides apparaissent, sa silhouette se voûte. Ce vieillissement n’est pas simplement physique ; il est la manifestation visible de sa corruption intérieure, de cette soif de jeunesse qui l’a transformée en prédatrice.

    Ce que l’auteur réussit admirablement ici, c’est d’établir une correspondance parfaite entre trois éléments : le paysage (tour fleurie/monde extérieur hostile), l’apparence physique (jeunesse/vieillesse) et l’état émotionnel (contrôle/vulnérabilité). Cette triangulation crée une cohérence narrative qui ancre profondément le personnage dans notre imaginaire.

    Plus subtilement encore, la capuche noire dont se drape Gothel pour ses sorties devient l’extension de ses ombres intérieures, tandis que ses mouvements, vifs et gracieux dans la tour, deviennent furtifs et craintifs à l’extérieur. Le paysage ne fait pas que refléter ses émotions ; il les révèle, les amplifie, les rend tangibles pour le lecteur ou le spectateur.

    Une fillette ressemblant à Raiponce est dans un champ

    Manipulation narrative ou enrichissement émotionnel ?

    Face à ces techniques, une question mérite d’être posée : s’agit-il d’une manipulation du lecteur ou d’un véritable enrichissement de l’expérience littéraire ? La réponse est nuancée. Toute narration est, par essence, une forme de manipulation. L’auteur guide notre regard, oriente nos émotions, modèle notre perception du récit. Mais contrairement à certains discours contemporains qui imposent une lecture unique et standardisée des émotions humaines, la technique du paysage émotionnel ouvre un espace d’interprétation. Elle invite le lecteur à ressentir plutôt qu’à simplement comprendre, à s’approprier l’émotion plutôt qu’à l’enregistrer passivement.

    Dans notre ère de communication directe et sans filtre, où les émotions sont cataloguées, étiquetées, et parfois censurées, cette approche indirecte constitue paradoxalement un acte de liberté. Elle permet d’exprimer des nuances émotionnelles que le vocabulaire conventionnel peine à capturer, de décrire des états d’âme complexes sans les réduire à des catégories simplistes.

    C’est précisément cette liberté d’interprétation qui rend la technique si précieuse. Différents lecteurs pourront percevoir différentes nuances dans un même paysage littéraire, en fonction de leur propre sensibilité, de leur histoire personnelle, de leur bagage culturel. Cette polysémie constitue une richesse inestimable à l’heure où les récits dominants tendent à imposer une lecture univoque du monde.

    Libérer sa plume : vers une écriture authentiquement émotionnelle

    La maîtrise du paysage émotionnel ne s’improvise pas. Elle exige une perception aiguisée du monde naturel et une compréhension profonde de la psychologie humaine. À une époque où l’on nous incite à exprimer nos émotions de façon codifiée, presque algorithmique, il devient révolutionnaire de revenir à cette forme d’expression plus organique, plus instinctive.

    L’écrivain contemporain se trouve souvent contraint par les attentes éditoriales, les tendances du marché, voire par une certaine police de la pensée qui dicte comment et quand certaines émotions peuvent être exprimées. Face à ces pressions, le recours au paysage comme vecteur émotionnel offre un espace de liberté inestimable. Il permet de contourner les censures explicites et implicites pour toucher le lecteur à un niveau plus viscéral, plus authentique.

    Un livre en noir et blanc avec un stylo dessus

    Pour développer cette technique et l’intégrer harmonieusement à votre écriture, voici quatre principes fondamentaux qui vous guideront vers une expression libérée des carcans contemporains :

    Observer sans filtre : avant de pouvoir écrire la nature comme miroir des émotions, il faut savoir l’observer dans toute sa complexité. Pratiquer l’observation directe, sans le filtre des clichés littéraires ou des images toutes faites. Notez les contradictions, les détails inattendus, les mouvements subtils qui échappent au regard distrait. C’est dans cette richesse d’observation que vous puiserez pour créer des paysages authentiquement évocateurs.

    Créer des correspondances personnelles : plutôt que de s’appuyer sur des associations conventionnelles (orage = colère), développer des liens propres à l’univers de son récit et à la psychologie spécifique de ses personnages. Un même paysage désertique pourra évoquer la liberté pour un personnage et l’angoisse pour un autre. Cette personnalisation des correspondances enrichit considérablement la texture émotionnelle de votre récit.

    Doser la subtilité : éviter tant la surexplication que l’hermétisme. Le lecteur doit pouvoir saisir intuitivement la correspondance entre paysage et émotion, sans qu’elle lui soit imposée. Trop explicite, le procédé perd de sa magie ; trop obscur, il devient inaccessible. L’art réside dans cette tension maîtrisée entre suggestion et clarté.

    Ancrer dans la cohérence : établir dès le début du récit un système de correspondances entre éléments naturels et états émotionnels, puis s’y tenir pour créer un réseau de sens qui se renforce au fil de la lecture. Cette cohérence interne crée une grammaire émotionnelle propre à votre œuvre, que le lecteur apprend progressivement à déchiffrer.

    Ces principes ne sont pas de simples astuces techniques ; ils constituent une véritable philosophie de l’écriture qui place l’authenticité émotionnelle au cœur du processus créatif. Ils permettent d’éviter l’écueil d’une écriture standardisée, formatée selon les canons contemporains qui privilégient souvent l’explicite au détriment de la suggestion, la catégorisation au détriment de la nuance. En définitive, ils vous aident à retrouver cette voix singulière que notre époque s’acharne parfois à étouffer.

    À l’heure où certains voudraient nous faire croire que les émotions humaines peuvent être réduites à quelques étiquettes consensuelles, facilement partageables sur les réseaux sociaux, le recours au paysage comme vecteur émotionnel constitue un acte de résistance créative. Il s’agit de briser le déni d’une certaine complexité émotionnelle, de refuser l’appauvrissement de notre palette expressive.

    En utilisant la nature comme reflet de l’âme des personnages, l’écrivain renoue avec une tradition littéraire millénaire tout en la réinventant. Il crée un espace de liberté où les émotions peuvent s’exprimer dans toute leur richesse, loin des injonctions contemporaines à la transparence et à la simplification.

    La symbiose entre paysage et émotion n’est donc pas qu’une technique littéraire parmi d’autres ; elle est une voie vers une écriture plus authentique, plus profonde, plus respectueuse de la complexité humaine. Une autre voix, en somme, qui s’élève contre l’uniformisation de notre rapport au monde et à nous-mêmes.

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    @Litt.et.ratures

    Une étudiante passionnée par les lettres et la philosophie, pour qui la remise en question et la bienveillance sont des valeurs fondamentales. Comme tout un chacun, elle est confrontée à différentes opinions, collectées auprès des proches, dans les livres, dans les médias, au quotidien. @Litt.et.ratures, c’est également un compte dédié aux écrits ainsi qu’à un partage d’idées, de pensées, parfois divergentes, mais qui suscitent au moins une réflexion.

  • Expériences de mort imminente sur France culture

    A mes yeux, il ne s'agit pas d'y croire ou de ne pas y croire mais simplement de s'y intéresser.

     

    Expérience de mort imminente (EMI), Expérience de fin de vie (EFV), Vécu subjectif de contact avec un défunt (VSCD… certains phénomènes humains semblent contredire l’affirmation quasi unanime de la communauté scientifique selon laquelle la conscience ne serait qu’une simple production de notre cerveau.
    Nourri des traditions spirituelles (bouddhistes, hindouiste), dont le discours sur la nature de la conscience fait écho aux enseignements de la physique quantique, Christophe Fauré est l’un de ces médecins qui s’interrogent. En unité de soins palliatifs, il a constaté le réconfort et l’apaisement que ces expériences avaient apporté aux nombreuses personnes les ayant vécues. Il a alors entrepris d’étudier tous les travaux scientifiques sur la question.
    Cet ouvrage, fruit de ses investigations, enquête aussi troublante que passionnante, apporte des réponses à des interrogations universelles : Qu’y a-t-il après un décès ? Notre conscience perdure-t-elle après la mort physique ? Quelle est la nature de notre conscience ?

    428 112 vues 13 nov. 2024 #mort #conscience #emi

    Que se passe-t-il après la mort ? Des milliers de témoignages à travers le monde décrivent des expériences bouleversantes : sorties de corps, visions de proches disparus, ou encore le ressenti apaisant d’une présence défunte. Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, explore ces phénomènes qui transcendent les cultures et les croyances, et nous invite à repenser la nature de notre conscience.

  • Guérisons inexpliquées

     Ceux et celles qui me lisent depuis un certain temps savent déjà que je suis considéré comme "une énigme médicale". Je n'y reviendrai pas mais c'est évidemment un sujet qui me touche.

    Les guérisons inexpliquées sont des phénomènes connues mais rejetées du cadre scientifique. Il n'existe aucune étude de long terme.

    Fabienne Raoul était ingénieure dans le domaine de l'énergie nucléaire. 

    Elle a vécu une EMI qui l'a transformée.

    Elle cherche à relier la culture scientifique au domaine de la spiritualité.

     

     

  • "Le réseau des tempêtes"

    TOUS, SAUF ELLE

    "Elle refusait de croire que le désastre n'offrait aucune issue. L'idée tournait en boucle.

    Elle avait longuement cherché le paramètre indispensable pour maintenir vivante l'éventualité d'un possible renouveau et la solution lui était venue, comme une évidence, après avoir rejeté toutes les autres idées qui se succédaient et ne menaient à rien.

    Les yeux dans le vague.

    « Il faudra beaucoup d'amour. »

    Elle répéta intérieurement la supplique, comme un mantra salvateur, avec en arrière-plan les images chaotiques de la fin d'un monde.

    « Il faudra beaucoup d'amour... Il faudra beaucoup d'amour... Il faudra beaucoup d'amour... »

     

    « C’est la tendresse qui va sauver le monde »

    https://lareleveetlapeste.fr/cest-la-tendresse-qui-va-sauver-le-monde/

    La solitude est à l’origine de 871 000 décès par an dans le monde. Pour Pablo, notre avenir exige de « retrouver la notion de village, de communauté. En France, on n’a pas envie de se rencontrer. Il faut changer ça. »

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    Texte: Isabelle Vauconsant Photographie: FG Trade / iStock 20 octobre 2025

    Aujourd’hui, Pablo Servigne est surtout connu pour être l’auteur de Comment tout peut s’effondrer, écrit avec Raphaël Stevens et paru en 2015. Dix ans plus tard, il fait paraître le Réseau des tempêtes, un manifeste pour une entraide populaire. Son parcours, à la croisée de la science, de l’éducation populaire et de l’activisme, en fait une figure atypique, un passeur entre les mondes de la raison et de l’émotion.

    La loi de la jungle : un mythe à abattre

    Pablo Servigne se présente avec une simplicité désarmante : « J’habite dans la Drôme. Je suis un papa de deux enfants, blanc, cisgenre. Je suis là. » Ces mots, prononcés d’une voix calme, trahissent une présence à la fois ancrée et légère, celle d’un homme qui a choisi de vivre en accord avec ses convictions.

    Agronome tropical de formation, éthologue de métier, docteur en sciences biologiques, il a passé des années à étudier « les fourmis et les liens sociaux chez les animaux ». Une observation minutieuse du vivant qui explique une grande part de sa réflexion et de ses intuitions.

    « La compétition existe dans la nature. Mais la loi de la jungle comme loi unique, cela n’existe pas », attaque Pablo Servigne pour La Relève et La Peste.

    Le chercheur déjoue l’un des mythes fondateurs de notre société : celui d’un monde régi par la seule compétition, où ne survivraient que les plus forts. « Déjà, une loi unique dans la nature, cela n’existe pas. J’ai même du mal à utiliser le mot loi. Je préfère parler de principes. » La réalité est bien plus complexe et faite d’interactions multiples autant que subtiles.

    Son engagement, il le décrit comme une lutte contre deux « monstres mythologiques » : « La loi du plus fort, et la hiérarchie pyramidale. Ces deux-là se nourrissent l’un l’autre. » Ce sont deux forces à la source des violences qui déchirent le monde : « La compétition généralisée et les structures hiérarchiques créent du chaos. »

    Face à cette vision apocalyptique, il oppose une « contre-mythologie » : « L’entraide, la coopération, l’altruisme. Et aussi la régénération de tout ce qui est bottom-up, qui vient du bas. C’est urgent. »

    C’est urgent parce que l’effondrement de la biodiversité, la consommation des ressources bien au-delà de leurs capacités de renouvellement et notre aveuglement nous emmène vers des catastrophes auxquelles nous devons faire face dès aujourd’hui et bien moins que demain.

    Le Réseau des tempêtes : une utopie concrète

    « Le Réseau des tempêtes, c’est d’abord une idée. Puis une association loi 1901. Et peut-être un mouvement, si on peut se permettre de rêver. » L’expression, Pablo Servigne l’emprunte à Joanna Macy, psychologue américaine et figure du « Travail qui relie ». « Elle disait que quand les tempêtes arriveraient, il faudrait éviter que les gens se tapent dessus. Moi, je crois que je suis là pour ça », confie Pablo Servigne à La Relève et La Peste.

    Le Réseau des tempêtes promeut l’idée que face aux crises, ce sont les liens d’entraide qui sauvent. « Quand tu as passé quatre à six jours dans ces ateliers, tu te sens en lien avec des gens qui t’étaient inconnus quatre jours avant, et qui deviennent tes frères et sœurs. »

    Cette densité de liens est telle que « si les tempêtes arrivent, on s’entraiderait. » La question est simple et très concrète : « Qui vas-tu aider au prix de ta vie et qui va t’aider, même au prix de la sienne ? Mon rêve est de déployer cette densité de liens dans la population. » Parce que c’est une question de survie.

    En France, cependant, « on a une culture dans laquelle l’État a pris le monopole du lien social et a tout dézingué en-dessous. » Résultat : « Le seul lien social effervescent entre l’État et l’individu, c’est la famille. Et encore, elle est en train de se désagréger. »

    L’individualisme qui s’accompagne de la peur de l’autre empêche le tissage de se faire. Or, pour résister à la verticalité de la violence du système, une solution efficace consiste à tisser des réseaux horizontaux d’entraide. Ces réseaux sont constitués de liens faibles et de liens forts pour un ensemble résistant.

    Des liens indissolubles dans la difficulté

    « Aujourd’hui, le grand enjeu, c’est de faire du lien. Il faut cartographier le type de liens parce que c’est devenu un mot-valise. Ma boussole, c’est faire du lien qui reste même quand l’électricité disparaît, même quand l’État disparaît ou quand l’espoir disparaît. » 

    Pour Pablo, il existe deux types de liens complémentaires. Les liens forts sont familiaux, amicaux, ils sont définis par l’inconditionnalité et la réciprocité. Les liens faibles sont les relations affinitaires, de voisinage, ceux qui sont assortis d’une condition.

    Bien entendu les liens peuvent se transformer de faible en fort. La solidité du tissage relationnel est la condition de la résistance aux chocs et de la résilience face à la catastrophe, donc de la survie.

    Face à l’épidémie de solitude, l’OMS tire la sonnette d’alarme. La solitude est à l’origine de 871 000 décès par an dans le monde. Pour Pablo, notre avenir exige de « retrouver la notion de village, de communauté. En France, on n’a pas envie de se rencontrer. Il faut changer ça. »

    Et de constater à quel point « on a besoin de tendresse, de câlins, d’ocytocine, de regard. On a besoin de se voir, de se toucher. » Il faut se retrouver, se rapprocher, partager tristesse et joie autour « des naissances, des deuils. Les émotions partagées, c’est ce qui soude les communautés humaines depuis la nuit des temps. »

    Mais force est de constater qu’on « est analphabète émotionnellement. On est tous décontenancés dès qu’il y a une émotion un peu intense. Il faut s’entraîner à faire face à la peur, à la colère, à la tristesse. »

    Comme le souligne aussi Éric La Blanche dans son livre « Osons la colère, éloge d’une émotion interdite par temps de crise planétaire », il est aussi fondamental de ne pas confondre émotion et ressenti, le second empêchant une conduite de la colère vers l’action.

    « La boussole est simple : si tu perds des amis, des liens, ta famille, tu es dans la mauvaise direction. »

    La collapsologie : du survivalisme à l’entraide

    En 2015, Pablo Servigne publie Comment tout peut s’effondrer, un livre qui marque les esprits et bouleverse une génération. Pour certains, ce livre a été vecteur de mouvement, d’autres ont choisi le repli, le survivalisme face à la peur.

    « Le survivalisme est une pathologie de la peur. C’est une idéologie du bunker, du repli sur soi. » Le survivalisme est la fin des liens.

    « Souvent, les survivalistes font un burn-out au bout d’un an. Ils se rendent compte que l’autonomie tout seul, ce n’est pas possible. » Pour Pablo, la vraie résilience passe par le collectif.

    « Un survivaliste est tapi en chacun de nous. C’est normal de vouloir sauver sa peau, sa famille. Mais il ne faut pas en faire une idéologie. » Et, il ne faut pas non plus en faire un mode de vie.

    « La peur met en mouvement, mais si elle provoque le repli, cela devient toxique. » Face à la catastrophe annoncée, « la clé est de faire du lien social. Les catastrophes font émerger l’entraide. La qualité du lien social avant les crises est fondamentale pour les traverser. »

    D’où pour Pablo, la nécessité de « jouer aux catastrophes », de s’entraîner, de créer des jeux de rôle, des serious games, pour « apprivoiser la peur » et « agrandir sa fenêtre de liberté ». 

    La tendresse plutôt que la compétition

    « Aujourd’hui, le monde meurt à cause de la compétition généralisée et des structures hiérarchiques. » Pablo n’y va pas par quatre chemins : « C’est un crime contre l’humanité d’apprendre à des milliers de jeunes qui entrent en écoles de commerce, la loi du plus fort, la peur de l’autre, et que leur avenir, c’est la compétition. »

    « La compétition, c’est de la violence horizontale. La hiérarchie, c’est de la violence verticale. Les deux se conjuguent dans ce qu’on appelle la montée des fascismes. » Face à cela, « il faut changer la culture. Arrêter avec la compétitivité, tous ces trucs qui nous font chier. 

    Ce qui est dangereux, ce n’est pas la nature humaine, c’est la culture occidentale. On a construit une société fondée sur les liens économiques, ces liens qui sidèrent et nient les liens qui libèrent. On est nul en tendresse, en bisous, en soin. Or, c’est la tendresse qui va sauver le monde. » 

    Pablo propose un cocktail de joie, de tendresse pour apprivoiser la peur. Et les scientifiques valident l’idée après avoir étudié les grandes catastrophes comme les tsunamis, tremblements de terre, inondations, éruptions volcaniques…

    « Quand la catastrophe arrive, les gens cherchent du lien. Ils ne pillent pas, ne tuent pas. Ils s’aident. »

    Contrairement à ce que nous racontent souvent les films hollywoodiens, les humains ne s’entretuent pas lorsque la mort est là. Ils cherchent l’autre et coopèrent. Et c’est alors que la recherche de performance disparaît dans l’urgence et que surgit l’efficacité, la vraie, souple et intelligente.

    « On a 4 milliards d’années d’évolution pour nous le rappeler : la compétition non cadrée tue tout. La résilience repose sur l’adaptation et la diversité. »

    L’entraide comme acte politique

    « L’entraide est un mot général qui désigne toutes les manières qu’ont les êtres vivants de s’associer. » Mais pour Pablo, « c’est aussi un pilier de l’anarchisme. Une force horizontale, convergente, qui réunit les gens pour traverser l’adversité. L’entraide est politique parce que c’est une force qui s’oppose à la verticalité des systèmes de domination. La charité est verticale. L’entraide est horizontale. Quand Macron aide, c’est du haut de son mépris. L’entraide se fait entre pairs. »

    « Les super-riches s’entraident pour se trouver des bunkers, pour se co-financer. » Comme le dit Monique Pinçon-Charlot, sociologue, « Si nous étions capables du même niveau d’entraide que les plus riches, nous serions inarrêtables. » Car l’entraide est à la fois un facteur de survie et un facteur d’évolution.

    « Je lance un appel. Je ne suis pas sûr de moi. C’est une intuition. J’ai envie qu’on co-construise tous ensemble. » Pablo ne veux plus être l’homme blanc scientifique qui dit aux gens ce qu’il faut faire. « J’ai une intuition que j’ai envie de transmettre, mais aucune envie de la porter seul. Merci à celles et ceux qui répondront à cet appel. »

    « On est en train de vivre une catastrophe. Mais ceux qui survivront, ce sont ceux qui se seront entraînés à avoir peur, à l’entraide et auront constitué leur réseau des tempêtes. Les individualistes, les méfiants, ceux qui s’isolent mourront les premiers. C’est contre-intuitif, mais cela marche.»

    « Alors, on se bouge ? »

    Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.

  • Vidéo : les expériences mystiques

    Une vidéo que je trouve intéressante quant aux différents phénomènes inhérents à l'expérience mystique. 

    L'expérience mystique scinde notre histoire personnelle entre un avant et un après.

    On y trouve des caractéristiques reconnues par toutes les personnes confrontées à cette expérience.

    1) l'ambivalence des sentiments, l'alternance entre la peur et la joie devant l'inconnu.

    2) la mort de l'égo, le sentiment du Moi s'efface.

    3) l'union "cosmique", la communion avec un grand Tout qui nous submerge, nous envahit, nous transforme.

    4) la dilatation temporelle, on perd la notion du temps.

    5) l'ineffabilité de l'expérience. Les mots sont impuissants pour décrire l'expérience mystique.

    6) l'éphémérité de l'expérience. La conscience d'un vécu extraordinaire et de sa probable finitude emplit l'individu de sentiments opposés, la joie mais aussi la nostalgie, le bonheur et simultanément la crainte de sa chute.

    7) un bien-être qui se diffuse dans notre quotidien malgré la perte de cette expérience par son aspect épisodique. L'individu a conscience d'avoir traversé une dimension dont il ignorait tout et qui laisse comme un sillage ineffaçable et qui ne sera jamais sectionné. Ce Tout est là et on peut le retrouver. 

     

  • Un sol vivant

     

     

    « C’est la plante qui façonne le sol, et pas l’inverse »

     

    https://lareleveetlapeste.fr/cest-la-plante-qui-faconne-le-sol-et-pas-linverse/

     

    Véronique Chable plaide pour « une science holistique, qui étudie les écosystèmes dans leur globalité plutôt que de les réduire à des équations chimiques ». Les résultats sont là : les aliments issus de l’agroécologie sont plus riches en nutriments, et les sols regagnent en fertilité.

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    Texte: Isabelle Vauconsant Photographie: Oleh Malshakov / iStock 15 octobre 2025

    Véronique Chable, ingénieure de recherche et agronome, consacre sa carrière à la génétique végétale et à l’amélioration des plantes. Dans cet entretien, Véronique Chable révèle comment les plantes façonnent les sols, comment les semences paysannes redonnent vie aux écosystèmes, et pourquoi l’agroécologie est bien plus qu’une méthode de culture : c’est une philosophie de vie.

    Le sol n’est pas un support inerte

    Depuis 2005, Véronique Chable s’investit dans la recherche participative et l’agriculture biologique, en réponse à un besoin politique et écologique croissant. Son parcours accompagne la transition de l’agriculture industrielle, fondée sur l’homogénéisation et la chimie, vers une agriculture respectueuse des écosystèmes, où la plante et le sol entretiennent une relation symbiotique essentielle.

    Le sol n’est pas un simple support inerte. Il est le fruit d’une coévolution entre la roche mère et les plantes. Véronique Chable explique que « les plantes pionnières, en colonisant la roche, la dégradent progressivement grâce à leurs racines et aux micro-organismes associés. Ces micro-organismes transforment la matière minérale en nutriments assimilables, créant ainsi un sol fertile.»

    C’est un écosystème vivant. Chaque plante, en mourant, enrichit le sol en matière organique, favorisant la prolifération de bactéries et de champignons. Ces derniers, à leur tour, nourrissent les plantes suivantes.

    « C’est un cercle vertueux, où chaque acteur joue un rôle précis ».

    La rupture de l’agriculture chimique

    L’agriculture industrielle a brisé ce cycle. « En sélectionnant des plantes homogènes et en les cultivant dans des conditions artificielles (serres, cultures in vitro), on a créé des variétés incapables de dialoguer avec les micro-organismes du sol ».  Résultat : ces plantes, déconnectées de leur environnement, dépendent des engrais chimiques et des pesticides pour survivre.

    Cette agriculture a une vision réductionniste qui considère le sol comme un simple réservoir de nutriments (azote, phosphore, potassium – NPK). Pourtant, comme le souligne Véronique Chable, « cette approche ignore la complexité du vivant. Les plantes ne se nourrissent pas seulement de NPK : elles ont besoin d’un écosystème microbien riche et diversifié. »  

    Véronique Chable – Crédit : Rennes Ville et Métropole

    Les Semences Paysannes

    Face à la standardisation des semences, Véronique Chable et ses collègues ont développé une recherche participative. En collaboration avec des paysans bio, ils ont réintroduit des variétés anciennes, adaptées aux terroirs locaux. « Ces semences, conservées dans des banques génétiques, sont souvent oubliées mais recèlent un potentiel énorme ».

    Réadapter ces semences prend du temps. Il faut les multiplier, les observer, et comprendre leur comportement dans des conditions réelles. Mais les résultats sont probants : « en quelques années, les sols se régénèrent, et la biodiversité microbienne explose ».

    Contrairement aux monocultures, les semences paysannes favorisent la diversité. Et, cette diversité est la clé de la résilience : « un sol riche en espèces végétales et microbiennes résiste mieux aux maladies, aux sécheresses et aux variations climatiques ».

    Les agriculteurs bio qui cultivent des céréales associées à des légumineuses (comme le maïs, les haricots et les courges dans la milpa sud-américaine) observent une amélioration rapide de la qualité de leurs sols. Les adventices, autrefois considérées comme des « mauvaises herbes », sont aujourd’hui reconnues comme des indicatrices de la santé du sol.

    Le microbiote végétal

    Les plantes ne sont pas des entités isolées. Leurs racines abritent des millions de micro-organismes qui jouent un rôle crucial :

    Digestion : Les bactéries et champignons décomposent la matière organique, libérant des nutriments.

    Protection : Certains micro-organismes protègent les plantes contre les pathogènes.

    Communication : Les plantes communiquent avec les micro-organismes via des signaux chimiques, créant un réseau d’échanges complexe.

    « Comme le microbiote présent dans nos intestins ou sur notre peau, le microbiote du sol est indispensable à la santé des plantes. Sans lui, les plantes sont vulnérables et dépendantes des intrants chimiques. »

    Lire aussi : « Il faut défendre les semences paysannes face aux nouveaux OGM »

    L’impact de l’agriculture chimique

    L’utilisation massive d’engrais et de pesticides a appauvri les sols. Les micro-organismes bénéfiques ont disparu, laissant place à des pathogènes résistants. Véronique Chable souligne que « cette dégradation n’est pas une fatalité » : en réintroduisant des semences paysannes et en arrêtant les intrants chimiques, les sols se régénèrent naturellement. C’est un changement de paradigme

    Passer à l’agroécologie nécessite une transformation profonde :

    Observer plutôt que prescrire : Les agriculteurs doivent apprendre à comprendre leur écosystème plutôt que d’appliquer des recettes standardisées.

    Repenser les circuits alimentaires : Les consommateurs doivent accepter des produits moins uniformes et plus diversifiés, adaptés aux terroirs locaux.

    Soutenir les paysans : La transition vers le bio est coûteuse et prend du temps. Les pouvoirs publics doivent accompagner les agriculteurs, notamment en subventionnant les pratiques agroécologiques plutôt que l’agriculture conventionnelle.

    Véronique Chable s’agace : « Pensez-vous qu’il soit normal que ce soit aux bio de payer leur label quand on subventionne la chimie ? »  

    Un choix de civilisation

    Véronique Chable insiste : « le choix entre agriculture industrielle et agroécologie est un choix de civilisation. Il s’agit de décider si nous voulons être des consommateurs passifs ou des acteurs conscients de notre environnement. C’est aussi un choix d’avenir, voulons-nous manger jusqu’à en être malade ou bien faire de notre alimentation notre meilleur médicament. »  

    Elle appelle à l’action : Chaque achat alimentaire est un vote. « En soutenant les producteurs locaux et bio, les consommateurs contribuent à la régénération des sols et à la préservation de la biodiversité. »

    Malgré le peu de chercheurs travaillant sur les semences paysannes (moins de cinq en France, une trentaine en Europe), le mouvement est mondial. Des associations comme Réseau Semences Paysannes et sa coordination internationale “Libérons la Diversité” fédèrent des paysans, des chercheurs et des citoyens autour d’un objectif commun : retrouver une agriculture respectueuse du vivant.

    Véronique Chable plaide pour « une science holistique, qui étudie les écosystèmes dans leur globalité plutôt que de les réduire à des équations chimiques ». Les résultats sont là : les aliments issus de l’agroécologie sont plus riches en nutriments, et les sols regagnent en fertilité.

    Pour les acteurs du réseau, les semences paysannes ne sont pas une nostalgie du passé. Elles sont une solution d’avenir fondée sur un corpus scientifique très sérieux. Elles permettent de concilier production alimentaire et respect de l’environnement, tout en redonnant aux paysans leur autonomie.

    Comme le dit Véronique Chable, «  il ne s’agit pas seulement de produire, mais de faire société ». En choisissant l’agroécologie, nous choisissons un monde où l’humain et la nature coexistent en harmonie.

    Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.

  • L'exploration du sentiment océanique.

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    Depuis plusieurs jours, je lis et relis une étude (un mémoire) réalisée par Dagmar Bonnault sur "le sentiment océanique" à travers l'oeuvre de Pierre Hadot, un terme utilisé la première fois par l'écrivain et philosophe Romain Rolland.

    Wikipedia : Le sentiment océanique est une notion qui se rapporte à l'impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l'univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi »). Ce sentiment peut être lié à la sensation d'éternité[1]. Cette notion a été formulée par Romain Rolland et est issue de l'influence de Spinoza.

    Ce que je retire principalement de cette étude, c'est que nous, en tant qu'individu, nous existons dans un état de conscience endormie, c'est à dire une absence au regard du Réel, de cette perception intégrale de notre insertion dans la vie, non pas dans l'existence mais dans le phénomène vivant et je suis convaincu depuis bien longtemps déjà que la suprématie destructrice de l'humanité est le résultat de cette construction d'une réalité, c'est à dire l'idée commune que nous avons de notre place dans le monde, le maître ordonnateur, possédant le droit de vie ou de mort, alors que nous n'aurions jamais dû nous extraire du réel, c'est à dire de l'unité, l'osmose, la fusion et donc de l'humilité, le respect, l'empathie, envers l'intégralité du vivant.

    Le "sentiment océanique" survient lorsque cette conscience endormie explose, lorsque les murailles s'écroulent, que les conditionnements sociétaux, éducatifs, familiaux, historiques sont balayés par un phénomène que nous ne déclenchons aucunement volontairement mais qui s'impose à nous.

    Il n'existe pas de méthode et n'importe qui peut être atteint. Beaucoup rejetteront malheureusement le phénomène, par peur, parce qu'il est beaucoup trop perturbant, parce que l'idée de la folie s'impose alors que c'est bien au contraire la destruction du cadre quotidien de la folie qui survient. Car nous sommes bel et bien fous de ne pas être conscients, continuellement, de cette extraordinaire merveille de la vie, fous de considérer que nos formes d'existences sont la norme et que rien d'autre n'importe.

    Je suis toujours sidéré et attristé de voir que les individus qui ont basculé hors de ce cadre limitant de la conscience endormie sont perçus comme des "illuminés", voire des déglingués, des fous, et tous ces termes issus de cette population "normale" qui ne peut voir les existences déformatées autrement que par le filtre étroit de leurs certitudes. Alors que ces certitudes ne sont que des conditionnements issus de la société matérialiste.

    La société occidentale est matérialiste et inévitablement ses valeurs vont à l'opposé de toute idée et de toute expérience menant à un état de conscience éveillée. Pour la simple raison que les individus éveillés par cet état d'unité n'ont aucunement besoin de la société matérialiste, dans ses outrages et ses exagérations et que la "simplicité volontaire" guide leurs existences. Et que la simplicité volontaire est contraire à l'idée de croissance si chère à toute société matérialiste. 

    P9240004

    Dagmar BONNAULT – M2 Philosophie – UFR10 - 2015/2016 21

    https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01427038/document

     Il est possible d’en déduire que ce « sentiment » ou cette « sensation » océanique se situe à
    l’intersection du corps et de l’esprit, que les deux y sont mis en jeu. Les hésitations
    de Rolland quant au choix des termes les plus adéquats pour traduire son expérience
    sont aussi le signe d’une certaine difficulté pour décrire ce sentiment. Il n’est pas
    quelque chose que l’on peut exprimer clairement simplement. Il est difficile de
    l’exprimer par des mots et cela révèle donc déjà une dimension importante du
    sentiment dont il parle, celle de la difficulté qu’il y a justement à en parler.

    En somme, ce sentiment océanique correspond aux quatre caractéristiques que William
    James attribue à l’expérience mystique21 : il est de nature instable, c’est-à-dire qu’il
    n’est pas un état durable, et il ne peut pas non plus être convoqué à volonté ; le sujet
    est passif dans l’expérience, elle s’impose à lui ; il a un caractère intuitif : il semble
    à celui qui l’éprouve être une forme de connaissance d’un type nouveau mais
    extrêmement forte, c’est comme si le voile de l’habitude se déchirait brièvement ;
    et enfin : il est difficile d’en parler.

    Je suis vraiment heureux d'avoir trouvé l'intégralité de cette étude (103 pages) car elle éclaire, sur le plan philosophique, chacun de mes romans. Alors que je ne connaissais aucunement ces écrits sur le "sentiment océanique" ou sur la mystique sauvage dont j'ai parlé précédemment, j'ai réalisé au fil du temps que mes propres expériences et que mes tentatives de les partager relevaient de phénomènes connus, étudiés, analysés, partagés, commentés depuis des décennies et que la singularité de ces phénomènes induisait une difficulté certaine de transmission orale tout autant qu'écrite. Et qu'il s'agissait donc pour moi d'un défi littéraire.

    Comment traduire le plus clairement possible ce qui relève de l'inconnu et comment ne pas dénaturer cet inconnu que certains et certaines ont pourtant traversé ?

    Si je reprends chacun de mes huit romans publiés, ils portent tous, à leur manière, selon les circonstances, l'exploration du sentiment océanique.  

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  • La mystique sauvage

    De retour à la maison, j'ouvre le manager de mon blog et je vois que le dernier article, "Ce sentiment océanique"  a disparu.

    Un mystère.

     

    Je me souviens que j'avais mis des liens vers d'autres textes du blog mais je ne sais plus lesquels :) 

    Le sentiment océanique est parfois associé à la mystique sauvage. J'invite à lire l'ouvrage de Michel HULIN

    La mystique sauvage par Hulin
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    Lire un extrait

    3,76★

    20 notes

    EAN : 9782130571155
    368 pages

    Presses Universitaires de France (15/08/2008)

    Résumé :

    "Le problème posé par la mystique sauvage est avant tout d'ordre culturel et historique... Il refait surface dès que les codes se brouillent et perdent de leur efficacité. C'est ce qui se produit dans toutes les périodes de transition historique et de crise religieuse... Il y a là comme un défi à la pensée philosophique et religieuse."
    Publié en 1993 dans la collection Perspectives critiques, cet ouvrage relate de nombreuses expériences, "visions des choses d'en haut" ou "contemplation des idées pures" et autres phénomènes divers, dont certains sont reconnus et théorisés par les principales orthodoxies religieuses. L'originalité de cette approche est de s'en tenir aux phénomènes de caractère a-théologique, évitant ainsi de les confiner dans le ghetto du religieux. A partir de ces divers témoignages, la réflexion philosophique s'efforce ici de montrer comment l'expérience mystique peut dévoiler quelque chose de l'absolu, alors même qu'elle possède une frontière commune avec la folie.
    (4e de couverture)

    Cette mystique sauvage ou ce sentiment océanique, ce que personnellement, j'appelle "le sentiment d'être", j'ai souvent tenté de le transcrire dans mes romans. C'est un état de conscience modifiée, une "zone", une dimension spirituelle. Aucune connotation religieuse. On est ici, hors cadre, hors structure, hors dogme, hors référence.

    il faut comprendre le mot « être » non pas comme une abstraction verbale, comme un verbe auxiliaire, mais comme la quintessence du sentiment d’exister ou plus profondément encore d'être en lien avec la vie. Je le vois comme un détachement de l'existence pour une fusion avec le phénomène de la vie. Et c'est bien autre chose qu'une joie, une jubilation ou de l'euphorie. Il est d'ailleurs particulièrement délicat de le décrire car dès lors qu'on doit faire appel à son mental pour l'usage réfléchi des mots, on en perd la richesse.

     

    "L'émotion la plus magnifique et la plus profonde que nous puissions éprouver est la sensation mystique. Là est le germe de toute science véritable. Celui à qui cette émotion est étrangère, qui ne sait plus être saisi d'admiration ni éperdu d'extase est un homme mort."

    Albert Einstein

     

    Quelques anciens articles :

    Une étrange distance.

    Etrange

    Un étrange phénomène.

    "Cet étrange sentiment de transcendance"

     

    Romans :

    JUSQU'AU BOUT : La conscience.

    A CŒUR OUVERT : la vie en soi

    LA-HAUT : Plénitude de l'unité

    KUNDALINI : La Présence et la Grâce

     

     

  • Randonnées du vertige

     

    Un type de randonnées qui ne sera jamais victime du tourisme de masse. 

    On y est en général tout seul. 

    Et il ne faut pas tomber.

    On ne déplace un membre que si les trois autres sont assurés. 

    Nathalie avait fait la traversée intégrale du Roc d'enfer à 26 ans et moi quelques semaines plus tard. On ne se connaissait pas encore. Alors, cette année, trente-sept ans plus tard, on a décidé d'y retourner, ensemble.

    Dans les randonnées du vertige, on parle très peu. On est très, très concentrés. Sur soi, sur la maîtrise du corps et tout autant sur les pensées insoumises, celles qui voudraient s'imposer et qui crient, "mais tu es fou, qu'est-ce que tu fais là, tu as vu ce vide, si tu tombes, tu es mort."

    Oui, on le sait et on est là pour apprendre à se contrôler, apprendre ce que l'existence dans les vallées ne nous apprend pas. 

    Certains et certaines font ces itinéraires en courant, d'autres n'y mettront jamais les pieds. Mais pour savoir ce qu'il en est, pour connaître ce potentiel inexploré, il faut essayer, aller voir, explorer ce qui est en nous, accepter de quitter cette fameuse "zone de confort". Ce sont des journées intenses, physiquement et nerveusement.

    On a enchaîné huit jours de sommets avec un jour de repos le temps de laisser passer une dépression. Le dernier jour, au matin, Nathalie a décidé de ne pas monter, grosse fatigue. Maux de ventre et de tête. Et on ne part pas dans ce type de parcours avec un physique entamé. 

    Je suis monté tout seul, au sommet de la Tournette, avec l'idée "d'arracher la viande", la tête dans le guidon, comme disent les cyclistes. Le topo donnait la montée en 4 heures. J'ai fait la montée en 2h20, l'aller-retour en 4 h, avec 3h 30 de déplacement effectif, le reste pour les photos et un temps de discussion avec un gars au sommet, à essayer d'identifier tous les sommets, tous ceux qui nous restaient à faire :) La montagne est un terrain de jeu infini.

    Alors, oui, je suis érodé, fissuré, crevassé, usé mais pas encore en ruines.  

     

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    SUR MA PAGE STRAVA

    08:47, le mardi 7 octobre 2025 Talloires-Montmin, Haute-Savoie

    La Tournette

    4 h aller retour pour un topo qui donne la montée en 4h. Je ne suis pas encore pourri. Jamais vu un rocher aussi usé sur une rando. Et dans les rampes lisses avec le verglas en plus, c'est chaud.

     

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    13,96 km

    3:33:38

    15:18 /km

    Dénivelé positif

    1 256 m

    Temps écoulé

    4:07:48

    Pas

    20 974

    Strava Android App

     

     

  • Capital extrémiste

    Oui, bien évidemment que les adeptes du capitalisme libéral sont des extrémistes environnementaux, qu'ils sont les seuls destructeurs et que les zadistes et les "écolos" ne sont pas des terroristes. Ils réagissent à la terreur, avec leurs moyens, des moyens insignifiants. Insignifiants parce que les maîtres du capitalisme libéral écrivent les lois. Alors, effectivement, parfois, des victoires surviennent, des projets dévastateurs sont abandonnés.

    Un pour mille, à quelques drames près. 

     

    Philippe Pereira :

    "Je crois effectivement qu’il existe des extrémistes environnementaux.

    Je crois que faire disparaître 200 espèces par jour relève de l’extrémisme.

    Je crois que causer, comme le dit le biologiste Michael Soulè, la fin de l’évolution des vertébrés, relève de l’extrémisme.

    Je crois que faire baigner le monde dans les perturbateurs endocriniens relève de l’extrémisme.

    Je crois que déverser tellement de plastique dans les océans, qu’on y retrouve 10 fois plus de plastique que de phytoplancton (imaginez que sur 11 bouchées que vous prenez, 10 soient du plastique), relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’avoir une économie basée sur une croissance infinie sur une planète finie, relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’avoir une culture basée sur l’incitation « Soyez féconds et multipliez-vous » sur une planète finie, relève de l’extrémisme.

    Je crois que détruire 98 % des forêts anciennes, 99 % des zones humides natives, 99 % des prairies, relève de l’extrémisme.

    Je crois que continuer à les détruire relève de l’extrémisme.

    Je crois que vider les océans, tellement que si on pesait tous les poissons dans les océans, leur poids actuel correspondrait à 10 % de ce qu’il était il y a 140 ans, relève de l’extrémisme.

    D’impassibles scientifiques nous disent que les océans pourraient être dépourvus de poissons durant la vie de la prochaine génération. Je crois qu’assassiner les océans relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’assassiner la planète entière relève de l’extrémisme.

    Je crois que produire en masse des neurotoxines (e.g. des pesticides) et les relâcher dans le monde réel, relève de l’extrémisme.

    Je crois que changer le climat relève de l’extrémisme.

    Je crois que voler les terres de chaque culture indigène relève de l’extrémisme. Je crois que commettre un génocide contre toutes les cultures indigènes relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’une culture envahissant la planète entière relève de l’extrémisme.

    Je crois que croire que le monde a été conçu pour vous relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’agir comme si vous étiez la seule espèce de la planète relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’agir comme si vous étiez la seule culture sur la planète relève de l’extrémisme.

    Je crois qu’il y a effectivement des « extrémistes environnementaux » sur cette planète, et je crois qu’ils sont appelés capitalistes. Je crois qu’ils sont appelés « les membres de la culture dominante ». Je crois qu’à moins d’être arrêtés, ces extrémistes tueront la planète. Je crois qu’ils doivent être arrêtés.

    Nous sommes des animaux. Nous avons besoin d’eau propre pour boire. Nous avons besoin d’une nourriture propre et saine pour manger. Nous avons besoin d’un environnement habitable. Nous avons besoin d’un monde viable.

    Sans tout cela, nous mourrons. La santé du monde réel est la base d’une philosophie morale soutenable, fonctionnelle, et saine. Il doit en être ainsi, parce qu’elle est la source de toute vie.

  • Ecrire l'incompréhensible

    Ce que j'ai vécu et qui n'est pas compréhensible. S'agissait-il d'une hallucination ou d'une autre vérité, d'un espace inconnu qu'on ne peut inventer ? Je n'étais pas dans une grotte mais sur un sommet, seul. J'avais vingt ans. Une ascension en solo, l'attention extrême, la concentration et l'application de chaque geste, une rupture, un mental qui se tait car ses bavardages inquiets auraient pu être fatals. Et c'est là que s'ouvre l'autre dimension, celle d'un esprit libéré de tout et qui capte enfin ce qui n'est pas "raisonnable". Je n'étais pas un puma mais un rapace. Une vision macroscopique de l'étendue, ce qui ne peut être vu par l'oeil humain, tout était là, dans une vision que je contrôlais.

    Je n'ai jamais rien oublié et c'est en écrivant ce roman, l'histoire de Laure, que le désir intense, corporel, viscéral de tout transcrire est venu. Je sais combien, après avoir écrit plusieurs romans, que dans chacun d'entre eux se retrouve cet état de décorporation, cette expérience de conscience modifiée. J'ai mis longtemps en fait à le comprendre.

    Il m'est parfois douloureux de ne pas pouvoir le revivre comme je le voudrais, de ne pas pouvoir le déclencher selon mon bon vouloir, de n'être finalement que celui qui reçoit et je m'en veux de cette déception car je sais en même temps le privilège que j'ai d'avoir été libéré, à quelques reprises, de la pesanteur humaine et d'avoir pu goûter à la beauté ineffable de l'inconnu.

    C'est sans doute la raison essentielle pour laquelle j'écris. Retourner à travers les mots dans cette dimension. Ce passage-là, je n'en changerai pas une ligne, pas un mot, pas une virgule. Il y a de la même façon, dans chacun de mes romans, des passages qui sont inscrits, gravés, immuables.

    Ça ne signifie pas qu'ils sont parfaits mais ils sont ce que je porte. 

    Il y a deux nuits, j'ai rêvé, encore une fois, que je volais. Toujours au-dessus des montagnes. Je sens parfaitement le mouvement de mes ailes, le vent dans mes plumes, le moindre positionnement de mon corps, je peux me déplacer à des vitesses vertigineuses sitôt que je décide de m'approcher d'un lieu. Il y a des couleurs, des lumières, les forêts, les cours d'eau, les glaciers, les sommets, les crêtes et les neiges éternelles.

    Je suis éveillé, parfaitement éveillé, totalement conscient.

    Et pourtant, à un moment, le rêve s'arrête. Et c'est douloureux et en même temps merveilleux d'avoir pu le vivre. 

     

    TOUS, SAUF ELLE

    Tout à l'heure, dans une autre vie, elle avait rejoint la grotte, elle était entrée et s’était assise dans l’ombre, au plus profond, sur une roche plate. L'ombre...

    Elle en avait ressenti la présence, comme celle d'une personne. Là, tapie dans l'ombre. L'ombre dans le secret d'elle-même.

    Elle avait eu un vertige.

    Elle avait pris un des deux bidons sur son sac, elle avait bu trois gorgées, lentement, avec application puis elle avait replié les jambes en tailleur. Une posture incongrue après une course mais qui lui paraissait incontournable. Elle avait longuement écouté le goutte à goutte de la source puis elle avait senti une étrange torpeur l’envahir, une fatigue inhabituelle. Elle s’était allongée sur le dos avec son petit sac sous la tête. Elle avait ausculté chaque point de contact de son corps avec la roche, elle avait un peu bougé pour trouver la position idéale, le désir aimant de s’accorder au moindre relief minéral, puis elle était entrée dans une immobilité totale. Les mains posées en croix sur son ventre.

    Elle ne se souvenait pas avoir fermé les yeux.

    Elle ne se souvenait pas non plus les avoir ouverts, ni du moment où elle avait entamé la descente. La descente vers quoi, d'ailleurs ? Elle avait suivi des traces sans accorder la moindre importance à la direction prise, comme aimantée, reliée par un fil invisible à un lieu sacré qu'elle devait rejoindre. Elle se souvenait juste d'un désert et d'une histoire de Barbares.

    Elle marcha ainsi, mue par une intuition puissante.

    Quand elle arriva à la ferme, elle repensa au texto et décida de le relire.

    Elle ouvrit la porte, alluma la lampe sur pied du salon et s’assit dans le fauteuil.

    « Tout va bien. Il ne s’est rien passé. Je reste à Lyon demain, deux, trois trucs à vérifier. Je t’aime. »

    Elle leva les yeux et balaya l’intérieur du regard et ce fut comme un rappel à soi, la sortie d’un tunnel, le retour à une vie connue.

    Il y a longtemps, elle était entrée dans une grotte et elle s’était allongée dans l’ombre. Le temps s’était étiré au-delà de l’espace habituel et elle avait maintenant l’impression de ne pas être redescendue. Ou d’être quelqu’un d’autre.

    Une femme était montée là-haut. Quelqu’un d’autre était revenu. Elle et lui, lui en elle. Comment le comprendre ?

    Elle ne se souvenait pas avoir fermé les yeux. Elle n’avait plus aucun repère temporel depuis l’instant où elle avait quitté le monde connu.

    La main de Figueras s’était posée sur son front.

    Mais à l’intérieur.

    L’évaporation intégrale des ressentis humains. L’effacement de son corps allongé sur la roche. Aucun point de contact. Rien de connu. Et tout ce qui avait jailli n’était aucunement identifiable.

    Elle s’étonna même de ne pas oser vraiment se le remémorer comme si de telles pensées relevaient de la psychiatrie et ne devaient pas être ranimées.

    Elle pensa alors qu’elle n’en parlerait peut-être jamais.

    Elle s’enfonça dans le fauteuil, posa le smartphone sur le plancher et ferma les yeux. Volontairement, cette fois.

    Qu’avait-elle vécu là-haut ? Elle devait se souvenir, ne rien perdre, elle en sentait douloureusement l’importance et s’en voulait de gâcher la beauté du voyage par une peur ténébreuse.

    Plonger dans la lumière, la retrouver, se nourrir de sa bienveillance, du cadeau offert.

    La main de Figueras la regardait et elle savait maintenant que, si la phrase n’avait aucun sens, elle possédait en revanche une puissance évocatrice phénoménale. Elle réalisa qu'en pensant à ces quelques mots – la main de Figueras la regardait– elle basculait immédiatement dans une vision intérieure d'une acuité stupéfiante. Elle distinguait les rides et les taches sur sa peau, le cheminement des veines. Elle percevait l'odeur de la terre sur ses doigts.

    L’énergie qui coulait la visitait comme un flux électrique, un produit révélateur. Un circuit interne qui la ravissait. Figueras regardait en elle et elle se souvenait de la tendresse, de l’intention bienveillante.

    Elle était gênée et simultanément comblée de deviner dans le phénomène un acte d’amour. Sans rien y comprendre.

    Elle ne savait plus rien. Pas dans la dimension humaine.

    Elle était un puma. Un puma…

    Elle n’en connaissait rien avant d’entrer dans la grotte. Elle savait tout de lui maintenant. Puisqu’il était elle et qu’elle était lui.

    Plus rien n’avait de sens, rien n’était vérifiable, rien n’était racontable, rien n’était traduisible, aucun rêve n’avait cette portée.

    Un territoire infini s’était ouvert et elle n’en était pas revenue.

    Elle avait couru dans les montagnes, la puissance de l’animal dans ses fibres, elle était lui, il était elle, une reconnaissance cellulaire, des retrouvailles, la joie éblouissante de l’euphorie musculaire, quatre pattes volant au-dessus de la terre, chaque appui dans une perfection totale, elle avait couru en lui, dans l’acuité de ses regards, le saisissement fulgurant de la moindre brindille dans son champ de vision, dans le couronnement de ses sens, l’extrême déploiement de sa vitalité, la puissance de son corps, tout entier impliqué dans la chasse, elle avait vu l’étendue des existences, le cheminement millénaire des incarnations, le tournoiement des âmes en attente, dans l’immensité des montagnes, à l’envers des cieux, elle avait cavalé sur les nuages, elle avait traversé les abîmes du temps en découvrant leur inexistence, rien n’avait de durée, tout n’était que l’instant, éternellement.

    C’est là qu’elle avait ressenti le danger, une menace immense, constante, où que l’animal soit, qu’il coure dans les montagnes ou les forêts, qu’il traverse les torrents ou explore les ravins les plus profonds.

    Où qu’il soit, un péril majeur, un risque de disparition et elle découvrit l'horreur de cette existence, cette menace constante, cette attention vitale, le calvaire des animaux persécutés, la diminution dramatique des congénères.

    Elle ne savait pas quand elle avait ouvert les yeux. Ni quand elle avait décidé de quitter la grotte. Ni comment elle avait franchi les ressauts, les pentes, les vires et les couloirs rocheux pour rejoindre la forêt. Elle ne savait rien de ces instants inexistants.

    C’est dans l’espace fermé des murs de la ferme qu’elle avait réellement repris conscience.

    Ou qu’elle l’avait perdue.

  • Le dilemne du prisonnier

    Il est évident que ces situations sont grandement étudiées dans les écoles de commerce et dans les études menant à la vie politique. (si tant est qu'on puisse appeler ça une "vie")

     

    Dilemme du prisonnier

     

    concept de théorie des jeux De Wikipédia, l'encyclopédie libre

    Dilemme du prisonnier

    PrincipeDilemme du prisonnier classiqueFormulationDilemme à plusieurs joueursExemples de situations réellesMarché de l'informationÉconomieSportÉcologiePolitique internationaleDérèglement climatiqueLe dilemme répétéVariantesLe jeu de la poule-mouilléeAmi ou ennemiLe dilemme du prisonnier dans la cultureFilmographieCinémaTélévisionLittératureRomanVidéoRéférencesVoir aussiBibliographieArticles connexesLiens externes

    Le dilemme du prisonnier, énoncé en 1950 par Albert W. Tucker à Princeton, caractérise en théorie des jeux une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l'absence de communication entre eux, chacun choisit de trahir l'autre si le jeu n'est joué qu'une fois. La raison en est que, si l'un coopère et que l'autre trahit, le coopératif est fortement pénalisé. Pourtant, si les deux joueurs trahissent, le résultat leur est moins favorable que si les deux avaient choisi de coopérer.

    Le dilemme du prisonnier est souvent évoqué dans des domaines comme l'économie, la biologie, la politique internationale, les politiques commerciales (avantage et risques d'une guerre des prix), la psychologie, le traitement médiatique de la rumeur[1], et même l'émergence de règles morales dans des communautés.

    Il a donné naissance à des jeux d'économie expérimentale testant la rationalité économique des joueurs et leur capacité à identifier l'équilibre de Nash d'un jeu.

    Principe

    Thumb

    Un exemple de matrice de gains du dilemme du prisonnier.

    Tucker suppose deux prisonniers (complices d'un crime) retenus dans des cellules séparées et qui ne peuvent pas communiquer ; l'autorité pénitentiaire offre à chacun des prisonniers les choix suivants :

    si un seul des deux prisonniers dénonce l'autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale (10 ans) ;

    si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère (5 ans) ;

    si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minimale (6 mois), faute d'éléments au dossier.

    Ce problème modélise bien les questions de politique tarifaire : le concurrent qui baisse ses prix gagne des parts de marché et peut ainsi augmenter ses ventes et accroître son bénéfice, mais si son concurrent principal en fait autant, les deux peuvent y perdre.

    Ce jeu ne conduit pas spontanément à un état où on ne pourrait améliorer le bien-être d'un joueur sans détériorer celui d'un autre (c'est-à-dire un optimum de Pareto ; voir aussi équilibre de Nash). À l'équilibre, chacun des prisonniers choisira probablement de faire défaut alors qu'ils gagneraient à coopérer : chacun est fortement incité à tricher, ce qui constitue le cœur du dilemme.

    Si le jeu était répété, chaque joueur pourrait user de représailles envers l'autre joueur pour son absence de coopération, ou même simplement minimiser sa perte maximale en trahissant les fois suivantes. L'incitation à tricher devient alors inférieure à la menace de punition, ce qui introduit la possibilité de coopérer : la fin ne justifie plus les moyens.

    Le dilemme du prisonnier est utilisé en économie, étudié en mathématiques, utile parfois aux psychologues, biologistes des écosystèmes et spécialistes de science politique. Le paradigme correspondant est également mentionné en philosophie et dans le domaine des sciences cognitives.

    Dilemme du prisonnier classique

    Formulation

    La première expérience du dilemme du prisonnier a été réalisée en 1950 par Melvin Dresher et Merill Flood, qui travaillaient alors pour la RAND Corporation. Par la suite, Albert W. Tucker la présenta sous la forme d'une histoire :

    Deux suspects sont arrêtés par la police. Mais les agents n'ont pas assez de preuves pour les inculper, donc ils les interrogent séparément en leur faisant la même offre. « Si tu dénonces ton complice et qu'il ne te dénonce pas, tu seras remis en liberté et l'autre écopera de dix ans de prison. Si tu le dénonces et que lui aussi te dénonce, vous écoperez tous les deux de cinq ans de prison. Si personne ne dénonce l'autre, vous serez condamnés tous les deux à six mois de prison. »

    On résume souvent la situation dans un tableau[2]

    Davantage d’informations Le suspect B se tait, Le suspect B dénonce ...

    et les utilités de chacun dans ce tableau appelé "Matrice des Paiements" :

    Davantage d’informations Le suspect B se tait, Le suspect B dénonce ...

    Chacun des prisonniers réfléchit de son côté en considérant les deux cas possibles de réaction de son complice.

    « Dans le cas où il me dénoncerait :

    Si je me tais, je ferai 10 ans de prison ;

    Mais si je le dénonce, je ne ferai que 5 ans. »

    « Dans le cas où il ne me dénoncerait pas :

    Si je me tais, je ferai 6 mois de prison ;

    Mais si je le dénonce, je serai libre. »

    « Quel que soit son choix, j'ai donc intérêt à le dénoncer. »

    Si chacun des complices fait ce raisonnement, les deux vont probablement choisir de se dénoncer mutuellement, ce choix étant le plus empreint de rationalité. Conformément à l'énoncé, ils écoperont dès lors de 5 ans de prison chacun. Or, s'ils étaient tous deux restés silencieux, ils n'auraient écopé que de 6 mois chacun. Ainsi, lorsque chacun poursuit son intérêt individuel, le résultat obtenu n'est pas optimal au sens de Pareto.

    Ce jeu est à somme non nulle, c'est-à-dire que la somme des gains pour les participants n'est pas toujours la même : il soulève une question de coopération.

    Pour qu'il y ait dilemme, la tentation T (je le dénonce, il se tait) doit payer plus que la coopération C (on se tait tous les deux), qui doit rapporter plus que la punition pour égoïsme P (je le dénonce, il me dénonce), qui doit être plus valorisante que la duperie D (je me tais, il me dénonce). Ceci est formalisé par :

    T > C > P > D (ici : 0 > − 0 , 5 > − 5 > − 10 )

    Pour qu'une collaboration puisse naître dans un dilemme répété (ou itératif) (voir plus bas), « 2 coups de coopération C  » doit être plus valorisant que l'alternat « Tentation T / Duperie D  ».

    Ce qui fait la condition 2 C > T + D [ici : 2 ∗ ( − 0 , 5 ) > 0 + ( − 10 ) ].

    Dilemme à plusieurs joueurs

    Le problème devient sensiblement différent lorsqu'ils y a plusieurs prisonniers tous à l'isolement. Le risque de défection de l'un d'eux devient de ce fait bien plus grand que lorsqu'il n'y en a que deux. Il peut en ce cas être plus réaliste de miser sur le fait qu'il y aura une défection… bien que si chacun en fait autant, tout le monde se retrouve avec une peine de cinq ans d'emprisonnement.

    Exemples de situations réelles

    Le dilemme du prisonnier fournit un cadre général pour penser les situations où deux ou plusieurs acteurs ont un intérêt à coopérer, mais un intérêt encore plus fort à ne pas le faire si l'autre le fait, et aucun moyen de contraindre l'autre. Les exemples suivants permettront de mieux cerner la diversité des applications possibles et la grande généralité du cadre du dilemme du prisonnier.

    Marché de l'information

    La situation concurrentielle des médias ressemble à un dilemme du prisonnier dans la mesure où ils privilégient la rapidité avant la qualité de l'information, d'où un phénomène de mutualisation des erreurs[3].

    Économie

    Un exemple est le cas de deux entreprises qui n'ont pas le droit de s'entendre sur une politique commerciale commune (comme c'est le cas par exemple avec le droit antitrust des États-Unis et les droits français et européen de la concurrence) et qui se demandent s'il leur faut procéder ou non à une baisse de prix pour conquérir des parts de marché aux dépens de leur concurrent. Si toutes deux baissent leur prix, elles seront généralement toutes deux perdantes par rapport au statu quo[4]. On peut aussi évoquer à ce propos les biens collectifs (dont tout le monde veut bénéficier, tout en voulant les faire financer par les autres), le cas des quotas textiles destinés à éviter une chute des prix mais que chacun cherche à contourner, ou les campagnes publicitaires coûteuses pour le même bien qui se neutralisent[5]. À noter que l'équilibre atteint dans le dilemme du prisonnier n'est pas un optimum au sens néo-classique du terme.

    Sport

    Les courses cyclistes sur route, dont le Tour de France, offrent d'autres exemples d'interactions stratégiques de type « dilemme du prisonnier », notamment lorsque deux coureurs échappés doivent décider s'ils font l'effort ou s'ils profitent au maximum de l'aspiration de leur co-échappé : si chacun profite de l'aspiration de l'autre (ce que chacun préfère), l'échappée échoue[6].

    Écologie

    La théorie des jeux, et le dilemme du prisonnier en particulier, sont fréquemment utilisés en écologie pour modéliser l'évolution des comportements entre individus d'une même espèce vers des stratégies évolutivement stables. L'apparition et le maintien des comportements de collaboration par exemple, se prêtent à ce type d'analyse. Richard Dawkins en a fait l'un des points centraux de sa théorie du gène égoïste, puisque l'optimisation de la survie peut passer par un comportement apparemment altruiste[7].

    Politique internationale

    Considérons deux pays rivaux. Chacun peut choisir de maintenir ou non une armée. Si tous deux ont une armée (de force à peu près équivalente), la guerre est moins « tentante », car très coûteuse ; c'était la situation de la guerre froide. Les dépenses militaires et la course aux armements sont alors une perte nette pour les deux pays. Si un seul a une armée, il peut évidemment conquérir sans coup férir l'autre, ce qui est pire. Enfin, si aucun n'a d'armée, la paix règne et les pays n'ont pas de dépense militaire. La situation de coopération permettant à chacun de ne pas avoir d'armée est évidemment préférable à la situation où les deux pays en entretiennent une, mais elle est instable : chacun des deux pays a une forte incitation à se doter unilatéralement d'une armée pour dominer l'autre[8].

    Dérèglement climatique

    Les efforts à mener pour limiter le dérèglement climatique sont soumis au dilemme du prisonnier. Si un État met en place des mesures qui limitent les émissions au détriment de l'économie, il prend le risque d'être dominé économiquement par les autres États. Ce mécanisme incite chaque état à limiter ses efforts écologiques et éloigne l'humanité de la solution optimale.

    Le dilemme répété

    Dans son livre The Evolution of Cooperation (en) (L'Évolution de la coopération, 1984), Robert Axelrod étudie une extension classique de ce dilemme : le jeu se répète, et les participants gardent en mémoire les précédentes rencontres. Cette version du jeu est également appelée dilemme itératif du prisonnier. Il donne une autre illustration à partir d'une situation équivalente : deux personnes échangent des sacs, censés contenir respectivement de l'argent et un bien. Chacun a un intérêt immédiat à passer un sac vide, mais il est plus avantageux pour les deux que la transaction ait lieu.

    Quand on répète ce jeu durablement dans une population, les joueurs qui adoptent une stratégie intéressée y perdent au long terme, alors que les joueurs apparemment plus désintéressés voient leur « altruisme » finalement récompensé : le dilemme du prisonnier n'est donc plus à proprement parler un dilemme. Axelrod y a vu une explication de l'apparition d'un comportement altruiste dans un contexte d'évolution darwinienne par sélection naturelle.

    La meilleure stratégie dans un contexte déterministe est « œil pour œil » (« Tit for Tat », une autre traduction courante étant « donnant-donnant ») et a été conçue par Anatol Rapoport pour un concours informatisé. Son exceptionnelle simplicité a eu raison des autres propositions. Elle consiste à coopérer au premier coup, puis à reproduire à chaque fois le comportement de l'adversaire du coup précédent. Une variante, « œil pour œil avec pardon », s'est révélée un peu plus efficace : en cas de défection de l'adversaire, on coopère parfois (de 1 à 5 %) au coup suivant. Cela permet d'éviter de rester bloqué dans un cycle négatif. Le meilleur réglage dépend des autres participants. En particulier, « œil pour œil avec pardon » est plus efficace si la communication est brouillée, c'est-à-dire s'il arrive qu'un autre participant interprète à tort un coup.

    Pour le dilemme du prisonnier, il n'existe pas de stratégie toujours optimale. Si, par exemple, toute la population fait systématiquement défaut sauf un individu qui respecte « œil pour œil », alors ce dernier a un désavantage au premier coup. Face à une unanimité de défaut, la meilleure stratégie est de toujours trahir aussi. S'il y a une part de traîtres systématiques et « d'œil pour œil », la stratégie optimale dépend de la proportion et de la durée du jeu. En faisant disparaître les individus qui n'obtiennent pas de bons totaux et en faisant se dupliquer ceux qui mènent, on peut étudier des dynamiques intéressantes. La répartition finale dépend de la population initiale.

    Si le nombre N d'itérations est fini et connu, l'équilibre de Nash est de systématiquement faire défaut, comme pour N=1. Cela se montre simplement par récurrence :

    au dernier coup, sans sanction possible de la part de l'adversaire, on a intérêt à trahir ;

    ce faisant, à l'avant-dernier coup, comme on anticipe que l'adversaire trahira quoi qu'il arrive au coup suivant, il vaut mieux trahir aussi ;

    on poursuit le raisonnement jusqu'à refuser de coopérer à tous les coups.

    Pour que la coopération reste intéressante, le futur doit donc rester incertain pour tous les participants — une solution possible est de tirer un N aléatoire.

    La situation est aussi étonnante si l'on joue indéfiniment au dilemme du prisonnier, le score étant la moyenne des scores obtenus (calculée de manière appropriée).

    Le dilemme du prisonnier est la base de certaines théories de la coopération humaine et de la confiance. Si l'on assimile les situations de transactions qui réclament de la confiance à un dilemme du prisonnier, un comportement de coopération dans une population peut être modélisé comme un jeu entre plusieurs joueurs, répété - d'où la fascination de nombreux universitaires depuis longtemps : en 1975, Grofman et Pool estimaient déjà à plus de 2000 les articles scientifiques sur le sujet.

    Ces travaux fournissent une base modélisable, quantitative, pour l'étude scientifique des lois morales.

    Axelrod donne dans son ouvrage Comment réussir dans un monde égoïste un exemple de stratégie œil pour œil dans le cadre du dilemme du prisonnier itératif : durant la guerre des tranchées, les combattants des deux camps, et ce, contre l'avis du commandement, appliquaient le principe « vivre et laisser vivre ». Les protagonistes ne déclenchaient ainsi jamais en premier les hostilités mais répliquaient fortement à toute agression.

    Variantes

    Il existe des variantes de ce jeu qui, en modifiant légèrement les gains, aboutissent à des conclusions très différentes :

    Le jeu de la poule-mouillée

    La poule mouillée est un autre jeu à somme non nulle, où la coopération est récompensée. Ce jeu est similaire au dilemme du prisonnier en ce qu'il est avantageux de trahir lorsque l'autre coopère. Mais il en diffère en ce qu'il est avantageux de coopérer si l'autre trahit : la défection double est la pire des solutions — donc un équilibre instable — alors que dans le dilemme du prisonnier il est toujours avantageux de trahir, ce qui rendait l'équilibre de double défection stable. La double coopération est dans les deux jeux un équilibre instable.

    Une matrice des gains ressemble à :

    si les deux coopèrent, ils reçoivent +5 ;

    si l'un coopère alors que l'autre se défausse, alors le premier obtient +1 et l'autre +10 ;

    si les deux font défaut, ils touchent -20.

    Davantage d’informations B coopère, B trahit ...

    L'appellation « poule mouillée » est tirée du « jeu » automobile :

    Deux voitures se lancent l'une vers l'autre, prêtes à se rentrer dedans. Chaque joueur peut dévier et éviter la catastrophe (coopération) ou garder le cap au risque de la collision (défection).

    Il est avantageux d'apparaître comme un « dur » qui ne renoncera pas et d'intimider l'adversaire… tant qu'on parvient à rester en jeu.

    On trouve des exemples concrets dans beaucoup de situations quotidiennes : l'entretien de la maison commune à un couple, par exemple, ou l'entretien d'un système d'irrigation entre deux fermiers. Chacun peut l'entretenir seul, mais ils en profitent tous les deux autant. Si l'un d'entre eux n'assure pas sa part d'entretien, l'autre a toujours intérêt à le faire à sa place, pour continuer à arroser. Par conséquent, si l'un parvient à établir une réputation d'indélicat dominant — c'est-à-dire si l'habitude est prise que c'est toujours l'autre qui s'occupe de l'entretien — il sera susceptible de maintenir cette situation.

    Cet exemple peut également s'appliquer en politique internationale, dans la situation où deux États entretiennent un différend qui est susceptible de déboucher sur une guerre. Passer pour une poule mouillée est la garantie d'être ultérieurement confronté à nouveau à la même situation (comme la France et la Grande-Bretagne le constatèrent avant 1939), mais maintenir une réputation suppose une dépense (entretien d'une armée) et des risques (guerre toujours possible).

    Ami ou ennemi

    « Ami ou ennemi » (« Friend or Foe? (en) ») est un jeu sur une chaîne câblée aux États-Unis (Game Show Network). C'est un exemple de dilemme du prisonnier testé sur des particuliers dans un cadre artificiel. Sur le plateau, trois paires de participants s'affrontent. Quand une paire est éliminée, ses deux membres se répartissent leurs gains selon un dilemme du prisonnier. Si les deux coopèrent (« Friend »), ils partagent équitablement la somme accumulée au cours du jeu. Si aucun ne coopère (« Foe »), ils se quittent sans rien. Si l'un coopère et que l'autre fait défaut, le premier part les mains vides et l'autre remporte le tout. La situation est un peu différente de la matrice canonique plus haut : le gain est le même pour qui voit sa confiance trahie ou qui emporte l'autre dans sa perte. Si un joueur sait que l'autre le trahira, sa réponse lui est indifférente. L'équilibre non coopératif est donc neutre ici, alors qu'il est stable dans le cas habituel (du prisonnier).

    La matrice à considérer est donc :

    si les deux coopèrent, chacun obtient 50 % ;

    si les deux font défaut, ils en tirent 0 % ;

    si l'un coopère et que l'autre le trahit, le premier reçoit 0 % et l'autre 100 %.

    Davantage d’informations B coopère, B trahit ...

    L'économiste John A. List a étudié le comportement des joueurs dans ce jeu pour tester les prédictions de la théorie des jeux dans un contexte réel. Les joueurs collaborent dans 50 % des cas mais on note des différences de comportement selon les caractéristiques socio-démographiques des joueurs. Par exemple, les hommes coopèrent moins souvent que les femmes. En revanche, il ressort de l'étude que les joueurs adaptent assez peu leur comportement à leur partenaire[9].

    Le dilemme du prisonnier dans la culture

    Filmographie

    Cinéma

    Le film The Dark Knight : Le Chevalier noir contient une version revisitée du dilemme du prisonnier[10].

    Télévision

    L'épisode 6 Le dilemme du prisonnier de Voyages au pays des maths aborde cette question.

    Littérature

    Roman

    Dans N'oublier jamais (2014) de Michel Bussi, deux coupables jouent en apparence le dilemme du prisonnier pendant dix ans, le jeu qu'un policier devine et tente en vain de clore[11].

    Vidéo

    Le dilemme du prisonnier est le titre d'une vidéo de Wil Aime où quatre amis se retrouvent interrogés par un enquêteur qui leur propose un dilemme du prisonnier[12].

     

  • "Quand la Chine s'éveillera"

    Que représentons-nous, petits individus insignifiants, dans cette guerre commerciale ?

    Croire que nous avons une importance relève du délire ou d'une prétention infantile.

    Il faut que je pense à aller chercher la liste (si elle existe) des mouvements de contestation envers le capitalisme libéral qui auraient abouti à des décisions allant dans le bon sens. (ça risque de me prendre du temps avant de trouver quelque chose...) 

     

    Pourquoi la Chine est en train de battre les Etats-Unis : l'analyse choc de Dan Wang (https://en.wikipedia.org/wiki/Dan_Wang_(analyst)), article L'Express, interview par Anne Cagan : https://www.lexpress.fr/.../dan-wang-stanford-que-trump.../

    "Oubliez l’opposition entre socialisme autoritaire et démocratie capitaliste. Pour ce spécialiste, la Chine est avant tout un "Etat ingénieur" quand les Etats-Unis demeurent un "Etat juriste."

    ➡️ En plus de son regard sur la rivalité sino-américaine, l'analyste décrit bien comment la perte des industries fondamentales (sidérurgie) fragilise l'ensemble d'une économie et d'une société. Lorsqu'un pays a consommé ses seules véritables sources d'énergie (hydrocarbures), impossible de rester longtemps puissant face à d'autres qui appuient encore leur industrie sur les énergies fossiles. Les tentatives de décarbonation ne parviennent manifestement toujours pas, malgré un déploiement désormais suffisamment massif des ENS (énergies dites de substitution) pour l'estimer, à la fois à stabiliser les perspectives économiques, à réduire les émissions de CO₂ tout en garantissant la souveraineté. Les pays qui décarbonent se rendent - bien plus rapidement que nous le comprenons - dépendants de ceux qui conservent les moyens de soutenir toute une chaîne thermo-industrielle fondée sur la chaleur, depuis sa base (explications dans l'article "Transition énergétique et servitude", sur le site

    Défi énergie : https://www.defienergie.tech/transition-energetique.../).

    (J'invite les plus motivé-es à cliquer sur ce lien et à lire l'analyse qui est proposée. Et ensuite, à retourner au potager)

    Citation de Dan Wang :

    "Les industries technologiques fonctionnent comme une échelle. Il faut monter les barreaux un à un pour atteindre le sommet. Et si vous retirez les barreaux du bas, votre main-d’œuvre manufacturière n’a plus la capacité de créer un écosystème solide, avec de grandes entreprises et de petites, des entreprises sophistiquées et d’autres plus basiques.

    (...)

    Je m’attends à ce que les succès chinois accentuent encore la désindustrialisation. L’Europe le voit déjà très clairement dans les données allemandes. La Chine pourrait couler beaucoup d'industries européennes avant que son économie ne connaisse un véritable ralentissement. Et si l’économie européenne se détériore, il est peu probable que sa politique s’améliore."

    ➡️ Je montre dans l'article "Transition énergétique et servitude" que la transition énergétique elle-même constitue un levier de domination géopolitique pour la Chine (https://www.defienergie.tech/transition-energetique.../) :

    "La Chine déploie manifestement tous les moyens pour bouleverser la géopolitique au moyen de la décarbonation. Alors que construire une usine de batteries coûte 6 fois plus cher aux États-Unis qu’en Chine, celle-ci exporte pour 22 fois plus, en valeur, de batteries que les États-Unis. Elle exporte également pour 580 fois plus de panneaux et modules solaires et pour 3 fois plus de véhicules électriques que les États-Unis, la prise d’influence sur le marché de l’automobile étant un autre levier essentiel de la rivalité industrielle, économique et géopolitique.

    (...)

    L’hégémonie sur l’extraction et surtout le traitement des minéraux critiques, la maîtrise technologique, la saturation des marchés, l’endettement des pays (consécutif aux investissements que la Chine y aura faits) ainsi que la laisse des brevets subordonnent totalement aux desiderata de l’Empire du Milieu les territoires qui utilisent ne serait-ce que quelques composants d’origine chinoise pour leur décarbonation. L’espoir de relocaliser tout ou partie de l’industrie de la transition ne suffira pas à reprendre le dessus, alors que les infrastructures de transition ne constituent que les produits d’un processus industriel dont la première étape, celle qui autorise toutes les autres (la rencontre entre la chaleur des hydrocarbures et les minéraux sortis de la mine) a été subtilisée par la géologie et l’histoire."

     

    Qui a dit quand la chine sʼéveillera le monde tremblera ?

     

    ParFrançois Gérard

    Publié le29 novembre 2023

    Actualités de Chine

    Une prophétie ancienne, une réalité contemporaine

    Voici une citation, souvent citée, qui continue à résonner dans les couloirs du temps, et qui fait écho, aujourd’hui plus que jamais, à une réalité géopolitique incontournable : « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». A la croisée entre prophétie séculaire et réalité contemporaine, ces mots semblent se matérialiser sous nos yeux. Les débats s’animent autour de son exacte paternité, de son origine, de son sens et de son impact sur l’histoire mondiale. Pour répondre à toutes ces questions, il nous faut remonter le fil de l’histoire.

    Napoléon Bonaparte, l’auteur présumé de la citation

    L’attribution de cette citation est souvent faite à Napoléon Bonaparte. En effet, l’empereur français aurait eu cette vision prophétique au début du XIXe siècle, alors que la Chine se trouvait encore dans un sommeil relatif sur la scène mondiale. Selon le récit populaire, il aurait déclaré lors d’une de ses conversations : « Laissez donc la Chine dormir, car quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Selon les historiens, Napoléon, dans sa grande sagacité, aurait perçu le potentiel de cette nation-continent, et aurait prophétisé ses bouleversements futurs sur le monde.

    Alain Peyrefitte et l’Occident face à la Chine

    Cependant, il faut noter que la citation, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’apparaît pas dans les écrits de Napoléon. Son origine la plus sûre remonte à 1973, lorsque l’écrivain et homme politique français Alain Peyrefitte l’utilise pour le titre de son livre : « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera ». Dans cet ouvrage, Peyrefitte dépeint une Chine en pleine transition, à la fois grandiose et inquiétante, qui se réveille lentement de plusieurs décennies d’isolement politique et économique. Sous sa plume, la citation prend une nouvelle amplitude, celle de la mise en garde contre l’ignorance de l’Occident, face à ce géant montant.

    Une prédiction pour l’ère contemporaine

    Avec le recul historique, la citation semble plus pertinente que jamais. Depuis le début du XXe siècle, la Chine est passée d’une dynastie impériale en déclin à une république communiste isolationniste, avant d’émerger en tant que superpuissance économique mondiale. Son éveil a bien secoué le monde, non pas avec la violence d’un tremblement de terre, mais avec la puissance tranquille d’une marée montante, submergeant les marchés mondiaux, et redéfinissant les dynamiques de pouvoir politiques et économiques.

    Il était une fois « Quand la Chine s’éveillera… »

    Alors, qui a dit « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » ? La réponse importe finalement moins que le message qu’elle véhicule. Emanait-elle de la vision éclairée d’un empereur envahisseur, du discernement aiguisé d’un érudit politique ou du mythe collectif façonné par l’imagination populaire ? Qu’importe. Sa voix retentit toujours avec force, car elle parle non pas tant du passé, mais du présent et de l’avenir. Cette citation reflète toutes les appréhensions, les enjeux et les fascinations que l’éveil de la Chine suscite aujourd’hui. En fin de compte, elle souligne notre besoin constant de comprendre, d’anticiper et d’appréhender les forces qui façonnent notre monde. Et à cela, il n’y a pas de réponse plus pertinente que celle-ci : « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ».

  • "Limits to growth"

     

    "Le rapport Meadows est régulièrement mis à jour avec de nouvelles données. C’est The Donella Meadows Project qui s’en charge. Et, pour ne pas vous rassurer, sachez que ses nouveaux calculs aboutissent toujours aux même conclusions".

     

     

    Limits to growth : le rapport Meadows résumé pour les lycéens et les profs

     

    Jacques Tiberi

    Voir plus loin

    mars 2025

    résumé du rapport meadows

    ©TomTirabosco

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    Aussi méconnu qu’essentiel, le rapport Meadows de 1972, intitulé ‘Les limites à la croissance’ est un des livres fondateurs de l’écologie politique. En voici un résumé destiné, en priorité, aux lycéens et à leurs enseignants… mais aussi à tous les écolo-curieux  !

    Voici le texte de l’article en version PDF, à télécharger librement.

    Contexte historique

    Entre les années 1940 et 1970, les sociétés occidentales sont entrées dans la « civilisation thermo-industrielle » et ont en été profondément transformées.

    La civilisation thermo-industrielle, c’est un mode de vie consumériste, où la plupart des produits consommables sont le fruit d’une production industrielle dépendante aux énergies fossiles (pétrole) ou fissiles (nucléaire).

    Ce mode de vie est né grâce aux nouvelles technologies militaires, imaginées durant la seconde guerre mondiale. 

    Ainsi, après la fin de la guerre de 39-45 :

    les plans des Jeeps et mini-chars sont modifiés pour devenir des tracteurs et des voitures,

    les gaz mortels sont transformés en insecticides pour augmenter les rendements agricoles,

    le béton des bunkers devient le matériau d’une reconstruction rapide des villes,

    les recherches sur les missiles et les radars accélèrent le développement d’une industrie du voyage en avion,

    les machines à casser les codes secrets deviennent des super-calculateurs, ancêtres des ordinateurs, etc,

    la médecine de guerre va permettre de développer des techniques encore utilisées aujourd’hui dans la médecine d’urgence.

    Ces innovations vont donner naissance à une société moins agricole, plus urbaine, industrielle et tertiaire.

    Une société…

    où les femmes travaillent,

    qui promet le confort pour tous, et associe le progrès technique au progrès social (« Moulinex libère la femme »),

    où les produits artisanaux sont remplacés par des produits industriels (le fameux « poulet aux hormones » chanté par Jean Ferrat),

    où la jeunesse s’offre des disques, des jeans et des gadgets fabriqués à l’étranger,

    où les distances se réduisent, grâce à la voiture et aux avions,

    où les décideurs politiques et économiques ont les yeux rivés sur « la croissance », c’est-à-dire l’augmentation de la production de biens manufacturés (le PIB).

    Le prix de cette croissance, c’est l’exploitation des ressources naturelles : le sol, les minerais (charbon, acier) et surtout les énergies fossiles (le pétrole).

    Le rapport Meadows va être publié au début des années 70.

    Cette décennie est l’apogée des « Trente Glorieuses ». Une période de croissance inégalée pour les pays développés, où on pense que l’enrichissement sera sans limite, pour des siècles et des siècles…

    Mais, en réalité, la dynamique économique commence déjà à s’essouffler.

    De plus, cette nouvelle société a vu croître de nouvelles inégalités et aspire à des mœurs plus libres. Des tensions qui conduiront à des révoltes, notamment celles de mai 1968 en France.

    Le club de Rome

    C’est dans ce contexte qu’en 1971, le cercle de réflexion du Club de Rome* commande à des chercheurs du M.I.T. (le Massachusetts Institute of Technology) un rapport sur les impacts écologiques de la croissance économique et démographique.

    *Né en 1968, le Club de Rome, un cercle de réflexion lancé par l’Italien Aurelio Peccei (patron de Fiat) et Alexander King (ancien directeur de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE). Le Club existe toujours et continue à publier des rapports de très grande qualité, sur les question d’environnement et d’économie.

    Publié en 1972, ce rapport, intitulé The Limits to Growth (Les limites à la croissance) a connu un succès mondial.

    Il est aujourd’hui surnommé le Rapport Meadows, en rapport au nom de deux de ses auteurs, Dennis et Donella Meadows. Dommage pour son troisième auteur, Jorgen Randers, resté dans l’anonymat.

    Que dit le rapport Meadows ?

    On y découvre une simulation mathématique, physique et économique, nommée « World 3 ».

    C’est une formule avec de nombreux paramètres (taux de fécondité, fertilité des sols, stock de ressources, impacts de la pollution, taux de croissance…) qui permet de prédire les tendances du futur.

    Attention : les chercheurs ne sont pas des devins. Ils ne prédisent pas l’avenir. Mais ils étudient des scénarios. Pour chaque scénario, les paramètres changent, pour analyser des résultats différents. On parle ici de simulations.

    Le scénario 0

    Les chercheurs ont analysé un scénario 0 (ou « business as usual »). Selon cette simulation, l’humanité continue de croître et de consommer de façon exponentielle (de plus en plus vite).

    Et pour maintenir son mode de vie, elle consomme de plus en plus de ressources, jusqu’à puiser, chaque année, 3 fois plus de ressources que ce que la terre ne peut produire. Dit simplement : on va consommer 3 planètes par an.

    Dans ces conditions, le système planétaire serait rapidement en surchauffe et s’effondrerait au bout de quelques décennies, sous la pression de la croissance démographique et industrielle.

    Pour info : chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule le « jour du dépassement ». La date à laquelle la consommation de l’humanité dépasse les ressources renouvelables disponibles sur la Terre. Selon ses calculs, les occidentaux consomment près de 2 planètes par an pour assurer leur mode de vie.

    La fin de la croissance ?

    Selon le rapport, la surexploitation des ressources conduira à un choc, qui stoppera la croissance de l’économie et de la population.

    Autrement dit, l’humanité vivra un krach économique et démographique majeur à cause de la pollution, de la disparition de la biodiversité. L’humanité vivra des pénuries, des famines, des pandémies et des catastrophes climatiques.

    Le simulateur révèle même quand arrivera ce grand krach : « durant les toutes premières décennies du XXIe siècle ».

    Les chercheurs expliquent que la chute du modèle thermo-industriel sera accélérée par des « boucles de rétroaction » : des événements qui entraînent voire accélèrent d’autres phénomènes.

    Par exemple : la hausse des émissions de CO2 augmente la température > qui conduit à une augmentation de la consommation d’électricité (clim, frigo, ventilation) > qui augmente encore plus la consommation d’énergie > et donc la hausse des émissions de CO2 > et ainsi de suite…

    À l’époque ce résultat fut un choc

    La preuve : le Président américain, Jimmy Carter, décida de réduire le thermostat de la Maison Blanche à 19°C et d’installer des panneaux solaires sur le toit.

    Lors de l’inauguration de ces panneaux, il déclara qu’en l’an 2000, « ce chauffe-eau solaire [sera] soit une curiosité, une pièce de musée… Ou le symbole d’une des aventures les plus grandes et les plus excitantes jamais entreprises par le peuple américain« . Pour info : Ronald Reagan, son successeur à la Maison Blanche, a rapidement envoyé le panneau solaire au musée !

    Autre fait marquant : à la suite de la publication du rapport Meadows, Jimmy Carter commanda à son Conseil National de la Recherche un autre rapport sur l’impact des activités humaines sur le climat. Un rapport publié en 1979 et surnommé « le rapport Charney« .

    Un rapport qui prévoyait (déjà !) l’impact des gaz et effets de serre et le réchauffement climatique… mais qui a vite été enterré et oublié.

    Pourquoi les scientifiques n’ont pas été écoutés ?

    Cette question n’a pas de réponse facile.

    Peut-être à cause de la croyance populaire dans le génie du progrès technologique qui résoudra tous les problèmes. Mais aussi à cause du contexte de la guerre froide entre l’Occident et l’URSS qui instaure une course à la production.

    Très peu de personnes imaginaient que la croissance pourrait chuter brusquement, comme le montre la fameuse courbe qui résume le rapport.

    Il faut comprendre que, dans les années 1980, l’idée qu’il y ait des limites à la croissance était tout simplement impensable pour beaucoup d’économistes et de dirigeants politiques.

    Et pourtant, c’est très logique : le modèle mathématique World 3 démontre qu’imaginer une croissance infinie dans un monde fini n’est pas possible.

    C’est comme si l’humanité était un fêtard, qui dépense son capital ; au lieu de vivre de ses intérêts. Cela peut fonctionner un temps, mais au final le monde se retrouve ruiné.

    Problème : malgré toutes les alertes et tous les signaux, c’est ce scénario que nous suivons depuis 50 ans. Depuis 50 ans, nous sommes dans le déni. On se contente de solutions technologiques ou techniques, comme le recyclage, le développement d’énergies renouvelables ou de technologies vertes, qui ne sont que des solutions temporaires, comme on va le voir avec l’étude des « scénarios technologiques ».

    Les scénarios technologiques

    Dans cet autre scénario, les chercheurs imaginent que l’on découvre – comme par magie – une énergie qui multiplie par 2 les ressources de la planète, sans avoir à puiser dans nos ressources naturelles. Un peu comme le super-réacteur du film Iron Man.

    Le résultat de la simulation montre que, même dans ce cas, l’effondrement de la civilisation interviendra… un peu plus tard.

    Autrement dit : même si l’on découvre une super-énergie ultra-puissante, l’effondrement aura lieu.

    Conclusion : la technologie n’est pas la solution. Car, même si elle paraît « propre », une technologie entraîne souvent des effets désastreux qui ne se remarquent qu’après de nombreuses années. La technologie est souvent une façon de déplacer dans le temps ou dans l’espace les effets négatifs de la croissance.

    Celui qui explique bien ce phénomène, c’est le chercheur français Philippe Bihouix.

    Pourtant, dans les années 1990, des économistes néolibéraux ont imaginé un modèle mathématique concurrent de World 3 : le modèle Dice.

    Un modèle qui fonde ses simulations sur l’idée que la technologie va compenser les effets négatifs des activités humaines. Et c’est notamment sur ce modèle « pro-business » que la plupart des gouvernements fondent leurs politiques économiques et environnementales…

    Les scénarios soutenables

    La dernière partie du rapport s’intitule « Transitions vers un système soutenable ».

    Ici, les chercheurs imaginent des scénarios où l’humanité parvient à vivre sans dépasser les limites de la planète.

    Dans ces scénarios optimistes, nous sommes sortis de l’addiction à la croissance.

    Nous avons aussi changé d’objectifs : plutôt que la croissance du PIB, les gouvernements cherchent à améliorer la santé des enfants, la citoyenneté, le bien-être…

    De plus, l’humanité s’est mise à prévoir, à planifier et à appliquer le principe de précaution.

    Enfin, on utilise plus la technologie pour maximiser les rendements et accélérer la croissance, mais, au contraire, pour limiter ou réduire les atteintes de l’homme sur la nature (agriculture, pollution, habitation). C’est ce que l’on appelle les right tech, les « technologies justes ».

    Bref, dans ce scénario, le système Terre n’est plus en surchauffe.

    Petit problème : nous aurions dû appliquer les principes de ce scénario depuis 2002 (il y a 20 ans), pour qu’il nous permettre d’éviter le krach !

    Une révolution de la durabilité vers un monde bien meilleur pour l’immense majorité d’entre nous est possible. »

    Paragraphe final du Rapport Meadows

    Bon à savoir : le rapport Meadows est régulièrement mis à jour avec de nouvelles données. C’est The Donella Meadows Project qui s’en charge. Et, pour ne pas vous rassurer, sachez que ses nouveaux calculs aboutissent toujours aux même conclusions.

    À vous de jouer !

    Imaginez à quoi pourrait ressembler une société durable. Proposez des solutions qui permettraient de transformer votre ville en une « cité durable du futur », sans tomber dans les pièges de l’abus des technologies, et en vous inspirant de la nature.

    Imaginez les métiers du futur ! À quoi pourrait ressembler votre vie professionnelle dans une société soutenable ?

    Le rapport Meadows est disponible gratuitement et en intégralité à cette adresse.

  • Sitting Bull

     

     

    Votre esprit de rapacité vous fera disparaître. Notre esprit nous rendra faible en apparence. Mais un jour l’idée du respect de la terre renaîtra car la fin de la vie est le début de la survivance." Sitting Bull

     

     

    « Votre esprit de rapacité vous fera disparaître » :

     

    il faut lire la lettre de Sitting Bull au Président américain.

    https://escapethecity.life/la-lettre-de-sitting-bull

    Jacques Tiberi

    Pépite

    mars 2025

    La lettre de Sitting Bull

    par Doane Robinson

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    Nous avons tellement à apprendre de cette lettre prophétique écrite en 1886 par le leader Sioux Tatanka Íyotake (Sitting Bull) . Un texte d’une incroyable sagesse visionnaire. Plus de 130 ans plus tard, on y trouve tout ce qu’un écolo aurait envie de crier à la face de son propre Président.

    Lire aussi : À l’Archipel du vivant, la vie d’un troubadour itinérant

    Voici quelques éléments de contexte pour mieux saisir l’origine du texte du fameux chef Sioux. 

    D’où sort cette lettre ? 

    Nous sommes en 1889. Sitting Bull (Bison assis) a 57 ans. Il n’est plus leader du soulèvement Sioux et Cheyenne; mais une sorte de monstre de foire. Une attraction qui ébahi les spectateurs du cirque de Buffalo Bill : le Wild West Show. 

    sitting bull avec buffalo bill

    Vingt ans plus tôt, cet homme-médecine incarna pourtant la résistance amérindienne contre l’envahisseur Américain dans le Dakota. À la tête d’une armée de 1500 hommes, il anéantira les troupes du général Custer lors de la bataille de Little Big Horn en 1876. Dès lors, poursuivi par l’armée américaine, il se réfugiera au Canada, avant de se rendre en 1881 et de rentrer aux Etats-Unis pour rejoindre le spectacle de Buffalo Bill en 1885.

    « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas (…) Cette nation est comme le torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage. » Sitting Bull

    Ce cri rejoint aujourd’hui celui de tous ceux qui assistent, impuissants, à la destruction de leur environnement, après la confiscation de la nature et de ses ressources.

    Désormais, c’est à son arrière-petit-fils, Ernie LaPointe, que revient le rôle de porter la parole de Sitting Bull. « La terre n’appartient pas à l’homme, mais l’homme appartient à la terre, explique-t-il, spirituel. On ne sauvera pas la planète tant qu’on n’aura pas compris tout ce qu’elle a de sacré.« 

    parler d'effondrement avec ses enfants

    Notre conseil de lecture : si la philosophie et la spiritualité amérindienne vous inspirent, on vous recommande les Pieds nus sur la terre sacrée, de T.C.Mac Luhan : une superbe anthologie de la philosophie, du mode de vie et de l’histoire des Indiens d’Amérique.

    Voici une version de sa fameuse lettre, chantée par Michel Bühler 

    Lettre de Sitting Bull au président des Etats-Unis d'Amérique.


    Lire cette vidéo sur YouTube

    Et en voici le texte complet de la lettre de Sitting Bull… n’en zappez pas la fin !

     

    "L’homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de terre ressemble pour lui à la suivante, car c’est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n’est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu’il l’a conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli. Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu’un désert.

    Nos mœurs sont différentes des vôtres. La vue de vos villes fait mal aux yeux de l’homme rouge. Mais peut-être est-ce parce que l’homme rouge est un sauvage et ne comprend pas. Il n’y a pas d’endroit paisible dans les villes de l’homme blanc. Pas d’endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps ou le froissement des ailes d’un insecte. Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage et ne comprends pas. Le vacarme semble seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t-il à vivre si l’homme ne peut entendre le cri solitaire de l’engoulevent ou les palabres des grenouilles autour d’un étang la nuit? L’Indien préfère le son doux du vent s’élançant au-dessus de la face d’un étang, et l’odeur du vent lui-même, lavé par la pluie de midi ou parfumé par le pin pignon.

    L’air est précieux à l’homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle; la bête, l’arbre, l’homme, ils partagent tous le même souffle. L’homme blanc ne semble pas remarquer l’air qu’il respire. Comme un homme qui met plusieurs jours à expirer, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l’air nous est précieux, que l’air partage son esprit avec tout ce qu’il fait vivre. Le vent qui a donné à notre grand-père son premier souffle a aussi reçu son dernier soupir. Et si nous vous vendons notre terre, vous devez la garder à part et la tenir pour sacrée, comme un endroit ou même l’homme blanc peut aller goûter le vent adouci par les fleurs des prés.

    Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre? L’idée nous paraît étrange. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de l’eau, comment est-ce que vous pouvez les acheter?

    Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour notre peuple. Chaque aiguille de pin luisant, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte est sacré dans le souvenir et l’expérience de notre peuple. La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l’homme rouge.

    Les morts des hommes blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu’ils vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la mère de l’homme rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l’homme; tous appartiennent à la même famille.

    Aussi lorsque le Grand Chef à Washington envoie dire qu’il veut acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous. Le Grand Chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de façon que nous puissions vivre confortablement entre nous. il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérerons donc votre offre d’acheter notre terre. Mais ce ne sera pas facile. Car cette terre nous est sacrée.

    Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n’est pas seulement de l’eau mais le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons de la terre, vous devez vous rappeler qu’elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l’eau claire des lacs parle d’événements et de souvenirs de la vie de mon peuple. Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père.

    Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre soif. Les rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez désormais vous rappeler, et l’enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos frères et les vôtres, et vous devez désormais montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour un frère.

    Nous considérerons donc votre offre d’acheter notre terre. Mais si nous décidons de l’accepter, j’y mettrai une condition: l’homme blanc devra traiter les bêtes de cette terre comme ses frères.

    Nous sommes sauvages et nous ne connaissons pas d’autre façon de vivre. Nous avons vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait. Nous sommes des sauvages mais nous ne comprenons pas comment le cheval de fer fumant peut être plus important que le bison que nous ne tuons que pour subsister.

    Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes, arrive bientôt à l’homme. Toutes choses se tiennent.

    Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent est fait des cendres de nos aïeux.

    Pour qu’ils respectent la terre, dites à vos enfants qu’elle est enrichie par les vies de notre peuple. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes. S’ils salissent la terre ils se salissent eux-mêmes.

    Nous savons au moins ceci: la terre n’appartient pas à l’homme, l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Toutes choses se tiennent.

    Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie: il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même.

    Même l’homme blanc, dont le Dieu se promène et parle avec lui comme deux amis ensemble, ne peut être dispensé de la destinée commune. Après tout, nous sommes peut-être frères. Nous verrons bien. II y a une chose que nous savons, et que l’homme blanc découvrira peut-être un jour, c’est que notre Dieu est le même Dieu. Il se peut que vous pensiez maintenant le posséder comme vous voulez posséder notre terre, mais vous ne pouvez pas. Il est le Dieu de l’homme, et sa pitié est égale pour l’homme rouge et le blanc. Cette terre lui est précieuse, et nuire à la terre, c’est accabler de mépris son créateur. Les blancs aussi disparaîtront; peut-être plus tôt que toutes les autres tribus. Contaminez votre lit, et vous suffoquerez une nuit dans vos propres détritus.

    Mais en mourant vous brillerez avec éclat, ardents de la force du Dieu qui vous a amenés jusqu’à cette terre et qui pour quelque dessein particulier vous a fait dominer cette terre et l’homme rouge. Cette destinée est un mystère pour nous, car nous ne comprenons pas lorsque les bisons sont tous massacrés, les chevaux sauvages domptés, les coins secrets de la forêt chargés du fumet de beaucoup d’hommes et la vue des collines en pleines fleurs ternies par des fils qui parlent. Où est le bison? Disparu. Où est l’aigle? Disparu. Où sont les animaux ? Disparus. Où est la beauté de la terre ? Disparue.

    Votre esprit de rapacité vous fera disparaître. Notre esprit nous rendra faible en apparence. Mais un jour l’idée du respect de la terre renaîtra car la fin de la vie est le début de la survivance." Sitting Bull

  • Des lectures utiles (2)

    Je décline toute responsabilité si les lecteurs et lectrices de ces ouvrages plongent dans une profonde angoisse ou dépression ou les deux. 

    Je tire mon chapeau et salue bien bas ceux et celles qui trouveront dans ces lectures des raisons d'y croire encore.

    Personnellement, je crois en l'humain, individuellement. Et d'autant plus lorsque ces individus conscients se regroupent.

    Mais toute forme d'embrigadement et de conditionnement, même si les intentions publiques sont honorables, je les fuis. En conclusion, je n'ai d'espoir qu'envers les communautés rurales.

    Quant aux concentrations urbaines et leurs fonctionnements délétères, consuméristes et matériels, je les ignore. L'avenir ne leur appartient pas. 

     

    Livres de collapsologie : la sélection pour résilient•e bibliophile

     

    Jacques Tiberi

    Pépite

    avril 2023

    https://escapethecity.life/

     

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    21 essais, romans et BD, récents ou anciens, méconnus ou incontournables, voici une sélection de livres de collapsologie. De quoi monter la bibliothèque idéale de l’effondriste accompli. 

    Tout d’abord, on tient à préciser que la collapsologie n’est pas une science, mais une démarche qui vise à comprendre et appréhender la fin de notre civilisation thermo-industrielle. Cela étant dit, voici notre sélection.

    Les grands classiques

    L’obsolescence de l’homme, Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle, Günther Anders (2 tomes) (1956).

    Le philosophe allemand, disciple de Husserl, s’alarme ici de notre idolâtrie pour le progrès technique et les machines. Un texte visionnaire qui connaît un immense succès depuis près de 70 ans. À la fin du livre, l’auteur prédit même l’émergence du transhumanisme. Anders a mieux compris notre époque que nous-mêmes.

    À vous de choisir : l’écologie ou la mort, par René Dumont (1974)

    Père de l’écologie politique, René Dumont, premier candidat “vert” à la présidence de la République en 1974, décrit ici le piège dans lequel nous sommes tombés : “si nous maintenons le taux d’expansion actuel de la population et de la production industrielle jusqu’au siècle prochain, ce dernier se terminera dans l’effondrement total de notre civilisation”. Sa solution : vivre au niveau de vie des années 20 avec les technologies de 1974.  Un prophète ?

    René Dumont - Campagne présidentielle 1974 | Archive INA


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    La Vie sur Terre : Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, par Baudouin de Bodinat (2 tomes, 1996)

    Le philosophe français a commis ici un véritable inventaire de la barbarie de notre société industrielle, dont on ressort avec la certitude qu’il n’est plus temps de sauver quoi que ce soit, que le cataclysme a déjà commencé et que c’est presque tant mieux !

    Notre dernier siècle ?, de Martin Rees (2004)

    Loin de son titre catastrophiste, ce témoignage d’un astrophysicien spécialiste des trous noirs  dresse l’inventaire des risques qui pèsent sur le XXIe siècle : nucléaire, chimiques, robots, terrorismes, impact d’astéroïde et réchauffement climatique. En conclusion, il espère qu’en 2100 les Hommes riront de son livre. Rien n’est moins sûr…

    Lire aussi : portrait robot d’un collapso

    Les livres incontournables

    Comment Tout Peut S’Effondrer, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens (2015)

    Premier livre de “collapsologie” basé sur l’analyse de données scientifiques, expliquant que “l’utopie a changé de camp”. L’utopiste, c’est désormais celui qui croit que tout va continuer. Le réaliste, c’est celui qui se prépare au pire.

    De quoi l’effondrement est-il le nom ?, de Renaud Duterme (2016)

    Il est intéressant de lire ce livre, très proche sur le fond du précédent, mais qui en diffère dans ses conclusions. Oui, nous assistons bien à la fin d’un certain modèle de société. Mais la naissance d’un système plus juste et plus durable serait encore possible.

    Une Autre Fin du Monde est Possible, Vivre L’Effondrement (Et Pas Seulement Y Survivre), par Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle (2018). 

    De la  collapsologie et à la collapsosophie… Sorte de Tome 2, après “Comment tout peut s’effondrer” : on y découvre comment tout peut renaître, comment imaginer la suite, comment survivre. La réflexion sera poursuivie par un autre livre : « L’Entraide. L’autre loi de la jungle », publié en 2017.

    Les chances qu’il nous reste. Histoire de la sixième extinction de Erwann Menthéour (2019)

    Après avoir posé un constat catastrophiste (pour changer), Erwann Menthéour, ancien coureur cycliste devenu coach de fitness veut lancer l’alerte : pour lui, inutile d’espérer un changement politique, notre seule option serait de désobéir. 

    « La vitesse d’extinction des espèces est 10 à 100 fois plus rapide que la normale »


    Lire cette vidéo sur YouTube

    Les historiques de la collapsologie

    Cataclysme, Une histoire environnementale de l’humanité, de Laurent Testot (2018)

    Le journaliste scientifique Laurent Testot retrace ici l’épopée de l’humanité sur 3 millions d’années, montant combien nous avons changé le visage de la planète : coupe réglée de l’Amazonie et de l’Australie depuis le 15e siècle, 13 000 ans de modification des gènes du blé… jusqu’au réchauffement climatique. 

    Le Bug Humain, Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète, de Sébastien Bohler (2019)

    Depuis 200 000 ans, notre cerveau nous a permis de survie à tous les dangers et de dépasser toutes les contraintes… jusqu’à aujourd’hui. Il y a un bug dans notre cerveau qui nous empêche d’arrêter d’en vouloir toujours plus. Comment nous débuger ?

    Lire aussi : Quels bouquins offrir à un collapso-sceptique ?

    La science-fiction (mais plus pour très longtemps)

    L’Effondrement de la civilisation occidentale, par Erik M. Conway et Naomi Oreskes (2014)

    Nous voici entre le roman de sci-fi et l’essai d’anticipation. Tout commence en 2393. La civilisation occidentale s’est effondrée. Un historien tente de comprendre comment nous avons pu tomber dans “l’Âge de la pénombre”. Un récit accablant de l’immobilisme et du manque de courage de nos décideurs politiques. 

    Black-Out, de Marc Elsberg (2016) 

    Une nuit, le réseau électrique européen lâche. Les pays s’enfoncent un à un dans le noir. Qui est derrière cette catastrophe ? Un hacker italien et un flic policier d’Europol se lancent dans une véritable course contre la montre. Un thriller aussi apocalyptique que ludique, qui dévoile les énormes failles de notre système énergétique. À lire avant que la lumière ne s’éteigne. 

    Black Out - Marc Elsberg - LTL # 21


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    Lou, après tout (2 tomes), de Jérôme Leroy (2019)

    Quinze ans après le “Grand Effondrement”, Lou et Guillaume, une ado et un trentenaire, se sont réfugiés dans une villa des Flandres. D’où viendra le danger ? Une odyssée pré et post-apocalyptique glaçante de réalisme.

    Après le monde, de Antoinette Rychner (2020)

    Automne 2022. Un cyclone ultra violent détruit la côté Ouest des Etats-Unis. Le système économique mondial s’effondre comme un château de cartes. Sept ans plus tard, l’humanité a survécu grâce à l’organisation d’un néo-pastorialisme solidaire. Ce roman aux allures de conte philosophique est intelligemment construit autour d’une question existentielle : si tout devait s’effondrer, que devrions nous sauver coûte que coûte ? La force de cette dystopie est de nous laisser libre de la réponse.

    Livres de collapsologie pour préparer l’après

    Revivre à la campagne, de John Seymour (1977)

    Heureux propriétaire d’un cottage dans le Pembrokeshire (Angleterre) et d’un jardinet de 2 hectares, le “père de l’autosuffisance”, décédé en 2004, nous offre ses meilleurs conseils pour atteindre l’autonomie à la campagne : du potager à la taille des arbres, en passant par le chauffage solaire ou la confection d’huiles et de beurre. Une mine d’infos, richement illustrée d’élégants croquis. In-dis-pen-sable.

    Manuel De Transition, De La Dépendance Au Pétrole À La Résilience Locale, de Rob Hopkins Écosociété (2010) 

    Un guide pour organiser la transition énergétique et préparer l’après-pétrole. Pas à pas, ce manuel nous apprend à diminuer radicalement nos besoins énergétiques et détaille les initiatives locales (Transition Town) qui engagent le changement, la relocalisation des activités et la fin de notre dépendance aux énergies carbonées. Alors, vous commencez quand ?

    Petit traité de résilience locale, par Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton et Pablo Servigne (2015)

    Comment développer notre résilience, absorber les chocs climatiques, et nous transformer ? Contre la résignation et le repli sur soi, les auteurs prônent le partage, la coopération, l’autonomie et l’imagination. Un livre de collapsologie certes théorique, mais extrêmement utile.

    Economie de l’après croissance, sous la dir d’Agnès Sinaï (2015)

    Le culture de la croissance est un mirage et la décroissance n’est en rien une forme d’austérité. Low-tech, recherche de la qualité, réorganisation du temps… Ici, rien n’est utopique. Et tout est salutaire.

    L’Effondrement, Petit guide de résilience en temps de crise, de Carolyn Baker (2016)

    Pour nous aider à nous préparer émotionnellement aux changements radicaux qui nous attendent, la psy Carolyn Baker nous invite plutôt à voir l’effondrement de façon positive : adieu monde cruel, bonjour vie conviviale, retour à la nature, reconnection avec son corps et autres bonheurs simples. Mieux qu’un antidépresseur contre l’éco-anxiété.

    Face à l’effondrement, si j’étais maire ? par Alexandre Boisson (2019)

    En cas de crise majeure, vers qui se tourneront les gens ? Leur maire, pardi ! Ils seront en première ligne pour préparer le passage à l’autonomie. Ce livre est une lettre ouverte à l’intention des élus de communes rurales et de leurs administrés : il est temps de s’organiser ! Eau, nourriture, énergie, services de santé, cela ne se fera pas sans eux.