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Deux écologies qui s'opposent
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/12/2024
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Il y a deux sortes d'écologie : l'écologie réelle et l'écologie politique. La première est utile, la seconde est néfaste. Ou plutôt, elle l'est devenue par l'arrivisme de certains cadres politiques qui par leurs comportements ont donné à l'écologie une image punitive. L'écologie ne doit pas être politique, elle doit être sociale, existentielle, émotionnelle, affective, c'est à dire essentiellement tournée vers les actes bons, mesurés, conscients, utiles, protecteurs envers la nature. Et non envers un mouvement politique et ses leaders.
L'écologie sociale, c'est celle que nous pratiquons par des gestes respectueux, le tri, la consommation mesurée, le recyclage, une alimentation dé-carnée, la pratique du potager, l'entraide, le troc, la solidarité. L'écologie ne concerne pas que la nature ou l'environnement mais les humains entre eux, le respect de l'autre et si nécessaire sa protection.
D'ailleurs, il est étrange de parler « d'environnement » comme si nous étions séparés de la nature, des êtres à part avec une nature qui nous entoure alors que nous sommes des êtres naturels et totalement insérés dans cette nature. Sans elle, nous ne serions plus là.
L'écologie politique est devenue une écologie punitive parce qu'elle fonctionne par des injonctions alors que des millions de personnes sont déjà dans leur vie quotidienne soumis à des injonctions de survie. Et lorsque ces injonctions politiques sont proclamées par des gens qui vivent dans le luxe et le confort et prennent l'avion pour aller se dorer la pilule dans des pays exotiques pour les vacances de Noël, ça ne peut pas passer. D'autant plus qu'ils sont payés par l'argent public, c'est à dire justement celui dont nous aurions besoin pour vivre un peu mieux.
Il est donc urgent de ne pas mélanger ces deux faces de l'écologie au risque de délaisser la première alors que la situation planétaire tourne au cauchemar.
Personnellement, je pense que les voitures électriques, c'est une aberration et que les lobbies industriels ont encore réussi à imposer leurs visions. Si on regarde les dégâts dans les pays qui fournissent les métaux nécessaires pour la fabrication des batteries, il ne faut pas parler d'écologie. Quand je vois que les cartons qu'on rapporte à la déchetterie pour être recyclés partent au Vietnam par cargos parce que ni en France, ni en Europe on a d'usines capables de les recycler à grande échelle, c'est juste du foutage de gueule. Et des exemples comme ceux-là, il y en a des centaines. Qu'on a arrêté la consigne des bouteilles en verre pour favoriser l'usage du plastique, que la SNCF ait été autorisée à démanteler le réseau qui permettait de couvir la totalité du territoire, condamnant les habitants des régions de la "diagonale du vide" à utiliser les voitures puisque mêmes les transports en commun ont disparu, que les gouvernements successifs aitent laissé s'étendre le transport routier en abandonnant le ret erroviaire, que les lobbies de l'aviation aient été subventionnés alors que le tourisme aérien aurait depuis longtemps dû être surtaxé, que l'éolien soit subventiooné mais que jamais on ne parle de décroissance, que les usines à charbon soient remises en service... etc... etc...
etc... etc... etc...
Nous avons le devoir d'être écologistes tout autant que le devoir de résister aux injonctions de l'écologie politique. Nous devons être exemplaires et ne pas suivre l'exemple falsifié des élites. Ces élites qui ont juste réussi à donner à l'écologie une image désastreuse.
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Indignation populaire
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/12/2024
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Publié le 06/12/2024 à 23h38 • Mis à jour le 07/12/2024 à 12h42
L'essentiel
Mercredi matin, en plein centre de Manhattan à New York, Brian Thompson, 50 ans, dirigeant de UnitedHealthcare, a été abattu de plusieurs balles devant un hôtel Hilton. Ce crime a été qualifié de « prémédité, planifié et ciblé » par le NYPD, la police de la ville. Alors que l’enquête progresse, les réactions publiques témoignent d’un profond malaise autour du secteur de l’assurance santé aux Etats-Unis.
Cet assassinat intervient en effet dans un climat de tensions croissantes autour des assurances santé aux Etats-Unis. UnitedHealthcare, filiale du géant UnitedHealth Group, assure 51 millions de personnes et collabore avec des programmes publics comme Medicare. L’entreprise est souvent critiquée pour des pratiques jugées abusives.
Des dizaines de milliers d’émojis « rire »
Et, depuis l’annonce de la mort de Brian Thompson, le Network Contagion Research Institute, centre de recherche sur le numérique et réseaux sociaux, a observé une explosion de publications en ligne glorifiant le meurtre, certaines appelant même à de nouvelles violences. Le Network Contagion Research Institute a ainsi recensé « un bond de publications très engagées […] glorifiant l’événement » voire « appelant à des actes de violence supplémentaires, suscitant des dizaines de millions de vues ».
Sur Facebook, UnitedHealth Group, maison mère de UnitedHealthcare, a bloqué la possibilité de commenter son message de condoléances, après des dizaines de milliers de réactions sous forme d’émojis « rire ».
Une colère profonde contre les assurances santé
Plus généralement, les réseaux sociaux ont été inondés de remarques acerbes voire haineuses. « J’ai soumis une demande de prise en charge pour mes condoléances mais elle a été refusée, trop triste », assène, plein d’ironie, un internaute sur TikTok. « Pensées et prières pour tous les patients à qui l’on a refusé une prise en charge », commente un autre.
Retrouvez notre dossier sur les Etats-Unis
Pour des experts, cela témoigne d’une colère profonde aux Etats-Unis contre les assurances santé, secteur privé très lucratif dans un pays aux inégalités abyssales. Ces messages, partagés des millions de fois, reflètent effectivement une colère latente contre les inégalités du système américain, accusé de négliger les patients pour maximiser les profits.
Imaginons une mise en scène (très macabre).
Si on pouvait aligner tous les cercueils de ceux et celles qui sont morts des effets de ces assurances privées de santé, ça serait bien plus terrifiant que la mort de cet homme. Mais c'est justement parce que ça n'est pas visible que certains ne gardent en tête et ne s'offusquent que de la mort violente de ce patron. Et c'est bien ça qui est injuste. Il faudrait un cimetière national comme les cimetières militaires, avec ces milliers de croix blanches alignées.
Non, je ne cautionne pas cet assassinat mais je comprends le mouvement populaire qui le suit et la révolte verbale des gens qui applaudissent le geste du tueur. Il s'agit avant tout d'une indignation, d'une colère larvée qui éclate. Combien d'Américains connaissent personnellement une personne décédée par manque de soins ? Des millions certainement.
Une compagnie d'assurance a déjà annoncé avoir renoncé à raccourcir les durées de couverture des anesthésies. Faut-il donc que la révolte aille jusqu'au meurtre pour que les consciences s'éveillent ? Mais peut-on parler de conscience dans ces grands groupes financiers ? Conscience de leurs bénéfices, assûrément, mais conscience morale, certainement pas.
Maintenant, était-il raisonnable de confier la prise en charge financière de la santé par le secteur privé ? Non, bien évidemment. Et on ne peut qu'espérer que ça n'arrivera jamais ici.
Tous les acquis sociaux dont nous profitons maintenant ont été pris à la classe bourgeoise par la violence, "la classe des riches" comme le dit Warren Buffet. Rien n'a été donné par empathie et solidarité...
Petit rappel utile :
Les trois violences
« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »
Dom Helder
Hélder Pessoa Câmara, ou plus couramment, Helder Camara
Citation de Warren Buffet (célèbre milliardaire américain)
"Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner."
(en) There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.
dans une interview de CNN, le 19 juin 2005, cité par le New York Times, le 26 novembre 2006
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Les animaux du monde
- Par Thierry LEDRU
- Le 13/12/2024
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Quand j'étais petit, je regardais à la télévision tout ce que je pouvais sur les animaux et cette émission-là, je l'adorais. Un générique inoubliable.
Un gang de manchots, un écureuil fou, des chouettes amoureuses : découvrez les lauréats des Comedy Wildlife Photography Awards 2024
Cette année encore, des milliers de photographies humoristiques d'animaux sauvages, venues des quatre coins du monde, ont été soumises au jury des Comedy Wildlife Photography Awards. Les clichés qui ont retenu leur attention sont à admirer ci-dessous.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié le 13/12/2024 06:00
Temps de lecture : 1min
"Gang of Four" (Le Gang des quatre) du Britannique Ralph Robinson a remporté les félicitations du Comedy Wildlife Photography Award 2024 avec cette photo de manchots sauteurs prise sur les Îles Falkland, aux Malouines. (RALPH ROBINSON)
En montrant avec humour la beauté et l'incroyable diversité des animaux sauvages, les Nikon Comedy Wildlife Photography Award(Nouvelle fenêtre) sensibilisent et rappellent chaque année la nécessité de préserver la nature. Créée par des photographes professionnels et des spécialistes de la conservation animale, cette compétition récompense chaque année des clichés d'animaux saisis dans des positions insolites, cocasses et toujours drôles. Le jury a dévoilé jeudi 12 décembre son palmarès 2024.
Les lauréats par catégories
"Stuck Squirrel" (Écureuil coincé), une photo prise par Milko Marchetti, le 23 avril 2022, dans un parc de Ravenne en Italie, a remporté le Comedy Wildlife Photography Award 2024. (MILKO MARCHETTI)
"Mantis Flamenca" de l'Espagnol Jose Miguel Gallego Molina a remporté le Insect Award. Cette photo d'une mante religieuse qui semble danser, a été prise sur la route près d'un marais espagnol. (JOSE MIGUEL GALLEGO MOLINA)
"Frog in a Balloon" (Grenouille dans un ballon) de l'Allemand Eberhard Ehmke, a remporté le Reptiles and Amphibians Award 2024. (EBERHARD EHMKE)
"Whiskered Tern Crash on Landing" (Guifette Moustac s'écrasant à l'atterrissage) du Bulgare Damyan Petkov a remporté le Photo Birds Award 2024. (DAMYAN PETKOV)
"Smooching Owlets" (Le bécot des petites chouettes) de l'Indien Sarthak Ranganadhan a remporté le Junior Category Award 2024, réservé aux moins de 16 ans. (SARTHAK RANGANADHAN)
"Unexpected Role Swap" (Inversion de rôles inattendue) du Polonais Przemyslaw Jakubczyk a remporté le Fish and Other Aquatic Species Award 2024. (PRZEMYSLAW JACUBCZYK)
"Awkward Smiley Frog" (Étrange grenouille souriante) du Hongkongais Kingston Tam a remporté le Young Photographer Category Award 2024, réservé aux moins de 25 ans. "Mon but avec mes images est d'attirer l'attention sur nos amis humides et à écailles, et de montrer que les animaux non duveteux sont aussi beaux et adorables", a commenté l'auteur. (KINGSTON TAM)
"Shake Ruffle Rattle and Roll" (jeu de mots à partir de la chanson "Shake, Rattle and Roll" de Bill Haley & His Comets) du Finlandais Tapani Linnanmaki a remporté le People's Choice Award 2024. Il s'agit d'un pygargue à queue blanche ébouriffant ses plumes. (TAPANI LINNANMAKI)
Le prix de l'incroyable portfolio (4 photos)
"Dancing to the Music, Rock Guitar, Roly Poly, Weight Lifting", une série de quatre photos du Britannique âgé de 10 ans (!!!) Flynn Thaitanunde-Lobb a remporté le prix de l'incroyable portfolio au Comedy Wildlife Photography Award 2024. Elle montre un écureuil jouant et dansant avec une branche. (FLYNN THAITANUNDE-LOBB)
"Dancing to the Music, Rock Guitar, Roly Poly, Weight Lifting", une série de quatre photos du Britannique âgé de 10 ans (!!!) Flynn Thaitanunde-Lobb a remporté le prix de l'incroyable portfolio au Comedy Wildlife Photography Award 2024. Sur celle-ci, l'écureuil semble jouer de la guitare comme une rock star. (FLYNN THAITANUNDE-LOBB)
"Dancing to the Music, Rock Guitar, Roly Poly, Weight Lifting", une série de quatre photos du Britannique âgé de 10 ans (!!!) Flynn Thaitanunde-Lobb a remporté le prix de l'incroyable portfolio au Comedy Wildlife Photography Award 2024. Sur celle-ci, l'écureuil effectue d'impeccables roulades athlétiques. (FLYNN THAITANUNDE-LOBB)
"Dancing to the Music, Rock Guitar, Roly Poly, Weight Lifting", une série de quatre photos du Britannique âgé de 10 ans (!!!) Flynn Thaitanunde-Lobb a remporté le prix de l'incroyable portfolio au Comedy Wildlife Photography Award 2024. Sur celle-ci, l'écureuil semble faire de l'haltérophilie... (FLYNN THAITANUNDE-LOBB)
Le prix de la vidéo
Elle a été attribuée à l'Américain Kevin Lohman pour cette vidéo d'un renard roux se roulant et glissant avec délices de bon matin dans l'herbe givrée.
Avec les félicitations du jury"Alright Mate Back Off-This is my Bird" (Dis donc, mec, dégage, c'est ma poule) du Britannique Andy Rouse, fait partie des clichés repartis avec les félicitations du Comedy Wildlife Photography Award 2024. (ANDY ROUSE)
"Mafia Boss" (Le Boss de la mafia) du Japonais Takashi Kubo a remporté, lui aussi, les félicitations du Comedy Wildlife Photography Award 2024. "On aurait dit qu'il mâchait un cigare et il ressemblait à un parrain de la mafia", a commenté l'auteur. (TAKASHI KUBO)
"Gang of Four" (Le Gang des quatre) du Britannique Ralph Robinson a remporté les félicitations du Comedy Wildlife Photography Award 2024 avec cette photo de manchots sauteurs prise sur les Îles Falkland, aux Malouines. (RALPH ROBINSON)
"Hide and Seek" (Cache-cache) du Canadien Leslie McLeod a obtenu les félicitations du Comedy Wildlife Award 2024 avec cette photo prise au Kenya. (LESLIE MCLEOD)
"I'm Too Sexy for my Love" (Je suis trop sexy pour mon chéri) du Polonais Artur Stankiewicz a remporté les félicitations du Comedy Wildlife Photography Award 2024. "On aurait dit qu'il sortait de chez le coiffeur avec un grand sourire", a commenté l'auteur. (ARTUR STANKIEWICZ)
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Une anticipation dépassée par l'Histoire
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2024
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J'espère que mon éditrice ira au bout de la publication de ma quadrilogie parce que plus on avance et plus ce que je raconte prend une tournure réaliste.
Je l'ai déjà écrit ici : ces quatre romans qui au départ sont rangés dans la catégorie "anticipation" finiront par devenir un récit historique.
En Suède, payer par carte ou via mobile est la norme. Mais avec le risque de guerre et de cyberattaques venues de l’Est, la Banque de Suède souhaite faire marche arrière en réintégrant l’argent en espèce dans le quotidien des Suédois.
Article rédigé par franceinfo - Ottilia Ferey
Radio France
Publié le 12/12/2024 16:20
Temps de lecture : 3min
La Suède aspirait encore récemment à devenir totalement "cashless" d'ici à 2030. Illustration. (OLASER / ISTOCK UNRELEASED/ GETTY)
La Suède est un eldorado de l’argent dématérialisé et pour trouver un distributeur, il faut s'armer de patience. On peut tout payer digitalement, sans minimum d’achat, que ce soit un paquet de chewing-gum, un ticket de bus ou même pour verser son obole à l’église. Quatre transactions sur cinq se font de façon électronique. Et la carte bleue est presque devenue "has been". Les Suédois utilisent Swish depuis 2012, un service de paiement instantané électronique mis en place par les banques du pays.
Le pays compte 10 millions d'habitants, technophiles et connectés pour la plupart, à l’image d’Anika qui fait ses courses au supermarché. "Je ne sais pas la dernière fois que j’ai eu de l’espèce sur moi, s'exclame-t-elle. J’y suis si peu familière que je ne sais même plus à quoi certaines pièces ressemblent." Même si on arrive à mettre la main sur des billets, encore faut-il pouvoir s’en servir, parce qu’en Suède, de nombreux commerces n’acceptent tout simplement pas le liquide. Même dans des cafés, bars, restaurants et magasins du centre de Stockholm, les commerçants répondent le plus souvent : "Swish ou carte, personne ne prend de l’espèce ici."
Une force transformée en talon d'Achille
Alors que la Banque de Suède est la plus ancienne banque centrale du monde - elle a été la première à imprimer des billets en Europe au XVIIe siècle - le royaume, connu comme précurseur, aspirait encore récemment à devenir totalement "cashless" d'ici à 2030. Mais la paix s’est fragilisée et les menaces en provenance de la Russie ont changé la donne. Dans le climat de tension actuel, la force digitale de la Suède et sa dépendance au numérique est un peu devenue son talon d’Achille.
: à lire aussi En Suède, la crainte de l'extension du conflit ukrainien est de plus en plus palpable
Si le système bancaire est attaqué, qu’Internet et l’électricité sont coupés, il faut avoir de l’espèce car les téléphones et autres cartes bancaires ne serviraient plus à rien. C’est d’ailleurs ce qui est recommandé dans la brochure envoyée en novembre 2024 à tous les Suédois. Ce petit guide explique quoi faire en cas de crise ou de guerre. Il faut bien se rendre compte que dans la région, la menace n'en est plus au stade de scénarios fictifs. En mars 2024, une cyberattaque d’ampleur(Nouvelle fenêtre) menée par un groupe de hackers russes sur un data center suédois a fortement perturbé les systèmes de paiement en ligne.
Pour lutter sur ce front-là, la Riksbank souhaite faire changer la loi pour que les commerçants qui vendent des biens essentiels, comme de la nourriture, des médicaments ou du carburant, soient obligés d'accepter les espèces. C'est déjà le cas de la Norvège, qui, depuis le 1er octobre, a introduit des amendes pour les magasins physiques qui refusent d'accepter les espèces.
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Une dernière fois sur le climat
- Par Thierry LEDRU
- Le 10/12/2024
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Avec cet article, je mets un terme aux partages de données sur la situation climatique.
Ceux et celles qui pensent que ce sont des fadaises, un complot, une manipulation, qu'ils passent leur chemin.
Quant aux autres, je leur souhaite le meilleur pour la suite, c'est à dire le moins pire.
https://reporterre.net/Pourquoi-le-seuil-de-1-5-oC-de-rechauffement-est-crucial
On a dépassé le seuil de 1,5 °C de réchauffement : pourquoi c’est grave
2024 sera la première année où le réchauffement de la Terre dépassera les 1,5 °C. Le franchissement durable de ce seuil décuplerait les dégâts du changement climatique et le risque de franchir d’irréversibles points de bascule.
C’est désormais officiel : 2024 va avec certitude devenir la première année calendaire à voir la Terre dépasser le seuil des 1,5 °C de réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle. C’est le service changement climatique de l’observatoire européen Copernicus qui en a fait l’annonce, lundi 9 décembre.
L’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C — sur lequel se sont engagés les États en signant l’accord de Paris — n’est toutefois pas encore factuellement dépassé. Car le climat connaît des variations naturelles d’une année à l’autre. Pour être officiellement atteint, le seuil de 1,5 °C devra être mesuré en moyenne sur plusieurs décennies. Copernicus mesure par exemple le réchauffement actuel à 1,3 °C, en prenant en compte la moyenne des cinq dernières années.
Même si les chances de tenir l’objectif de 1,5 °C paraissent aujourd’hui quasi-nulles, le chiffre est loin d’être seulement symbolique. Reporterre revient sur quelques-unes des raisons qui rendaient ce seuil crucial.
Le réchauffement annuel moyen par rapport au seuil préindustriel depuis 1940. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Les climatologues ont coutume de rappeler que « chaque dixième de degré compte ». Il n’est en ce sens jamais trop tard pour agir car toute hausse de la température ne fait qu’augmenter les risques d’emballement climatique et la survenue de catastrophes toujours plus intenses. Le seuil de 1,5 °C demeure cependant important car il a beaucoup été étudié par la science : les recherches montrent à quel point s’aventurer au-delà pourrait être dramatique pour de nombreux êtres, humains et non-humains.
10 millions de personnes en plus touchées par la montée des eaux
En 2018, le Giec publiait ainsi un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C. D’ici 2100, notaient les auteurs, un réchauffement limité à 1,5 °C, par rapport à un réchauffement de 2 °C, permettrait par exemple de réduire de 10 cm la montée du niveau des océans, exposant 10 millions de personnes en moins aux risques liés à la montée des eaux.
Pluies torrentielles, vagues de chaleur, baisses de rendements céréaliers, perte de biodiversité… Tous les dégâts sont bien plus forts à 2 °C qu’à 1,5 °C. Un cas emblématique est celui des coraux, très vulnérables aux vagues de chaleur marines et qui abritent 25 % des espèces océaniques connues : les pertes pourraient aller de 70 à 90 % à 1,5 °C de réchauffement, contre 99 % à 2 °C.
Les anomalies mois par mois de la température moyenne de l’air sur Terre depuis 1940. En orange l’année 2023, en rouge 2024. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Le seuil de 1,5 °C est particulièrement important pour les petits États insulaires en développement (PEID). Une étude publiée en 2023 dans la revue Nature Sustainability conclut que, même limité à 1,5 °C, le réchauffement menacera les PEID de dégâts majeurs, « conduisant probablement à des migrations forcées ». Et les choses empirent dès que l’on dépasse 1,5 °C.
C’est ce que soulignent aussi des chercheurs de l’Institut allemand Climate Analytics dans un rapport publié en avril : « À titre d’exemple, le montant des préjudices annuels dus aux cyclones tropicaux à Antigua-et- Barbuda augmenterait de près de moitié si le réchauffement climatique atteignait 1,7 °C en 2050 au lieu de 1,5 °C, et de plus de trois quarts avec un réchauffement climatique de 1,8 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C. »
« De même, poursuivent les scientifiques, le nombre de personnes exposées chaque année à des canicules au Sénégal augmenterait de près d’un tiers avec un réchauffement de la planète de 1,7 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C, et de moitié si le réchauffement atteignait 1,8 °C à la même date. »
D’irréversibles points de bascule dans la balance
L’autre argument majeur pour tenir l’objectif de 1,5 °C, c’est la crainte que le climat terrestre soit sur le point de franchir plusieurs points de bascule. C’est-à-dire des transformations drastiques dans les écosystèmes, déclenchés par un certain seuil de température, et irréversibles. La disparition des récifs coralliens évoquée précédemment, ou la fonte de la calotte glaciaire au Groenland, font partie de ces points de bascule à éviter.
Une étude internationale parue dans Science en 2022 estimait que plusieurs de ces points de bascule risquaient d’être franchis, même à 1,5 °C de réchauffement. Et plus la température monte, plus le nombre de points de bascule et la probabilité qu’ils soient franchis augmente.
Sur la péninsule ouest de l’Antarctique, de nombreux glaciers fondent à une vitesse alarmante : les glaciologues ne savent pas si, pour certains d’entre eux, les points de bascule ne sont pas d’ores et déjà franchis, ou sont sur le point de l’être. L’objectif de limitation du réchauffement à 2 °C est, quoi qu’il en soit, jugé là-bas largement trop haut.
Les anomalies de température dans les océans non-glacés en novembre 2024. En rouge, les chaleurs anormalement élevées ; en bleu les zones anormalement froides. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Pour les États insulaires et les populations côtières notamment, la montée des eaux ne s’arrêtera pas en 2100 dans tous les cas, souligne le rapport du Giec sur le réchauffement à 1,5 °C. Si les calottes glaciaires franchissent ces points de bascule, elles pourraient continuer à fondre sur une échelle allant « du siècle au millénaire » écrivent les scientifiques, provoquant une montée des eaux de plusieurs mètres (contre quelques dizaines de centimètres anticipés en 2100). Ces instabilités glaciaires pourraient être déclenchées quelque part entre 1,5 °C et 2 °C de réchauffement.
« Il n’existe pas un unique point de bascule pour notre système climatique mais, résume à Reporterre la climatologue Kristina Dahl, vice-présidente de l’ONG Climate Central, chaque dixième de degré de réchauffement au-dessus de 1,5 °C nous rapproche du déclenchement de dégâts irréversibles, comme l’extinction d’espèces ou le relâchement du méthane très réchauffant contenu dans le pergélisol en Arctique. »
Il est de retour.
Dans quelques semaines, Donald Trump se ré-installera à la Maison Blanche.
Un milliardaire, pour qui le réchauffement climatique est « un canular », sera à la tête de la plus grande puissance mondiale.
Dans une décennie cruciale pour l’écologie, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps.
La société civile doit continuer de se soulever, de se mobiliser et de faire pression sur les puissants.
Mais pour agir, il faut savoir.
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TOUS, SAUF ELLE : au-delà du connu
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/12/2024
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J'ai vécu ce voyage et je ne l'oublierai jamais, il est en moi, il n'en partira plus et il m'arrive d'éprouver cette impatience inexplicable des retrouvailles, de cette osmose avec l'éthéré, l'insondable, l'immensité.
Sommes-nous essentiellement ce que nous pensons être ou bien autre chose ?
TOUS SAUF ELLE
CHAPITRE 2
Des visages sans relief. Des peaux lisses qui l’observaient scrupuleusement, la détaillaient intérieurement. Elle sentait leurs regards sur son âme, comme des brises tièdes qui l’enveloppaient. Elle ne savait dire ce qu’elle était malgré le flot puissant de ressentis. Elle avançait sans aucun mouvement, elle n’était plus qu’un souffle d’air, un rayon de lune, l’éclat tremblotant d’une étoile naine et pourtant, chacune de ces âmes rencontrées la parcourait comme le flux sanguin de la vie. Elle les voyait et simultanément elle les sentait en elle.
Elle ne possédait pourtant plus aucune enveloppe. C’était une certitude. Mais tout était là. L’air sur sa peau, le son du silence, le toucher des parois circulaires qui crépitaient et tous ces visages lisses qu’elle croisait. Où que se pose son regard, elle ne discernait qu’une myriade de présences.
Elle avançait à des vitesses stupéfiantes dans une immobilité absolue. Une aimantation vers le fond de l’univers. Un plongeon intemporel vers les étoiles. Elle était subjuguée par ce puits vertical et elle aurait été incapable de préciser le sens de son déplacement. Comme s’il n’y avait plus d’espace, pas plus que de temps.
C’est là que Figueras s’était interposé et avait stoppé sa progression. Elle avait reconnu le sourire flamboyant de ses prunelles. Les mots avaient résonné quelque part en elle.
« Tu n’as pas fini ton parcours. Retourne d’où tu viens. Réintègre ta matière. Tu te souviendras de ce que tu es quand tu ne seras plus ce que tu crois être. »
Tout était là sans qu’elle n’y comprenne rien.
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Marine CALMET dans REPORTERRE
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2024
- 0 commentaire
https://reporterre.net/Marine-Calmet-Les-actions-criminelles-pour-notre-avenir-sont-legales-aujourd-hui
Marine Calmet : « Les actions criminelles pour notre avenir sont légales aujourd’hui »
La nature doit être protégée par des droits fondamentaux, comme les humains, plaide la juriste en droit de l’environnement Marine Calmet. En ce sens, inspirons-nous des peuples autochtones, appelle-t-elle.
Marine Calmet est juriste et spécialiste des droits de la nature. Elle préside l’association Wild Legal et vient de publier Décoloniser le droit (éd. Wild Project).
Lisez ce grand entretien ci-dessous, ou écoutez-le sur une plateforme d’écoute de votre choix ou en vidéo.
Reporterre — Vous êtes engagée pour la reconnaissance des droits de la nature. Comment définissez-vous ce mouvement ?
Marine Calmet — C’est un mouvement juridique mondial qui allie une nouvelle perspective en termes d’éthique environnementale et un nouveau concept de hiérarchie juridique. Il s’agit de faire reconnaître que la nature est l’ensemble des entités qui composent une communauté de vie. Elle est sujet de droit, mais aussi titulaire de droits fondamentaux qui lui sont propres. Il s’agit donc de reconstruire un édifice juridique sur la base d’une coexistence avec les autres êtres vivants et de faire en sorte que nos droits et nos libertés cessent d’écraser le monde vivant.
Nos droits à nous, les humains ?
Oui, puisqu’aujourd’hui nous sommes les seuls êtres titulaires de droits fondamentaux. D’ailleurs, cela a pris énormément de temps pour que tous les êtres humains puissent bénéficier de la qualité de sujet. Christopher Stone, un des fondateurs du mouvement des droits de la nature, rappelle que le statut des esclaves noirs a longtemps été celui de bien possédé, que dans le droit romain les enfants étaient la propriété du père, et qu’il a fallu un temps extrêmement long pour reconnaître des droits aux femmes.
Dans Décoloniser le droit, vous rappelez la grande division dans le droit romain entre les êtres humains et les choses.
C’est la summa divisio. Il y a d’un côté la catégorie des personnes : les êtres humains, les personnes physiques et, ce qui est venu bien plus tard, les fictions juridiques que sont les personnes morales, les entreprises, les associations. Et il y a l’ensemble du reste du vivant, les objets, les choses, les services écosystémiques, la marchandise, les ressources dont nous avons banalisé l’usage, l’exploitation et la destruction.
C’est un regard binaire sur le monde : soit les personnes, soit les choses. En parlant de « choses », nous les objectivons et leur enlevons la qualité de sujet. Je tire un parallèle avec la colonisation française, parce qu’elle est une négation de l’autre. Les colons sont arrivés dans les pays colonisés, notamment en Guyane française, avec l’idée qu’il n’y avait personne, et ils se sont approprié la terre. Le lien avec les droits de la nature est évident parce que nous, êtres humains, nions l’existence des autres et pourtant nous habitons cette terre avec eux.
Les droits de la nature sont le droit des non-humains. Que signifie par exemple le droit d’un fleuve ?
La reconnaissance de personnalité juridique des fleuves, des forêts ou des montagnes prend des formes très diverses. Il y a une richesse et une profondeur d’analyse, une adaptation du droit qu’on ne retrouve pas dans le droit occidental. Dans les droits de la nature, on se place dans la position subjective d’un fleuve dont il faut connaître l’histoire. En Nouvelle-Zélande, par exemple, le fleuve Whanganui a certains droits qui sont protégés par les peuples maoris. Là où, en Colombie, le fleuve Atrato a été reconnu sujet de droit, titulaire de droits différents et défendus différemment par d’autres cultures.
Un fleuve est une communauté de vie. Il est composé d’eau, mais aussi de berges, de ripisylve, de tout un tas d’êtres qui vivent avec et dans lui. Cette communauté de vie est une personne morale, juridique, un groupement d’êtres. Et celui-ci est titulaire de droits à l’existence, à la santé, à la régénération de ses cycles de vie. De la même manière qu’on pense une entreprise non pas comme une personne unique mais comme un ensemble de personnes agissant dans un intérêt commun, partageant les dettes, les avantages, les bénéfices et les pertes. La nature, c’est pareil. Nous partageons les pertes et les bénéfices, mais sans nous en rendre compte, parce que cette interdépendance avec le vivant a été invisibilisée. Pourtant, elle est là.
Cette société que nous formons avec le vivant doit désormais être titulaire d’une personnalité propre et bénéficier d’une protection de droits fondamentaux. Le mouvement des droits de la nature ne fait pas de distinction entre droits humains et droits de la nature.
En quoi certains usages d’un fleuve, comme l’extraction de l’or pour fabriquer des bijoux, sont-ils moins légitimes que ceux qu’en ont les communautés qui vivent directement du fleuve ?
En Équateur, premier pays à reconnaître officiellement les droits de la nature dans sa Constitution en 2008, le juge apprécie les activités au regard de la légitimité. Celle-ci est définie comme ce qui est fondamentalement utile à l’être humain pour sa survie, pour la couverture de ses besoins essentiels, l’alimentation notamment, et qui entre en concurrence avec les droits de la communauté. Il peut effectivement y avoir violation des droits de la nature, mais pour un intérêt légitime. C’est une histoire de compromis.
Marine Calmet : « C’est parce que la bataille politique est en train d’être perdue que je crois au mouvement des droits de la nature. » © Mathieu Génon / Reporterre
En revanche, lorsqu’il s’agit d’un besoin non essentiel, non vital, purement spéculatif et qui a pour conséquence une destruction massive de la nature, le juge dit qu’il y a incompatibilité sur le plan constitutionnel.
Les juges ont ainsi la capacité d’apprécier la légitimité de l’intrusion dans les droits d’une communauté vivante pour des besoins qui sont souvent des intérêts corporatistes, capitalistes, industrialisés et qui n’ont, au regard des besoins propres des communautés locales, aucune légitimité. Pour chaque cas, il y a une recherche d’un modèle de gouvernance au plus proche de l’histoire des besoins de l’identité locale.
N’y a-t-il pas une contradiction entre l’approche de l’anthropologue Philippe Descola, pour qui la nature est une invention de la modernité occidentale au XVIIᵉ siècle, et la vôtre, qui insiste sur le concept de nature à laquelle il faut donner un droit ?
Le mouvement des droits de la nature est extrêmement divers. À tel point qu’il y a beaucoup de territoires où les initiatives de ce qu’on appelle le « mouvement des droits de la nature » ne prennent pas cette dénomination. En Équateur, on parle des droits de la Terre-Mère, de la Pachamama. Cela incarne quelque chose de radicalement différent, à la fois d’un point de vue de la culture occidentale, mais aussi d’un point de vue de la cosmovision.
« L’idée n’est pas de séparer l’humain et la nature, mais de penser les milieux »
En Inde par exemple, Vandana Shiva utilise le terme de « Mother Earth » et parle de familles vivantes et de communautés vivantes. Cette pensée irrigue le mouvement des droits à la nature. En Europe, nous avons fait le pari de continuer à utiliser le terme de « nature » parce que nous n’avons pas de référentiel qui nous amènerait à sortir par un autre mot de la question de la « nature » versus la « culture ».
Est-ce que Gaïa pourrait être ce référentiel, comme le suggère le sociologue Bruno Latour ?
C’est peut-être une question générationnelle, mais j’utilise peu ce terme. En revanche, je suis très friande de la pensée de Glenn Albrecht [un philosophe de l’environnement] et de sa théorie selon laquelle il faut inventer de nouveaux mots. À défaut d’avoir un mot, nous utilisons celui de « nature » dans le mouvement des droits de la nature.
En tant que juriste, nous nous demandons quelle sera la stratégie. Les droits de la nature ont connu deux chemins stratégiques : soit une reconnaissance globale, comme les droits de la Terre-Mère, la Pachamama en Équateur, soit une représentation et une reconnaissance locale, tels que les droits du Whanganui, de la rivière Yamuna et du glacier Gangotri en Inde. En France, la question est de savoir si la nature sera reconnue comme un sujet de droit titulaire des droits fondamentaux dans la Constitution. Ou cela se fera-t-il par paliers ? Pour l’instant dans notre pays, le mouvement se matérialise par la reconnaissance des droits de certaines forêts, de certains fleuves. Il y a des collectifs sur la Durance, la Garonne, la Seine.
Stratégiquement, cela commencera probablement par ces tentatives locales. L’idée n’est pas de séparer l’humain de son milieu ou de séparer l’humain et la nature, mais de penser les milieux. C’est ce que font la plupart des activistes et des militants sur le terrain, ils pensent à partir de leur milieu.
Chez les peuples autochtones, il y a souvent des chamanes qui sont des intermédiaires entre la communauté des humains et celle des autres êtres vivants. Nos chamanes à nous, ce sont les scientifiques, celles et ceux qui, en s’appuyant sur une méthode, expriment de façon occidentale les besoins de la nature et nous permettent de comprendre le fonctionnement, les interactions des écosystèmes et des entités qui nous entourent. Sauf que nous, nous n’écoutons pas nos chamanes…
Non, pas du tout. Enfin, certains ne veulent pas les écouter. Parce que beaucoup de gens ont besoin de science et sont alertés par les faits scientifiques. Mais ceux qui nous gouvernent n’en tirent pas l’application qu’ils devraient. La place des chamanes dans un village traditionnel autochtone est très importante, il fait cohabiter les humains avec les autres humains, que ce soient les générations passées, les morts, les générations à venir, mais aussi les humains et les non-humains.
Pour Marine Calmet, il faut « s’inspirer des droits des peuples autochtones pour en faire une transition radicale au service de ce que l’on appelle la “transition écologique” ». © Mathieu Génon / Reporterre
Dans notre société, les scientifiques alertent et essayent de faire le lien entre ce qu’ils observent, ce qu’ils calculent, comme les modifications de notre climat, l’effondrement de la biodiversité, et nous. Or, les alertes des scientifiques ne sont pas écoutées et les représentants politiques font le choix du scénario catastrophe. Il y a une réelle urgence à revoir notre modèle juridique. Parce que les actions qui sont criminelles pour notre avenir sont parfaitement légales aujourd’hui. Nous n’avons pas les outils juridiques pour faire face.
Ne sommes-nous pas démunis face à cette puissance destructrice de gens qui n’entendent rien et n’écoutent pas les scientifiques ?
Effectivement, nous perdons une bataille. Aussi parce qu’il y a une remise en question de nos modèles démocratiques, une montée des extrêmes, une banalisation de la violence et de plus en plus de phénomènes politiques qui vont à l’encontre de nos intérêts humains et de la protection du vivant. C’est parce que la bataille politique est en train d’être perdue que je crois au mouvement des droits de la nature. Au lieu de vouloir fournir une réponse globale, les initiatives locales vont montrer de nouvelles voies et construire des alternatives. Je suis très inspirée de Vandana Shiva qui dit que plus nous pensons à l’échelle globale, plus nous nous démunissons de notre capacité d’action.
Sur le plan juridique, quel changement faut-il opérer ?
Le droit actuel conçoit un modèle dans lequel il est possible de détruire encore et encore. Il faut chercher à concevoir un modèle dans lequel tuer, détruire et piller n’est plus tolérable, dans lequel l’existence est protégée et garantie. Transmettre aux générations futures est l’alpha et l’oméga. Non seulement nous savons le faire juridiquement, puisque cela a déjà été fait par des générations de peuples autochtones, et, en plus, c’est notre seul outil concevable pour protéger nos droits fondamentaux. Il ne s’agit pas de penser un retour à d’autres droits qui seraient totalement différents du nôtre, mais de s’inspirer des droits des peuples autochtones pour en faire une transition radicale au service de ce que l’on appelle la « transition écologique ».
Il est de retour.
Dans quelques semaines, Donald Trump se ré-installera à la Maison Blanche.
Un milliardaire, pour qui le réchauffement climatique est « un canular », sera à la tête de la plus grande puissance mondiale.
Dans une décennie cruciale pour l’écologie, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps.
La société civile doit continuer de se soulever, de se mobiliser et de faire pression sur les puissants.
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Encore et toujours les KOGIS
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2024
- 0 commentaire
Un remarquable travail sur les Indiens KOGIS
Kogis Colombie : Article complet + photos et vidéos
https://tristanphotos.com/fr/kogis-colombie/#:~:
Héritiers d'une culture ancestrale, les Indiens Kogi sont les derniers descendants de l'une des plus grandes civilisations d'Amérique latine. Photographe vivant près de la Sierra Nevada de Santa Marta depuis 4 ans, j'ai eu le privilège de partager des moments extraordinaires avec cette culture unique. Je partage ici avec vous tout ce que j'ai pu apprendre aux côtés des Kogis ces dernières années : culture, tradition, croyances, etc...
Qui sont les Kogis ?
La communauté Kogi est un peuple autochtone qui vit dans la région de l'Océan Indien. Sierra Nevada de Santa Marta La Colombie. Ils s'appellent eux-mêmes "frères aînés" et pensent avoir une connaissance et une perception mystiques supérieures à celles des autres. Ils se réfèrent aux autres communautés en tant que "petits frères" (hermanos menores).
kogis sierra nevada santa marta colombia
D'où vient le mot Kogi ?
Les Kogis sont également connus sous les noms de Kogis, kouguian, kogi, cogui, cogui et kággabba. Le mot Kággabba signifierait, selon les anthropologues, "Personnes réelles". D'autres disent "Fils du jaguar".
Histoire des Kogis
L'ère précolombienne
Dans les contreforts de la Sierra Nevada, il existait une culture représentée par plusieurs groupes ou tribus apparemment exogames, à savoir les Kogis, les Tayrona (ou Tairo) et les Matúna. Selon Reichel-Dolmatoff, après la conquête espagnole, les groupes côtiers ont été partiellement acculturés, mais d'autres, comme les Guanebucán, et les Matúna (kurcha-túxe) ont également fui vers les montagnes de la Sierra. L'actuelle tribu Kogi est constituée de l'ancien noyau Kogi et de membres des Guanebucán, Tairo, Matuna et même Sanka (ou Wiwa), intégrés à l'ancienne organisation sociale.
Les Taironas
Les Taironas étaient organisés sous la forme de royaumes caciques. Ces groupes étaient situés autour de 3 villes principales qui étaient Pocigüeica, Bonda et Taironaka. Chacune de ces villes avait un cacique principal qui dirigeait les caciques mineurs des villages environnants.
taironas sierra nevada santa marta colombia
Tairona sierra nevada santa marta colombia
L'organisation sociale était déjà très développée, et chaque communauté jouait un rôle différent dans la société. De nombreuses routes et chemins de pierre dédiés au commerce tissaient la Sierra Nevada depuis plusieurs siècles.
familias taironas
Le fait qu'ils disposaient déjà d'un vaste réseau de communication leur a donné le titre de "civilisation" selon les critères espagnols, au même titre que les Muiscas, les Incas et les Mayas.
Origine du mot Tayrona
Le mot Tairona viendrait de Tairo qui signifie "orfèvre" ou "fonderie" dans la langue indigène. En effet, au musée de l'or de Santa Marta, on peut voir de magnifiques statuettes d'une grande finesse réalisées par les taironas. Ces pièces comptent parmi les plus belles de Colombie.
L'arrivée des Espagnols
S'élevant à 5775 m au-dessus du niveau de la mer, ce sont les sommets enneigés de la Sierra Nevada qui auraient attiré l'équipage de Rodrigo de Bastidas en 1501 sur la côte caraïbe de la Colombie.
Frederic Edwin Church Sierra Nevada de Santa Marta .
À leur arrivée, les indigènes vivaient à peu près de la même manière qu'aujourd'hui.
"Metate" : outil traditionnel pour moudre le grain.
D'abord installé dans les eaux calmes de Gaira, Rodrigo de Bastidas a fondé 24 ans plus tard l'une des premières villes d'Amérique latine : Santa Marta. Il n'avait qu'un seul objectif : construire la ville de ses rêves et faire une conquête civilisée sans massacres ni persécutions.
Rodrigo de Bastidas qui, malgré ce que l'on dit, était tombé amoureux de la culture et entretenait des relations amicales avec la population locale.
Les relations étaient plutôt amicales au cours des premières années.Ils demandaient de l'or et du sang, c'est pour cela qu'ils sont venus. Une épée à la main, ils sont rapidement partis à la chasse aux indigènes et ont assassiné Rodrigo de Bastidas peu après. (Voir article "un Gran related de Amor“).
taironas sierra nevada santa marta colombia
La nuit :
Dès lors, ce que les Kogis ont surnommé "La Noche" a commencé, le côté obscur s'est emparé de la Colombie. Face aux hommes en armure de métal avec leurs chevaux et leurs chiens dressés, et face aux arquebuses qui crachent le feu, les indigènes ne peuvent pas lutter. Les "aborigènes" cessent alors leur résistance armée et s'inclinent devant les nouveaux maîtres qui parlent une langue étrange et vénèrent un autre Dieu lointain mais non moins implacable. La grande ville "Teyuna" fut rapidement pillée, brûlée, et les femmes violées. Malgré leur résistance - Santa Marta fut brûlée 20 fois en 150 ans - en quelques générations, leur culture fut totalement détruite.
taironas sierra nevada santa marta colombia
Cependant, une poignée d'entre eux ont trouvé refuge dans les vallées inaccessibles de la Sierra Nevada, vers les sommets brumeux. Ce domaine sacré était alors presque inhabité. Avant l'arrivée des Espagnols, les Taironas avaient déjà été contraints de se réfugier sur les hauteurs de la Sierra Nevada vers l'an 1000, envahis par les Indiens Caribes. Avec le temps, ce repli s'est avéré salvateur et a permis aux Kogis de vivre coupés du monde jusque dans les années 1950.
Origine des Kogis
Voici une très belle vidéo qui représente le mythe de l'origine des Kogis : Cashinducua et la création des Kogis
Où vivent les Kogi ?
Les Kogis vivent sur une chaîne de montagnes isolée, en forme de pyramide, appelée la Sierra Nevada de Santa Marta.
Il s'agit de la plus haute montagne côtière du monde : 40 km à peine séparent la mer de ses sommets enneigés, qui culminent à 5 775 mètres.
Si nous prenons l'Everest depuis la base de son plateau, la Sierra Nevada est plus haute.De nombreux géologues la décrivent comme "une copie miniature de la planète entière".
La Sierra Nevada aurait fait surface il y a plus de 300 millions d'années, alors que la Cordillère des Andes, beaucoup plus jeune, aurait eu à peine 15 millions d'années. La Sierra était donc une île avant que le plateau colombien ne fasse surface. Elle possède donc une incroyable variété d'espèces endémiques, et abrite 7% de la biodiversité mondiale. Sur ses 4 étages thermiques, on trouve des plages, des forêts tropicales, la jungle, la forêt de brouillard, puis les Paramos à 4000m.
sierra nevada de santa marta colombia
territoires autochtones
Dans la vision de Kággabba, le territoire est délimité par les sites sacrés qui entourent la Sierra Nevada et forment une "ligne noire" invisible qui les sépare du territoire civil. Dans ces lieux, on procède à des offrandes, des consultations et des collectes de matériaux à usage rituel. Sur les 1 700 000 hectares de la Sierra Nevada, seuls 364 390 hectares constituent le territoire indigène. Les plus grands villages Kogi de la Sierra s'appellent : Marwámake, Surumuke, Chendúcva, Surachuí, Avingue, Seyuyaku, Kasakumake, Gumake, Umandita, Kuisis, Nimaysi, Taminaca, Mamarongo et Jiwatá.
Palomino Sierra Nevada De Santa Marta colombie
Officiellement, la loi colombienne n'a aucun effet dans cette zone. Ce sont des "resguardos Indigenas", et là, c'est la loi indigène qui prévaut. Ainsi, si quelqu'un commet un délit sur leur territoire, il ne sera pas soumis aux lois colombiennes et ils peuvent décider de l'enfermer pendant plusieurs mois s'ils le souhaitent.
Accès limité aux territoires indigènes
Aucun civil n'a le droit de franchir cette ligne noire sans autorisation. Il faut une autorisation spéciale pour y aller, sans laquelle il est impossible d'entrer. C'est ce qui protège les Kogis. Seuls les La ville perdue et quelques villages proches Palomino sont accessibles aux civils et de manière contrôlée.
Population
Les chiffres officiels du DIAN en 2005 montrent que seuls quelque 9 000 autochtones Kogis vivent encore dans les montagnes. Mais ces chiffres sont imprécis et se contredisent. D'autres recensements vont jusqu'à 25 000. À l'arrivée des Espagnols, ils étaient près d'un million. Les Kogis représentent actuellement 0,66% de la population indigène de Colombie.
Les quatre communautés de la Sierra Nevada
Les Kogis ont également d'autres grands frères qui vivent sur d'autres versants de la Sierra Nevada : les Arhuacos, les Wiwas et les Kankuamos.
arhuaco nabusimake colombie
Langue
Le kággaba appartient à la famille linguistique chibcha que l'on trouve plus au sud sur les plateaux andins, mais on pense qu'il a été mélangé avec la langue arhuaca. Parmi les 4 communautés que l'on trouve aujourd'hui, chacune parle une langue différente.
Kogis Sierra Nevada de Santa Marta colombie
Bien que les langues de la Sierra appartiennent à la même famille linguistique, les indigènes ont du mal à se comprendre. Un Kogi comprend à peine un Ika pour parler, cependant ils parviennent à assimiler le Damana (langue Wiwa). La langue Kankuama s'est éteinte il y a quelques décennies.
Les Kággabas n'apprennent l'espagnol qu'à l'école, et beaucoup ne le parlent que très peu. En fait, plus on monte dans la Sierra, moins ils le parlent. 84% des Kogis parlent encore leur langue maternelle, ce qui montre un haut niveau de conservation culturelle Les Mamos parlent les 3 langues de la Sierra Nevada. Les Mamus peuvent également réciter dans la langue ancestrale, le Teijua (ancienne langue Tairona), qu'aucun Kogi ordinaire ne peut comprendre. Sur le petit territoire de la Sierra Nevada, il existe déjà des différences d'accents et de mots entre certaines vallées.
Dictionnaire Kogi
AnglaisKággaba
BonjourMoun zekh
Bonne nuit.Kun ze khue / Toun zekh
Bienvenue surEnchibe nakh
Une femmeEzua munzhi
Un hommeEzua Sigi
Un enfantSoma
Comment allez-vous ?Saki minoje
Mon nom estNes nakh juka
Quel est votre nom ?Semi khajuka
Bon / excellent !Entchive
Croyances des Kogis
L'origine de la vie
Au début, il n'y avait rien. Sé. Il n'y avait que l'obscurité. Il n'y avait que la mère alun, une pensée pure sans forme. Elle a commencé à penser, et elle a conçu le monde dans l'obscurité. Elle nous a conçus comme des idées. Elle nous a conçus comme des idées. Comme si nous pensions à une maison avant de la construire. Elle a tourné le fil. Nous faisant tourner dans l'histoire. Nous créant dans la pensée. Puis vint la lumière. Et le monde est devenu réel.
Extrait du film "Aluna".
Jate Sezhankwa : Le premier étant
Cette pensée était à l'origine de tout être. Et de là sont venus tous les premiers êtres spirituels, créateurs du monde Kogi : Sukui, Seyankua, Kajantana, Seinekun, Duguenavi et Seraira.
Cosmo-vision
La croyance des Kogi est très proche de celle de la structure cosmique de l'univers. Ils pensent que tout est dualité. D'un point de vue cosmique, le soleil sépare l'univers en 2 hémisphères, il y a l'homme et la femme, le chaud et le froid, la lumière et l'obscurité, etc... Chaque groupe a sa paire opposée. Dans chaque paire, l'un ne peut survivre sans l'autre. Ces oppositions naturelles sont un moyen de maintenir l'équilibre de la société, ou l'"harmonie" (Yuluka).
Les neuf mondes
L'univers pour les Kogis est conçu de manière symétrique comme une bobine de fil, dont le disque central délimite les 2 parties cosmiques. La partie supérieure est celle qui correspond aux parties éclairées, visibles et bénéfiques. Son opposé, le monde inférieur, représente la contrepartie sombre, en échelle de valeur jusqu'au monde inférieur. Dans celle-ci existeraient 9 mondes, chacun avec sa propre terre et ses habitants. La terre est située au milieu, sur le 5ème parallèle.thplancher.
neuf mondes kogis
Que signifie la Sierra Nevada pour les Kogis ?
La Sierra Nevada est considérée comme un corps humain, où les sommets enneigés représentent la tête, les lagunes et les hautes plaines (paramos) forment le cœur, les rivières représentent les veines, les couches de sol représentent les muscles et les hautes herbes représentent les cheveux. À partir de cette base, toute la Sierra est un espace sacré.
Sur toute la planète et dans toutes les cultures, il existe des lieux sacrés. Ces lieux relient les êtres humains à tous les êtres vivants de la planète, jusqu'au cosmos. C'est là que l'énergie vitale de la planète circule avec le plus de force. En effet, pour le peuple Kággabba, la Sierra est Sé Nenulang - l'univers physique et spirituel avec tous ses composants. En eux se trouvent les codes du reste de la planète. Les indigènes de la Sierra croient que la Sierra Nevada de Santa Marta est reliée à la planète entière par ses lieux sacrés.
Leur relation avec la Terre Mère
Le fait que les Indiens Kogi aient des comportements hautement ritualisés est intrinsèquement lié à leur territoire. Ainsi, un Kogi ne plantera pas de graines, ne coupera pas un arbre, ne détournera pas un cours d'eau pour l'irrigation, ne construira pas une maison, ne récoltera pas de fruits et ne chassera pas un animal sans consulter le Mamo, qui lui indiquera non seulement l'esprit auquel il faut demander l'autorisation, mais aussi le lieu précis où le rite de paiement doit être effectué, afin d'obtenir l'autorisation. Nous devons rendre ce que nous prenons à la terre mère Pour les Kogis, couper un arbre, c'est "prendre un membre de la mère", chasser un animal, "prendre un fils au propriétaire des animaux". Actions pour lesquelles il est nécessaire de "rendre dans le spirituel" ce qui est pris à la mère et aux esprits
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L'eau
L'eau représente tout pour les Kogi, un véritable être vivant, le sang qui circule dans les veines. Emprisonner l'eau dans des barrages semble inconcevable, c'est comme faire un garrot. La relation des Kogi avec la mer est totalement différente : ils la comparent au liquide amniotique de la terre mère et considèrent qu'elle n'est pas faite pour la baignade. Lorsqu'ils marchent vers la mer, ils tournent sur eux-mêmes en guise de salut.
Kogi Sierra Nevada De Santa Marta colombie
L'équilibre
L'équilibre Pour les Kogis, tout est équilibre et harmonie. Si nous rompons cet équilibre sur la planète, des catastrophes écologiques s'ensuivent, comme des tremblements de terre, des sécheresses, des inondations, des ouragans, etc... Ils craignent, et ils n'ont pas tort, que nous, les petits frères, ne détruisions tout sur la planète. Nos frères aînés pensent qu'il est de leur responsabilité de veiller à l'équilibre de la planète. Lorsque des catastrophes écologiques frappent le monde, les autorités spirituelles effectuent de grandes marches de "Pagamento" (offrandes), dans le but de rétablir l'équilibre et de rendre à la planète ce qui lui a été pris.
Les offres
Bien que de nombreux sites d'offrandes soient maintenant connus du monde civil (comme le site de Piscina dans le parc Tayrona), une grande partie reste connue uniquement des Mamos. Des points spécifiques existent pour chaque type d'événement. Le type d'offrande peut aller du coton naturel aux coquillages, en passant par le quartz, une pierre très riche en énergie selon la culture Kogi.
offres de kogis
Organisation sociale des Kogis
Selon la Cosmo-vision et la mythologie Kággabba, le schéma social du village est fondé sur la loi originelle, qui est la norme du comportement de l'homme envers la nature. A l'origine, chez les Indiens Kogi, il n'existe pas d'organisation socio-politique impliquant une autorité centralisée, ni d'organisation supra-communautaire sur un territoire donné. C'est très différent du sentiment d'appartenir tous à une même ethnie qui partage la même langue, les mêmes coutumes et la même religion ancienne. Il s'agit plutôt d'une mosaïque de communautés agricoles, organisées autour de villages et de centres cérémoniels, chacun dirigé par la figure dominante d'un prêtre indigène. Chaque peuple, avec son Mamo et ses habitants respectifs, crée une unité autonome.
Hiérarchie au sein du village
Le Mamo, un chef spirituel doté d'une conscience surnaturelle, est la figure représentative de la vie sociale du village. Il est assisté d'un secrétaire ( Takina, qui est généralement le Mamo lui-même). Après le Mamo, on trouve les commissaires majeurs et mineurs (Makotama) qui sont chargés de faire respecter les lois et de gérer les dépenses du village. Viennent ensuite les cabos majeurs et mineurs (Seishua) qui veillent également à ce que le village reste attentif aux demandes des supérieurs. Le reste du village est constitué des "Guás", et effectue les travaux de la vie quotidienne pour faire vivre le village.
hiérarchie sociale du kogi
Le Mamo
Le Mamo ou Mama, représente la figure centrale de la culture Kogi et incarne la loi sacrée. Il est la clé entre les puissances célestes et les hommes.
mamo kogi colombia
Amené à un haut niveau de conscience, son rôle est de maintenir l'équilibre des pouvoirs dans le village mais aussi dans le monde, par des chants, des méditations et des offrandes rituelles. Pour le village, il joue le rôle de conseiller, d'enseignant, de médecin et de prêtre. Un bon Mamo écoute les Guas en confession pour déterminer quelle offense à la Mère est à l'origine des mauvaises récoltes. Le Mamo, enfin, est le seul à pouvoir décider de la date des nombreuses fêtes religieuses, car il est un astronome accompli. Dans son isolement et son éloignement, le Mamo est craint et respecté. Il a l'autorité et le pouvoir surnaturel pour l'affirmer, et les Guás lui obéissent quand il parle car c'est un bon Mamo, leur protecteur. Lorsque le Mamo arrive, tout le monde se lève et le salue avec le mot "Haté".
Comment sont choisis les Mamos ?
Les Mamos sont sélectionnés dès le plus jeune âge. Le Mamo en place choisira généralement le plus sage des enfants, et le plus "concentré". Dès l'âge de 5 ans, l'enfant est emmené sur les sites sacrés de la Haute Sierra Nevada, où il apprend à méditer sur le monde naturel et spirituel. La mère de l'élu a le droit de lui rendre visite le soir et de lui chanter des chansons. L'enfant commence alors à danser. Elle doit alors repartir et le laisser. Il s'agit d'une formation d'une durée minimale de 18 ans. Selon la légende, on raconte que l'apprenti est enfermé dans une grotte pendant toute la durée de son apprentissage. Ainsi, un Moro (apprenti Mamo) ne sait rien de rien. Il ne voit jamais d'arbres ou d'oiseaux, il ne connaît rien du monde en dehors de sa grotte. Il ne sera pas autorisé à voir la lumière pendant toutes ses années et consacrera son temps à élever sa conscience à un niveau supérieur. Pour le rendre plus fort, ils le frottent, le massent avec une sorte de tissu fait de Watta. Il doit suivre un régime alimentaire très spécial. On lui donne une sorte de pomme de terre et du maïs blanc, le tout accompagné d'une larve blanche. Il ne boit que de l'eau purifiée provenant des mortiers en pierre de la maison, de l'eau bénite. Puis l'enfant apprend en écoutant, en écoutant spirituellement, la connaissance lui vient d'Aluna.
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Le village des Kogis
Les Kággabbas vivent dans de petits villages appelés Kuibulos. En moyenne, les villages comptent entre 20 et 40 huttes. Chaque famille possède 2 ou plusieurs parcelles de terre dans la région, l'agriculture étant la principale activité économique. Ils ne reviennent au village que pour les jours de réunion, à la demande de Mamu.
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La Cabane du Séminaire : Nunkhue
Chaque Kuibulo possède également 2 "Nunkhue" ou "Cansamarías", qui sont les cabanes principales dédiées aux réunions. Son architecture est différente de celle des autres cabanes. Beaucoup plus grande que les autres, elle possède deux entrées opposées. Seuls les hommes peuvent entrer dans le Nunkhue - c'est ici que l'on discute des affaires du village et que l'on transmet la tradition. Les femmes ont également leur propre Nunkhue. Pendant les cérémonies, les hommes et les femmes sont alors séparés et les discussions varient. Les femmes sont souvent responsables de la transmission de la tradition à leurs enfants. L'architecture du Nunkhue est hautement symbolique et représente en fait les neuf mondes qui composent le cosmos.
nuhue kogi
On peut distinguer que ses murs sont différents des autres maisons, car ils sont faits de fibres de roseau, alors que les maisons sont faites de "kelp", un mélange de paille et de terre d'eau, afin de mieux retenir la chaleur.
Selon la tradition, les hommes entrent par une entrée et sortent par l'autre. Lorsque des réunions officielles sont prévues, les Kogis apportent une branche de bois en guise d'offrande, qui servira à alimenter le feu pendant les longues nuits de réunion. Cette tradition est toujours d'actualité, même à l'école les enfants apportent une petite branche pour alimenter le feu lors du déjeuner.
kogi sierra nevada de santa marta
La Maison
Lorsque l'on observe de plus près leur mode de vie, on constate qu'ils ne génèrent pratiquement aucune pollution. Leurs maisons sont construites uniquement avec les matériaux naturels qui les entourent : principalement du torchis, du bois et de la palma seca (une variété de palmier). À l'intérieur, on ne trouve que le strict minimum. La cheminée centrale, et éventuellement une petite étagère, un petit hamac et rien de plus. Les Kogis dorment à même le sol, sans matelas ni couverture, se réchauffant à la chaleur du feu. Et pourtant, je peux vous dire qu'il peut faire frais dans les hauteurs de la Sierra Nevada. De vrais guerriers ! Un guide m'a dit un jour que cette maison était une sorte de métaphore de la terre. Sa forme circulaire évoquerait la planète, dont le foyer serait son magma gestatif, et les murs sont en écorce. Les hommes se réunissent et s'entraident pour construire les maisons. Une cérémonie est souvent menée par les Mamo lors de l'inauguration de celle-ci.
construction d'une maison au kogi
Les 2 extrémités visibles sur le toit sont également une métaphore des 2 pics sacrés de la Sierra Nevada de Santa Marta. Cela permettrait également de se connecter avec les énergies du cosmos.
Cabane de Kogis
La famille
L'organisation sociale est également soutenue par la cellule familiale, conformée par le mari, la femme, les enfants non mariés et les filles mariées avec leurs maris respectifs. Ils sont organisés en lignes patri-linéaire et matri-linéaire, la première étant appelée "Tuxedo" et la seconde "Dake". Les enfants appartiennent à la lignée paternelle et les filles à la lignée maternelle. Chaque segment de la lignée est lié à un village et à une maison de cérémonie. En général, le fils reçoit l'héritage de son père et la fille de sa mère. Ainsi, les hommes sont les propriétaires des terres et du bétail, et les femmes sont les propriétaires des maisons.
famille kogi
Économie des Kogis
Les Kogis vivent pratiquement en autarcie dans la Sierra, et ont donc des revenus financiers minimes. L'argent du village est géré par le commissaire et est utilisé principalement pour les déplacements, lorsqu'ils doivent se rencontrer entre communautés, ou pour des travaux collectifs tels que l'entretien des sentiers et la construction de ponts.
Travail communautaire
Dans les villages les plus traditionnels, les récoltes de fruits et légumes se font en famille ou entre hommes. Les récoltes seront redistribuées équitablement en fonction du travail effectué par chacun. L'un des seuls apports financiers que j'ai vu est le travail des femmes et la conception de mochilas fiqué. L'une des seules contributions financières que j'ai vues est le travail des femmes et la conception de mochilas fiquées. Une mochila tissée par un savoir-faire ancestral, en fibre entièrement naturelle, devrait valoir une fortune !
Le concept de Zhigoneshi
Zhigoneshi : C'est l'échange de travail sans rémunération. Les beaux-frères et les frères sont préférés, mais il peut se faire avec des voisins. Il se mesure en jours ouvrables, qui doivent être payés au moment de la demande de la contrepartie. Le non-respect de l'obligation de prestation de services peut être porté à l'attention du commissaire, qui soulèvera le cas à Nunhué, sous le regard du reste des hommes de la communauté. En aucun cas, ce non-respect n'est signalé à Mamo.
Alimentation
L'alimentation des Kogis repose principalement sur une agriculture de subsistance.
Par le passé, ils avaient accès aux quatre étages thermaux de la Sierra Nevada, mais la réduction de leur territoire par les fermes de colons les a limités à une parcelle par famille.
L'arrivée des colons dans les 15th siècle a bouleversé leur régime alimentaire. Ils ont connu une grande perte de qualité de leur nourriture avec l'introduction de nouvelles plantes riches en amidon. Cela aurait grandement affecté leur métabolisme. La pêche Avant l'arrivée des Espagnols, il semble que les Taironas pratiquaient un peu la pêche. Certains disent que le site de la piscine du parc Tayrona a été créé par les indigènes pour créer un bassin et pêcher plus facilement. Agriculture La perte de l'accès à la mer a également coupé les flux d'échanges et de troc entre les différents niveaux de la Sierra, ce qui leur permettait d'avoir une alimentation plus variée. En effet, sur la côte, tout se paie... Cependant, les Indiens Kogi savent utiliser habilement les différences d'altitude pour obtenir des récoltes à différentes périodes de l'année. Sur le dessin ci-dessous, on peut bien imaginer leur régime alimentaire :
alimentation kogis
Ancestralement, ils cultivaient les pommes de terre, le manioc, le malanga, les patates douces, le maïs, les haricots, les fèves, etc... Sans oublier la feuille de Coca, un aliment énergétique et spirituel. Depuis leur retour près des terres de la colonie, ils ont commencé à cultiver des plantes mûres et le Lulo, qui sont endémiques à la Colombie. Le café, la banane plantain, la banane douce, la mangue, l'ananas, la canne à sucre font désormais partie de leur agriculture, mais ce sont des plantes introduites par les colons. Ils élèvent également des animaux domestiques pour compléter leur alimentation, et ne chassent plus comme avant.
agriculture kogis sierra nevada santa marta colombia
des techniques agricoles contradictoires Bien que les Kogis vivent en parfaite harmonie avec la nature, ils pratiquent une méthode de culture quelque peu contradictoire : le brûlage. Souvent, lors de mes promenades, je les ai vus mettre le feu aux flancs des montagnes sans aucun contrôle sur son étendue. C'est en effet beaucoup plus rapide que la taille à la main, et cela permet d'obtenir de bonnes récoltes les premières années. Cependant, cette technique a de graves conséquences écologiques sur les micro-organismes et bactéries nécessaires à la montagne.
La santé des Kogis
Le système médical est un aspect important de l'usage quotidien. Dans le système de santé Kággaba, ce sont les Mamu qui maîtrisent la science des plantes. Ils pratiquent des oraisons sacrées en appliquant divers mélanges de plantes, résines, minéraux, pierres et autres éléments naturels de leur environnement.
plante médicinale sierra nevada
Dans les étages inférieurs de la Sierra, le gouvernement colombien a fourni des infirmeries. Malheureusement, cela perturbe le système de santé kogi et la connaissance des plantes est en déclin. Pour les villages les plus traditionnels, les maladies attrapées dans la Sierra ne seront traitées que par les plantes. Cependant, pour les types de maladies provenant du monde civil, ils se permettent d'utiliser la médecine occidentale en cas d'extrême urgence. Les enfants souffrent souvent de bronchites car il n'y a pas d'évacuation de la fumée dans les huttes. Pendant la saison des pluies, lorsque le bois est humide, la maison se transforme rapidement en un bain de fumée dense. Malgré un mode de vie très sain, c'est l'une des choses qui affecte le plus les jeunes enfants. On se souvient d'un cas d'épidémie grave dans le village de Taminaka qui a malheureusement tué 11 personnes avant que les Kogis ne puissent demander de l'aide au gouvernement. Situés à 3 jours de marche de la première ville, ils n'avaient plus la force de marcher et ont dû être évacués par hélicoptère.
L'éducation des Kogis
Selon un recensement effectué par le DANE en 2005, le pourcentage de la population de Kággabba qui ne sait ni lire ni écrire est de 81,66%.
Ceci est relatif car une plus grande proportion de la population pense avoir un certain niveau d'éducation.école kogis sierra nevada santa marta colombia
Depuis quelques années, les villages sont désormais dotés d'une école. Celle-ci n'est pas d'une architecture typique, mais ils le permettent car ce système vient d'en bas.
Dans les hauts plateaux, les enseignants sont généralement des autochtones et enseignent en kággabba et en espagnol, mais dans les parties basses de la Sierra, les enseignants sont mixtes civils / kogis.
Cependant, après l'avoir vu en action, le niveau d'étude reste superficiel et de courte durée.
Les cours durent environ 6 heures par jour et la plupart des enfants étudient jusqu'à l'âge de 13-14 ans avant de passer au travail agricole.
Certains enfants vivent parfois à 4 heures de marche de l'école et restent à l'internat avant de retourner à la ferme le week-end.
Les parents et les enfants aiment l'école pour une chose : des repas gratuits et variés.
Cela les change du malanga et du yuca quotidiens de la maison.
L'école est-elle bénéfique pour les enfants de Kogi ?
On peut s'interroger sur le droit à l'éducation imposé à ces communautés, dont le savoir est transmis oralement depuis des siècles.
L'apprentissage de l'histoire et des sciences du monde civil influence sans doute le comportement de cette nouvelle génération qui se trouve aujourd'hui face à un certain dilemme : celui de rester dans la tradition de son village, et la tentation d'aller voir ce qui se passe ailleurs.enfants kogis sierra nevada santa marta colombia
Coutumes et traditions des Kogis
Le passé et les traditions
Les Kogis sont l'un des peuples qui ont le mieux préservé leurs traditions au fil du temps. Le respect des traditions est au cœur de la culture. Lors des réunions, où les traditions orales sont la base de l'enseignement. Ils se racontent des anecdotes, dont certaines remontent à des siècles ! Un facteur à prendre en compte est que pour se protéger des atrocités des conquistadors espagnols, les Kogis se sont réfugiés dans les hauteurs impénétrables de la Sierra Nevada. Ils ont ainsi vécu quelques siècles de plus sans avoir de contact avec la civilisation. Cet isolement leur a permis d'être moins influencés par le monde civil que d'autres cultures. Une fois, alors que je dormais dans un village indigène de la Sierra, j'ai été impressionné par le confort de notre hutte : il n'y avait presque rien en termes de confort, à part le feu au centre et quelques bûches de bois pour s'asseoir. Je demande alors à mon hôte : " Mais puisque vous avez déjà vu des chaises, des tables, des lits, pourquoi ne pas en construire pour vos maisons ? ". Sa réponse est simple. Elle m'a répondu : " C'est contre la tradition.
La meilleure façon de communiquer avec nos ancêtres et de faire de nos traditions ancestrales une réalité.
La pensée de Kogi
Le mariage de Kogi
Les Kogis sont principalement exogames, et doivent trouver leurs épouses en dehors du groupe. Avant de se marier, un homme doit présenter sa dulcinée à Mamo. C'est lui qui autorisera ou non cette union. Pour célébrer leur union, le Mamo lui donnera 2 quartz auxquels il transmettra de bonnes énergies par des oraisons et des chants spirituels. Il existe de nombreux couples Kogi et Wiwa. Généralement la femme est Kogi et parle les deux langues : Kággabba et Damana. Les enfants de ces couples parlent le Kogi, mais dans certains cas, le père enseigne le Damana à ses enfants.
mariage kogis sierra nevada santa marta colombia
Les funérailles
Pour les Taironas, le passage vers la mort était également considéré comme un grand voyage, au cours duquel il devait passer plusieurs péages. C'est pourquoi ils lui donnaient ses objets préférés et certains de ses trésors pour ce voyage. Selon l'anthropologue autrichien Gerardo Reichel-Dolmatoff, l'enterrement kogi est encore proche du rite pratiqué par les Taironas. Une métaphore de la période de gestation, mais dans le sens inverse. Un retour dans le ventre de la Terre Mère. Les Mamo participent à différents rituels pour célébrer les cycles de la vie, de la naissance à la mort. Bien que chaque cycle de vie soit célébré, la cérémonie funéraire est très importante pour la culture Kogi. Dans cette communauté, la mort n'est pas considérée comme un événement tragique mais comme un accomplissement de la vie. Les funérailles durent environ 2 heures et sont célébrées sans prières ni chants, ce qui peut sembler simple. En réalité, il s'agit d'un rite de "cosmification". En effet, lorsqu'une personne meurt, les Mamos la renvoient dans l'utérus de la Mama Pacha.
taironas sierra nevada santa marta
Le défunt est ainsi ramené dans le ventre de la terre-mère dans la position d'un fœtus. Les funérailles se déroulent en plusieurs étapes. L'âme du défunt étant encore présente pendant plusieurs mois, le corps est enterré au centre de la maison dans une urne funéraire jusqu'à ce qu'il quitte son enveloppe charnelle. Ce n'est que 9 mois plus tard, après que le défunt ait connu ses secondes funérailles, que la dépouille est rendue à la nature.
La feuille de coca
La feuille de coca appelée "Ayu" par les Kogis est une plante sacrée. Elle joue un rôle central dans la vie quotidienne, et constitue un moyen de socialisation. Pour les Taironas, la Coca est un aliment, en raison de sa haute teneur en vitamines et minéraux, mais c'est aussi un aliment spirituel.
Kogi Sierra Nevada De Santa Marta
Ses vertus énergisantes leur permettent également de garder leurs forces lors de longues marches dans la Sierra Nevada, tout en coupant leur faim. Pendant les longues cérémonies, il leur permettra de rester éveillés jusqu'à 3 nuits d'affilée. Dans la tradition, seuls les hommes ont le droit de mâcher du coca. Cependant, c'est la femme qui ramasse les feuilles. Au cours de ce processus, l'homme sera plus préoccupé par la préparation de la terre. Préparation de la feuille de Coca Une fois la récolte terminée, les hommes font sécher la feuille de Coca de manière accélérée. Pour cela, il met une pierre ronde sur le feu pendant quelques minutes jusqu'à ce qu'elle devienne chaude. Ensuite, il la place dans un mochila dans lequel se trouvent les feuilles et secoue le sac pour ne pas brûler les feuilles.
préparation feuille de coca
Chaque homme porte sur lui une petite mochila avec des feuilles de coca, qu'il mâche pour obtenir un effet légèrement stimulant. Lorsque deux hommes se rencontrent, une poignée de feuilles est échangée en signe de respect mutuel.
Le Poporo
Poporo est la carte d'identité de chaque homme. Il est composé de 2 accessoires : une sorte de calebasse évidée qui contient des coquillages écrasés et représente la féminité. Le second accessoire est une tige de bois, qui représente la masculinité. Elle est utilisée pour porter la poudre de coquillages à la bouche, pendant que l'on mâche le Coca. La forte alcalinité des coquilles réagit au contact de la coca et libère ses principes actifs.
poporo kogis sierra nevada santa marta colombia
Ces coquillages se trouvent dans des zones spécifiques de la côte caraïbe, et ne sont en aucun cas récoltés. La mer les dépose la nuit, et il faut les ramasser avant qu'elle ne les reprenne le matin. C'est lors de pèlerinages familiaux ou de cérémonies en bord de mer que les Kogis vont les ramasser. Les coquillages sont bouillis pendant de longues heures jusqu'à ce qu'ils deviennent tout blancs. Elles sont ensuite broyées pour obtenir la poudre du poporo Après mastication, la poussière de coquille restante, mélangée à la salive, se dépose sur le col du poporo et finit par devenir un col épais avec le temps. La forme de chaque poporo étant entièrement unique, elle représente en quelque sorte la carte d'identité de chaque homme. Avec le temps, l'orifice du poporo se recouvre d'une fine couche de calcium durci par la friction répétée du bâton.
La valeur spirituelle de Poporo
On voit souvent les indigènes frotter leurs bâtons sur le Poporo, machinalement, alors que le bâton est déjà sec... En réalité, il s'agit d'un geste hautement symbolique : ils enregistrent ou "écrivent" leurs pensées sur leur Poporo. Ainsi, lorsque nous voyons la taille de certaines embouchures, nous pouvons estimer le niveau de sagesse de la personne, et imaginer le niveau de conscience qu'elle a acquis. Par respect pour les aînés, les jeunes doivent veiller à ce que l'orifice de leur Poporo ne soit pas plus large que celui de leurs aînés.
poporo kogui
Pour un garçon, le don du premier poporo marque son rite de passage à l'âge adulte. C'est le Mamo qui décidera quand l'enfant est prêt pour le Poporo, en fonction de son niveau de maturité. Il devra alors passer 3 nuits sans dormir et écouter les histoires du chef spirituel qui lui apprend la vie et comment devenir un homme.
La conscience de Coca et de Kogi
C'est comme le Wifi pour les Kogis et cela leur permet de rester concentrés et connectés avec la Pasha Mama. Ils sont ainsi en permanence dans un état de conscience avancé. Ils mâchent parfois pendant plusieurs jours sans dormir, c'est cet état de haute concentration qui les aiderait à prendre une distance suffisante avec le monde, à savoir ce qui est vraiment nécessaire dans la vie pour toujours et ce qui est vital pour la planète.
Le dilemme du coca pendant la guérilla
Mais la coca est également cultivée par des colons non autochtones comme matière première pour la cocaïne. La Colombie est depuis longtemps la capitale mondiale de cette drogue et sa production a eu des conséquences dévastatrices pour la population indigène. Malgré la nature pacifique des Indiens, ils ont souvent été pris dans les feux croisés entre l'armée et les groupes armés illégaux. En conséquence, beaucoup sont morts assassinés, d'autres ont été contraints de la cultiver et d'autres encore ont dû fuir à cause de ce type de guerre civile qui ravage leurs terres. Les colons cultivent la coca pour le trafic de drogue, principalement financé par le conflit armé entre les groupes de guérilla et les groupes paramilitaires, qui ont occupé les sommets inférieurs de la Sierra pendant la longue guerre civile du pays.
Que signifie la marche
Pour les Kogis L'action de marcher dans la Sierra est aussi une métaphore de l'acte de tisser. Maintenir les chemins de la Sierra en marchant serait considéré comme l'acte de tisser un mochila.
Art et culture
Les Mochilas
L'activité de tissage est un rôle répandu et apprécié au sein du peuple kággabba et fait purement partie de la tradition kággabba. Ce sont les femmes qui pratiquent le tissage. Le Mochila est un sac utilisé pour le transport des effets personnels. Les femmes fabriquent leur première Mochila dès leur plus jeune âge. Les petites filles apportent leur première Mochila au Mamo qui va la bénir. Très vite, le geste devient inné, à tel point qu'elles pratiquent cette activité lors de randonnées dans la Sierra Nevada.
mochila kogi
Les fibres qu'elles utilisent sont 100% naturelles, telles que le fiqué et le coton. Celle en fiqué est d'usage courant, tandis que celle en coton, sera portée en signe d'élégance ou par les personnes importantes. Les teintures utilisées sont des racines, feuilles et écorces d'arbres. Il faut entre 1 et 2 mois pour réaliser une mochila. Quand on se rend compte qu'elles sont vendues 40.000 Peso (13 euros) pour autant de travail cela fait mal au coeur... Chaque ethnie de la Sierra à ses propres motifs et techniques de tissage, et chaque motifs ont leur propre signification. Les Arhuacos ont une technique totalement différente et utilisent beaucoup la laine.
mochila arhuaca
Utilisation de la Mochila Il existe 2 types de Mochilas, l'une dédiée au transport des aliments en général en grandes fibres, et l'autre pour les provisions. L'utilisation de la mochila n'est pas la même entre les hommes et les femmes. En effet, on ne verra jamais les femmes porter la mochila autour du cou sauf en bandeau autour de la tête, notamment pour porter les bébés. Les hommes portent 2 voire 3 mochilas. L'une d'entre elles sert à porter le Poporo, et elle possède également une mochila plus petite à l'intérieur de la première qui servira à stocker ses feuilles de coca. J'ai aussi entendu dire que lorsque les hommes portent la mochila en croix, c'est un signe de retraite spirituelle. Cette Mochila est aussi très pratique pour distinguer les enfants. Quand ils sont petits, ils ont déjà tous les cheveux longs et la même toge. La mochila permet donc de reconnaître les garçons des filles car les garçons portent la mochila et les filles des colliers.
kogis sierra nevada santa marta colombia
La musique
La musique est un moyen de transmettre des histoires et des visions. On l'appelle Chicote, comme chez les Wiwa. La musique Kogi est caractérisée par un son monotone et répétitif, un chant à la nature. Seuls les Mamos peuvent jouer d'un instrument appelé kuiguma, fabriqué avec une coquille de morrocoyo. J'ai même vu une fois un instrument inhabituel chez les Kogis : la tortue. Ils frottent leurs mains sur l'ouverture de la carapace vide, ce qui produit une vibration dont le son est proche des bols tibétains. Pour les autres instruments, ils utilisent des éléments comme des coquillages, des morceaux de bois et des instruments comme les Gaitas (flûtes en roseau).
kogui music colombia
Par la musique, ils simulent les sons produits par la mer, les rivières et les animaux. Traditionnellement, les hommes jouent de la Gaita, des maracas et des tambours, tandis que les femmes dansent avec des kumuna et des kuckui, des sortes de hochets attachés aux chevilles.
La danse
Il y a 2 mots en espagnol pour le mot danse : Bailar et Zapatear. Le mot zapatear vient du mot zapatos (chaussures), et prend tout son sens avec les cultures indigènes. En effet, l'acte de danser est souvent un lien entre la terre et le cosmos. Les motifs des pas sont des hommages aux éléments de la terre, et les bras sont souvent utilisés pour remercier les éléments célestes.
danses kogis
J'ai eu la chance d'assister à certaines cérémonies où ce sont les femmes qui jouaient la musique, et l'enseignaient aux enfants, tandis que les hommes étaient réunis dans le Nuhue. La cérémonie peut durer jusqu'à minuit ou même plus tard, que ce soit dans la hutte ou en plein air. Les enfants apprennent la tradition avec la danse de l'eau, la danse du colibri, etc... La répétition du rythme et des pas entraîne les danseurs dans une certaine transe après plusieurs heures.
Vêtements Kogi
Les vêtements des Kogi sont appelés Yakna, des tissus blancs qu'ils fabriquent eux-mêmes.
Crédit photo : Wikimedia
Les femmes portent une tunique blanche avec une épaule dégagée, et portent de jolis colliers de perles multicolores.
kogis sierra nevada santa marta colombia
Les hommes portent un long pantalon blanc appelé Kalasuna, ainsi qu'une chemise à manches longues, toujours avec leur mochilas sur la poitrine.
kogis sierra nevada santa marta colombia - Crédit photo @TristanQuevilly
Les vêtements sont fabriqués sur un Telar (métier à tisser) dont la forme représenterait les 4 groupes ethniques par ses 4 extrémités. Les croisements des barres du milieu représentent les sommets enneigés.
telar taironas sierra nevada santa marta colombia
Les hommes fabriquent leurs propres vêtements. Les vêtements sont fabriqués à partir d'une variété de coton endémique de la Sierra Nevada, dont les fleurs sont légèrement plus petites que le coton que nous connaissons. Le coton aurait la capacité de stocker les pensées comme une clé USB Il arrive que si un homme se comporte mal ou a perdu ses valeurs, le Mamo lui demandera de défaire tous ses vêtements et de les refaire entièrement, afin de méditer, et de re-consigner des pensées positives dans sa nouvelle tunique. les colliers ont des significations : selon les couleurs des pierres. Certaines couleurs sont pour l'eau, la coca, etc...
Je vais tisser la toile de ma vie Je vais la tisser blanche comme un nuage Je vais y tisser quelque chose de noir Je vais tisser des marques sombres de maïs, Je vais tisser des marques de maïs dans le tissu blanc Je vais obéir à la loi divine Chaque son dans la montagne est un élément du langage de l'esprit. Chaque objet est un symbole d'autres possibilités
La pensée de Kogi
Les Pierres
taironas sierra nevada santa marta colombia
L'or
Les Taironas réalisaient des statuettes en utilisant la technique de la cire perdue, ce qui permettait d'avoir des reliques en volume avec une grande finesse dans les détails. La plupart des pièces ont été réalisées dans les siècles précédant la conquête, et certaines remonteraient au VIe siècle.
taironas sierra nevada santa marta colombia
Malheureusement, suite à l'anéantissement de la culture par les colons, ces techniques artisanales ont complètement disparu de la culture indigène actuelle. Leur vision de l'or était totalement différente de la nôtre. Il était considéré comme une offrande à améliorer par l'homme. Les pièces d'or étaient accrochées aux arbres en guise d'offrandes, portées autour du cou comme bijou, ou nariguera (bijou porté sur le nez). L'or portait en lui le mystère de la vie, de l'Aluna à la matière. Pour eux, ce métal précieux n'était pas un signe de richesse, et pouvait être échangé contre d'autres matières premières comme le sel produit par les Muiscas.
Les grands sites archéologiques de Taironas
Ignorée du monde civil jusqu'aux années 70, la Cité perdue ou Ciudad Perdida est le plus beau vestige de la culture Tairona.
Un complexe de plus de 250 terrasses au cœur de la Sierra Nevada. A l'époque, elles abritaient un grand centre commercial (mais pas comme le nôtre !).
C'était probablement le centre nerveux de toute la Sierra Nevada, et on estime qu'au moins 3000 personnes y vivaient.
Les terrasses étaient alors occupées par les maisons Taironas.C'est sans doute la raison pour laquelle on trouve tant d'or à ces endroits et que les guaqueros (pilleurs de tombes) ont complètement perdu la tête lorsqu'ils l'ont découvert. Ils ont fini par s'entretuer (bien fait pour eux...).
ciudad perdida lost city colombia
Le message de Kogi
Si nous abusons trop des ressources de la terre, un déséquilibre commence à se former et le chaos et les catastrophes écologiques s'ensuivent. Depuis les années 1990, lorsqu'il est devenu évident que le réchauffement climatique commençait à affecter le monde, les Kogis ont envoyé un message au monde par l'intermédiaire d'archéologues de l'Université de Lampester, dans un film sponsorisé par la BBC. Les Kogis ont envoyé un avertissement aux "petits frères". Ce beau reportage d'1h30 réalisé par l'Irlandais Alan Ereira a récemment été mis en ligne. Vous en découvrirez davantage sur la culture des Kogis et leur message :
Comment les Kogis nous voient-ils ?
Les petits frères ou "hermanitos menores" sont toutes les personnes qui ne font pas partie des villages de la Sierra Nevada et qui ne connaissent ou ne pratiquent plus le droit d'origine. Ils nous considèrent comme des enfants. Pour les Kággabba, la violence fait partie de ces petits frères qui ne connaissent aucune limite lorsqu'il s'agit d'exploiter les ressources de la planète, ils ne cherchent qu'à accumuler, ainsi qu'à s'approprier tout ce que la nature peut offrir.
message kogi
Il ne faut pas croire que les Kogis vont nous accueillir à bras ouverts dans leur société, bien au contraire, moins ils nous voient, mieux ils se portent. Ils ont toujours une certaine méfiance lorsqu'ils nous rencontrent, et gardent toujours en tête les atrocités que les civils leur ont infligées. Bien qu'ils nous considèrent comme différents, ils n'enferment pas leur société loin de nous car il n'y a qu'un seul monde et une seule mère. Une seule mère pour tous les humains et donc pour les grands et les petits frères. Certains Kogis pensent que nous allons devoir passer par l'apocalypse, notre folie de destruction ne s'arrêtera pas. Nous devrons donc passer par une destruction totale, pour qu'il ne reste rien. Pour reconstruire sur de nouvelles bases.
Les Arhuacos sont également de fervents défenseurs de la nature. Je vous invite également à regarder cette magnifique vidéo "La voix des montagnes sacrées" réalisée en 2018 à l'occasion des luttes contre les projets miniers dans la Sierra Nevada.
Comment aider les Kogis ?
1. Protéger la nature Pour aider les Kogi, c'est très simple : commencez par vous aider vous-même, autrement dit, aidez la planète ! Leur message est clair et c'est tout ce qu'ils demandent. Nous pensons tous être un peu verts, conscients et nous disons souvent que ce sont les autres qui détruisent la planète. Mais quand on se plaint qu'au Brésil, ils rasent la forêt amazonienne pour l'élevage et l'huile de palme, alors que nous mangeons de la viande tous les jours, il ne faut pas chercher plus loin.....
Si nous comparons notre mode de vie à celui des Kogis, le simple fait d'ouvrir le robinet pendant 5 secondes constitue une destruction. Nous ne nous rendons même pas compte que capter l'eau met la nature en danger, tant ce geste quotidien de boire l'eau du robinet nous semble innocent et naturel. En bref, nous avons un long chemin à parcourir...
Les fondations qui aident les Kogis
Thekendukua : La fameuse association d'Eric Julien leur a permis de restituer plus de 1500 hectares. C'est la meilleure façon pour moi de les aider car nous savons qu'ils laisseront la nature reprendre ses droits sur ces terres. Le retour des arbres, de l'ombre, de l'eau et de la faune leur offrirait également plus de possibilités de se nourrir. Shibldulda Une fondation récemment créée et gérée par les Kogis eux-mêmes. TaironaTrust : Fondation anglaise créée à la suite du film "Aluna" réalisé par Alan Ereira.
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"La route" Manu Larcenet
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/11/2024
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Attention, chef d'oeuvre.
Je l'ai lu trois fois d'affilée. Et je pourrais recommencer en découvrant de nouveaux détails, tous aussi importants, précis, minutieux. Et totalement indispensables. C'est juste fascinant. Chaque case est un tableau et je suis considérablement admiratif de la puissance du dessin, de la mise en page, du découpage et des nuances de couleurs car même si on a l'impression de se trouver plongé dans un récit en noir et blanc, il n'en est rien.
Un commentaire sur Babelio correspond parfaitement à ce que j'ai éprouvé à cette lecture et quand les choses sont bien dites, il n'est pas la peine d'en faire sa propre version.
61 notes
5★144 avis
12 mai 2024
Noir, c'est noir, et il n'y a plus du tout, mais alors plus aucun espoir. Vous pouvez d'ailleurs aller vous pendre direct, ou vous tirer une balle (ça vous épargnera bien des souffrances) ; enfin sous réserve de pas se louper, par ce qu'il n'y en a plus qu'une seule dans le barillet (mais ne vous inquiétez pas, vous aurez le mode d'emploi de toute façon après avoir lu La Route).
Vous pensiez avoir déjà tout vu en termes de romans graphiques sombres, noirs, comme venus d'outre-tombe ?
Ben, je vous le dis tout de suite, là vous risquez tout de même d'avoir un petit choc (même si dans votre tendre enfance vous aviez l'habitude de faire des expériences médicales sur vos Bisounours ou faisiez rôtir Oui-Oui).
Dans un monde postapocalyptique, le soleil a disparu, la terre est recouverte de cendres. Les hommes luttent pour leur survie, jusqu'à en perdre la raison, leur humanité.
Il n'y a presque plus rien à boire, à manger, les hommes sont devenus loups et s'entretuent.
Surgies de nulle part, deux silhouettes progressent sur la route, un homme et son fils d'une douzaine d'années, ils marchent vers le sud, espérant y trouver un hypothétique salut. Devant lui, l'homme pousse un caddie qui contient de maigres provisions glanées avec difficulté dans les décombres.
Tout n'est que désolation, destructions, putréfaction de corps, pendus. Asservissement d'hommes par d'autres hommes.
Pétrifiés, hallucinés, nous contemplons ce désastre, cette débâcle, d'un futur peut-être proche.
Une tension terrible s'accroit au fil des pages dans ce cauchemar éveillé, comme un tunnel sans fin.
À moins d'être un zombi sous anti-dépresseur, je ne vois pas très bien qui pourrait dire que cette lecture a été une lecture plaisir. Elle happe, matraque, cogne. C'est douloureux, l'impuissance de ce père et son fils devient la nôtre. Ils subissent, se cachent, dans une lutte incessante pour leur survie.
Parfois un éclat, un éclair de couleur dans cette mer de cendres, de neige sale, mais vite ravalé, noyé sous la terreur et l'horreur.
Rien de superflu, chaque vignette pourrait être encadrée en format poster, j'ai parfois même regretté les quelques dialogues qui venaient mordre le dessin.
J'ai eu froid tout au long de cette lecture, d'un froid qui ronge jusqu'à la moelle.
Un roman graphique majeur, un choc impossible à oublier, qu'on le veuille ou non…
Bravo à Manu Larcenet, du grand art ! -
De la connaissance au pouvoir
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/11/2024
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La connaissance est au service du progrès,
le progrès amène le confort,
le confort favorise l’asservissement,
l’asservissement est le fondement du pouvoir.
Jarwal le lutin
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Croissance et compétition
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/11/2024
- 0 commentaire
Comment croire encore que les sociétés capitalistes pourraient prendre en considération l'urgence écologique ? C'est juste absurde, ça n'arrivera jamais de façon volontaire. Il faudrait une direction mondiale, des gouvernants conscients de la situation. Ils sont peut-être conscients de l'urgence mais ils n'ont pas de réponse car ces réponses impliqueraient inévitablement leur rejet de la population. Quelle population maintiendrait au pouvoir des dirigeants qui prôneraient la décroissance alors que ce mot fait hurler ?
C'est sans issue. Nous allons continuer dans la même direction jusqu'au mur.
Michel Barnier veut exclure l'industrie du dispositif "zéro artificialisation nette" pour cinq ans
Ce texte issu de la loi Climat et résilience n'a cessé d'être contesté par des élus locaux et chefs d'entreprise.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié le 29/11/2024 17:05
Temps de lecture : 1min
Le Premier ministre, Michel Barnier, le 29 novembre 2024, à Limoges (Haute-Vienne). (PASCAL LACHENAUD / AFP)
Doper l'emploi industriel... au risque de délaisser l'environnement. Le Premier ministre Michel Barnier s'est dit, vendredi 29 novembre, "favorable à ce que l'on exempte l'industrie" du dispositif "zéro artificialisation nette" des sols (ZAN) "pour une période de cinq ans", dans le cadre de mesures de simplification pour soutenir ce secteur économique.
Le dispositif ZAN vise à réduire ou à compenser la bétonisation de terrains non construits. La loi Climat et résilience, issue des travaux de la Convention citoyenne et votée en 2021, fixait initialement un objectif de "zéro artificialisation nette des sols" en 2050, avec pour étape intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2031. Mais le texte n'a cessé d'être contesté par des élus locaux et des chefs d'entreprise depuis.
Au ministère de l'Industrie, on souligne que le secteur industriel "représente une part très limitée du foncier (5% du total)" et que "ces règles peuvent nous fragiliser dans la compétition internationale pour attirer les investissements".
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"L’heure de la décroissance a sonné »
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/11/2024
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L’heure de la décroissance a sonné mais personne dans les hautes sphères n'entend la sonnerie et comme cette exigence est niée et étouffée, les citoyens n'en entendent pas parler ou alors par un biais négatif. Aujourd'hui, Michel Barnier a annoncé qu'il ne voulait pas limiter l'artificialisation des sols par le maillage industriel pour ne pas affaiblir l'économie.
Mais l'économie, si le terme n'avait pas été détournée, devrait être prioritairement portée par l'économie des ressources, c'est à dire la diminution drastique de l'exploitation de la terre. Et ça, personne ne l'accepte. Ni les dirigeants ni la majorité de la population.
La décroissance, à mon sens, ne sera pas un choix ; elle sera la conséquence de l'effondrement de nos sociétés capitalistes.
Éditorial décroissant
Timothée Parrique : « L’heure de la décroissance a sonné »
Par Timothée Parrique , publié le 29 octobre 2024
https://www.socialter.fr/article/timothe-parrique-decroissance-critiques-alternative
Photos : Sarah Witt
Découvrez l'édito de notre hors-série « Décroissance : Réinventer l'abondance » par Timothée Parrique, chercheur en économie durable et rédacteur en chef invité.
Exercice : prenez une sélection de tribunes qui critiquent la décroissance et enlevez les dates. Je vous parie que vous n’arriverez pas à différencier les anciennes des nouvelles. Ces attaques sont extrêmement pauvres : courtes et répétitives, non chiffrées et sans références scientifiques, avec des titres tapageurs du genre « La décroissance est un mythe », « La décroissance, ennemie des pauvres », ou « Environnement : quand la décroissance pollue ».
Édito à retrouver dans notre hors-série « Décroissance : Réinventer l'abondance », disponible en kiosque, librairie et sur notre boutique.
Il existe pourtant aujourd’hui plus d’un millier d’études académiques sur le sujet. Saviez-vous que la France utilisait actuellement 179 % de son budget écologique(1) ? Saviez-vous qu’atteindre une qualité de vie décente pour 8,5 milliards d’êtres humains ne nécessiterait que 30 % de notre usage actuel d’énergie et de matériaux(2) ? Saviez-vous que la pub en France faisait augmenter la consommation de 5,3 % et le temps de travail de 6,6 %(3) ?
La science avance mais les détracteurs ne la lisent pas. Quelques chroniqueurs fatigués continuent aveuglément d’affirmer que la décroissance est inutile car la croissance serait en train de se « verdir » (une hypothèse fausse, comme le démontre une abondante littérature scientifique). D’autres répètent que la croissance serait nécessaire pour éliminer la pauvreté, sans avoir lu le rapport d’Olivier De Schutter, le rapporteur spécial sur les droits humains et l’extrême pauvreté aux Nations Unies, qui affirme précisément le contraire.
Après deux ans à débattre de la décroissance avec ceux qui la critiquent le plus activement, j’ai compris qu’ils ne cherchaient pas véritablement à comprendre. La plupart d’entre eux gardent une position de chien de garde, aboyant sur la question à grands coups de prêt-à-penser. « Progrès technique ! », « Dette publique ! », « Chômage de masse ! »… Par manque de créativité ou par paresse intellectuelle, les anti-décroissance ne parviennent presque jamais à dépasser ces incantations vides de sens. Pour eux, la décroissance n’est pas un véritable sujet à explorer, c’est une piñata.
Dans un monde idéal, bien sûr, le terme de décroissance n’aurait jamais vu le jour. Si nous n’avions pas laissé l’excroissance d’une poignée de pays riches mettre en péril l’habitabilité de la Terre, ce hors-série aurait sûrement traité d’autre chose. On y aurait discuté de la gestion des communs multi-espèces, des salles de sieste municipales et des sanctuaires bio régénératifs. Les articles auraient titré « Bientôt la semaine de douze heures ? », « Madagascar vient d’atteindre l’état stationnaire », ou « Nouvel abaissement du seuil maximum de richesses accumulables ». On aurait tranquillement philosophé sur les problèmes quotidiens d’une économie ayant déjà depuis longtemps terminé sa transition écologique.
Mais ce monde n’existe pas – ou du moins pas encore. Cinquante ans après l’émergence des premières critiques de la croissance, nous sommes encore coincés dans la salle d’attente de la transition. Si nous consacrons tout un numéro à la décroissance, c’est bien parce qu’il y a – encore et toujours – un problème avec la croissance. Parler de décroissance n’a donc jamais été aussi nécessaire. Encore faut-il savoir comment en parler.
Définir la décroissance
Le concept de décroissance peut être décomposé en trois éléments et en quatre valeurs. Les éléments différencient les usages du terme, parfois mot-obus (critique), parfois mot-chantier (stratégie), parfois mot-portail (utopie). Les quatre valeurs forment un compas que l’on retrouve dans chacun de ces éléments. La décroissance critique le régime de croissance actuel pour son manque de soutenabilité (n°1), de démocratie (n°2), de justice (n°3) et de bien-être (n°4), et imagine des transformations qui viendraient mieux satisfaire cette quadruple injonction. C’est un concept couteau suisse qui connecte les trois grandes questions de toute impulsion révolutionnaire : le pourquoi, le vers quoi et le comment.
Mot-obus : une théorie critique
La décroissance est avant tout une théorie critique, une « objection de croissance ». Le terme est ancien ; il remonte à la première vague de critiques de la croissance des années 1970. Au-delà du célèbre Limites à la croissance (1972), de nombreux auteurs précurseurs nourrissent dès cette époque une critique à la fois sociale et environnementale de la croissance. On peut citer les « coûts de la croissance » d’Ezra Mishan, la « bioéconomie » de Nicholas Georgescu-Roegen, les « limites sociales de la croissance » de Fred Hirsch, le « small is beautiful » de Ernst Friedrich Schumacher, la « norme du suffisant » d’André Gorz, « l’anarchisme d’après-pénurie » de Murray Bookchin, « l’économie stationnaire » d’Herman E. Daly, ou « l’écoféminisme » de Françoise d’Eaubonne(4).
La décroissance n’est pas seulement une critique, c’est aussi une stratégie de transformation sociétale qui vise une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique.
Pas de croissance infinie dans un monde fini, disait déjà Kenneth Boulding à la fin des années 1960, résumant parfaitement l’impasse écologique qui attend inexorablement toute stratégie de croissance et particulièrement celles de pays riches en situation de dépassement écologique. C’est aussi une objection sociale, rejoignant une critique plus globale de la démesure économique des systèmes productivistes de l’époque (le capitalisme occidental et le communisme soviétique) et de leurs conséquences délétères sur la qualité de vie. Pour en dégager une définition générale, l’objection de croissance vient problématiser ces économies qui cherchent à tout prix à augmenter la production et la consommation, même si cela se fait aux dépens de la soutenabilité écologique et du vivre-ensemble.
Mot-chantier : un plan de transition
Mais la décroissance n’est pas seulement une critique, c’est aussi une stratégie de transformation sociétale qui vise une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être. Ce régime macroéconomique serait la traduction pratique de l’objection de croissance, invitant les économies en surchauffe à produire et consommer moins.
On peut voir la décroissance comme une sorte de cahier des charges de transition, un prisme pour penser le défi du ralentissement sans sacrifier les quatre valeurs que sont la soutenabilité, la démocratie, la justice et le bien-être. La littérature spécialisée regorge d’études sur la réduction du temps de travail et la garantie de l’emploi, les coopératives et les communs, les monnaies locales et les réformes bancaires, le revenu maximum acceptable, le rationnement des ressources naturelles, et de nombreux autres instruments qui permettraient à la décroissance d’être écologiquement efficace, socialement acceptable, juste et prospère.
Mot-portail : un projet de société
Dernier élément : l’utopie de la post-croissance. On trouve dans le corpus décroissant de nombreux récits d’un futur désirable plus égalitaire où toutes les entreprises seraient à but non lucratif, locales et low-tech. Un monde plus lent avec une démocratie plus participative où les gens travailleraient moins, une économie du partage et du soin aux écosystèmes luxuriants. Parler de post-croissance permet de s’extirper de la domination d’un présent perpétuel, cette écrasante fin de l’histoire qui fait qu’il est plus facile aujourd’hui d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme.
Pour capturer cette utopie en une phrase, on pourrait la décrire comme une économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance. Cette vision a beaucoup en commun avec l’écosocialisme, le convivialisme, le buen vivir, le post-développement, le participalisme, ou l’économie sociale et solidaire. Ces concepts sont tous des brèches dans le même mur du « There is no alternative ».
Faire face aux questions difficiles
Malgré un développement prodigieux ces dernières années, la décroissance reste un jeune concept. S’il reste de nombreux puzzles à résoudre, il convient de les hiérarchiser intelligemment pour éviter de tourner en rond. Je propose ici la typologie suivante, quatre familles de questions pour cartographier le Rubik’s Cube de la décroissance : l’ampleur de la réduction, sa composition, son rythme et son organisation.
Ampleur : de combien réduire ?
De combien faut-il exactement réduire la production et la consommation ? 1 %, 10 %, 50 % ? L’ampleur d’une stratégie de décroissance dépend d’abord du degré de dépassement écologique : de fortes réductions pour les régions à forte empreinte, et des contractions plus faibles – ou même nulles – pour les territoires relativement moins insoutenables. À l’échelle du globe, la décroissance vise principalement les régions les plus riches, celles qui émettent beaucoup et peuvent se permettre de ralentir.
Il est également essentiel de tenir compte du degré de couplage, c’est-à-dire de l’intensité écologique d’un système économique. Une économie qui a accès à des moyens de satisfaction des besoins moins polluants sera en mesure de maintenir un certain niveau d’activité. Par exemple, un territoire doté d’infrastructures ferroviaires de qualité aura une plus grande capacité à maintenir la mobilité après l’abandon progressif des modes de transport à énergie fossile. Au contraire, une économie où ces alternatives ne sont pas disponibles n’aura d’autre choix que de limiter les voyages en attendant que des modes de transports alternatifs deviennent disponibles.
C’est ici que l’on comprend que la décroissance n’est pas strictement incompatible avec certaines stratégies basées sur les technologies dites « vertes ». La sobriété des stratégies de décroissance (manger moins de viande, fermer des lignes aériennes, cesser de produire des SUV, etc.) s’ajoute aux gains réalisés grâce aux efforts d’éco-efficience. C’est comme faire un régime où l’on réduit les produits gras et sucrés (décroissance) tout en changeant sa façon de manger, en passant des aliments transformés aux plats faits maison ou en prenant de plus petites bouchées et en prenant le temps de bien mâcher les aliments avant de les avaler (technologies vertes).
Composition : par quoi (et avec qui) commencer ?
Il faut ensuite se poser la question de la composition de cette décroissance. Pour véritablement alléger l’empreinte, la réduction de la production et de la consommation doit cibler en priorité les biens et services à forte intensité écologique. Pour polluer moins, il faut d’abord limiter ce qui pollue beaucoup (les voitures, le bœuf, le chauffage, l’extraction minière, les vols en avion, etc.).
On identifie donc d’abord des gisements de décroissance. En France, en 2023, le transport est le secteur le plus intensif en carbone, responsable de 32 % des émissions territoriales du pays, suivi par l’agriculture avec 19 %. En y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’environ la moitié des émissions des transports et de l’agriculture proviennent respectivement des voitures et du bétail. Ainsi, la viande bovine et les automobiles génèrent à elles seules environ 25 % des émissions territoriales, ce qui en fait de bons candidats pour des stratégies de sobriété radicale.
La prochaine étape sera de hiérarchiser ces biens et services en fonction de leur empreinte bien-être. Il conviendra de ne pas produire le SUV qui se retrouverait utilisé quelques heures par semaine par un riche ménage parisien (faible empreinte bien-être), tout en continuant de produire le SUV des secours des plages dont l’utilisation bénéficie à un plus grand nombre de personnes (haute empreinte bien-être). Il faudra limiter la construction d’autoroutes et de centres commerciaux tout en continuant à aménager des pistes cyclables et des voies ferrées.
La décroissance ne concerne donc pas toutes les couches sociales de la même manière. Les études empiriques démontrent que, dans les pays du Nord, plus on est riche, plus on pollue. La composition de la décroissance n’est pas seulement une histoire de produits mais aussi d’usages. Les ménages aisés à forte empreinte devront faire plus d’efforts que la classe moyenne, et beaucoup plus d’efforts comparativement à des ménages modestes qui ne consomment déjà pas grand-chose.
Il faut donc s’attendre à des décroissances au pluriel, car le panier de biens et de services qu’un territoire pourrait éliminer variera d’un endroit à l’autre en fonction de la composition biophysique de son métabolisme économique et de ses priorités sociétales. Un pays qui utilise énormément la voiture comme les États-Unis verrait sa mobilité automobile décroître de manière beaucoup plus intense qu’un pays comme le Danemark, où l’automobile représente une part moins importante des transports. Une ville côtière touristique n’aura sûrement pas exactement les mêmes priorités en termes de développement territorial qu’une communauté rurale de basse montagne.
Rythme : à quelle vitesse décroître ?
Perdre dix kilos en un an, c’est un régime. Perdre dix kilos en un jour, c’est une amputation. Après avoir fixé l’ampleur et la composition d’une stratégie de décroissance, il faut se demander quel rythme serait adéquat pour cette transition. La décroissance peut être plus ou moins rapide selon le nombre d’années qu’un territoire se donne pour réaliser les réductions et les aménagements nécessaires. S’attaquer à un seul secteur ou à une seule catégorie de pressions environnementales (le carbone, par exemple) étalerait la transition dans le temps par rapport à une stratégie systémique qui viserait à faire baisser toutes les variables écologiques (carbone, eau, sols, biodiversité, matériaux, etc.) en même temps.
Ce hors-série n’est pas là pour éveiller les consciences. Ce n’est pas un guide de prospective pour se préparer à un événement futur. C’est un manuel de survie à utiliser tout de suite, une formation de sécurité incendie organisée au milieu des flammes. Lisez-le. Digérez-le. Vivez-le.
Comme toutes les questions précédentes, nous avons ici affaire à des décisions démocratiques. Il est tout à fait possible de choisir d’étaler un effort collectif sur une plus longue période, quitte à dégrader de manière irréversible un écosystème. C’est un choix. Rappelons d’ailleurs que c’est la stratégie actuelle : nous avons consciemment décidé de ne pas réduire notre niveau de production et de consommation, même si nous savons que cela aggravera inévitablement les efforts futurs à faire.
Organisation : comment se donner les moyens de décroître sereinement ?
Une fois que l’on sait de combien réduire, par quoi commencer et à quelle vitesse le faire, il reste la question la plus épineuse de toutes, celle de l’organisation. Comment éviter que ce ralentissement économique fasse plonger des personnes vulnérables dans la pauvreté ? Comment protéger les divers services publics et autres activités essentielles ? Ces questions ont beau être compliquées, elles ne remettent pas en cause les décisions précédentes. Le climat n’arrêtera pas de se réchauffer si chômage il y a. Il est important de hiérarchiser les problèmes. Trouver de combien décroître d’abord, et s’arranger ensuite pour que cette décroissance se fasse sereinement.
Face au risque du chômage, les recherches sur la garantie de l’emploi et la réduction généralisée du temps de travail se multiplient. Des chercheurs explorent des configurations fiscales qui permettraient aux États d’être moins dépendants des activités marchandes. Les politologues explorent le lien entre les politiques de croissance et les relations de puissance entre pays. Les comptables se demandent comment mesurer la performance d’une entreprise différemment. C’est ici que se situe la partie la plus innovante de la littérature sur la décroissance. Les objections des détracteurs ont été attentivement étudiées, et nombre des obstacles qui faisaient barrage à la décroissance par le passé sont aujourd’hui résolus.
L’ampleur d’une stratégie de décroissance dépend d’abord du degré de dépassement écologique : de fortes réductions pour les régions à forte empreinte, et des contractions plus faibles – ou même nulles – pour les territoires relativement moins insoutenables.
Répétons-le : toutes ces questions ne sont pas techniques mais politiques, car elles incluent toutes des jugements de valeur et des conflits d’intérêt. Même fixer un budget carbone implique une décision de justice intergénérationnelle. La décroissance est une manière d’organiser les différentes discussions qu’il nous faudra nécessairement avoir si nous voulons parvenir à redescendre sous le seuil des limites planétaires et construire une société qui puisse prospérer sans croissance.
Et autant s’y mettre au plus vite, car la décroissance ne sera jamais aussi facile qu’aujourd’hui. Étant donné la faible ampleur du dépassement écologique à l’époque, la transition aurait été d’une grande facilité si nous l’avions commencée dès les années 1970. Elle était déjà plus difficile au début des années 2000, après trente ans de surchauffe écologique, mais relativement simple comparativement à aujourd’hui. Et la situation sera pire dans dix ans. Cessons de procrastiner. Ce hors-série n’est pas là pour éveiller les consciences. Ce n’est pas un guide de prospective pour se préparer à un événement futur. C’est un manuel de survie à utiliser tout de suite, une formation de sécurité incendie organisée au milieu des flammes. Lisez-le. Digérez-le. Vivez-le.
1. Maria Rosario Gómez-Alvarez Díaz et al., “How close are European countries to the doughnut-shaped safe and just space? Evidence from 26 EU countries”, Ecological Economics, juillet 2024.
2. Jason Hickel et Dylan Sullivan, “How much growth is required to achieve good lives for all? Insights from needs-based analysis”, World Development Perspectives, septembre 2024.
3. Mathilde Dupré et Renaud Fossard, « La communication commerciale à l’ère de la sobriété », rapport pour l’Institut Veblen, octobre 2022.
4. Voir la collection « Précurseur·ses de la décroissance » aux éditions Le Passager clandestin.
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À propos de l'auteur
Timothée Parrique
Chercheur en économie écologique à HEC Lausanne, spécialiste de la décroissance et du post-capitalisme, Timothée Parrique a soutenu en 2019 une thèse dédiée à « L'économie politique de la décroissance » et dirigé, la même année, une étude intitulée : « Le découplage impossible, preuves et arguments contre la croissance verte ». Depuis le succès en 2022 de son ouvrage Ralentir ou périr (Seuil, 2022), il est devenu l'une des figures de proue de la décroissance en France. Vulgarisateur hors-pair, il mêle volontiers références universitaires et culture pop. -
Pollution des plages bretonnes
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/11/2024
- 0 commentaire
C'est juste effarant.
Pollution des plages
Christophe Le Visage, lanceur d'alerte sur la pollution des eaux bretonnes
Par Matthieu Le Goff , publié le 22 novembre 2024
https://www.socialter.fr/article/christophe-le-visage-pollution-eaux-bretagne-finistere
Photos : Matthieu Le Goff
En mai 2024, l’association Eau et rivières de Bretagne a publié une contre-enquête sur la qualité des eaux de baignade du littoral français et un classement des plages bien plus sévère que celui établi par les pouvoirs publics. Un succès national qui doit beaucoup au parcours du vice-président de l’association, Christophe Le Visage, passé sur le tard des bureaux ministériels à l’engagement associatif local. Rencontre chez lui en Finistère Nord, avec vue sur le rivage idyllique d’une plage bretonne pourtant polluée.
«Pour être franc, ça nous a explosé à la figure. On est très surpris du succès. On a dû avoir près de 700 000 consultations uniques sur notre site labelleplage.fr, une centaine de médias écrits et une quarantaine de médias audiovisuels », confie Christophe Le Visage. L’homme n’est pas du genre à pérorer. Plutôt une figure de l’ombre, derrière ces lunettes qui s’assombrissent quand la lumière se fait trop forte.
Article issu de notre n°66, en kiosque, librairie, à la commande ou sur abonnement.
On a dû insister pour le rencontrer et évoquer son rôle dans cette enquête par laquelle l’association Eau et rivières de Bretagne, pas née de la dernière pluie mais méconnue du grand public, a fait mouche sur un sujet peu ragoûtant. Pourtant, son lien avec la problématique de la qualité des eaux de baignade est aussi très personnel. Il coule dans son jardin derrière la maison et se jette sous ses fenêtres dans la mer, en répandant un discret halo verdâtre sur la plage.
Il s’appelle le Melon, un de ces minuscules ruisseaux qui parcourent l’arrière-pays léonard, du nom de la moitié nord du département du Finistère. Comme beaucoup d’autres dans ce coin, il charrie régulièrement, en général après de fortes précipitations, une pollution microbiologique aux matières fécales qui se répand dans les eaux côtières où batifolent à la belle saison enfants et parents dans la plus grande insouciance. Toute une panoplie – listeria, coronavirus, norovirus, résidus médicamenteux – dont la présence est signalée par la détection d’entérocoques intestinaux ou de la bactérie Escherichia coli (E. coli).
Les poissons ne votent pas
« J’ai découvert en m’installant ici en 2019 que la plage en face était fermée six à sept fois par été pour pollution, que le ruisseau qui passait dans mon jardin était le vecteur de cette pollution, et que tout le monde faisait comme s’il ne se passait rien »,se souvient-il dans son salon avec vue sur la plage et la presqu’île du Melon, peu fréquentées en cette fin août. À l’époque, l’ancien haut fonctionnaire vient d’adhérer à plusieurs associations environnementales du coin, pour honorer une promesse qu’il s’était faite « quand il était de l’autre côté », celui de l’État. « J’avais fait une réunion en Bretagne où il y avait une cinquantaine de personnes, moitié agriculture, moitié État. Et au milieu, il y avait deux types d’Eau et Rivières de Bretagne. C’était les seuls qui savaient de quoi ils parlaient. Ils avaient une vision complète des enjeux aussi bien environnementaux que sociaux ou économiques. Je me suis dit : quand je serai retraité, j’irai là. »
Sa détermination est d’autant plus grande que sa carrière professionnelle s’est accompagnée d’une prise de conscience progressive de l’importance des enjeux environnementaux, et surtout du désintérêt prononcé dont ils font l’objet dans l’élaboration des politiques de la mer au plus haut niveau. « Sur ces sujets, la politique est dirigée par en bas. Les seuls intérêts privés sont pris en compte, l’intérêt général rarement. Et les poissons ne votent pas. »Ici, Christophe rencontre un « presque voisin », un certain Laurent Le Berre, prof de techno et surtout surfeur, qui s’intéresse à la qualité des eaux des plages du secteur dans lesquelles son goût de la glisse lui fait passer pas mal de temps. « Quand je suis arrivé, mon collègue était déjà sur le sujet, il avait constaté des anomalies, mais il se heurtait au bocal de verre. Personne ne lui répondait. Il ne savait pas comment obtenir réellement des réponses de l’administration ou interpréter les directives européennes. Grâce à mon expérience côté État, on a pu commencer à regarder sous le tapis. »
Mais quel tapis ? Christophe fait un geste vers un panneau d’information, de l’autre côté de la route, juste à l’entrée de la plage, un panneau en forme de vague. En s’approchant, on peut lire, sur une feuille A4 marquée du logo de l’agence régionale de santé (ARS) Bretagne, les résultats d’analyse des eaux de la plage régulièrement publiés depuis mi-juin.
Les « tripatouillages » de l’ARS
« On a découvert que l’ARS trichait. Ça a été un choc pour nous. », se remémore Christophe. Pendant la saison de baignade, du 15 juin au 15 septembre, comme dans toute la France, l’ARS fait faire des prélèvements à un laboratoire de Brest pour rechercher une éventuelle pollution. L’agence procède ensuite à un calcul statistique défini par la directive européenne et a l’obligation réglementaire de publier les données pour chaque plage un peu fréquentée. « Un calcul pas très sexy, mais facile à faire. Quand on faisait le calcul nous, avec les données que nous avions dûment notées sur les panneaux, on ne trouvait pas la même moyenne à la fin de la saison. Alors on a pris la directive européenne, et on s’est mis dans la peau d’une personne désireuse de tricher. On a trouvé toutes les tricheries. »
Parmi les « subtilités » mises au jour par Eau et Rivières de Bretagne, le recours à la fermeture préventive des plages en cas de précipitations. Dans le Finistère Nord, un certain nombre de plages sont très polluées à chaque fois qu’il pleut. Pour que les prélèvements soient aléatoires, les dates auxquelles ils sont effectués sont décidées en début de saison. Or ces dernières années, l’ARS s’était arrangée avec les communes pour que la plage soit préventivement fermée chaque fois qu’il allait pleuvoir et que tout le monde savait qu’il y aurait pollution.
« Lorsqu’un prélèvement tombait sur une période de fermeture, cette fermeture permettait à l’ARS de justifier que la donnée soit écartée du calcul de la moyenne, et donc du classement de la plage. Ça avait pour conséquence de faire passer un certain nombre de plages d’un niveau insuffisant à un niveau suffisant ou même bon,relate Christophe. Il faut préciser que l’interdiction est le plus souvent purement juridique et administrative, épinglée sur une feuille A4. On peut quand même se baigner, dans une eau parfois plus polluée que la Seine ! »Devant le panonceau, Christophe pointe une autre curiosité. Sous les mesures communiquées par l’ARS, un code de trois couleurs, dénommé « Interprétation sanitaire », renseigne visuellement sur la qualité des eaux de baignade. Quand l’eau est de bonne qualité, la case est bleue ; de qualité moyenne, la case est verte ; et de mauvaise qualité, la case est rouge.
« Pour l’ARS, quand la baignade est interdite, il n’y a plus de problème. Pour nous, il y a quand même un problème. »
En l’occurrence, sur onze prélèvements depuis début juin 2024, la plage du Melon était cinq fois bleue et six fois verte, c’est-à-dire plus souvent de qualité moyenne que bonne. Mais le regard rapide d’un plagiste retiendra les couleurs verte et bleue, et surtout, pas de rouge. « Sous-entendu, aucun risque », sourit Christophe. Eau et Rivières de Bretagne décide alors d’aller au tribunal administratif. L’État demande une médiation pour éviter la confrontation, chose plutôt inhabituelle dans une procédure qui n’est pas individuelle. Le médiateur est un ancien préfet apparemment persuadé que l’association ne peut pas gagner contre l’ARS. Christophe se souvient : « Il était mal parti, les juristes d’Eau et Rivières de Bretagne sont excellents. On a gagné, avec un rapporteur public très remonté qui a expliqué que la confiance du public avait été trompée, qu’il y avait eu du “tripatouillage” de la part de l’ARS – le mot a été prononcé. »
Couvrir la Bretagne de cochons
Mais pourquoi tricher ? Christophe embraye : « J’ai appliqué les réflexes que j’avais quand j’arrivais dans un nouveau pays à l’époque où j’étais consultant à l’international. Comprendre qui décide et analyser la gouvernance. J’ai regardé qui était qui, comment les élus étaient représentés, comment les structures s’interpénétraient. »Dans cette partie du Finistère, tout ramène Christophe et ses collègues à l’élevage de cochons et aux puissantes coopératives porcines. « On peut parler de mafia. À la communauté de communes, le vice-président chargé de l’eau et de l’assainissement était un éleveur de cochons ; le maire de Saint-Renan, la commune voisine, autre vice-président, est un commercial de la coopérative agricole. Les Commissions locales de l’eau sont noyautées dans toute la Bretagne Nord par les instances agricoles, par la FNSEA. Et pour le préfet du Finistère, entre “pas de vagues” et “protéger l’environnement”, c’est souvent “pas de vagues” qui est la bonne solution. »
En creusant, les membres d’Eau et Rivières de Bretagne tombent sur les excès de l’élevage intensif breton. « C’est une croyance bien ancrée ici, que l’élevage est l’avenir de la Bretagne. L’objectif est de couvrir la Bretagne de cochons. Ce qui n’est pas forcément celui de la population et on ne prend pas en compte les conséquences néfastes de ce choix. »Entre autres, le fait qu’un cochon produit en moyenne autant de bactéries que 30 humains. « Sur un petit bassin versant comme pour la plage voisine de Penfoul, vous avez 10 000 cochons, soit l’équivalent de 300 000 humains. Quand vous avez 1 500 habitants dont seulement 10 ne traitent pas correctement leurs eaux usées, et que de l’autre côté vous avez 300 000 équivalents humains qui ne traitent rien, il est probable que la pollution vienne plutôt des élevages de cochons que des humains ! »
C’est une boucle infernale : les cochons produisent de la merde qu’on étale sur les champs pour faire pousser du maïs qui nourrit les cochons. Mais comme le sol et les plantes ne peuvent pas tout absorber, une bonne partie s’en va dans les eaux.
Christophe en rirait presque, mais garde sa froideur analytique, et lâche encore sans sourciller quelques chiffres éloquents : « Il faudrait cultiver l’équivalent de trois Bretagne rien que pour nourrir les animaux d’élevage qui y vivent. On est donc obligés d’importer du soja et des protéines. Mais il faut bien se débarrasser des excréments. C’est une boucle infernale : les cochons produisent de la merde qu’on étale sur les champs pour faire pousser du maïs qui nourrit les cochons. Mais comme le sol et les plantes ne peuvent pas tout absorber, une bonne partie s’en va dans les eaux. »Le plus souvent ici, on préfère pointer du doigt les touristes. Christophe ironise : « L’explication peut être valable pour d’autres régions, comme en PACA où tout le littoral est classé rouge sur notre carte, mais ne tient pas la route ici : il y a relativement peu de touristes en Finistère Nord, et si c’est l’été que l’on constate que les plages sont polluées, c’est parce qu’il n’y a qu’en été qu’on fait des mesures ! »
Un retentissement national
Se sent-il menacé, à force de soulever des tapis et de remuer la poussière ? Il élude : « Je fais le tour de ma voiture pour voir que tous les boulons sont serrés. Mais on n’est pas inutilement provocateur, les gens violents sont minoritaires. Je ne me répands pas en disant systématiquement du mal des professions agricoles. »Il est vrai qu’Eau et Rivières de Bretagne n’avait pas parié sur un tel « succès », mais n’a pas non plus choisi le moment au hasard. Alors que les équipes enquêtaient sur la question depuis déjà plusieurs années, le sujet de la qualité des eaux est monté dans le débat public grâce à un hasard du calendrier. « En janvier 2024, à l’approche des JO, on a commencé à beaucoup parler de la qualité de l’eau de la Seine où personne ne se baignait, alors que nous, nous avions une carte toute prête de la qualité de baignade sur 2 000 plages françaises où des millions de gens se baignent chaque été, mais ça on n’en parlait jamais. On a décidé de préparer un lancement de notre carte avec une campagne de communication. »L’association a d’abord établi une carte bretonne.
Problème : toute la côte nord de la région« clignotait » en rouge. Ils décident alors d’élargir la carte à l’échelle nationale, histoire d’éviter d’être taxés de « Bretagne bashing », mais aussi de faire bénéficier les autres régions des résultats de leurs recherches. Résultat : un site ultra-ergonomique, où tout un chacun peut, en quelques clics et un zoom, trouver sa plage, savoir de manière fiable et transparente s’il est recommandé de s’y baigner, et même connaître le classement des lieux sur les 1 853 plages de l’Hexagone. « On a eu des retours assez durs de la part des maires de certaines villes comme Le Touquet. Pas grand-chose côté agricole en Bretagne, mais on s’en doutait. La stratégie ici, c’est d’écraser le coup et d’attendre que ça passe », analyse Christophe. Du côté du corps médical, des voix s’élèvent pour demander à nouveau des enquêtes épidémiologiques à l’ARS, la carte des pollutions pouvant bien correspondre avec des maladies très localisées, ou des phénomènes d’antibiorésistance.
Christophe résume : « La directive européenne a un objectif environnemental, et partant, sanitaire. En France, on a confié le sujet à l’ARS qui semble considérer que c’est exactement équivalent d’interdire la baignade quand l’eau est sale et de faire en sorte que l’eau soit propre, du moment que les baigneurs ne sont pas contaminés. Pour eux, quand la baignade est interdite, il n’y a plus de problème. Pour nous, il y a quand même un problème. » Et il ajoute, pensif en regardant quelques estivants se mettre à l’eau : « Sur les algues vertes, personne n’en parlait jusqu’à ce qu’il y ait quelqu’un qui meure. » Tout en bas à gauche du panneau municipal à l’entrée de la plage, on peut péniblement déchiffrer sous la saleté : « Méfiez-vous des écoulements sur les plages : ces rejets peuvent être contaminés. Bien qu’ils apparaissent aux yeux des enfants comme un espace de jeu privilégié, apprenez aux petits à les éviter. »
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Ecrire en musique
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/11/2024
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J'ai toujours les écouteurs sur les oreilles quand j'écris.
Loscil, Richter, Hudson, Arvo Part...
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"Rendre l'eau à la terre"
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/11/2024
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Loin de moi, l'idée d'être irrespectueux envers les populations de Valence frappées par les inondations, les images sont terrifiantes et le bilan humain ne cesse d'augmenter.
On sait depuis longtemps que le problème de l'urbanisation fait courir des risques majeurs aux populations. Un article sur France Info montrait l'envahissement des villes, l'extension des zones urbaines, commerciales, industrielles depuis les années 1950...L'eau n'a plus de place...
Ce livre est une lecture nécessaire pour prendre conscience du problème.
Rendre l'eau à la terre
Sous-titre
Alliances dans les rivières face au chaos climatique
Baptiste MORIZOT
Sur la planète Terre, une rivière vivante s’entoure de milieux humides qui protègent la vie. Pourtant, nous lui avons pris ces milieux pour déployer nos villes et nos agricultures industrielles. Corsetées, drainées, bétonnées, les rivières ne peuvent plus nous préserver d’un climat déréglé. Face au péril, il est temps de rendre l’eau à la terre, pour abreuver les déserts que l’extractivisme nous laisse en héritage.
Comment ramener l’eau à la vie ? En enquêtant sur le temps profond des rivières. On découvre qu’elles ont coévolué avec une forme de vie qui travaille depuis des millions d’années à hydrater les milieux : c’est le castor. Il ralentit l’eau, l’infiltre dans les sols, la purifie et la donne en partage à tous les vivants. Il façonne ainsi des oasis de vie qui peuvent nous aider à traverser les sécheresses, les feux et les crues. Son action amplifie la vie. Traqué pendant des siècles comme un nuisible, peut-il devenir aujourd’hui un allié ? Le castor peut-il nous inspirer une philosophie de l’action enfin libérée du culte du pétrole, du machinisme et du contrôle ? Saurons-nous apprendre d’un autre animal comment guérir les rivières ?
L’enjeu est de changer de paradigme, vers une pensée de l’eau vivante capable de désaltérer un monde assoiffé. En ces temps bouleversés, il est temps de passer des alliances avec des puissances non humaines. D’explorer la possibilité de participer, en humains, à l’autoguérison du monde. Et d’apprendre, nous aussi, à amplifier la vie.Retrouvez et soutenez les actions contribuant au mouvement d’alliance avec le peuple castor sur le site : https://mapca.eu/
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Les castors
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/11/2024
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Laisser la nature se réguler et en tirer les bénéfices.
Une famille de castors aide cette ferme drômoise face au dérèglement climatique
« Le castor immerge l’entrée de sa maison par des retenues d’eau mais cultive toutes les espèces avec lesquelles il alimente son habitat, notamment les saules et les peupliers qu’il préfère. Ces arbres vont stimuler les milieux humides en pompant de l’eau, en la remontant en permanence et en la diffusant ensuite dans l’écosystème »
Texte: Liza TourmanPhotographie: Eve Campestrini6 juin 2024
Au fin fond du Diois se trouve l’un des plus vieux GAEC de la Drôme : la ferme de Montlahuc où un jeune castor s’est installé il y a trois ans, inondant 2000m2 de terre, un exploit pour un lieu situé à 1000m d’altitude. Aujourd’hui, les 6 associés du GAEC cohabitent avec cet allié, réhydratant petit à petit les paysages et régénérant la biodiversité.
D’une ferme conventionnelle à un havre de biodiversité
Marco est l’un des associés du GAEC, la ferme de Montlahuc. Arrivé il y a une dizaine d’années, il développe l’activité « écosystème » qui consiste à prendre soin du territoire, de tout ce qui effleure de près ou de loin le Vivant et la durabilité de la ferme.
« En 2013, le GAEC a amorcé une grosse transition où il y a eu un changement d’associés. On était trois jeunes à arriver. On a essayé de travailler avec l’inspiration Kogi, ce peuple ancestral de Colombie très connecté au Vivant. Comment repenser notre modèle agricole en laissant faire la nature au maximum ? » raconte-t-il pour La Relève et La Peste
La ferme conventionnelle s’est transformée en quelques temps en poly-élevage, modèle vertueux pour la biodiversité. Le groupe fonctionne à 100 % en vente directe et a en une dizaine d’années redynamisé le village en passant d’une dizaine à une quarantaine d’habitants, relançant ainsi l’école.
Le rôle du castor dans le cycle de l’eau
Il y a trois ans, un castor s’est installé au GAEC. De fil en aiguille, il a réhydraté le paysage.
« Il a commencé par creuser un fossé au milieu de la prairie qui est devenue l’année suivante un véritable plan d’eau. Il a immergé 2000m2 de la parcelle sur 5000m2. Le premier raisonnement des voisins a été de nous dire de ne pas le laisser faire car nous étions en train de perdre de la surface pour le foin pour les animaux. On a quand même 1100 hectares, on s’est dit que 2000m2, on pouvait les laisser aux castors. Notre ruisseau temporaire est devenu permanent » se remémore Marco auprès de La Relève et La Peste
Petit à petit, la biodiversité a fructifié. Des espèces aquatiques se sont installées comme une trentaine d’espèces de libellules, des canards et des oiseaux de zones humides. Le plus surprenant étant l’impact du rongeur sur l’écosystème en cultivant les espèces nécessaires pour se nourrir.
« Le castor immerge l’entrée de sa maison par des retenues d’eau mais cultive toutes les espèces avec lesquelles il alimente son habitat, notamment les saules et les peupliers qu’il préfère. Ces arbres vont stimuler les milieux humides en pompant de l’eau, en la remontant en permanence et en la diffusant ensuite dans l’écosystème » détaille Marco pour La Relève et La Peste
D’une prairie sèche et d’une végétation pauvre, la parcelle est devenue riche et dense. Des légumineuses sont apparues et ont diversifié le paysage. Une aubaine pour le pâturage. Ces légumineuses amènent des fleurs qui attirent tout un cortège de papillons et d’insectes, créant ainsi une vie spectaculaire avec l’apparition de feuillus là où auparavant ne cohabitaient que des pins.
« Les pins sont des espèces intéressantes mais qui partagent assez peu l’eau dans les écosystèmes, des espèces un peu plus « égoïstes » que les feuillus. Ces derniers travaillent ensemble. Ce qui permet une régénération de cet écosystème qui l’emmène vers un milieu qui amplifie la vie » sourit Marco
Si le castor est arrivé seul sur cette parcelle il y a trois ans, ils sont aujourd’hui entre trois et quatre à habiter les lieux. Cependant, Marco nous signifie que sa présence existe sur ce petit cours d’eau depuis déjà une dizaine d’années, à quelques 3 kilomètres de là.
« Notre petit ruisseau constitue la connexion entre le bassin des Baronnies et le bassin de la Drôme. C’est quasiment l’un des seuls corridors écologiques de zone humide entre ces deux grands bassins versants pour la circulation des espèces aquatiques : c’est un espace fondamental » précise Marco pour La Relève et La Peste
Le castor, un allié précieux
Après des années de politique d’évacuation rapide de l’eau vers nos mers, on a aujourd’hui un assèchement majeur des territoires. Cette course a créé de l’érosion et donc une incision des ruisseaux qui ont tendance à descendre en profondeur. Les impacts bénéfiques du castor sur les écosystèmes sont multiples. L’un d’eux est le ralentissement et l’infiltration de l’eau dans les sols.
« L’eau s’infiltre à la même hauteur que le ruisseau quand le castor fait un barrage, il remonte son niveau et aussi celui de cette nappe phréatique qui fait que les plantes ont plus d’accès à l’eau » détaille Marco.
En édifiant des micro-retenues, le castor empêche une trop grande quantité d’eau de s’échapper. En la ralentissant et la stockant, elle est diffusée progressivement dans le paysage, ce qui évite les inondations.
« On dit que le castor, en construisant des retenues, a tendance à réchauffer l’eau et que c’est mauvais pour les écosystèmes. En réalité, l’eau qui sort de terre est forcément plus fraîche et donc rafraîchit le cours d’eau. »
Une expérience que la Californie, aux Etats-Unis, connaît bien. Face aux feux de forêts amplifiés par le dérèglement climatique, la Californie a mis en place des « zones castors », plus résistantes au feu grâce à l’humidité du sol. Ces fameuses « zones castors », dont la végétation perdure, peuvent recréer par la suite les forêts parties en fumée. Lieux refuges pour les animaux, ces derniers retournent dans les espaces désertifiés une fois le danger passé et, en déféquant des graines, régénéreront petit à petit les paysages.
Le castor est un animal clé dans l’équilibre des grands cycles, la régulation et la régénération des paysages. Depuis des millions d’années, il cohabite avec la rivière, ce qui en fait de lui en quelque sorte le gardien. Impressionnés par l’efficacité du castor sur cette parcelle, les agriculteurs tentent de l’attirer au plus près de la ferme de Montlahuc. Les associés ont tout mis en place pour rendre, selon l’expression de Baptiste Morizot, un emplacement attractif pour le plus gros rongeur d’Europe.
« On a créé des petites retenues pour que son terrier soit immergé. On a aménagé ces espaces près des peupliers tremble, ses préférés, et on continue à en planter là-bas. Il y a de grandes chances qu’il soit déjà passé sur le lieu et qu’il l’ait repéré et qu’il vienne s’installer chez nous dès qu’il en aura besoin » espère Marco.
Sur la ferme de Montlahuc, le réchauffement climatique se fait ressentir depuis une dizaine d’années. Le vent est de plus en plus fort et les parcelles, de plus en plus sèches. Avec une quantité de foin de moins en moins importante, chaque année est un peu plus difficile pour les associés.
« On a planté 3000 arbres, un peu plus de 3km de haies. Ces arbres on les achète, il faut les protéger avec des clôtures, préparer les tracteurs, aller les planter. Tout ça prend beaucoup de temps, d’énergies fossiles, d’argent alors qu’en deux ans, le castor est plus efficace en utilisant moins d’énergie » résume Marco
Les Etats-Unis ont ainsi mis en place des indemnisations pour les agriculteurs qui perdent des parcelles agricoles où le castor se réinstalle. Historiquement, le mot maraîchage est lié au marais, terres très fertiles qui ont été subtilisées aux castors. Ainsi, ce sont dans ces espaces qu’il va revenir d’où la nécessité que l’État prenne des mesures. Le modèle allemand a également un barème d’indemnisation agricole en cas de dégâts, de façon à ce qu’il y ait moins de problèmes de cohabitions entre les castors et les agriculteurs.
Entre envahir et infuser le Vivant pour l’habiter, il n’y a qu’un pas
Co-créer avec le castor a une signification plus profonde et puissante sur notre urgence à cohabiter avec le Vivant, dont nous, humains, faisons pleinement partie. Ce sont des millions d’années de cohabitation qui se sont créées entre les espèces. Chacune, de par sa façon de vivre, a un rôle écologique, une fonction dans les écosystèmes.
Chaque fois que l’une d’elles disparaît, c’est une fonction qui s’évapore et un équilibre qui est complètement modifié. Tout ce que l’on créait comme déséquilibre, c’est à nous que ça coûte économiquement, en charges de temps de travail et de tous les impacts. Il y a tout intérêt à amplifier la vie et de travailler avec lui.
Pour Marco, on doit faire avec la nature et cohabiter avec elle dans tous nos espaces. La clé ne serait pas de sanctuariser quelques zones. En revanche, il préconise de préserver quelques endroits de l’intervention humaine de façon à laisser les dynamiques se mettre en place pour qu’ensuite elles puissent se propager. Les Kogis les appellent « zones d’espace sacré ». Que ces espèces puissent y perdurer en dépit du dérèglement climatique. Ainsi, une fois que cela se sera à peu près stabilisé, elles pourront recoloniser et régénérer le reste du paysage.
« Puisque c’est la vie qui génère et amplifie la vie, il faut que cette diversité d’espèces et ces équilibres qui ont été créés depuis des millions d’années puissent fonctionner et réparer ce qu’on a fait derrière. Cette notion de sanctuaire arrive un peu là. Il n’y a pas une solution absolue, c’est la multitude de solutions qui va permettre qu’on s’en sorte demain »
Le retour en force du castor dans nos campagnes françaises est donc une formidable façon de faire alliance avec le reste du Vivant.
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L'écologie n'est pas punitive
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/10/2024
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Mais l'absence de conscience écologique induit des sanctions terribles.
Je lis encore et encore des commentaires sur les réseaux sociaux qui affirment que des inondations ont déjà eu lieu et patati et patata.
Bon, si on prend en considération les données suivantes, en faisant une règle de 3, on peut avoir une idée de ce qui est en route : 5-6 degrés en 100 000 ans vs. 1,5 à 4 degrés en 150-200 ans. Ça donne une idée de la suite...
"Au vu des derniers épisodes météorologiques, il est bon de rappeler certaines études sur les crues paléologiques en période de réchauffement climatique.
il y a 56 millions d'années a eu lieu un réchauffement rapide (100'000 ans) de 5°C ou 6 °C, le PETM.
Des mégacrues ont eu lieu : Les lits de certains fleuves ont débordés de 10 à 14 fois leur normale.
Ces observations dépassent largement (d'un facteur 2 ou 3) les prévisions des modèles climatiques sur les augmentations de pluviométrie.
Je cite l'étude :
"Quelles sont les implications de ces résultats pour l'avenir ? Les simulations de modèles et les observations suggèrent que le réchauffement climatique anthropique entraînera des changements prononcés dans l'hydrologie mondiale. Plus précisément, on s'attend à des changements dans la saisonnalité et à une augmentation de l'occurrence et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, mais l'ampleur des changements reste incertaine. Les arguments théoriques indiquent que les précipitations extrêmes devraient être proportionnelles à la capacité de rétention d'eau de l'atmosphère ( 7 % par degré de réchauffement)
Bien que cette prédiction soit confirmée par les données mondiales sur les précipitations quotidiennes maximales annuelles, les précipitations extrêmes infraquotidiennes (horaires) semblent s'en écarter, certaines régions présentant proportionnalité moindre, tandis que d'autres avec une proportionnalité beaucoup plus importante
Nos résultats suggèrent des précipitations extrêmes pendant le PETM et confirment donc la probabilité que le réchauffement climatique actuel puisse intensifier les précipitations extrêmes et les inondations associées à des taux plus élevés, peut-être imprévisibles, que ceux prévus par les modèles de circulation générale."
Adrien Couzinier
source document en Anglais
https://www.nature.com/articles/s41598-018-31076-3?fbclid=IwY2xjawGPRrpleHRuA2FlbQIxMQABHTIdbIIs2f1rKhusbwz0jqEePdgjNnhZe7jB8ejAbJVgReKd2-hY5j8rpQ_aem_VDxmY-TXI4KeHpnBbACdaw
Publié le 30 octobre 2024
Une photo prise à Picanya, près de Valence, dans l'est de l'Espagne, le 30 octobre 2024, montre des voitures entassées dans une rue après des inondations. Jose Jordan / AFP
Ce sont littéralement des torrents d’eau qui ont déferlé sur la région de Valence en Espagne dans la nuit du mardi 29 octobre en raison de pluies soudaines et extrêmement violentes intensifiées par le changement climatique. Le bilan provisoire fait état d’au moins 51 décès.
Au moins 51 personnes ont péri dans de dramatiques inondations qui ont dévasté mardi 29 octobre au soir le sud-est de l’Espagne, selon un bilan provisoire. “Le chiffre provisoire de personnes décédées (est) de 51”, ont annoncé les services d’urgence dans un message posté sur X.
La région était pratiquement coupée du reste du pays, certains villages étant inaccessibles, ont indiqué les services de secours. Dans la nuit, le président du gouvernement régional de la communauté de Valence, Carlos Monzón, avait indiqué que plusieurs corps avaient été retrouvés. “Nous faisons face à une situation sans précédent, que personne n’a encore jamais vue”, avait-il ajouté. Rien ne laissait toutefois prévoir un tel nombre de victimes, qui fait de ces inondations les plus dramatiques en Espagne depuis août 1996.
Les autorités avaient indiqué mardi que sept personnes étaient portées disparues, dont une à L’Alcudia, dans la région de Valence, et six à Letur, dans la province voisine d’Albacete (région de Castille-La Manche), où une crue soudaine avait envahi les rues, emporté des voitures et inondé des bâtiments. Les services d’urgence, appuyés par des drones, ont travaillé toute la nuit pour rechercher les six disparus à Letur, a déclaré à la télévision publique TVE la déléguée du gouvernement central en Castille-La Manche, Milagros Tolon. “La priorité est de retrouver les personnes disparues”, a-t-elle ajouté.
Armée spécialisée dans les opérations de sauvetage
La police de la ville de L’Alcudia a, pour sa part, déclaré être à la recherche d’un chauffeur de camion porté disparu depuis mardi après-midi. Les autorités ont demandé à tous les habitants de la région de ne pas essayer de se déplacer par la route. Le gouvernement central a mis en place une cellule de crise, qui s’est réunie pour la première fois mardi soir, et a envoyé dans la région de Valence une unité de l’armée spécialisée dans les opérations de sauvetage. Cette cellule de crise devait se réunir de nouveau mercredi à midi sous la présidence du Premier ministre Pedro Sánchez, de retour d’une visite officielle en Inde.
La mairie de Valence a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées mercredi, de même que les jardins publics, et que tous les événements sportifs étaient annulés. Douze vols qui devaient atterrir à l’aéroport de Valence (est) ont été détournés vers d’autres villes d’Espagne en raison des fortes pluies et des vents violents, a indiqué l’opérateur aéroportuaire espagnol Aena. Dix autres vols qui devaient partir ou arriver à l’aéroport ont été annulés.
Déraillement d’un TGV
L’opérateur national d’infrastructures ferroviaires Adif avait suspendu mardi soir les trains à grande vitesse entre Madrid et Valence en raison des effets de la tempête sur les principaux points du réseau ferroviaire. Un train à grande vitesse transportant 276 passagers avait d’ailleurs déraillé dans la région méridionale d’Andalousie, mais personne n’avait été blessé, selon le gouvernement régional. Les services d’urgence ont secouru des dizaines de personnes à Alora, en Andalousie, certains par hélicoptère, après le débordement d’une rivière.
L’agence météorologique nationale Aemet avait déclaré une alerte rouge dans la région de Valence et le deuxième niveau d’alerte le plus élevé dans certaines parties de l’Andalousie, prévenant que les pluies allaient se poursuivre au moins jusqu’à jeudi. De nombreuses routes ont été coupées dans les deux régions en raison des inondations. La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène météorologique de la “gota fria” (la “goutte froide”), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours. Les scientifiques avertissent que les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les tempêtes sont à la fois de plus en plus fréquents, de plus en plus longs et de plus en plus intenses en raison du changement climatique. ■
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L'autoroute de la pluie.
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/10/2024
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Parmi nos 200 plantations, on a planté cinq paulownias sur notre terrain et leur croissance est impressionnante. Moins que les robiniers faux acacias mais ils n'en sont pas loin. Dans cinq ans, ils seront immenses.
Ils veulent planter 10 millions d’arbres du pays basque au massif central pour réguler la pluie
« Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares. »
Texte: Liza TourmanPhotographie: Mordolff28 octobre 2024
Si, à la place de dégrader toujours plus impunément le climat, nous mettions à contribution l’inventivité du Vivant pour pérenniser ses cycles, assurer l’équilibre de nos écosystèmes et ainsi contribuer à la sauvegarde de notre planète ? C’est l’objectif que se sont donnés Cédric Cabrol (chimiste), Roméo Teyssier Dumont (gestion de projet) et Joris Dedieu avec leur projet « L’autoroute de pluie », lequel prône une agroforesterie d’urgence. En phase d’expérimentation, Cédric Cabrol nous en explique le concept.
Une agroforesterie d’urgence
L’autoroute de la pluie est un projet en gestation qui plaide en faveur d’une agroforesterie d’urgence. Les trois associés sont partis du constat que la simplification des paysages, l’érosion, l’artificialisation, la dévégétalisation etc. avaient fait perdre aux sols leur capacité à infiltrer, condenser et stocker l’eau. Même si l’idée d’augmenter les pluies en développant la végétalisation n’est pas neuve, le concept d’agroforesterie d’urgence, l’est. L’autoroute de la pluie est un projet qui vise à adapter nos paysages pour augmenter la connectivité climatique, générer de la fraîcheur et de l’humidité.
« Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares soit, sans tenir compte de l’existant, environ 10 millions d’arbres à planter » explique Cédric pour La Relève et la Peste.
Ils se sont inspirés du peuple Dogon au Mali qui plantent 40 arbres à l’hectare en utilisant majoritairement l’espèce Faidherbia Albida. Cette densité leur permet de constater des rendements de culture supérieurs de 40% par rapport aux parcelles dépourvues d’arbres. Pour Cédric, le choix de l’arbre est crucial. Le paulownia est, selon lui, une essence idéale pour l’agroforesterie d’urgence et le contexte climatique. Cependant, dans les terrains trop humides, d’autres espèces sont préférables, comme par exemple le peuplier.
« Le paulownia possède plusieurs stratégies intéressantes, notamment dû à un mode de photosynthèse hybride. Il peut à la fois saturer au printemps, c’est-à-dire saturer l’atmosphère en vapeur d’eau et, comme un cactus, utiliser très peu d’eau lorsqu’elle devient un GES en été. Le gros intérêt est de faire rapidement de l’ombre pour capter la rosée sur les sous-couverts et directement sur le paulownia. Ses feuilles sont très efficaces pour cela. Condenser de la vapeur d’eau : c’est aussi éliminer du GES » nous explique Cédric.
Pour améliorer le climat, Cédric aimerait créer des corridors avec ces systèmes agroforestiers. Les arbres capteraient la rosée et provoqueraient une pluviométrie invisible. De l’eau qui ne tombe pas du ciel mais que l’on capte. Faire de l’ombre, c’est perdre 5 à 10°C soit autant que pour un gain de 1000 m d’altitude.
L’autoroute de la pluie : un corridor d’arbres
Alors que les continents représentent une surface équivalant à 40% des surfaces des océans, seuls 10% des volumes d’eau qu’ils évaporent arrivent à venir y alimenter les pluies. Pour Cédric, la cause principale est le manque de conductivité pour amener l’eau dans les territoires. L’autoroute de la pluie, à l’image du bocage normand ou breton, serait un “supraconducteur” pour améliorer la diffusion de l’humidité dans le continent. Cela marchera avec la captation de rosée sur les substrats ou directement sur le paulownia. A court terme, la plantation d’arbres offre la possibilité de faire une préparation de sol.
« L’idée de l’autoroute de la pluie est de relier la porte d’entrée du climat frais humide régulier, c’est-à-dire le climat océanique, qui serait le climat du pays basque et de le relier avec le château de la France qui est le massif central. Ma vision c’est que la transition agroécologique est compliquée au regard de l’urgence. J’ai essayé de trouver quelque chose de plus simple et accessible où l’on dit que l’on ne plante qu’un arbre et après l’idée est d’amener les gens là-dedans mais par étape. On commence par se mettre en sécurité avec une agroforesterie d’urgence. »
Cédric travaille sur la démonstration de faisabilité. Avec son frère, ils ont lancé vingt hectares d’agroforesterie d’urgence sur leur exploitation. Pour le moment, leur succès est mitigé. Dans leur pépinière, ils ont des paulownias de 3m30, planté en 2023, malgré une gelée qui a remis à zéro les arbres. Le gel leur a fait perdre 2.5 mètres de potentiel de croissance en pépinière et en plein champ. Actuellement, ils font 1m50 pour les plus grands, sans que l’eau n’apparaisse limitante. Cependant, les objectifs restent atteignables.
Avec le scientifique Jean-Pierre Sarthou, Cédric et ses compères ont ouvert une thèse en partenariat avec Météo France pour voir quel est l’impact de la dégradation des sols sur le climat. Actuellement, Cédric a eu une quarantaine d’heures de discussions avec 35 climatologues. Il est intervenu dans un colloque scientifique pour proposer une vision d’agro-éco-climatologie qui mélange plusieurs sciences.
Le paulownia, l’arbre couteau suisse
Le paulownia est un arbre pré-pionnier qui précède la forêt. Dans les nombreux avantages qu’on lui attribue, le paulownia a une croissance rapide, résiste à des hautes températures (jusqu’à 55° en serre), sa photosynthèse fonctionne jusqu’à 35/38°. Il est endomycorhizien, c’est-à-dire qu’il ne va pas venir concurrencer les cultures mais plutôt leur donner du sucre pendant les phases caniculaires.
« Il va jouer le rôle d’ascenseur hydrique. Il nous permet d’humidifier et de capter la rosée. Il remonte les minéraux. Il est comestible pour le bétail, la teneur en protéine est de 22 %. D’un point de vue économique, il rapporte de l’argent à court terme. » s’amuse Cédric auprès de La Relève et la Peste
Dans un contexte changeant, si l’on considère que cette essence va améliorer la captation de la rosée et ainsi augmenter la pluviométrie, il peut être intéressant de constater qu’il modifie l’écosystème pour participer à sa résilience.
« Pour moi, cette modification est positive. Il y a aussi le rôle des pollens hydrophiles qui peuvent participer à la saison des pluies ou la dissiper. J’ai tendance à penser que le paulownia est un arbre qui va amener la pluie grâce à son pollen ».
La pollinisation hydrophile consiste en un transfert à la surface de l’eau ou sous l’eau des pollens. Sa reproduction est assurée par l’eau. Ainsi, le pollen hydrophile permet de condenser la vapeur d’eau et de former la goutte de pluie. On parle de noyau de condensation. Et pour les détracteurs du projet ou ceux du paulownia qui argumentent que ce dernier peut être invasif. Cédric répond :
« Si l’on avait des modifications du climat qui ne convenaient pas, on serait capables de remodeler le dispositif et de l’ajuster le temps que les autres se mettent à niveau. Mais, il faut songer que le Paulownia ne se développe aujourd’hui que sur les concassés SNCF et trottoirs. Il a trop besoin de lumière pour résister à quelques brins d’herbes. »
En tant qu’arbre pionnier, le paulownia a donc une durée de vie limitée et pourrait être remplacé par des arbres endémiques qui auront bénéficié de sa protection.
« A terme, l’idéal est bien sûr de planter des espèces natives. On dit que le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Planter le paulownia permet de faire comme si on en avait compris la pertinence. A nous, de comprendre la pertinence de planter des graines ou de laisser la nature les planter au pied de ces arbres. »
Les prochaines étapes sont de réussir à faire une preuve de concept d’ici à l’an prochain. Passer de 20 hectares à 30 ou 40.
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
Liza Tour
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Le parti d'en rire
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/10/2024
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Paroles de la chanson Le Parti D'en Rire par Chansons Enfantines
Oui
Notre parti
Parti d'en rire
Oui
C'est le parti
De tous ceux qui n'ont pas pris de parti
Notre parti
Parti d'en rire
Oui
C'est le parti
De tous ceux qui n'ont pas pris de parti
Sans parti pris nous avons pris le parti
De prendre la tête d'un parti
Qui soit un peu comme un parti
Un parti placé au dessus des partisEn bref, un parti, oui
Qui puisse protéger la patrie
De tous les autres partis
Et ceci
Jusqu'à ce qu'une bonne partie
Soit partie
Et que l'autre partie
C'est parti
Ait compris
Qu'il faut être en partie
Répartis
Tous en seul parti
Notre parti
Nous avons placé nos idéaux
Bien plus haut
Que le plus haut
Des idéauxEt nous ferons de notre mieux
Cré vindieu de vindieu de vindieu
Pour que ce qui ne va pas aille encore mieux
Oui pour vivre heureux
Prenons le parti d'en rire
Seules la joie et la gaieté peuvent nous sauver du pire
La franche gaieté
La saine gaieté
La bonne gaieté des familles
Nos buts sont déjà fixés:
Réconcilier les oeufs brouillés
Faire que le veau d'or puisse se coucher
Apprendre aux chandelles à se moucher
Aux lampes-pigeons à roucouler
Amnistier les portes condamnées
A l'exception des portes-manteaux(tiens ça rime pas, ah oui je sais:)
C'est pour ça qu'y peuvent s'accrocher
Exiger que tous les volcans
Soient ramonés une fois par an
Simplifier les lignes d'autobus
En supprimant les terminus
Et pour prouver qu'on n'est pas chiches
Faire beurrer tous les hommes-sandwichs
Voilà quel est notre programme
Voilà le programme
Demandez le programme
On le trouve partout
Je le fais cent sous
Mais... pas d'hérésie!
- Notre parti- Parti d'en rire, oui
- Non!
- Si!
- Crétin!
- Pauvre type!
- Abruti!
Et voici... ce qu'est notre parti
Oui! -
TERRE SANS HOMMES : Ange
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/10/2024
- 0 commentaire
Je n'avais pas écrit depuis des semaines, des mois peut-être. Je ne sais plus.
Je sais que ça ne me sert plus à rien de me forcer à m'asseoir devant l'ordinateur et d'écrire quelques lignes. J'ai beaucoup changé ma façon de travailler. D'ailleurs, je ne parle même plus de "travail".
Je n'écris que lorsque ça devient nécessaire, lorsque tout est là et qu'il faut que je le pose devant moi, que je le vois en lettres, en mots, en lignes, en chapitres. Que ça ne soit plus seulement que des images, que le film dans ma tête réclame lui-même de s'extraire de cette enceinte, comme s'il n'avait plus de place.
C'est ce qui vient de se passer pour Ange. Un nouveau personnage qui est apparu de façon fugace il y a quelque temps et pour lequel je n'avais encore rien écrit. Comme si cette femme devait d'abord prendre forme, qu'elle se matérialise, qu'elle se construise, dans le secret de mes pensées et de mes rêves.
Ce qui suit, je l'ai écrit hier et ce soir. J'écris uniquement le soir. Parfois, la nuit.
Je sais que ça devra être repris, affiné, précisé mais l'essentiel est fait.
Maintenant, Ange est entrée dans le livre.
TERRE SANS HOMMES
« Je m'appelle Ange...Je m'appelle Ange... Le cri est parti, c'est vide dans ma tête mais je sais que je m'appelle Ange. C'est bien. Je n'ai pas tout perdu. »
Elle marchait dans l'herbe détrempée et parfois elle avait l'impression que la terre cherchait à l'absorber. Elle entendait des succions, des baisers aimants et elle se réjouissait de ces câlins répétés. Elle avait pris de la boue et s'en était couvert le visage et maintenant que la terre avait séché, elle s'amusait à tendre et détendre la peau de son visage pour en sentir l'étreinte. Des volutes d'haleine d'arbres s'enroulaient autour d'elle et elle écoutait attentivement toutes leurs paroles parfumées.
Depuis que le cri s'était éteint, elle sentait en elle un sourire d'enfant, une sorte de joie figée, l'impression d'être ouverte à tout, comme un antre qui n'aurait plus d'enceintes, une bulle sans paroi, un placenta sans membrane. Elle s'amusait des images.
Parfois, elle caressait son fusil dont elle avait oublié le nom du modèle tout comme ceux des deux pistolets rangés dans des ceintures, en travers de sa poitrine, elle aimait le poids du métal, elle aimait le poids du sac sur son dos, la fatigue de ses épaules, elle aimait tout ce que son corps délivrait, non pas que ça soit nouveau pour elle mais juste parce que le cri s'était éteint et qu'il lui était délicieux de se sentir revivre.
Elle marchait hors du temps passé et elle ne cherchait pas à le retrouver, à reconstruire son existence, à rétablir le chemin parcouru. Seuls les pas devant elle l'attiraient. Elle éprouvait cette paix étrange qui enlace celui qui vient de frôler la mort, non pas dans une fraction de seconde mais pendant des jours et des nuits et des milliers d'heures et des milliards de secondes sans que jamais le moindre répit ne soit accordé.
Le cri dans sa tête était parti et c'était comme s'il avait avalé son existence, comme s'il s'était évaporé après avoir phagocyté la totalité de ses souvenirs. Le cri avait asséché sa mémoire, comme une éponge abandonnée sous un soleil cuisant, toute l'eau disparue, des alvéoles vides, la matière craquelée. L'horreur du cri l'avait déshydratée jusque dans les circonvolutions de son cerveau.
Et maintenant, depuis la veille, elle marchait dans les marais, le long de canaux aux eaux sombres, sous les frondaisons, sur des chemins enherbés où elle distinguait les passages d'animaux, hier soir, elle avait surpris un chevreuil et bien qu'il ne lui restait plus grand-chose à manger dans son sac, elle n'avait pas utilisé son fusil. Elle ne voulait plus tuer. C'était comme le dégoût d'un trop-plein.
« Je m'appelle Ange... Je le sais. J'aime bien. »
Lui revenaient en brides fugaces des images de chaos, explosions, cris, courses tendues, des armes qui balayent l'espace devant elle, des flashs qui la laissaient démunie, dans une incompréhension lourde.
« Je m'appelle Ange mais je ne sais pas ce que j'ai fait. »
Depuis que son nom lui était revenu, depuis que le cri s'était tu et avait laissé de la place, des souvenirs remontaient. Elle ne les désirait pas, elle aurait même voulu les repousser, qu'ils retombent dans leurs abysses.
L'éponge de sa mémoire n'avait pas tout perdu. À moins que la mémoire ne soit pas contenue dans la boîte crânienne et que son corps, désormais apaisé, déversait dans le cerveau tout ce qu'il contenait. La mémoire cérébrale ne serait qu'un contenant. L'idée l'amusa et elle s'étonna de l'étrangeté de cette intuition.
Elle enregistrait chaque pas dans l'herbe comme ceux d'un nouveau-né qui se construit, elle regardait les arbres et leurs branches nues, les feuilles pourrissant en tapis colorés, elle franchit un ruisseau sans chercher de gué, l'eau froide remplissant ses Rangers et elle s'en réjouit. Le monde, autour d'elle, n'était que végétation, le silence d'un ciel plombé, comme un océan gris suspendu, immobile, silencieux, un couvercle au-delà duquel elle devinait parfois la clarté laiteuse d'un soleil d'automne.
Elle avait passé beaucoup de temps, le dos appuyé contre le tronc d'un arbre immense et elle avait deviné le cheminement ralenti de la sève. Ces moments-là lui importaient bien davantage que la quête fébrile d'une mémoire dévorée. Le cri l'avait consumée mais elle avait survécu. Et l'instant restait la seule certitude d'être toujours là.
La nuit passée, elle avait dormi dans une cabane de pêcheur, ça sentait le poisson, au bord d'un bras d'eau serpentant sous les branches nues, une chouette avait raconté chacun de ses vols, chaque plongeon sur les rongeurs imprudents, chaque appel vers un congénère.
Elle était seule et elle ne voulait pas de congénère. Elle en avait tué beaucoup. Et elle savait qu'elle pourrait recommencer. Elle n'avait aucun visage sur ces morts, juste des silhouettes affolées, des gens armés qui cherchaient à l'abattre, elle s'était enfuie, elle avait appartenu à un groupe mais elle était partie, le cri dans sa tête l'avait condamnée à la solitude, c'est elle qui avait décidé de laisser ses hommes, c'était la règle, elle ne devait pas les contaminer, elle était la chef. Elle avait pris un des 4X4, elle avait chargé de la nourriture, de l'eau, des armes, des munitions, du matériel de survie et elle était partie et elle avait roulé pour s'éloigner des zones habitées, la certitude en elle que seule les arbres pourraient la sauver de la folie dans son crâne. Elle se souvenait vaguement avoir suivi la côte, elle se souvenait d'une explosion gigantesque, une raffinerie, c'était sa mission, Donges, elle retrouvait ce nom, la raffinerie de Donges, des roquettes, elle avait tiré des roquettes, puis le cri l'avait envahie, les souvenirs revenaient dans le désordre, comme si elle devait reconstruire un puzzle, alors elle avait longé la côte, des gens avaient voulu l'arrêter et ils étaient morts parce qu'elle refusait de s'arrêter et qu'ils ne savaient pas qu'elle pouvait tuer n'importe qui.
Elle suspendit son pas au moment où elle allait déposer sa lourde chaussure sur un escargot, une coquille volumineuse à peine visible dans l'herbe drue. Elle se baissa et le prit délicatement pour le poser dans la paume de sa main. L'animal, aussitôt rentré à l'abri, attendit quelques instants avant de ressortir une tête prudente, puis deux yeux observèrent la situation, deux petits ronds noirs perchés à la pointe des fines tentacules. Elle approcha l'animal de ses yeux, émerveillé par les corpuscules couvrant le corps gluant.
« Il ne reste plus grand-monde pour te faire du mal mais tu dois quand même rester prudent, » murmura-t-elle en le déposant dans l'herbe.
Oui, elle devinait des souvenirs, elle ne pouvait le nier, elle avait tué des humains, elle avait fait la guerre, elle savait utiliser des armes, elle devinait également que son corps était une arme, qu'elle avait appris tout ce qu'un soldat doit connaître. Mais elle ne se souvenait pas des raisons de cette guerre, pour quel camp elle se battait, ni contre qui. Puis le cri était entré dans sa tête et elle se souvenait que ça l'avait brisée, anéantie, broyée, éparpillée, déstructurée, elle ne pensait même pas que c'était possible d'être aussi torturée intérieurement et de ne pas en mourir sur le champ. Elle avait quitté la zone des combats, sans la moindre idée de la suite. Combien de temps pouvait-elle résister avant de se tirer une balle dans la tête pour que le cri se taise ? Elle avait roulé jusqu'à ce que la voiture s'arrête, réservoir vide alors elle avait pris son sac, toute la nourriture dans le coffre et ses armes et ses cartouches, elle pouvait porter trente kilos, elle avait plus de résistance qu'un homme, d'ailleurs elle était plus qu'un homme puisqu'elle était une femme que personne ne pouvait contraindre.