L'impuissance apprise et ses effets

J'ai découvert le principe de "l'impuissance apprise" dans un livre. J'avais environ 30 ans. J'étais instituteur depuis 11 ans. J'ai eu honte, vraiment honte de ne pas avoir découvert cela plus tôt. Parce qu'inévitablement, j'avais pu générer ce sentiment chez mes élèves. pas volontairement bien entendu mais par ignorance. Ma propre ignorance. C'est là vraiment que je me suis intéressé à la psychologie. Je n'avais reçu aucune formation professionnelle digne de ce nom. Je ne savais rien. Je devais apprendre pour que cette honte ne me submerge plus jamais. 

Aujourd'hui, à maintes reprises, lorsque je regarde la société humaine, j'y vois des situations similaires à celle expérimentée dans la vidéo ci-dessous. 

L'impuissance apprise est un mal terrifiant.

Et je pense que le déni des urgences actuelles et l'absence de décision relative à un changement radical de nos modes de vie est un phénomène qui peut se rapprocher de celui de l'impuissance apprise. Nous sommes conditionnés à ne pas remettre en question les fondements de nos sociétés modernes, de nos sociétés matérialistes. D'autres avant nous ont tenté de le faire et il n'en est rien resté à grande échelle. Ce furent des échecs. Il suffit de penser à la période 1970, le "Do it", Woodstock, les Hippies, les mouvements  "marginaux" qui sont restés lettre morte. 

Tout ça est encore flou dans mon esprit mais je pense qu'il y a quelque chose à creuser.

Le formatage est une conséquence de l'impuissance apprise.

Nous n'avons pas été éduqués à sortir du cadre, nous n'avons pas été enseignés pour remettre en cause un système de pensées généralisé, nous n'avons pas été encouragés à développer d'autres formes de sociétés, sinon des micro-sociétés à l'échelle de la communauté.

Pourquoi est-ce que rien de puissant n'a jamais émergé de tous les esprits, de toutes les intelligences, pourquoi est-ce que toutes les "avancées, que tous les "progrès" ont toujours été guidés par une voie unique, celle de la croissance, celle du "toujours plus" ? Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui, encore et toujours, celui qui cherchera à s'extraire du comportement général sera considéré comme une menace, comme un "rebelle" alors que la voie commune est une voie qui nous mène à une impasse ?  Je pense qu'il existe dans le groupe humain un sentiment d'impuissance qui agit comme une fatalité.

"On ne peut pas vivre autrement, le "métro-boulot-dodo" est une voie incontournable, il n'y a pas d'issue. Sinon, ça se saurait. " 

Et si justement les organisateurs de nos sociétés modernes ne voulaient pas que ça se sache ? Et si justement,  les instances dirigeantes avaient choisi l'impuissance apprise comme moteur du maintien de ce monde qui leur convient ? Oui, je sais, ça fait complotisme tout ça. Je parlerais davantage d'opportunisme. Ils surfent sur la vague et s'en réjouissent. Et nous n'avons même pas conscience que la vague n'existe qu'au regard de l'océan et que nous sommes l'océan. 

J'ai rencontré cet hiver un ancien élève. Il ne veut plus de ce monde matérialiste. Il veut tout quitter et créer sa propre voie. Il cherche, il réfléchit, il lit... Peut-être est-ce que lui, justement, n'est plus dans l'impuissance apprise. 

 

Le théorème du singe est une fable décrivant une expérience imaginaire menée sur un groupe de singes. Elle exprime la transmission et la perpétuation de croyances collectives au sein d'une population progressivement renouvelée, et ce même après que la cause première de ces croyances est éteinte et après la disparition de tout témoin de cette cause. Le phénomène et les comportements supposés des singes n'ont pas été confirmés dans la réalité par une expérience conforme à celle décrite dans la fable.

Une vingtaine de chimpanzés est isolée dans une pièce où est accrochée au plafond une banane, et seule une échelle permet d'y accéder. La pièce est également dotée d'un système qui permet de faire couler de l'eau glacée dans la chambre dès qu'un singe tente d'escalader l'échelle.

Rapidement, les chimpanzés apprennent qu'ils ne doivent pas escalader l'échelle. Le système d'aspersion d'eau glacée est ensuite rendu inactif, mais les chimpanzés conservent l'expérience acquise et ne tentent pas d'approcher de l'échelle.

Un des singes est remplacé par un nouveau. Lorsque ce dernier tente d'attraper la banane en gravissant l'échelle, les autres singes l'agressent violemment et le repoussent. Lorsqu'un second chimpanzé est remplacé, lui aussi se fait agresser en tentant d'escalader l'échelle, y compris par le premier singe remplaçant.

L'expérience est poursuivie jusqu'à ce que la totalité des premiers chimpanzés qui avaient effectivement eu à subir les douches froides soient tous remplacés. Pourtant, les singes ne tentent plus d'escalader l'échelle pour atteindre la banane. Et si l'un d'entre eux s'y essaye néanmoins, il est puni par les autres, sans savoir pourquoi cela est interdit et en n'ayant jamais subi de douche glacée.

 

impuissance apprise comment induire la-résignation-ressources-plurielles

L’impuissance apprise ou comment induire la résignation

Induire la résignation : l’expérience d’échecs successifs

La résignation ou la notion d’impuissance apprise [Learned Helplessness] est développée dans les années 60 par Martin Seligman, un psychologue comportemental. C’est un état proche du renoncement et de la dépression induit chez un individu (ou un animal) faisant l’expérience d’échecs successifs et d’absence de maîtrise sur ce qui lui arrive.

Comment résigner une classe en moins de 5 minutes

Avant de rentrer plus en détail sur les aspects comportementaux, voici une vidéo dans laquelle une psychologue, Charisse Nixon, provoque de la résignation chez un groupe en quelques minutes :

« Je ne vais pas y arriver » 

Dans cet extrait, on remarque que la capacité à résoudre des problèmes est comme « gelée ». Cette passivité (ou apathie) se met en place chez l’homme ou l’animal qui est plongé dans un état de résignation, l’amenant à supporter sans réaction des évènements négatifs. Le groupe expérimentant l’absence de maîtrise et l’échec face à une situation – l’impossibilité de résoudre les deux premiers anagrammes – n’arrive pas à réaliser le troisième qui était pourtant faisable.

Et c’est peut être l’élément le plus troublant : au delà de la frustration induite face aux deux premières taches, ce vécu conditionne les comportements ultérieurs.  On parle donc d’impuissance « apprise » car cette attitude résignée, une fois installée, contamine même les situations pour lesquelles le comportement d’une personne aurait été efficace.

Par exemple, une recherche d’emploi qui se solde par des échecs systématiques peut, a terme, éteindre toute combativité pour retrouver du travail. Dans la vie personnelle également, les tentatives de régime, si elles échouent, vont amener la personne à renoncer en se disant « Les régimes ne fonctionnent jamais ». Autre cas de figure, une personne en quête d’une rencontre amoureuse, confrontée à des refus, va intérioriser ces échecs et mettre en place un système de croyances: le résultat négatif, malgré les actions, sera anticipé et généralisé au point de ne plus rien tenter. L’estime de soi est alors touchée, la motivation baisse et la dépression s’installe. Dans le langage, on retrouve certains marqueurs de cet état d’esprit comme les expressions : « je ne vais pas y arriver », « je ne suis pas fait pour cela ».

L’origine de l’impuissance apprise (IA)

Martin Seligman s’inscrit dans un paradigme en psychologie : le conditionnement opérant (ou conditionnement instrumental).  Ce concept comportemental est initié au début du XXème siècle par Edward Thorndike et s’appuie sur le « modèle animal », qui vise à étudier un processus pathologique (spontané ou induit / biologique ou comportemental) sur les animaux pour en dégager des aspects communs avec un phénomène équivalent chez l’humain. L’auteur le plus célèbre de ce courant dit « behavioriste » s’appelle Skinner (on parle d’apprentissage skinnerien)..

Skinner et Seligman s’intéressent à l’apprentissage résultant d’une action, en analysant particulièrement les mécanismes favorisant la reproduction d’un comportement. L’idée générale est que la conduite humaine est conditionnée par les conséquences qu’un individu anticipe à partir de son comportement suite à ses expériences. La « récompense attendue » serait la base de toute motivation. Il est donc possible de favoriser des comportements induits par « renforcement » ou, à l’inverse, de provoquer des comportements d’évitement par « punition ». C’est dans ce cadre que Seligman expérimente et développe la notion d’impuissance apprise appelée également résignation acquise.

Un modèle expliquant la dépression

Au milieu des années 70, il étend son concept et le propose comme modèle explicatif de la dépression qui « résulterait de la perte par le sujet de la possibilité de faire une liaison entre l’action et les conséquences positives de celle-ci » (1975,  Helplessness. On Development, Depression and Death). Plus précisément, il décrit trois conséquences lorsqu’il y a rupture entre nos propres actions et l’environnement :

Un déficit cognitif, qui rend encore plus difficile la possibilité d’apprendre que les évènements dépendent de ses actions.

Un déficit motivationnel, entravant la possibilité de réponses volontaires.

Un déficit émotionnel, sur un versant dépressif.

 

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