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    • Thierry LEDRU
    • Presle
  • Tous hétéronomes

    L'hétéronomie est la capacité d'un être vivant à s'adapter au milieu environnant.

    Chez l'homme, l'hétéronomie représente l'incapacité à se donner ses propres lois et à se régir d'après elles. L'hétéronomie est l'inverse de l'autonomie.

    En philosophie, chez Emmanuel Kant (1724-1804), l'hétéronomie est le caractère de la volonté quand elle se détermine en fonction de principes extérieurs à elle-même.

    ""Pour Kant, l'hétéronomie est la dépendance à l'égard de mobiles pathologiques sensibles ou d'une loi extérieure. Il distingue le domaine de l'hétéronomie, soumission inévitable au socius politique, de l'autonomie, capacité de se donner à soi-même ses propres lois, qui ne se conçoit valablement que dans le domaine de la liberté morale. Il évite d'envisager la morale comme domaine de la soumission aux normes, dans le respect des pouvoirs établis et la conformité aux exigences de la raison. Kant soutient que la Raison morale ne se définit pas par rapport au politique, domaine par excellence de l'hétéronomie, mais par la liberté.""

    Wikipédia

    En grec, "autonomos" signifie "ce qui se gouverne selon ses propres lois."

    On peut légitimement se poser la question de notre rapport à cette idée de liberté.

    Dans notre intégration sociale, nous sommes immanquablement amenés à tendre vers l'hétéronomie. Et cela depuis la petite enfance, en passant par l'école, jusqu'au monde professionnel. Il s'agit de créer les conditions favorables à une vie grégaire.

    Le problème vient évidemment du fait que nous déléguons à certains individus le droit de constituer les termes et les actes de cette soumission.

    Le fait, par exemple, que la constitution soit écrite par les gens qui sont tenus de s'y soumettre, reviendrait en fait à ce qu'on demande aux élèves d'écrire le règlement de l'école...Peut-être d'ailleurs seraient-ils capables de se montrer plus justes, honnêtes, équitables, restrictifs que les politiciens qui oeuvrent principalement à l'autonomie de leurs privilèges par l'extension de l'hétéronomie sur la masse. La constitution, par ce principe inique, génère une contradiction absolue dans le principe même du lien social. Les règles sont établies avec une intention inavouée au détriment de la classe sociale qui a délégué son pouvoir. Les individus qui travaillent à cette constitution, pilier même de l'hétéronomie du groupe humain, sont des individus qui répondent prioritairement à des intérêts personnels, c'est à dire à une incapacité à se détacher de leur propre hétéronomie passionnelle. Ils ont choisi la voie politique pour assouvir des désirs de puissance et d'autonomie financière en se servant des fondements de la démocratie. Ils ne sont pas autonomes au regard de leurs passions vénales. La populace, habituée, conditionnée, manipulée, validera ce cheminement pervers par une délégation électorale. On entre dans l'hétéronomie démocratique...

     Tout cela serait acceptable si les individus étaient capables de discerner lucidement ce qui les motive.

    Si la populace se soumet par abandon, pour pouvoir profiter d'une lobotomie existentielle, philosophique, intellectuelle, il s'agit d'une condamnation auto-proclamée. Elle n'a pas à se plaindre.

    Si la populace a conscience du détournement de l'hétéronomie à des fins personnelles et que cette soumission lui devient insupportable, qu'elle devine à quel point "le contrat social" est souillé, rompu, avili par des hommes avides, elle se doit de reprendre son autonomie. Non pas une autonomie dévastatrice qui brûle ce qui appartient à tous, (cela s'appelle l'anomie) mais une autonomie philosophique, politique, existentielle.

    Sans une analyse minutieuse de ce qui constitue la liberté intérieure de l'homme, il est impossible d'englober ce qui concerne le rapport au monde. Tout le problème est là. Personne ne peut oeuvrer à créer une hétéronomie justifiée, équilibrée, planifiée, reconnue, comprise si ce travail n'a pas été effectué préalablement dans la dimension intérieure.

    La liberté n'existe que lorsque chaque individu a atteint et bénéficie de la capacité à agir sur le monde en y imprimant sa volonté dans le cadre restrictif de l'ordre instauré, non pas un ordre imposé mais un ordre universel, moral, solidaire, protecteur, respectueux, égalitaire... Il est par conséquent totalement absurde de demander aux individus de décider d'un contrat social sans que ces mêmes individus n'aient au préalable établi en eux cette lucidité indispensable. Cela reviendrait à laisser des individus instables et névrosés décider des conditions de leur internement.  

    Cette absence de réflexion existentielle confère à la vie sociale une condamnation à la fatalité. "On n'y peut rien ma pauvre dame". La liberté n'est plus qu'une résignation volontaire et l'abrutissement de chacun dans des dérives consuméristes, matérialistes, une soif de pouvoir sur les objets à défaut de pouvoir sur soi. L'illusion devient la norme. Et elle dirige le monde humain.

    Le déterminsime a au moins cet avantage d'offrir la possibilité d'agir sur la connaissance des causes. Nous sommes attachés par des contraintes, limités par des devoirs, contenus par des liens sociaux, conduits par nos passions, dirigés par nos instincts, abrutis par nos espoirs. Mais nous possédons néanmoins la capacité à les identifier et par conséquent ultérieurement à agir sur ces phénomènes, qu'ils soient internes ou issus de notre vie grégaire. Il n'est pas question de destin ni de fatalité mais d'observation et de liberté de choix dans la mesure de nos limites.

    Rien de raisonné n'est envisageable sans un état des lieux personnels. La société actuelle n'est que le reflet de cette absence d'analyse intérieure. On voudrait constituer un groupe humain équilibré, lucide, intelligent, respectueux, avant même que les individus esseulés n'aient envisagé de se connaître. Si nous ne nous connaissons pas nous-mêmes, comment pouvons-nous envisager de nous en remettre à des individus tout aussi égarés ?

      Cette hétéronomie est une geôle mais nous en constituons nous mêmes l'enceinte. La société n'existe pas en elle-même. Elle n'a pas de vie propre. Elle n'est que l'extension de ce que nous sommes. 

    L'hétéronomie désigne la soumission à une autorité extérieure.

    L'autonomie désigne la capacité à se gouverner selon ses propres règles.

    Ces règles doivent être le produit d'une activité rationnelle et d'une haute conscience morale et non celui de désirs immédiats et purement égoïstes.

    On voit bien que le système civique actuel prône l'hétéronomie au détriment de l'autonomie en raison de l'incapacité de certains individus à produire en eux des règles universelles.

    Le comportement "incivique" qui consiste à empiéter sur la liberté d'autrui conduit les instances dirigeantes à élaborer et à faire appliquer des lois coercitives. 

    Il n'est pas question dans mes propos de remettre en cause la sécurité de tous et le rôle "protecteur" de l'État.

    Mais qu'en est-il lorsque l'État, lui-même, va à l'encontre du bien-être des Citoyens, lorsque ses projets réduisent la liberté d'être pour l'obligation d'avoir, lorsque les intentions des Puissants sont devenues plus perverses que n'importe quel comportement de truand ?

    "L'État n'est pas un assassin."

    Vous en êtes certain ? Vous avez des preuves ?  Le cancer, les OGM, le Sida, l'amiante, l'alimentation, les tonnes de produits chimiques déversés dans la Nature et qui finissent immanquablement dans nos organismes, le diktat des laboratoires, les guerres, cette folie de la mondialisation...

    "L'État ne savait pas, il n'était pas au courant"

    Mais alors, c'est qu'il n'avait pas l'envergure pour cette tâche....Et qu'il vaut mieux laisser les Citoyens faire leurs propres choix...

    "L'État n'est pas un voleur."

    Bon, là, il vaut mieux rire un bon coup. Les exemples ne tiendraient pas sur la page. 

    Je m'interroge en fait sur la légitimité actuelle des Gouvernements. Sur cette hétéronomie qui persiste alors que tous les signes d'une déliquescence de cette Pyramide sociale se font jour.

    La Floride a interdit à la population de vivre en autonomie énergétique. Il y a obligation à être connecté au réseau électrique et au réseau d'eau potable.

    On peut voir dans cette interdiction une métaphore spirituelle.

    "Un bon Citoyen est un citoyen "hétéroïnomane", c'est à dire accro à une dépendance gouvernementale.

    Et si certains individus se montrent rebelles, il s'agira de créer des lois qui les rendront "inciviques", "asociaux", "marginaux"......L'État, sous le couvert d'une allégence spirituelle de la population, renforce constamment ses pouvoirs et va jusqu'à fabriquer artificiellement des catégories d'individus "inadaptés"..... 

    L'autonomie alimentaire sera un jour interdite. L'ensemencement proposé par l'association Kokopelli qui lutte pour la biodiversité est banni par l'État qui répond aux injonctions des grands groupes alimentaires.

    Les potagers seront taxés. Les poulaillers seront interdits. Tout est possible puisqu'ils ont les Lois pour eux.

    L'hétéronomie, dès lors qu'on l'accepte, a des avantages certains mais son lot de désagréments. Ceux-là sont plus insidueux, pervers, cachés et s'ils éclatent au grand jour, l'État se chargera de les faire accepter par la population à grands renforts de médias ou de peurs, ou de culpabilités.

    Je pense pour ma part que le gigantisme de la mondialisation est une folie.

    Que l'hétéronomie grandira inévitablement parce que les Peuples seront exclus de l'élaboration des lois, que la complexité volontaire des structures étatiques, administratives, financières...découragera les masses. Ces masses ne seront pas sollicitées pour comprendre, elles ne seront instruites que par des instances formatées. L'école en est le pilier.

    L'autonomie sera associée aux "autonomistes" et donc aux "terroristes". Et les peurs programmées répandront leurs virus. Il n'est qu'à lire les commentaires de la populace concernant Greta Thunberg : "une terroriste".

    Mais tout ça n'est pas inéluctable.   

    Il s'agit de comprendre le système et ne pas chercher à le changer. C'est impossible.

    Il s'agit de s'en extraire.

    Spirituellement. 

    Le reste suivra. 

  • Pour un catastrophisme éclairé

    Il ne faudra pas dire que nous ne savions pas.

    Il faudra juste reconnaître que nous ne voulions pas comprendre ce que nous savions.

    Pour un catastrophisme éclairé par Dupuy
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    EAN : 9782020660464
    224 pages

    Seuil (16/04/2004)

    4/5   15 notes

    Résumé :

    Le temps est venu de mener une réflexion sur le destin apocalyptique l’humanité : nous avons en effet acquis la certitude que l’humanité était devenue capable de s’anéantir elle-même, soit directement par les armes de destruction massive, soit indirectement par l’altération des conditions nécessaires à sa survie. Le pire n’est plus à venir mais déjà advenu, et ce que nous considérions comme impossible est désormais certain. Et pourtant nous refusons de croire à la réalité du danger, même si nous en constatons tous les jours la présence. Face à cette situation inédite, la théorie du risque ne suffit plus : c’est à l’inévitabilité de la catastrophe et non à sa simple possibilité que nous devons désormais nous confronter.

     

    "Ce n'est pas l'incertitude, scientifique ou non, qui est l'obstacle, c'est l'impossibilité de croire que le pire va arriver. [...]

    La peur de la catastrophe n'a aucune force dissuasive. [...]

    David Fleming construit un "principe inverse d'évaluation des risques" : la propension d'une communauté à reconnaître l'existence d'un risque serait déterminée par l'idée qu'elle se fait de l'existence de solutions. [...]

    Tout nous porte à penser que nous ne pouvons étendre indéfiniment, ni dans le temps, ni dans l'espace, le mode de développement qui est actuellement le nôtre. Mais remettre en cause ce que nous avons appris à assimiler au progrès aurait des répercussions si phénoménales que nous ne croyons pas ce que nous savons pourtant être le cas. [...]

    On ne croit à l'éventualité de la catastrophe qu'une fois celle-ci advenue, telle est la donnée de base. On ne réagit qu'à son actualité, donc trop tard" (in Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, 2002, p. 141-145, 163-165)

  • Sur la route de Jarwal

     

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    Aujourd'hui, 12 mars 2024, j'ai signé le contrat avec les éditions du 38 pour le tome 1 de JARWAL LE LUTIN.

    Le huitième roman publié.

    Mais quand on n'est pas auteur, a-t-on réellement conscience du parcours d'un roman ?

    Première étape : l'idée. D'où vient-elle ? A-t-elle un point de départ précis, un évènement, une situation particulière où nait-elle après une longue gestation dans le mystère fécond d'une matrice cérébrale ? 

    Deuxième étape : il faut nourrir l'idée, l'alimenter, en prendre soin, la câjoler, l'encourager, la motiver, lui donner confiance. Il arrivera inévitablement des moments de doute, des impressions pénibles, l'idée entêtante d'une impasse. C'est là qu'il faudra garder à l'esprit que si cette idée est là, c'est qu'elle a pensé que vous étiez la bonne personne pour elle, que c'est avec vous qu'elle peut tracer sa route.

    Troisième étape : écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écouter ce qui se tient caché, au plus profond et qui ne demande qu'à émerger, écrire, râturer, recommencer, corriger, modifier, écrire, penser, rêver.

    Quatrième étape : lorsque les rêves deviennent récurrents, c'est que l'histoire ne vous quittera plus, elle est en vous, elle se nourrit de vous, elle vous appartient, à moins que ça soit l'inverse.

    Cinquième étape : ne pas oublier que l'histoire a besoin de phases de repos, ne pas oublier que la précipitation n'est pas de mise, qu'il est nécessaire d'accorder des périodes de paix aux personnages, qu'il n'est pas bon qu'ils soient toujours sur le grill. Ne pas oublier pour autant qu'il serait irrespectueux de les délaisser au-delà du raisonnable. Ils pourraient vous en vouloir. Leur existence est encore incertaine, ils ne sont pas pleinement constitués, ils guettent la fin de l'histoire comme une délivrance. Eux aussi, ils connaissent l'impatience.

    Sixième étape : poser le point final et s'éloigner. Plusieurs jours, semaines, mois, peu importe. Il faut prendre soin de soi aussi. Plus rien ne disparaîtra désormais. Tout est là. Les personnages sont emplis de la matière que vous leur avez insufflée. Ils ne peuvent plus être dilués dans le néant d'où ils sont sortis.

    Septième étape : relire, relire l'histoire, une première fois, juste l'histoire, d'une traite, comme si vous étiez dans une salle de cinéma. Il faut que ce livre soit un film et que pas un instant, vous ne vouliez le quitter. Relire une deuxième fois en vous appliquant à corriger la langue, c'est une traque que vous devez mener, le fusil effaceur à la main, et vous montrer sans pitié. Si votre lecture est ralentie par une tournure, c'est qu'elle n'est pas bonne et qu'elle doit disparaître. Tout doit être fluide, ou heurtée si tel était l'objectif, léger ou pesant, poétique ou grossier, romantique ou assassin, si le sang doit couler il doit se voir, si l'amour doit jaillir, il doit vous enflammer, si la peur est nécessaire, tourner la page doit se faire le souffle haché, si la beauté du monde est appelée, c'est un hymne qui doit retentir.

    Chaque phrase a un sens, un but, une visée, un horizon, une présence. Ou alors, il faut la reprendre.

    Oui, ce travail sera long, peut-être même aussi long que l'écriture du livre. Peut-être même davantage.

    Au total, l'écriture de ce livre vous aura pris un an, deux, trois, ou peut-être six mois et peut-être moins. Il n'y a pas de règles, pas de cadre, pas de frontières, c'est une terra incognita et vous êtes l'explorateur.

    Huitème étape : l'envoi à l'éditeur est un moment particulier. Celui où vous allez partager cette histoire avec la personne qui sera susceptible d'en faire un livre. Vous avez écrit une histoire mais elle pourrait rester en l'état. La suite ne vous appartient déjà plus. Vous entrez dans l'attente. Longue et incertaine. Si vous avez bâti cette histoire avec en tête l'idée qu'elle deviendra un livre, vous avez construit vous-même l'ampleur d'une éventuelle désillusion et pendant l'écriture, vous avez inséré dans l'histoire elle-même une menace. Il faut écrire pour écrire et rien d'autre. La suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas. C'est une idée qui ne doit pas vous quitter. La réponse négative, vous l'avez déjà. Des milliers de réponses négatives sont envoyées par les éditeurs. Parfois, c'est un oui.

    Il ne s'agit même pas d'espérer quoi que ce soit. L'espoir n'est que le ferment de la désillusion.

    Neuvième étape : un jour, vous revevez un mail de l'éditeur. Le comité de lecture a retenu votre roman. Là, vous pouvez être heureux et fier du travail accompli. L'histoire entre dans le domaine de la littérature, dans cet espace gigantesque qui remonte à l'aube de l'humanité. Les peintures de Lascaux racontaient des histoires.

    Dixième étape : l'éditeur vous propose une couverture, vous lui donnez votre avis, le projet prend forme, les idées se rejoignent, le graphisme s'affine puis la dernière mouture est retenue, l'éditeur vous demande d'écrire une quatrième de couverture, de son côté il s'applique à corriger les dernières erreurs orthographiques, celles que vous n'avez pas vues parce que vous connaissez votre texte par coeur, que vous n'arriviez plus à le lire mais seulement à le réciter et que vous ne pouviez pas voir le s qui manque, l'accord d'un participe passé, une virgule oubliée...

    Onzième étape : un jour vous recevez un colis, vous l'ouvrez, vous sortez un exemplaire. Il est là. Votre livre. L'émotion est immense. Mais il faut comprendre alors que ça ne doit pas rester votre livre mais devenir le livre des lecteurs et lectrices, le livre de tous les gens qui seront attirés par la couverture et le résumé. Ces gens devront payer ce livre et c'est un geste fort parce qu'un livre n'est pas un élément vital. C'est un luxe. Des millions de personnes à travers le monde ne lisent pas de romans. Et ils survivent pourtant. Et il n'est pas de mon ressort de dire s'ils ont tort ou raison. Peut-être que leurs conditions de vie sont trop rudes pour se payer ce luxe de lire, peut-être que leurs intérêts sont ailleurs, peut-être qu'ils ont été trop souvent déçus, peut-être que l'école les a dégoûtés de la lecture. Ils sont nombreux dans ce cas-là, d'ailleurs.

    Douzième étape : par reconnaissance envers votre éditeur, vous vous appliquez à faire connaître ce livre, vous le présentez, vous l'accompagnez au mieux sur la route.

    Treizième étape :  la suite ne vous appartient plus.

    Et puis vient ce jour étrange où une nouvelle idée émerge...

     

  • "Le chemin des neuf mondes"

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    Comme l'écrivent les lecteurs et lectrices, ce livre est essentiel.

    Les Kogis devraient être référencés parmi les lanceurs d'alerte. Mais quand on sait que la plupart des scientifiques les plus compétents et objectifs ne sont pas écoutés, ni par les dirigeants, ni par la majeure partie de la population mondiale, comment espérer que des "sauvages" le soient...

    Pour ma part, je pense que je connais ce livre par coeur, pour une raison simple, il se lit avec le coeur avant l'intellect.

     

     

    Le chemin des neuf mondes

     

     

    infosCritiques (7)Citations (6) Forum

    Le chemin des neuf mondes par Julien
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    EAN : 9782226128072
    289 pages

    Albin Michel (02/11/2001)

    4.05/5   19 notes

    Résumé :

    Géographe et alpiniste,Éric Julien a découvert la Colombie en 1985. Il rencontre les Kogis dans des circonstances exceptionnelles. Victime d'un oedème pulmonaire, le jeune homme est soigné par cette peuplade avec des plantes et des savoirs d'un autre temps. De retour à Paris, il apprendra que ces Indiens sont les derniers héritiers des grandes cultures pré-colombiennes du continent sud-américain.
    Dix ans plus tard, après de multiples difficultés, Eric Julien rejoint, confinée dans de secrètes montagnes, une société qui a su préserver ses rapports avec la nature. En 1997, il crée l'association Tchendukua, qui depuis la France, rachète et restitue leurs terres aux Kogis. En échange, il reçoit leur philosophie, qui révèle une connaissance intime des écosystèmes. Un message dont le monde moderne a besoin.

     

     

     

    Alexbeauregard

     

    Alexbeauregard

    03 novembre 2022

    Un véritable coup de coeur! Ce livre m'a touché jusqu'au plus profond de mon âme.

    Les Kogis vivent en harmonie avec la nature, avec notre terre mère. Ils ont mit des mots sur ce que l'humain a fait et nous accusent avec raison de tout détruire. Une belle claque en plein visage et une certaine honte aussi, de vivre dans cette société irrespectueuse de la nature. Nous avons oublié que nous sommes la nature et avons cru être supérieur.

    J'ai été choqué par certains propos plein de vérité. J'ai été touché par cette ouverture d'esprit et cette vision des choses magnifiques. J'ai aimé suivre l'aventure de Éric Julien qui ne savait absolument pas ce qu'il allait trouver dans ces montagnes.

    Ce livre restera cher à mon coeur.


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    Laissepastrainertonlivre

    Laissepastrai...

    27 juin 2018

    Mon avis :

    Ce livre a été écrit en 2001 et ce qui m'a vraiment frappée c'est le message d'urgence écologique qui en découlait déjà à l'époque.

    On découvre dans ce livre une civilisation très méconnue : Les kogis.
    Ceux-ci sont issus des Tayronas qui furent exterminés au 16éme siècle par les conquistadors européens à peine sortis du moyen-âge.
    Ils vont donc se réfugier suite au massacre dans la montagne de la Sierra Nevada afin de se couper totalement du monde.
    Cette montagne est située en Colombie du nord à 6000 mètres d'altitude et se trouve être la plus haute du monde en bordure de mer.

    Les kogis un peuple d'une grande sagesse
    Le livre est touchant de par l'humilité de son auteur.
    On y apprend comment vivent les kogis avec une morale élevée, une organisation sociale et politique au sein de leur tribu et surtout une connaissance élevée du milieu naturel.
    Ils ritualisent beaucoup , font des offrandes pour protéger les forêts, lacs, montagnes ..
    Pour eux la terre est un grand corps humain qu'il faut soigner et préserver.

    Les kogis font partie des derniers gardiens de la terre dits également peuple racine.
    Il en reste environ 15 000 au nord de la Colombie.
    Leurs sages , appelés « mamus » disent que nous sommes en danger et que les faits sont déjà avérés ( de plus en plus de maladie apparaissent , phénomènes climatiques, extinctions de certaines espèces etc ).

    La formation de leurs « mamus » s'effectue exclusivement dans l'obscurité et dure entre 9 à 18 ans. Ils accèdent alors à un niveau de conscience hautement élevé.

    Eric Julien les as rencontré par hasard car il fut victime d'un oedème pulmonaire lors d'une expédition.
    Il sera sauvé in extremis par les kogis et ne les oubliera jamais.

    Un jour il finit par tout plaquer et part de nouveau à leur rencontre. Une relation de confiance s'instaurera au fil des années. Les kogis sont vulnérables et nous évitent nous « les petits frères » le plus possible.
    On devine au fil des pages tout le chemin initiatique de l'auteur.

    Au travers de conférences, de rencontres organisées Eric Julien révèlent au grand public l'existence de ces descendants de civilations anciennes de plus de 4000 ans, il va récolter des dons et rendre aux kogis plus de 2000 hectares de terre.

    La tâche ne fut pas aisée car de nos jours les kogis sont tolérés en Colombie mais pas pour autant acceptés.
    Peu de notaires acceptent d'établir des documents pour cette tribu.

    Un livre écrit il y a 17 ans mais toujours d'actualité
    Ce livre est d'une écriture simple , humble et bien réelle. Une véritable prise de conscience sur l'absurdité du monde moderne.
    Avant de le lire je n'avais aucune idée que des indiens vivaient encore de manière ancestrale en Colombie.
    Le livre permet de revenir à l'essentiel également , se rappeler d' être plus responsable quant à nos modes de vie .

    Il est triste également de savoir qu'un peuple aussi sage soit aussi peu considéré de nos jours.

    Je recommande vivement le chemin des neufs mondes d'Eric Julien car il nous apprend des bribes d'histoire d'hier et d'aujourd'hui et surtout rend un magnifique hommage aux indiens kogis !
    Lien : https://laissepastrainertonl..


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    Acidus

    Acidus

    18 juin 2022

    « Le chemin des neuf mondes » est la rencontre entre le français Éric Julien et le peuple des Kogis situé dans une Sierra colombienne.


    Dans ce livre, l'auteur nous raconte ses contacts avec cette tribu sud-américaine et son double combat pour le rachat de terres au bénéfices des indiens et la transmission de leur spiritualité, portée sur le respect de la nature, auprès des occidentaux. Éric Julien réserve d'ailleurs de nombreuses pages à nous expliquer leur vision du monde et de la vie afin que l'Homme s'en inspire et arrête de détruire la planète sur laquelle il vit.


    Lecture instructive qui m'a permis de faire connaissance avec ce peuple indigène. L'approche étant plus celle d'un témoignage et d'un récit que d'un essai sur la spiritualité de ce peuple, j'admets n'en avoir retirer aucun enseignement, ni profonde réflexion en ce domaine.


    Un bon livre toutefois qui a le mérite de placer sous les projecteurs un de ces rares peuples peu touchés par la modernité et conservant ses traditions ancestrales ainsi que d'alerter (s'il est encore nécessaire) sur les dangers de la domestication de la nature par l'Homme.


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    Meryammout

    Meryammout

    09 février 2018

    Ce livre est une véritable prise de conscience. Il nous permet de voyager dans la Sierra Nevada où nous rencontrons les Kogis, qui nous apprennent une autre façon de voir le monde dans lequel nous vivons. Par leurs enseignements, j'ai ressenti comme une gêne en lisant les conséquences de notre civilisation dite ''moderne''. Préparez-vous à apprendre une leçon d'humilité, de respect envers la nature, et préparez-vous à vouloir guérir la Terre des souffrances que nous lui infligeons.

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    lehibook

    lehibook

    03 janvier 2022

    Ce livre est d'abord un récit de voyage et un témoignage , celui de l'auteur qui , gravement malade , lors d'une expédition en Colombie est soigné au sein d'une tribu indienne , les Kogis, dont la culture est l'héritage des grandes civilisations pré-colombienne . Dans un deuxième temps Eric Julien , développe ce qu'il a appris auprès d'eux , particulièrement en ce qui concerne les liens de l'homme et de la nature . Il met en évidence l'actualité de ce point de vue . Intéressant.

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    Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation

    terrevive

    terrevive

    10 mai 2010

    L'interrelation, l'interdépendance lient les connaissances conceptuelles et expérimentales, coeur, conscience et esprit, hommes, nature et objets. Tout est équilibre entre un ensemble de composantes vivantes qui ont chacune un rôle et une fonction. L'ensemble ne fonctionne que parce que chacune des parties est reliée aux autres et remplit au mieux son rôle. D'après les Kogis, c'est parce que nous avons oublié cette règle élémentaire que nous provoquons de nombreuses ruptures qui menacent l' équilibre de la planète. "Ce qui compte dans la vie, et c'est si évident que l'on s'étonne que cela ne soit pas plus souvent dit, ce sont les relations entre les objets, et non les objets eux-mêmes."

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    Danieljean

    Danieljean

    03 janvier 2019

    On a longtemps dit que les sociétés amérindiennes étaient des sociétés sans écriture, signe de leur faible niveau de développement. Mais pour nombre d'entre elles, écrire, c'est risquer de perdre la mémoire, de s'éloigner de l'expérience qui fait sens. Ils ont préféré investir dans la tradition orale et le symbole, cette autre écriture qui, au delà des mots, touche le physique, l'inconscient et le mental. Cette écriture qui relie à l'essence du monde.

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    Meryammout

    Meryammout

    09 février 2018

    Pour eux, la nature n'est pas belle, harmonieuse en soi, c'est un univers d'épreuves où l'homme doit apprendre à cheminer entre le jour et la nuit, entre la droite et la gauche, entre le bien et le mal.

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    Ludivine

    Ludivine

    26 janvier 2014

    Il est temps de penser à des choses essentielles. Il faut commencer par penser que la terre c'est la vie. Si nous ne construisons qu'un monde artificiel, la terre va mourir. Si elle meurt, alors nous allons tous mourir, car la terre c'est la mère, c'est la vie.

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    lehibook

    lehibook

    03 janvier 2022

    Or qui sont les plus grands "écosophes" si ce n'est ces peuples dont le fonctionnement économique et politique semble directement s'inspirer d'un lien, d'une relation jamais interrompue avec le monde du vivant? Bien sûr ilne s'agit pas de devenir indien , mais sans doute de réinventer , réincarner ces principes de vie au sein de nos sociétés contemporaines.

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    Videos de Eric Julien (8) Voir plusAjouter une vidéo

    Vidéo de Eric Julien

    Le CERA a invité Eric Julien pour parler des indiens Kogis : Les gardiens de la planète.
    Eric Julien, géographe (DEA) et diplômé en Sciences Politiques, a complété son parcours par une Maîtrise des Sciences et Techniques de la Communication (MSTC) et un DESS Informatique et Systèmes Multimédias.
    En 1997, il a créé le réseau « Nouveaux territoires », associations de consultants spécialisés dans l’ingénierie du changement et la création de nouveaux paradigmes.
    Eric Julien, également accompagnateur de montagne, fut sauvé d’un oedème pulmonaire par les Indiens Kogis à plus de 5000 mètres d’altitude alors qu’il découvrait leur territoire au cœur de la Colombie.
    Il y reviendra des années plus tard et oeuvre désormais à plein temps pour faire connaître la cause des Kogis en fondant une ONG, Tchendukua – Ici et Ailleurs, spécialisée dans l’accompagnement des peuples « racines » et la préservation / reconstitution de la Biodiversité, plus particulièrement en Amérique du Sud Soutenue, entre autre, par Pierre Richard et Edgar Morin, l’association a racheté et rendu aux Kogis près de 2000 hectares de Terre.

  • THÈME : Les Kogis (17)

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    Peuple de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, les Kogis ou Kagba sont les descendants des Tayronas, une des plus grandes sociétés précolombiennes du continent sud-américain et surtout une des plus anciennes : leur histoire pourrait remonter à plus de 12000 ans.

    Ces 25 000 hommes et femmes mènent aujourd’hui une existence simple et spirituelle, respectueuse de la Terre qui leur a donné naissance. Accueillant très peu d’étrangers, ils se sont pourtant donné la mission de transmettre leurs savoirs ancestraux aux hommes «civilisés» afin qu’ils puissent renouer avec l’harmonie du monde.

    Pour les kogis, le territoire est considéré comme un «corps» territorial, reflet du fonctionnement des constellations autant que celui du corps humain. Où vivent-ils ? Quelle est leur «vision» du territoire ? Que nous apprennent les sagesses et cultures amérindiennes ?

     

    Le 17 ème regroupement d'articles.

    Les Kogis (1)

    Les Kogis (2)

    Les Kogis. (3)

    Les Kogis (4)

    Les Kogis (5)

    Les Kogis (6)

    Les Kogis (7)

    les Kogis : Le message des derniers Hommes

    Les Kogis de Colombie

    Les Kogis et la Nature

    "Ce que les Kogis ont à nous dire"

    Eric Julien et les Kogis

    L'enseignement des Kogis

    Spiritualité des Kogis

    Un livre pour les Kogis

    Le savoir des Kogis

    Thomas Pesquet chez les Kogis

    "Le chemin des neuf mondes"

     

    Les Indiens Kogis ont une place importante dans certains de mes romans et notamment dans les histoires de Jarwal le lutin.

    Jarwal et les Kogis

    Jarwal et les Kogis : Kalén

    Jarwal et les Kogis : la réalité et le Réel

    Jarwal et les Kogis : les Conquistadors

    Jarwal et les Maruamaquas

    Jarwal le lutin :"L'arbre de vie"

     

    On retrouve les Indiens Kogis dans la quadrilogie en cours d'écriture.

    Dans le tome 1 "LES HEROS SONT TOUS MORTS"

     

    LES HEROS SONT TOUS MORTS : Figueras, un personnage majeur

     

    Puis dans les trois tomes suivants...

     

     

     

  • "Le gang de la clé à molette"

    Le gang de la clef à molette (Ne meurs pas, ô mon désert) par Abbey
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    Lire un extrait

    Le gang de la clef à molette tome 1 sur 2

    EAN : 9782351785690
    491 pages

    Gallmeister (03/10/2016)

    3.96/5   879 notes

    Résumé :

    Révoltés de voir la somptueuse nature de l'Ouest américain défigurée par les industriels, quatre insoumis décident d'entrer en lutte contre la « Machine ». Un vétéran du Vietnam accro à la bière et aux armes à feu, un chirurgien incendiaire entre deux âges, sa superbe maîtresse et un mormon nostalgique et polygame se mettent à détruire ponts, routes et voies ferrées qui balafrent le paysage. Armés de simples clefs à molette - et de quelques bâtons de dynamite - ils affrontent les représentants de l'ordre et de la morale dans une folle course-poursuite à travers le désert.
    Traduit de l'américain par Jacques Mailhos
    Un chef-d’œuvre où rage se marie au rire.
    LES INROCKUPTIBLES

     

    Les mêmes métodes appliquées aujourd'hui.

    « Les écoterroristes les plus stupides du monde » : c’est ainsi que le business man états-unien Elon Musk a réagi à l’acte de sabotage qui a visé la gigafactory de Tesla en Allemagne mercredi 6 mars.

    C'est  le terme "d'écoterrorisme" qui me fait bondir. S'attaquer à une industrie terriblement néfaste pour la planète est désormais un acte terroriste. Si des gens pensent encore que les véhicules électriques permettront de stopper ou de ralentir le réchauffement climatique, que c'est une industrie verte et vertueuse, c'est par manque de connaissances. Je n'ai même pas envie de développer. En cherchant cinq minutes, tout est expliqué sur le net.

    Le terrorisme industriel, lui, est une réalité. Et là aussi, les exemples regorgent.

    Cette dialectique d'écoterrorisme n'est pas innocente. Elle frappe les esprits, volontairement parce que le terme de terrorisme est connu de tous.

     

    La voiture électrique cause une énorme pollution minière

     

    https://reporterre.net/La-voiture-electrique-cause-une-enorme-pollution-miniere

    La voiture électrique cause une énorme pollution minière

    [VOLET 2/3] — Grosse émettrice de gaz à effet de serre, la construction des voitures électriques consomme aussi une très grande quantité de métaux. Lithium, aluminium, cuivre, cobalt… le boom annoncé de la production de « véhicules propres » réjouit le secteur minier, l’un des plus pollueurs au monde, et promet un enfer aux populations des régions riches de ces matières premières.

    Cet article est le deuxième d’une enquête en trois volets que nous consacrons à la voiture électrique. Le premier volet, sur les émissions de gaz à effet de serre : « Non, la voiture électrique n’est pas écologique ».

    « Comment justifier de détruire des territoires comme le bassin des Salinas Grandes et la lagune de Guayatayoc, occupés par quelque 7.000 habitants, 33 communautés autochtones et ethniques, et tout un mode de vie fondé sur la coresponsabilité et la démocratie directe, comment donc justifier cette destruction au nom de la lutte contre la pollution de l’air dans des villes, une contamination à laquelle ces communautés n’ont pris aucune part ? » Interrogé sur l’exploitation du lithium, telle est la question que nous renvoie Roger Moreau, ancien militant du Larzac, installé depuis quelques décennies dans la province de Jujuy, dans le nord de l’Argentine, à l’épicentre de la ruée sur le lithium provoquée par le déploiement programmé des véhicules électriques.

    Ici, les communautés qollas vivent sobrement de l’élevage de lamas et de brebis, d’extraction artisanale de sel, d’artisanat et du tourisme. Sur ces hauts-plateaux des Andes, à plus de 3.000 mètres d’altitude, l’entreprise canadienne LCS s’apprête à exploiter près de 180.000 hectares de lagunes et de salars, ces lacs de sels asséchés dont on extrait le lithium contenu dans les batteries d’ordinateur, de téléphone et de voitures électriques. Une batterie de Renault Zoe peut contenir 8 kg de lithium, une Tesla 15 kg (contre 300 g pour un vélo électrique).

    « Tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes » 

    Bien qu’elles n’aient pas toutes de titre formel de propriété, les communautés locales sont en théories souveraines sur ces terres ancestrales collectives, et se prévalent des droits des peuples autochtones reconnus par l’Organisation internationale du travail (OIT) et par les Nations unies imposant le « consentement libre » des habitants avant tout projet. En 2019, après une série de pétitions, quelque trois cents personnes ont procédé à l’expulsion d’une équipe de forage venue commencer les travaux d’exploration. Les blocages routiers se sont succédé pour informer la population. « Au lieu de remettre en question un mode de développement responsable de nombreuses crises contemporaines et de désastres annoncés qui augmentent à vue d’œil », déclare l’Assemblée des communautés autochtones du peuple qolla de Salinas dans son prospectus sur le lithium, « tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes. L’extraction de lithium dans les salars est une catastrophe écologique, et non un simple désagrément qu’on pourrait compenser par des dons aux communautés ».

    Chemetall Foote Lithium Operation, dans la Clayton Valley, à l’est de Silver Peak (Nevada), est l’unique mine de lithium des États-Unis d’Amérique.

    Dans ces régions parmi les plus arides au monde, les mines de lithium évaporent à grande allure les rares ressources en eau. Sur le site d’Atacama, au Chili, les miniers prélèvent près de 200 millions de litres par jour. Le pompage de la saumure du sous-sol riche en lithium crée un vide qui fait migrer vers les profondeurs l’eau douce disponible. « Cette double perte d’eau abaisse le niveau de la nappe phréatique, assèche le sol et la végétation au détriment des animaux, des cultures et des gens », expliquent les Qollas. À quoi s’ajoutent les traitements au chlore et la dispersion dans les eaux des déchets de pompage mêlés à des solvants, qui détruisent des micro-organismes dont on ne sait pas grand-chose, sinon qu’ils sont les organismes vivants les plus anciens de la planète [1]. Or toutes les mines actuellement en production annoncent un doublement ou un triplement de leurs activités pour se positionner sur le marché du lithium, dont la demande pourrait croître de 18 % par an d’ici à 2025 [2].

    Transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles

    Le cas du lithium est emblématique du principe de la transition écologique, telle que le décrit la Banque mondiale dans un rapport de 2017 [3]. Pour nous assurer un avenir « bas carbone », il n’est manifestement pas question de revoir à la baisse le mode de vie des pays riches : tout l’enjeu va consister à transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles (charbon et pétrole). Compte tenu des technologies déployées — photovoltaïque, éoliennes, numérique et réseaux, véhicules électriques —, certains métaux sont particulièrement cruciaux : cuivre, argent, aluminium, nickel, terres rares… Et tout le paradoxe de la voiture électrique, deux fois plus polluante à produire que la voiture thermique, est contenu dans cette synthèse : « Les technologies qui pourraient permettre le passage à une énergie propre s’avèrent en réalité PLUS intensives en matériaux dans leur composition que les systèmes actuels fondés sur les énergies fossiles. (…) Pour le dire simplement, un avenir fondé sur les technologies vertes exige beaucoup de matières premières qui, si elles ne sont pas correctement gérées, pourraient empêcher les pays producteurs d’atteindre leurs objectifs en matière de climat et de développement durable. » En d’autres termes, les technologies vertes ne sont pas vertes, en grande partie parce qu’elles reposent sur l’industrie minière, réputée la plus polluante au monde [4].

    Par exemple, pour compenser le poids des batteries des véhicules électriques, qui, s’il n’était pas contrebalancé, les rendrait trop énergivores, les constructeurs ont augmenté la part d’aluminium dans les carrosseries, jantes, boîtes de vitesse. Mais alors qu’une voiture particulière, dans l’Union européenne, contient déjà aujourd’hui en moyenne 179 kg d’aluminium, l’Audi e-tron, un SUV électrique, en enferme 804 kg ! Or la production d’aluminium consomme trois fois plus d’énergie que celle de l’acier, et que cette production est très émettrice de gaz à effet de serre (CO2 et perfluorocarbonés) [5]

    Et pas seulement. Aurore Stéphant, ingénieur géologue minier pour l’association Systext, qui vient de lancer un programme de recherche sur les conséquences environnementales des « métaux de la transition », explique : « Pour obtenir de l’aluminium, la première étape est de mettre la bauxite en solution avec de la soude. On chauffe ensuite le précipité à 1.200 °C. Ce traitement est à l’origine de gigantesques digues de résidus : ces barrages, qui retiennent les déchets miniers liquides au creux des vallées, stockent donc l’équivalent des bidons de soude qu’on utilise pour déboucher les toilettes, mais à des concentrations encore supérieures. C’est ce qu’on appelle les “boues rouges”. Comme les autres digues de résidus miniers, elles cèdent régulièrement, avec des conséquences inimaginables. » En octobre 2010, sur le site de production d’aluminium d’Ajka, près de Kolontar, un barrage a rompu, provoquant la plus grave catastrophe de l’histoire de la Hongrie : un raz-de-marée de plus d’un million de mètres cubes de résidus a déferlé sur sept villages, un millier d’hectares de sols et 10 millions de m³ d’eau ont été contaminés, dix personnes sont mortes et près de 300 ont été grièvement brûlées à la soude. Au cours des dix dernières années, dans le monde, pas moins de quatre accidents de ce type se sont produits dans des mines de bauxite [6].

    Image satellite du trajet de la coulée de boue du 4 octobre 2010 après la rupture de la digue de l’usine d’aluminium d’Ajka, en Hongrie.

    200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour » 

    Pour électrifier les véhicules, il faut aussi du cuivre. Il y en a quatre fois plus dans une voiture électrique (environ 90 kg) que dans une voiture à essence, sans compter l’infrastructure de recharge — une prise pouvant alimenter 120 véhicules en contient près de 100 kg [7]. Le problème du cuivre, c’est qu’on le trouve naturellement associé à de nombreux métaux, dont une bonne partie sont très toxiques, comme l’arsenic, le plomb ou le cadmium. Exploiter du cuivre implique donc de disperser ces autres métaux dans la nature sous forme de vapeurs, d’émissions de particules ou par le ruissellement des résidus. À ce problème s’ajoute le fait que les teneurs en cuivre, c’est-à-dire la quantité présente dans la roche, ont énormément baissé du fait de la surexploitation des gisements : rien qu’entre 1990 et 2008, elles ont été divisées par deux. Il faut donc extraire et traiter chimiquement des volumes toujours plus importants de roche pour l’extraire. Ainsi, les mines de cuivre accumulent des volumes toujours plus gigantesques de déchets, ce qui augmente d’autant les pollutions et le risque de rupture de digues chargées de boues toxiques, etc. Pour avoir une idée de l’ampleur de la production existante et des problèmes qu’elle pose déjà, il faut penser qu’on produit aujourd’hui, avant le boom des véhicules électriques, trois cents fois plus de cuivre que dans les années 1960 [8].

    Outre le lithium, les batteries contiennent des cathodes de cobalt, dont plus de la moitié provient du Congo-Kinshasa, où il est exploité conjointement avec le cuivre. Depuis plusieurs années, le fameux « métal bleu » a été placé sous le feu des projecteurs par les ONG : une partie du minerai est extrait par quelque 200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour », et revendu à des firmes chinoises qui assurent la majorité de l’affinage [9]. Fin 2019, à la suite de la mort de quatorze enfants, l’International Rights Advocates, à Washington, déposait une plainte visant plusieurs entreprises dont Apple, Alphabet (Google) et Tesla. Face à cette situation connue depuis plus d’une dizaine d’années, mais aussi à la suite du relèvement de la taxe sur l’extraction par le gouvernement congolais (passée de 3,5 à 10 %), les constructeurs tentent de diminuer la quantité de cobalt dans les batteries.

    Pour en utiliser moins, Renault a ainsi choisi une technologie NMC (lithium-nickel-manganèse-cobalt) contenant moins de cobalt, mais très dépendante du lithium, du nickel et du manganèse. Mais, là encore, le problème est moins résolu que déplacé. Les approvisionnements sont sécurisés par le fait que le nickel provient de Nouvelle-Calédonie, colonie française et le manganèse du Gabon, ancienne colonie française, où il est exploité par Eramet depuis les années 1960. En revanche, l’extraction du manganèse a provoqué dans la région du Haut-Ogooué, dans l’est du Gabon, une situation sanitaire catastrophique. Dans un mémoire en gestion durable des mines réalisé pour l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, Grâce Mélina Mengue Edoh Afiyo nous la décrit : « Depuis le début de l’exploitation à Moanda en 1962, tous les déchets miniers de l’exploitation du manganèse ont été rejetés dans la rivière Moulili par le fait du ruissellement des eaux de pluie. Ces déchets représentent une quantité absolument colossale, des millions de tonnes accumulées année après année dans cette rivière. (…) L’envasement de la Moulili a engendré la disparition totale de toute vie aquatique dans ce milieu. En effet, les poissons qui selon les populations y étaient abondants ont laissé place à une vaste étendue d’eau boueuse et nauséabonde [10]. » Les eaux de surface seraient polluées à l’acide sulfurique, au cyanure, au mercure et à l’arsenic, mais une partie de la population n’a d’autre choix que de continuer à les utiliser pour le trempage du manioc. Si Eramet a commencé à contenir ses résidus miniers dans des digues à partir de 2006, les boues toxiques continuent à ruisseler lors des fortes pluies et s’infiltrent dans les sols, faute de membranes au fond de certains bassins. Du fait de la déforestation, « il faut aujourd’hui faire plus de dix kilomètres pour aller chasser », constate l’auteure, et les quantités d’eau pompées « arrivent même à assécher des puits et des sources ». Qu’en sera-t-il après le boom des véhicules électriques ?

    « Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas » 

    Faut-il s’inquiéter des effets de cette demande croissante en métaux, qui, selon la Banque mondiale pourrait augmenter de 1.000 % pour les batteries électriques [11] ? Aucunement, assure le ministère de la Transition écologique sur un petit schéma destiné à inciter le grand public à acheter une voiture électrique, car « 80 % des batteries sont recyclables ». Les mots sont importants, et cette formulation ne doit rien au hasard : recyclables ne signifie pas recyclées. La directive européenne de 2006, en cours de révision, impose le recyclage de 50 % de la masse de la batterie. « Nous allons jusqu’à 70 % », assure Alain Le Gougenc, porte-parole du groupe PSA. Mais, sur une batterie de 300 à 600 kg contenant une bonne quantité d’acier et de plastique, les métaux les plus polluants sont-ils recyclés ? En tout cas, pas le lithium, trop peu cher à l’achat : « Les compagnies minières ont une politique de surproduction qui fait baisser le coût des matières premières, explique Alma Dufour, des Amis de la Terre. L’État pourrait imposer le recyclage du lithium, pourquoi ne le fait-il pas ? » « Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas, constate Olga Kergaravat, ingénieure spécialiste des batteries à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). D’autant plus que, du fait du contexte concurrentiel très tendu entre fabricants, elles sont toutes différentes. Ce serait déjà plus imaginable si elles étaient standardisées… »

    Faute de modèle économique pour le recyclage des métaux, qui nécessite en outre des techniques intensives et polluantes comme l’hydrométallurgie et la pyrométallurgie, la Société nouvelle d’affinage des métaux (Snam), en Aveyron, s’oriente vers le réemploi des batteries pour stocker de l’énergie, par exemple pour lisser les apports intermittents des énergies renouvelables. À ce jour, le projet n’est que timidement engagé, et pourtant, depuis des années, les analyses quantifiant les effets globaux des véhicules électriques sont d’autant plus optimistes qu’elles comptabilisent ces économies d’énergie dans leurs bilans. « Les VE (véhicules électriques) et leurs bornes de recharge peuvent par exemple être un maillon dans l’introduction des énergies renouvelables, le stockage stationnaire de l’énergie ou permettre des expérimentations avec des bâtiments à énergie positive, voire à l’échelle de quartiers », anticipe l’Ademe [12]. La perspective de ce « cercle vertueux » entre smart grids, compteurs communiquants et électromobilité a grandement contribué à la réputation de viabilité écologique des voitures électriques, de même que la promesse d’une « mobilité du futur » dans laquelle elles entreraient en synergie avec les plateformes d’autopartage en ligne et les véhicules autonomes. Le véhicule électrique et ses promesses sont en réalité fondées sur un programme plus général de numérisation des réseaux et des transports, qui seraient optimisés, comme par une « main invisible », par l’intelligence artificielle et le big data. C’est un projet de société qui se dessine. Et il est polluant.

    Retrouvez le troisième et dernier volet de notre enquête

    « Derrière la voiture électrique, l’empire des Gafam ».

     

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    Après cet article

    Enquête — Énergie

    Non, la voiture électrique n’est pas écologique

    Notes

    [1] Impacto socio-ambiental de la extraccion de litio en las cuencas de las salares altoandinos del Cono Sur, Observatorio de Conflictos Mineros de América Latina, Ocmal, , août 2018, p. 28 et 45.

    [2] « En France, on n’a pas que des idées, on a aussi du lithium », L’Usine nouvelle 20/02/2019.

    [3« The Growing Role of Metals and Minerals in a Low-Carbon Future », Banque mondiale et Extractives Global Programmatic Support, 2017, p. 58. Les majuscules sont dans le texte original.

    [4] Revue Z no 12, « Trésors et Conquêtes », 2018.

    [5] L. Castaignède, Airvore ou la face obscure des transports, p. 194 ; Rapport de l’AEE, p. 16.

    [6] « Chronology of major dam failures », Wise Uranium Project.

    [7] OFI Asset Management, février 2018.

    [8] La production de cuivre en 2015 était trois cents fois plus élevée que la production moyenne sur la période 1956-1965 (Bureau des ressources gépologiques et minières, BRGM).

    [9« La face honteuse du “métal bleu” », Akram Belkaïd, Le Monde diplomatique, juillet 2020.

    [10] « Impacts de l’exploitation minière sur l’environnement et les collectivités locales dans la province du Haut-Ogooué : cas de la Comilog à Moanda (Gabon). » Mémoire de fin d’études pour l’obtention du master spécialisé, option : gestion durable des mines, 2010-2011.

    [11] Ibid., p. 58.

    [12] « Les potentiels du véhicule électrique », Les avis de l’Ademe, avril 2016, p. 10.

    Précisions

    Source : Celia Izoard pour Reporterre

    Photos :
    . chapô : Des creuseurs viennent séparer le cobalt de la roche et du sable dans un lac entre les villes congolaises de Lubumbashi et Kolwezi, en mai 2015 (© Federico Scoppa/AFP).
    . lithium :
    Wikipedia (Doc Searls/CC BY 2.0)
    . aluminium :
    Wikipedia (Jesse Allen — NASA Earth Observatory/CC0)

     

     

     

  • Sans issue

     

     

    Nous sommes les participants enthousiastes ou réfractaires d'un business planétaire et nous ne pouvons pas en sortir. Et c'est justement parce que nous n'avons plus la possibilité d'en sortir que ce business planétaire court à sa perte. Par épuisement des ressources, par une dévastation effrénée.

    Ça prendra un certain temps mais c'est inéluctable.

    Il ne nous reste qu'à nous y préparer et en fait pas grand monde, actuellement, n'a idée de ce que ça signifie. 

    L'explication est très simple.

    Le business. Nous sommes les proies du business et en même temps son moteur. Et c'est en cela que c'est effroyable. Car pour nous sauver, il faudrait que nous nous amputions de nous-mêmes tellement ce business est devenu une partie de nous.

    Il n'y a pas de solution. Nous allons donc poursuivre sur cette voie jusqu'à ce que la Nature vienne entraver le convoi.

    Le problème, c'est que ce convoi ne supporte aucunement l'entravement. Il ne sait pas ralentir, il sait encore moins s'arrêter. Il a donc décidé d'aller jusqu'au déraillement. Coûte que coûte. Persuadé que le progrès contient en lui-même la résolution aux problèmes qu'il génère.

    L'humanité vit hors sol et s'imagine que le convoi taille sa route dans une Nature qu'il domine. Ce fameux "environnement". Comme s'il y avait nous, les humains et puis le reste. Pure folie. Il n'y a qu'une réalité. C'est le Tout. Nous nous en sommes extraits, nourris par la puissance du business, nourris par le progrès.

    La Nature n'a pas besoin de nous. Elle est un Tout et elle peut se passer d'une partie. 

    Il nous reste à nous alléger, à réduire la vitesse de ce chaos en marche, à nous retirer autant que possible, non seulement pour les générations à venir mais pour nous épargner aussi, ceux tout du moins qui ont une part de conscience, de crever de honte un jour prochain car nous serons tous responsables aux yeux de nos descendants.

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    LE DESERT DES BARBARES

    CHAPITRE 46

    Figueras s'était levé au premier chant d'oiseau. Il s'était assis sur une roche moussue et il avait observé la montée de l'astre. De l'autre côté des cimes, à l'est, derrière les crêtes dentelées. L'air était frais, descendu des montagnes comme un voyageur curieux, mais il allait remonter avec la venue du maître des lieux.

    La lumière n'était encore qu'une esquisse, un placenta en croissance. Le ciel épuré avait bu tous les nuages de la veille et le bleu métallique de la nuit accueillait l'astre naissant. La lumière condensée tel un ventre rond annonçait la mise au monde. Puis vinrent les traits lumineux, des routes à suivre, des rayons écarlates lancés dans l'azur comme autant d'éclaireurs. Ils tracèrent leur chemin dans les échancrures, les cols et les versants et Figueras imagina les animaux engourdis s'étirer délicieusement.

    Des chapelets de gouttes de rosée, suspendus sur les fils des toiles d'araignée, s'illuminèrent comme autant de perles, des rêves de nuit dans l'attente du réveil. Les dentelles tendues sur les herbes drues dessinaient des étoiles.

    Plus bas, dans la vallée, au-dessus des forêts épaisses, traînaient nonchalamment des nappes de brouillard, larges marées immobiles, couvertures humides étirées comme des voiles protecteurs. Ces brumes éphémères s'évanouiraient dès les premières chaleurs et les frondaisons se gorgeraient de lumière.

    Tout était juste.

    Et Figueras s'en réjouit.

    Il avait rêvé de la Terre.

    Coulaient en elle des soifs d'apaisement. Il en avait senti le désir.

    L'hégémonie passée des hommes, leur déliquescence, l'effondrement de leur frénésie, la découverte des biens essentiels, les actes solidaires, quelques-uns, au fil des jours, au fil des drames, de plus en plus, des survivants qui organisaient les jours à venir, les uns après les autres, sans autre intention que la préservation de chacun et que chacun préserve les autres.

    Le silence des cieux, les avions cloués au sol, toutes ces flèches dorées qui cisaillaient l’atmosphère et l'empoisonnaient, toutes ces machines volantes immobilisées, tous ces moteurs éteints, toutes ces usines mortes, toutes ces exploitations figées, ces filets assassins qui raclaient les fonds marins, ces millions d'êtres vivants égorgés, éviscérés, emballés, vendus en barquettes, plus rien, plus aucune concentration de bêtes, elles étaient mortes ou enfuies, l'air des villes ne piquaient plus les gorges, plus de poubelles à trier, il n'y avait plus rien à manger, plus d'emballages, les magasins dévalisés, les routes désertes, les camions abandonnés, les pétroliers à quai, leurs citernes vides, les torchères éteintes des raffineries, les villes sombres dès la fuite du soleil, des feux de camp pour se réconforter, des étincelles fugaces de réconfort partagé.

    Le monde humain posé sur une balance à plateaux, d'un côté la fureur et de l'autre la paix. Les forces sombres ont pris le pouvoir, elles ont tout écrasé. Mais elles s'éliminent entre elles et le plateau se vide.

    La Terre montre la voie.

    Depuis longtemps, la lumière des montagnes n'a été aussi épurée.

    Tous ces actes meurtriers prendront fin, une sélection naturelle, par épuisement du contingent.

    Tous ces humains disparus, comme autant de virus éradiqués, les uns après les autres.

    Et la fièvre délirante de la Terre qui diminue.

    Une évidence.

    Le nombre était la plaie, l'extermination une guérison.

     

  • TOUS, SAUF ELLE

     

    Les heros sont tous morts

    La suite de "LES HEROS SONT TOUS MORTS"

    Publication prévue pour la fin de l'année.

    L'idée de départ est simple : les puissants, les maîtres de tous les peuples, ne laisseront pas l'humanité continuer à porter atteinte à la vie de la planète puisqu'eux aussi, les maîtres, seraient impactés. Il n'est pas d'autre solution que d'éliminer une part conséquente de cette masse humaine.

     

    TOUS, SAUF ELLE

    CHAPITRE 3

    L'hélicoptère survolait des forêts immenses. Au loin se dressaient les sommets partiellement enneigés du parc national d'Arthur's Pass.

    Début mai. L'hiver posait les premiers manteaux.

    L'appareil effectua une rotation au-dessus de vastes forêts puis se dirigea vers un immense assemblage de bâtiments rectilignes. Des routes goudronnées reliaient les différents éléments du complexe militaire disséminés sur plusieurs centaines d'hectares. Les bâtiments où vivaient les militaires, une serre de cent mètres carrés, des champs cultivés, un verger avec des dizaines d'arbres, un parc arboré de plusieurs hectares, un terrain d'entraînement pour les soldats, un gymnase, une salle pour le tir et un stade extérieur. Deux rangées de grillages ceinturaient l'ensemble sur quatre mètres de haut.

    L'appareil se posa sur l'hélisurface.

    Protégé par quatre hommes en arme, un couple descendit de l'hélicoptère et monta dans une Cadillac blanche.

    Le véhicule emprunta une voie rectiligne menant à une vaste demeure, à travers d'immenses étendues de pelouses soignées, ornées de bassins aux fontaines majestueuses.

    Domaine de Walter Zorn, Nouvelle-Zélande.

    Une architecture moderne, un bâtiment colossal, à la blancheur éclatante, une immense façade agrémentée d'étranges fenêtres, des hublots opaques comme des judas scrutateurs. L'ensemble figurant une citadelle redoutable mais dégageant pourtant une beauté stupéfiante.

    Une construction récente dont la magnificence contrastait si fortement avec l'ensemble militaire qu'un diamant au milieu de galets aurait eu le même effet.

    Une Maison-Blanche, bunkérisée, solidement implantée dans l'hémisphère sud, au milieu de nulle part.

    Arrivé à destination, le couple descendit du véhicule, accompagné jusqu'au perron par deux militaires en armes.

    Ils empruntèrent une allée couverte, un entablement soutenu par des colonnades de pierre blanche.

    Un majordome accueillit le couple et les salua.

    « Bienvenue, Monsieur Zorn. Bienvenue, Madame. 

    – Bonjour Zack. »

    L'homme prit les manteaux du couple qui emprunta immédiatement le hall en marbre blanc.

    Treize hommes et une femme réunis dans une salle ovale, une coquille d’œuf éclairée par des hublots dépolis, une bulle insonorisée, isolée du monde extérieur.

    Aucune décoration. Des murs nus, lisses, couleur crème, un sol marbré, une immense table en verre translucide, des sièges noirs à accoudoirs.

    « Combien avez-vous dit, cher Helmut ?

    –Douze milliards.

    –Quelle échéance ?

    –David, ce sont de simples prévisions avec leur contingent d’erreurs mais avant la fin de ce siècle, cette population mondiale semble tout à fait probable. Nous en avons déjà parlé et rien aujourd’hui ne vient contredire nos prédictions.

    – J'ai toujours du mal à enregistrer ce nombre tellement il semble fou.

    –Vous connaissez tous les problèmes planétaires que nous rencontrerons », intervint Walter Zorn, fondateur de l’Ordre des Immortels. 

    Carrure de rugbyman, quarante-deux ans, adepte du régime végétarien, cheveux courts taillés à la tondeuse, un visage imperturbable ciselé au cordeau, une large mâchoire, des yeux si marron qu’ils en paraissaient noirs, une profondeur de gouffre et simultanément une puissance de pénétration redoutable. Personne ne soutenait son regard.

    Les quelques femmes de la haute société qui avaient entendu parler de lui en rêvaient secrètement. Les rumeurs les plus exaltées se diffusaient inévitablement sur cet homme insaisissable. Les rares individus qui se permettaient d’évoquer son existence usaient de la déférence accordée habituellement à un saint : le saint le plus fortuné de toute la planète.

    « Je me permets de vous en brosser un petit descriptif afin que tout soit clair pour les trois jours à venir, continua-t-il. Je vous rappelle également que nous accueillons aujourd’hui la première femme de notre communauté. C’est un honneur, un privilège, une très grande satisfaction que notre projet corresponde à une personnalité aussi charismatique que Fabiola Mesretti et je me réjouis de sa venue. Vous connaissez tous le parcours exceptionnel de Fabiola et ses extraordinaires compétences. Elle tient à ce que ses talents nous servent et je l’en remercie, au nom de l’Ordre des Immortels.»

    Tous les visages se tournèrent vers la beauté fatale, assise aux côtés du maître des lieux. La trentaine, tailleur clair vantant des formes parfaites, une longue chevelure brune couvrant les épaules, un visage fin, la femme hispanique dans toute sa grâce et son mystère. Présidente de la principale banque espagnole, un réseau de plus de cent vingt agences sur la péninsule et trente-deux succursales en Amérique du Sud. Une femme d’affaires de haut vol. Tous les hommes qui avaient tenté de s’opposer à ses projets avaient fini par abandonner. La détermination psychologique de Fabiola était à l’égal de sa flamboyance.

    Walter inclina la tête, un geste empreint d’un profond respect et un plaisir évident.

    Elle lui répondit en posant délicatement une main sur son avant-bras.

    L’assemblée observa silencieusement la scène. Walter et Fabiola. Dix ans d’écart, le couple dont rêve la presse people. La classe, la fortune, la beauté, la réussite. Tout le monde savait que la venue de la banquière ne pouvait souffrir de la moindre contestation. Et d’ailleurs, contempler une aussi belle femme ne déplaisait à aucun des hommes présents.

    « Avec cette densité planétaire, reprit Walter, l’approvisionnement alimentaire sera un problème majeur. L’accès à l’eau potable tout autant. Aux environs de 2050, selon nos modélisations, les deux tiers de la population mondiale, c'est-à-dire de nos fameux douze milliards, seront affectés par une pénurie d’eau. Entre quatre et cinq milliards de personnes déjà vers 2030. Dans un avenir très proche, quelques années, il faudra compter sur un milliard de réfugiés climatiques avec toutes les tensions que cela va générer et qui ne pourront que s'étendre. Nous entrerons par conséquent dans une période très troublée. Un peuple qui meurt de faim et de soif se révolte parfois avant d’être trop faible et il est toujours possible de le ramener au silence. Nous en avons une longue expérience. Mais si dix peuples se révoltent, cela s'apparente à une contagion beaucoup plus difficile à enrayer. Nous pourrions évidemment trouver quelques moyens pour circonscrire ces mouvements de masse durant quelque temps. Nous pouvons toujours fomenter des guerres pour obtenir des traités qui nous servent, profiter des marchés issus de la reconstruction des pays ravagés par la vente de nos armes, bénéficier de la faiblesse des États pour nous accaparer leurs matières premières. Nous pouvons propager des virus pour réduire les populations et nous saisir de leurs territoires, nous pouvons soumettre des peuples par la force et instaurer une illusoire démocratie. Nous pouvons produire une alimentation suffisante pour les pays développés en pillant les pays pauvres. Mais il est un élément contre lequel nous sommes impuissants et dont nous aurons, nous aussi, à souffrir, un élément qui nous contraint à changer radicalement de modes d'intervention : le ré-chauf-fe-ment cli-ma-ti-que. »

    Chaque mot minutieusement articulé, un découpage syllabique qui intensifiait la portée.

    « Vous le savez, désormais, nous ne pouvons plus nous contenter d’inventer des procédés technologiques ou des lois qui nous avantagent sans nous préoccuper des dégâts que l’humanité entière a provoqués et amplifie encore, jour après jour, en utilisant ce que nous leur vendons. »

    Walter adressa un regard aimant à Fabiola qui versait de l'eau dans sa flûte de cristal puis il reprit son allocution.

    « D'un milliard d’individus en 1830, nous sommes passés à deux milliards en 1930. Désormais, nous approchons des huit milliards et la population mondiale augmente de quatre-vingt-dix millions d'individus par an. La consommation d’énergie a été multipliée par dix sur un siècle et elle ne cesse d'augmenter. La quasi-totalité de la planète court après le mode de vie occidental. On peut dire aujourd'hui que le matérialisme fait partie de l'ADN des humains. Vous savez également qu’aucune des restrictions énergétiques ou des technologies d’énergies renouvelables ne parviendront à stopper le processus du réchauffement climatique renforcé par les paramètres précédents. Tout au plus sera-t-il ralenti mais les phénomènes naturels ont pris déjà une ampleur considérable : inondations, cyclones, tornades, sécheresse, canicules et incendies gigantesques, atteinte générale à la biodiversité, épuisement des sols par surexploitation et empoisonnement, augmentation constante des températures, jusque dans les zones polaires, fonte des banquises et de l'inlandsis, réchauffement et élévation du niveau des océans auxquels il faut ajouter une pollution exponentielle par des millions de tonnes de plastique, épuisement des ressources halieutiques, affaiblissement considérable du corail à l'échelle mondiale, épuisement des nappes phréatiques et de l'eau potable, pollution de l'air dans toutes les mégalopoles, disparition des insectes et hyménoptères pollinisateurs et d’autres constats encore sur toute la biodiversité. Vous avez tous entendu parler de la sixième extinction de masse. Il serait absurde de croire que tout cela ne peut pas porter préjudice à l'Ordre des Immortels. »

    Walter balaya l'assemblée attentive et pensa soudainement à ce bref échange avec le jardinier en chef du domaine, au printemps dernier. L'homme, attristé, avait évoqué la disparition des abeilles dans le parc. « Des fleurs qui ne sont plus aimées, c'est à pleurer, » avait-il dit. Walter avait répondu qu'il allait très prochainement s'occuper du problème et qu'entre-temps, il invitait le jardinier à installer des ruches dans l'enceinte du domaine et à récolter le miel produit.

    Il considéra enfin, avec un certain amusement, que le projet Némésis contribuerait au retour des abeilles et que l'enjeu valait bien la disparition partielle de l'humanité.

    « Ces phénomènes, une fois enclenchés, poursuivit-il, deviennent exponentiels. Il serait ridicule de compter sur un retour à des données acceptables mais il faut surtout comprendre que l’inertie de ces courbes dépasse l’entendement. Très peu d’humains ont conscience de l’avenir parce qu’ils n’ont pas la volonté intellectuelle de s’y confronter. Nous ne sommes donc pas dans des délires apocalyptiques. Vous connaissez tous désormais la réalité indéniable de ce désastre. Pour résumer en une phrase, nous allons droit au bûcher. L’humanité se condamne mais condamne avec elle l’Ordre des Immortels et cela, nous ne pouvons l'accepter. »

    Walter laissa le silence inscrire dans les esprits les images que ses paroles provoquaient. Que chacun, encore une fois, prenne l’exacte mesure de la situation.

    « Nous savons également, Walter, qu’il n’est plus temps d’attendre et c’est bien pour cela que nous sommes tous réunis ici, intervint Fernando.

    –Et que nous devons tous nous entendre pour agir communément et définitivement, reprit Walter, sans qu’aucun intérêt personnel ne vienne entraver notre mission. Six ans que nous travaillons à élaborer ce projet. Le temps est venu de l’appliquer sur le terrain et cette dernière rencontre marquera le début d’un nouveau monde. Nous avons tous hérité de la sueur et de la détermination de nos pairs et ceux ou celles qui nous rejoignent sans être issus de cette lignée, adhèrent intégralement à nos idées. Nous devons donc nous montrer dignes de nos prédécesseurs et implacables pour le bien de nos descendants. Le plan que nous allons finir d’élaborer ici devra entrer en vigueur le plus efficacement possible. Nous possédons toutes les connaissances pour cela. Némésis entre dans sa phase finale, messieurs et chère madame, et nous ne pouvions l’appeler autrement.

    Walter accentua l’hommage en plongeant ses yeux dans ceux de Fabiola puis il invita l’assemblée à se lever. Chacun croisa les mains sur la poitrine. Comme des récitants respectueux, des prêtres antiques invoquant leurs dieux.

    La voix de Walter s’imposa :

    « Némésis est notre salut, Némésis nous libérera de l’humanité. »

    Tous les hommes et Fabiola répétèrent la sentence d’une même voix puis le silence retomba. Quelques secondes de réflexions ciblées, le scénario à venir.

    Les treize hommes se dispersèrent par petits groupes. Fabiola se joignit à l’un d’eux. Quatre salles furent investies puis les portes fermées.

    Trois jours pour finaliser le plan « Némésis. »

    Trois jours pour modifier à tout jamais la face du monde.

  • TERRE SANS HOMMES (2)

     

    Puisque le titre du tome 3 de la quadrilogie en cours, "LE DESERT DES BARBARES" vient du titre d'un roman existant, roman de Dino Buzzati, "Le désert des Tartares", j'ai décidé d'user du même procédé pour le titre du tome 4.

    J'abandonne "RESET" pour "TERRE SANS HOMMES".

    "Terre des hommes" de Saint-Exupéry m'avait marqué, considérablement. Pour la beauté de l'écriture et la force de vie des personnages. J'aurais pu titrer ce tome 4 par un "No man's land", expression que tout le monde connaît mais la référence à Saint-Exupéry me plaît. Il fait partie des auteurs qui m'ont invité à écrire.

    Et au vu de ce que je raconte, il s'agit bien d'une planète vidée de sa population dans les grandes dimensions...

     

     

     

    CHAPITRE 6

    Francis aurait aimé descendre en ville, longer la côte, voir ce qui restait du monde. L’isolement commençait à lui peser fortement et il s’imaginait mal continuer à vivre reclus avec Tim. Fendre du bois, travailler au potager, penser à filtrer l’eau des citernes pour leur consommation quotidienne, changer le poteau d’une barrière, désherber les allées entre les rangs de pommes de terre et les oignons, écraser les doryphores et les chenilles qui dévoraient les feuilles des légumes. L’été était sec et chaud, trop sec et trop chaud d’après Tim. On atteignait même la zone critique et les incendies de forêts risquaient de faire des ravages. Les anciens, disaient Tim, n’avaient jamais connu de méga feux et n’auraient jamais cru ça possible. Pas en Nouvelle-Zélande.

    « En Australie, tu n’imagines pas l’étendue des incendies. C’est une catastrophe, des centaines de milliers d’animaux brûlés vifs, des millions d’arbres. Tous les scientifiques qui bossent sur le dérèglement climatique avaient prévenu les gouvernements et pas un seul n’a été foutu de revoir la copie. Croissance, croissance, on continue et on verra bien le moment venu. Tous des connards. Le moment venu, c’est trop tard. Le changement climatique, c’est pas un truc à la petite semaine mais tous ces politiciens n’ont qu’un seul repère temporel, celui de leur mandat. L’humanité est en vrac et aujourd'hui les sources de pollution sont anéanties mais il faudra cent ans avant qu’on ne voit une amélioration sur le climat de la planète. Et quand je dis cent ans, c’est un grand minimum. Les phénomènes extrêmes ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Six limites planétaires sur huit sont dépassées.

    - Explique.

    - Putain, tu vivais vraiment dans une bulle, toi !

    - Oui, je sais. Une bulle de merde.

    - T’es pas tout seul, tu faisais même partie du groupe humain le plus vaste, des milliards de connards.

    - Bon, tu m’expliques ? Pour le reste, t’inquiète, j’ai plus besoin de toi pour savoir que j’étais un de ces connards. Et même un fou. »

    Une voix cassante.

    Tim sentit la honte, un regard fuyant, la douleur d’être soi était la pire.

    « Pardon, Francis, je ne voulais pas te faire de mal.

    - Pas grave, Tim. C’est juste que c’est long à admettre. Ce que j’étais et ce que j’ai fait. Vas-y, raconte.

    - Ouais, alors, les limites planétaires.Ce sont des seuils à ne pas dépasser pour que les écosystèmes restent viables. On a le climat, la biodiversité, le cycle de l’azote, le cycle du phosphore, l’eau douce souterraine, l’eau douce de surface, la préservation des sols, la pollution atmosphérique. Et bien évidemment, chaque entité est considérablement impactée par l’exploitation humaine.

    - Donc, ça va aller mieux maintenant.

    - Oui, mais ça prendra du temps. En fait, il faudrait que je connaisse le nombre d’humains encore en vie et l’état des pays industrialisés puisque ce sont eux les principaux responsables. C’est à partir de ça que je pourrai calculer approximativement le rétablissement des équilibres. Mais pour ça, il me faudrait aussi mon ordinateur et une connexion internet. Et des mois de travail. Donc, on oublie. »

  • Claire NOUVIAN

     

     

    EntretienCulture

    Claire Nouvian : « Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer »

     

    https://reporterre.net/Claire-Nouvian-Il-faut-prendre-le-pouvoir-pour-le-reinventer

     

    Claire Nouvian : «<small class="fine d-inline"> </small>Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer<small class="fine d-inline"> </small>»

    Comment réinventer notre rapport au politique ? Comment articuler les différentes formes d’engagement ? Pourquoi entrer dans le jeu démocratique de l’élection ? Claire Nouvian, dans cet entretien, explique pourquoi elle a quitté la posture de l’observatrice pour faire face aux périls fasciste et écologique.

    Reporterre poursuit une série d’entretiens de fond avec celles et ceux qui renouvellent la pensée écologique aujourd’hui. Parcours, analyse, action : comment voient-elles et voient-ils le monde d’aujourd’hui ? Aujourd’hui, Claire Nouvian, présidente de l’ONG Bloom pour la conservation des écosystèmes marins, et cofondatrice du mouvement politique Place publique.

    Reporterre – D’où vient votre appétence pour l’écologie ?

    Claire Nouvian — J’ai grandi en Algérie, où on passait nos week-ends à la plage, à pêcher, à jouer avec les animaux marins. L’hiver, on partait dans le désert chercher des fossiles et guetter les scorpions. Au contact de la nature, j’ai développé une curiosité intellectuelle pour le vivant. Aujourd’hui, les enfants qui vivent en ville sont effrayés par des mouches… c’est dingue !

    Dans les années 1990, je suis partie avec mon mari en Argentine, où j’ai découvert la « grande nature » : les toucans, les condors, les baleines. Quelle émotion ! C’est ce qui a forgé mon envie de faire du documentaire scientifique et animalier.



    Quelles sont les sources de votre engagement ?

    J’ai constitué une conscience écologique et scientifique au contact des chercheurs rencontrés pour mes documentaires. Ma prise de conscience est montée comme le niveau de l’eau actuellement : petit à petit, mais très sûrement. Pas seulement sur le changement climatique et la pollution, mais surtout sur la destruction des habitats. Quand on travaille en Afrique, c’est vraiment tangible.

    Ma rencontre avec Pilai Poonswad a été un vrai moment de bascule. Cette femme, ornithologue et biologiste thaïlandaise, a reçu une récompense Rolex pour son travail de préservation des calaos. Ces magnifiques oiseaux sont en train de disparaître très rapidement, parce qu’ils sont très braconnés. Des collectionneurs sordides veulent leur casque comme trophée. C’est grâce, entre autres, au travail inlassable de cette femme que ces oiseaux existent toujours.



    En 2004, vous avez laissé tomber la caméra pour créer Bloom. La posture d’observatrice ne vous suffisait-elle plus ?

    J’étais dans mon métier de communication, et ça m’allait très bien… jusqu’à ce que je découvre les grandes profondeurs de l’océan, et l’ampleur de leur destruction, lors d’un documentaire pour France 2. Quand j’ai pris connaissance des menaces qui pesaient sur ces fonds marins, personne ne s’en occupait. Des gens s’occupaient de la préservation de la forêt en Thaïlande, des gibbons en Malaisie, de la savane en Afrique, mais sur les océans profonds, il n’y avait rien. C’est ce qui m’a décidé à me lancer.



    Comment vivez-vous le délitement de cette biodiversité que vous aimez tant ?

    Quand on a une vision de l’ensemble des effondrements de la biodiversité, du climat, de notre projet de société… c’est désespérant. Les scientifiques sont en première ligne : ils enregistrent le déclin de la biodiversité, sonnent l’alarme. Tous ceux que je connais sont angoissés. Ils vivent une sorte de syndrome prétraumatique, lié à leur connaissance de la situation. À l’inverse du stress post-traumatique, propre aux personnes ayant déjà vécu un événement grave, un choc, eux vivent dans l’angoisse de ce qui va advenir.

    Quand j’ai découvert, dans un article scientifique, ce stress prétraumatique, ça m’a fait le même effet que quand j’ai lu Kant pour la première fois. Cette sensation de rencontrer quelque chose qui décrit exactement ton état. À 17 ans, quand j’ai lu les Fondements de la métaphysique des mœurs, je me suis rendue compte que toute ma colonne vertébrale morale avait été théorisée par Kant.

    « Macron a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique » - Claire Nouvian pour Reporterre en 2019. © Mathieu Génon/Reporterre

    Qu’est-ce qu’être kantienne ?

    Je vis avec un impératif catégorique sur la vérité. Thomas Porcher dit de moi que je suis rugueuse. Par rapport à des gens de culture latine, avec un rapport plus élastique à la vérité, je suis germaniste, au sens caricatural : je ne rigole pas du tout avec le mensonge.

    Avec l’avènement de la société industrielle et du marketing, on est entré dans l’ère du mensonge permanent et institutionnalisé. Les élites, économiques comme politiques, mentent. Et ceci n’est plus toléré. Les gens recherchent de la sincérité.

    Une société qui est fondée sur le mensonge voit son langage détruit. On ne sait plus ce que les mots veulent dire, puisqu’ils veulent dire l’inverse de ce qu’ils sont supposés signifier. Macron utilise des mots comme « bienveillance » ou « société civile ». Il a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique.



    Qu’entendez-vous par « effondrement de notre projet de société » ?

    À la sortie de la guerre, on avait une visée progressiste, mais la croissance des inégalités montre que nous avons eu tout faux. En très peu de temps, on a réussi à faire complètement fausse route.

    Dans Notre mal vient de plus loin, un petit livre sorti juste après les attentats du 13 novembre 2015, Alain Badiou écrit que le rêve d’une narration alternative au libéralisme capitaliste s’est effondré avec la chute du mur de Berlin. Dès lors, une seule possibilité se présentait à nous : un repli sur l’individualisme. L’individualisme est apparu comme la seule valeur sûre : un individu ne va jamais trahir sa propre entité physique. On pourrait donc lui faire confiance pour trouver un équilibre bon pour lui et donc pour tous.

    La destruction de nos idéaux collectifs s’est ainsi accélérée. L’échec du communisme nous a retiré la possibilité d’avoir un rêve alternatif. Il s’agit donc, désormais, de réinventer un autre discours, une autre narration, fondé sur la mutualisation, sur la conscience, sur la valorisation des liens plutôt que des biens, sur la liberté aussi.



    Comment construire cet autre discours ?

    Notre génération peut s’y atteler, parce que nous sommes détachés de l’héritage du communisme. Nos parents étaient socialisés dans ces appareils, le Parti communiste structurait la vie sociale et familiale des ouvriers. Ils ont donc eu une résistance psychologique à faire le bilan du communisme, avec ses côtés sombres. Nous, nous avons fait le bilan, et donc nous pouvons passer à autre chose. Tout réinventer.

    Il n’empêche que, si notre rêve n’est pas communiste, il doit être communautaire au sens large. On doit faire communauté. Parce qu’aujourd’hui, on voit combien l’individualisme est l’un des pires aspects du libéralisme économique hyperfinanciarisé et dérégulé. On voit à quel point le libéralisme est une menace pour la société et pour la planète.



    Ce rêve alternatif, quels en sont les germes aujourd’hui ?

    Il est éparpillé. On a d’un côté la Macronie et tout ce qu’il y a à sa droite. Ce sont des valeurs claires : le libéralisme économique et une croyance en l’entreprise comme vecteur d’emploi et de solutions. On a également le souverainisme populiste, qui prône un repli sur les frontières.

    Entre le libéralisme économique dérégulé et le populisme souverainiste nationaliste, il existe un espace occupé par toute une famille de valeurs… mais qui est éparpillée dans des chapelles qui se font la guerre : les hamonistes avec le PS, le PS qui nous a trahis et qui est en scission profonde…

    Les électeurs ne s’y retrouvent pas, alors que nos valeurs [celles de Place publique] sont claires : on est humanistes, européens, profondément démocrates. On trouve que la démocratie ne va pas assez loin, qu’il faut passer à la VIe République. On sait faire la critique de l’Europe actuelle, une Europe marchande, libérale, opaque, cynique, trustée par des lobbys. Mais on tient à l’Europe, parce que la bonne échelle pour combattre les fléaux du XXIe siècle sera européenne. Et, évidemment, on est écologiste.

    « Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. »

    Que risquons-nous si cette famille de valeurs reste éparpillée ?

    Il ne faut pas sous-estimer la possibilité d’un péril fasciste : l’extrême droite représente 40 % des intentions de vote aux élections européennes. D’après certains sondages, l’extrême droite au « sens strict » serait à 20 %. Mais le Parti populaire européen (PPE, droite) est crédité de 25 %. On pensait que seuls nos grands-parents connaîtraient la guerre… Mais le pire devient possible. Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. Peur de l’autre, peur de l’étranger… ça marche !

    La trahison violente des élites, avec une réalité de l’évasion fiscale qui est à vomir sur un fond de croissance des inégalités constitue le terreau de cette évolution. Il suffisait ensuite à l’extrême droite de laisser monter le rejet des élites, le « dégagisme » des élus, et de mettre là-dessus un discours qui joue pile sur ce qui marche dans le cerveau archaïque de l’homme… et le résultat est là. Se battre contre cela n’est pas simple.



    L’écologie fédère, mais de quelle écologie parlez-vous ? Défendez-vous une écologie anti-capitaliste, anti-productiviste ?

    Au sein de Place publique, nous ne sommes pas contre le capitalisme, au sens familial ou entrepreneurial. L’innovation est une des merveilles de l’esprit humain, si elle est faite avec une contrainte impérieuse d’économie de moyens. Renouveler des gammes d’iPhone en allant chercher des terres rares au fonds des océans, ce n’est pas une innovation compatible avec les limites de la planète. L’écologie doit être une condition sine qua non de toute décision, mesure publique, texte de loi ou initiative. C’est l’impératif catégorique du XXIe siècle.



    Avec l’essayiste Raphaël Glucksmann et l’économiste Thomas Porcher, vous avez fondé en 2018 Place publique. Pourquoi avoir créé une structure politique en plus ?

    On ne se reconnaissait dans aucune des chapelles existantes. On a tous été abordés pour être sur des listes européennes, et on a tous refusé. La politique est un sacerdoce, un sacrifice. Si on se met aujourd’hui en position d’assumer un mandat, c’est vraiment parce que l’heure est grave, qu’il faut qu’on prenne notre part. Il y a péril. La menace fasciste est réelle, la menace écologique est totale. Il faut faire la guerre au libéralisme dérégulé et, en même temps, ne pas laisser cet espace-là à une confrontation entre nationalistes, populistes et libéraux.

    Ce n’est donc pas de gaieté de cœur qu’on se lance dans l’aventure. On a tous des vies très remplies, des projets familiaux. Dans un monde qui irait bien, aucun d’entre nous ne ferait de la politique. Si les politiques remplissaient vraiment leurs missions, en respectant une certaine éthique, on ne ferait pas de politique. Mais ce n’est pas le cas : quand on s’approche des appareils politiques, nous, les citoyens normaux à peu près normalement constitués, on part en courant.

    « C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-même qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques. »

    Pourquoi ?

    C’est la guerre ! Les appareils politiques sont des espaces fratricides. Le philosophe Patrick Viveret considère les partis comme les seuls endroits où l’on est sûr de perdre ses amis. C’est exactement la raison pour laquelle je n’ai jamais voulu rejoindre aucun parti, même s’ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. On ne peut pas mettre Europe Écologie - Les Verts (EELV) et ses élus combatifs et ultracohérents, au même niveau que le Parti socialiste (PS), qui a trahi tout le monde. Il n’empêche qu’EELV a aussi ses guerres fratricides. Je suis tellement proche de la politique, depuis tellement longtemps, que je sais pourquoi je n’irai jamais dans ces partis-là.

    Avec Place publique, on a comme ambition de se faire des amis et de les conserver dans le temps. Si on arrive à transformer cette initiative en aventure humaine, on aura une chance de réussir l’aventure politique. Mais on n’est pas à l’abri, nous non plus, d’un échec total. On y va modestement… Si tout le monde s’est planté, pourquoi ne pas essayer ?



    Comment faire de la politique différemment ?

    Les appareils actuels sont condamnés. Il faut inventer des formes politiques complètement nouvelles. Jusqu’à présent, on a été d’une grande immaturité dans notre rapport consumériste à la démocratie. Dès l’instant où l’on a voté, on se dit que c’est à l’élu de représenter nos intérêts, en pensant qu’on peut tourner le dos, s’occuper de notre bien-être plutôt que du collectif. C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-mêmes qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques.

    Au sein de Place publique, on a lancé des consultations citoyennes à partir de lundi 14 janvier, « place aux idées », portant sur du contenu mais aussi sur des modalités. On essaie d’inventer un mouvement qui réinvente les codes de la politique. Cela commence par l’organisation interne : il va falloir apprendre à se parler, à s’écouter, à poser nos désaccords et identifier nos accords. Apprendre à vivre ensemble nous transformera profondément. C’est ça être démocrate.



    N’était-ce pas l’idée de départ de la France insoumise ou de la République en marche ?

    Les partis les moins démocratiques sont la République en marche (LREM) et la France insoumise (FI). LREM a prôné la consultation citoyenne, l’établissement d’un programme à partir des citoyens, mais la méthode Macron a été de créer un écran de fumée épais et efficace entre des discours bien ficelés et une réalité très différente. Depuis, l’écran de fumée s’est dissipé et le réel visage de ce mouvement et de son chef est apparu.

    « Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. »

    Aujourd’hui, le mouvement écologiste s’incarne davantage dans des associations ou des collectifs que dans des partis. Ne faut-il pas chercher d’autres modes d’action que la politique institutionnelle ?

    Il n’existe pas de modalité d’action plus efficace qu’une autre pour réinventer le monde. C’est la complémentarité de ces outils qui contribue au basculement de nos représentations mentales et donc de la réalité de notre société. Le succès des campagnes de Bloom vient de cette association entre action médiatique, plaidoyer, sensibilisation, recherche scientifique.

    Chaque jour, des centaines d’amendements passent devant des parlements, européen ou nationaux, plus ou moins toxiques pour le collectif, pour la sauvegarde des écosystèmes. Les parlementaires ont un pouvoir énorme. Or, les deux logiques politiques qui ont pris le dessus sont le libéralisme dérégulé et le conservatisme. On ne peut pas laisser faire ça : les deux sont destructeurs des hommes et de la planète. Négliger le pouvoir des politiques publiques et leur laisser ce pouvoir est ultra dangereux.



    Faut-il se battre de l’intérieur ?

    Il faut prendre le pouvoir. Certes, c’est un peu de la schizophrénie. Je ne suis pas une femme de pouvoir, il ne m’intéresse pas. Mais comme il y a un péril majeur, il nous faut prendre ce pouvoir pour le réinventer. Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. Les modalités de la démocratie induisent une dérive des égos, accentuée notamment dans les médias. On va devoir réinventer tout ça et ce n’est pas gagné.



    Comment conjuguer écologie et justice sociale ?

    Sans justice sociale, aucune politique ne marchera. La Macronie tente, en vain, de faire passer des mesures présentées comme sociales après avoir fait sauter l’impôt sur la fortune, fait passer la Flat Tax et baissé la contribution des entreprises de 33 à 25 %. En commençant le quinquennat ainsi, tous les discours qui viennent ensuite sur la lutte contre la pauvreté sont morts d’avance, inaudibles.

    Grâce au travail de Thomas Piketty, on sait qu’aujourd’hui les fortunes proviennent aux trois quarts du capital qui est transmis, alors que c’était 40 % il y a 50 ans. Le fait de connaître ces chiffres de l’inégalité change notre compréhension du monde. De même que le travail réalisé par le consortium international de journalistes d’investigation sur l’évasion fiscale nous a permis de connaître l’ampleur de la restriction du partage des richesses.

    La justice est la colonne vertébrale de toute communauté. Elle permet de faire société, d’avoir une vision commune. La justice sociale, écologique, climatique, fiscale, économique est un impératif. Pourquoi certains territoires seraient-ils privés de services publics ? Pourquoi investir plusieurs milliards d’euros pour accélérer un TGV sur une ligne déjà ultrarapide et démanteler quotidiennement des lignes secondaires ? Macron s’est présenté comme le rempart contre le Front national. Il a été élu comme tel, mais il a pensé qu’on lui avait donné un mandat ultralibéral pour faire du Margaret Thatcher avec trente ans de retard. Il a tout faux.

    « Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants, leurs stages dans des banques à New York. »

    Au quotidien, comment mettez-vous en cohérence vos convictions avec vos actes ?

    Il faut à la fois combiner l’exigence et le pardon vis-à-vis de soi-même. Mon exigence est de ne pas être dans un consumérisme débile. C’est une lutte quotidienne avec les enfants, qui reviennent de l’école en ayant envie d’acheter des tas de cochonneries Made in China. Et même si on a les moyens de prendre l’avion à chaque vacances, on ne le fait que rarement. Un beau voyage, une fois de temps en temps. L’exigence climatique se retrouve aussi dans notre hygiène quotidienne, avec une consommation ultramodérée de viande rouge.



    Vous avez notamment grandi à Hong Kong, dans un milieu aisé. Faut-il encore attendre des riches qu’ils cessent de détruire la planète ?

    Il y a un vrai problème avec nos riches, mis en lumière par le scandale de l’évasion fiscale. Mais il faut leur donner de l’espace pour se racheter. Mon appel aux riches, c’est d’être plus généreux, d’être fier de contribuer à un projet social par l’impôt, sans faire des combines infernales avec des niches fiscales.

    Quand on est riche, on a un niveau d’éducation supérieur à la moyenne. Ceci oblige à plus de responsabilité morale, de générosité, de largesse d’esprit. Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants et leurs stages dans des banques à New York. Avoir le ventre bien rempli ne doit pas empêcher de réfléchir ! C’est impardonnable.



    Vous avez évoqué les enfants, et vous avez vous-même une fille. Comment vivez-vous cette parentalité, à l’heure où l’on parle d’effondrement ?

    Je flippe. Quel monde leur laisse-t-on ? Avoir des enfants oblige à l’action. C’est la plus grande des responsabilités car elle implique de s’assurer qu’on leur laisse un monde vivable. C’est pour être disponible pour ma fille que je ne veux pas de mandat. Si on aime et on structure nos enfants, le monde peut devenir empathique et juste.



    Vous vous donnez énormément. Vos nuits et vos week-ends doivent être très courts. Qu’est-ce qui vous fait tenir ?

    Notre cerveau a le pouvoir de nous transformer. Autrement dit, nous pouvons changer notre vision du monde, notre rapport aux autres, au fur et à mesure des lectures, des rencontres… Et si on peut tout transformer, on peut tout surmonter. C’est fou ! Mais il faut se battre. La clé, c’est la persévérance.

    Propos recueillis par Alexandre-Reza Kokabi et Lorène Lavocat

    Pour lire les autres entretiens de cette série consacrée à celles et ceux qui renouvellent la pensée écologique aujourd’hui, cliquez-ici.

  • La spiritualité ? Quel intérêt ?

    Oui, le titre est provocateur...Disons qu'il répond partiellement à une interrogation qui me poursuit. J'ai bien conscience que le contenu de ce blog a beaucoup changé ces dernières années. Les archives des premières années listent les thèmes liés à la spiritualité, la conscience, l'ego, le mental, le soi, les émotions, la passion, l'amour, la sexualité, les relations humaines, la réalité et le réel, l'illusion, l'intuition, la méditation, le silence,  etc...La liste est longue.

    J'ai beaucoup, beaucoup lu pendant une longue période de ma vie, depuis l'adolescence. J'avais seize ans quand j'ai découvert les écrits de Krishnamurti. Puis ont suivi Swami Prajnanpad, Arnaud et Denise Desjardins, Thoreau, Thomas Merton, Gilles Farcet, Anthony de Mello, Gurdjieff, Ouspensky, Spinoza, Dürckheim, Jung, Joelle Mauraz, René Barbier, Alexandre Jollien, Sri Aurobindo, le Dalaï Lama, Matthieu Ricard, Lovelock, Peter Russel etc... La liste est longue.

    Qu'en est-il aujourd'hui ? Ces lectures ne font plus partie de mon quotidien parce que l'urgence n'est pas là. Peut-être que la quête de spiritualité n'est compatible qu'avec un monde en paix. Peut-être même qu'il n'est pas légitime de chercher à vivre mieux en soi dans une humanité malade. Peut-être qu'il s'agit d'un paravent, d'une fuite, d'un déni de réalité. On pourrait me répondre qu'aucun individu en souffrance n'aurait l'énergie pour prendre en considération que l'urgence de la vie sur Terre est prioritaire, que la quête d'un bonheur personnel est la voie d'accès vers un engagement général.

    Mais pourtant, je ne vais pas bien...Je vis avec une menace physique qui est comme une épée de Damoclès et dont la corde s'effiloche année après année. Les prévisions sont sombres. Je tente de me maintenir en sachant que l'issue est relativement inévitable. Compression de la moelle épinière et développement progressif de la sténose. Depuis trois mois, j'ai des fourmillements dans les doigts, nouvelle étape...

    Ajouté à cela, je m'occupe de mes parents depuis six ans. je suis devenu parent de mes parents, tous les deux victimes d'un AVC. Mon père est aveugle, quasiment sourd, il ne lui reste que très peu de souvenirs. Il me reconnaît encore mais ne se souvient pas d'avoir eu un autre fils, mon frère décédé. Ma mère, pour sa part, est dans un autre monde, totalement décorellée de tout. Elle ne sait pas qui je suis. Ils sont tous les deux en fauteuil roulant. J'ai réussi à leur trouver un EHPAD à quarante km de chez moi. Je les vois partir à petit feu.

    Alors, la spiritualité, la gestion des émotions, de la peur, de la colère, de l'abattement, des alternances entre le bonheur de l'énergie en moi et de la tristesse des limites qui s'accroissent, tout cela j'y travaille, intérieurement.

    Mais bien au-delà de cette démarche personnelle, la situation de la vie sur Terre reste cruciale. Cette problématique majeure occupe toutes mes lectures, tout ce que je visionne. Nul catastrophisme là-dedans mais une recherche lucide. Il est de toute façon impossible de ne pas être un minimum informé tant les medias les plus basiques se font l'écho de la situation. Est-ce que cela a un impact sur les comportements de chacun ? J'en doute fortement. L'ancrage dans le fonctionnement matérialiste est similaire à une dalle de béton armé et des centaines de millions d'individus y ont les pieds figés. Rien de bon à attendre de la part des instances dirigeantes. Elles sont sous l'emprise des financiers et de leurs plans de carrière. Point à la ligne. 

    Il ne reste donc que le renforcement des phénomènes d'ampleur pour que les populations réalisent vers quoi nous allons.

    Et c'est là que je pense que la spiritualité n'a plus la même valeur. Elle reste beaucoup trop centrée sur l'individu lui-même. Et il suffit de voir comment sont considérés les "écologistes" pour imaginer à quel point ils seraient conspués, moqués, ridiculisés s'ils adjoignaient à leur "étiquette" celle de "spiritualité".

    Et c'est pourtant bien la seule spiritualité qui aurait du sens : une spiritualité écologique.

    Si vous avez un moral à toute épreuve, je vous encourage à écouter cette dame :

     

    Claire Nouvian

     

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    Claire Nouvian

    Claire Nouvian en 2018.

    Fonction

    Présidente
    BLOOM

    depuis 2004

    BiographieNaissance

    19 mars 1974

    (49 ans)
    Bordeaux (Gironde, France)

    Nationalité

    française

    Activités

    Productrice de télévision, femme politique, documentariste, écologiste

    Autres informationsParti politique

    Place publique (novembre 2018 - 2019)

    Mouvement

    Écologisme

    Distinctions

    Trophées Femmes en or (2012)
    Chevalier de l'ordre national du Mérite (2013)
    Prix Goldman pour l'environnement (2018)

    modifier - modifier le code - modifier WikidataDocumentation du modèle

    Claire Nouvian est une militante écologiste française, née le 19 mars 1974 à Bordeaux, ancienne journaliste, productrice, réalisatrice de documentaires animaliers et scientifiques. En 2004, elle fonde l'association BLOOM dont elle est la présidente. Elle est l'autrice du livre Abysses et commissaire de l'exposition du même nom.

    En 2018, elle cofonde le parti politique Place publique, avant de le quitter dès l'année suivante.

    Biographie

    Origines et formation

    Claire Nouvian naît le 19 mars 1974 à Bordeaux1. Elle est la petite-fille de Pierre Péricard, maire de Civaux dans la Vienne. Il est à l'instigation de l'installation d'une centrale nucléaire dans sa commune2. Elle affirme avoir hérité d'une part de son tempérament et de ses valeurs intransigeantes, notamment en ce qui concerne la vérité3.[pertinence contestée]

    Dans son enfance, elle voyage en suivant ses parents, son père étant cadre chez Total4. Lors du divorce de ceux-ci, elle suit à Hong Kong sa mère, qui y dirige une entreprise textile. Dans un entretien, elle évoque sa détestation de l'école au cours de son enfance, ses difficultés émotionnelles et son hypersensibilité, liée à une précocité non détectée. À l'âge de 35 ans, elle suit une psychanalyse pendant sept ans3. Polyglotte, elle parle six langues dont le russe3. Elle est diplômée d'histoire de l’université Paris-Sorbonne en France5,6.

    Parcours

    Elle est dans un premier temps journaliste, productrice et réalisatrice dans l’audiovisuel. Elle travaille sur une suite de films pour Télé Images Nature. La visite à l’aquarium de Monterey en Californie, en 2001, et les images des créatures vivant 4 000 m sous la surface de l’océan, constituent pour elle un tournant. Elle se focalise sur la protection des océans et la défense de la faune marine7.

    Elle écrit deux documentaires primés, dont Expeditions dans les Abysses, en suivant une expédition scientifique menée par le chercheur excentrique Craig Smith8. En 2004, Claire Nouvian fonde et devient directrice de BLOOM, association loi de 1901 qui milite pour la protection des écosystèmes marins9.

    En 2006 le livre Abysses, traduit en dix langues, est plusieurs fois primé10. En 2007, elle monte l’exposition du même nom au Muséum national d'histoire naturelle, présentant une grande variété d'animaux abyssaux. L’exposition, dont elle est commissaire, voyage dans plusieurs pays11,12.

    Puis elle devient militante écologiste en s’engageant contre l’exploitation des océans. Elle œuvre à sensibiliser le public et les autorités aux problèmes posés par l’exploitation d’espèces et de milieux marins vulnérables tels que les requins et les océans profonds. Elle est une défenseuse des océans et des équilibres socio-économiques qui en dépendent, notamment de la pêche artisanale, qu'elle juge laissée pour compte des décisions publiques. Son implication, avec un groupe d’ONG, dans le Grenelle de la mer a conduit à des avancées notables pour la conservation du milieu marin, telle que l’engagement de la France de protéger 20 % de son territoire maritime d’ici 202013,14. Elle s’attaque à la pêche électrique et dépose plainte contre les Pays-Bas, qui en sont adeptes pour les poissons des fonds marins15. En janvier 2018, après une forte médiatisation, le Parlement européen bloque la généralisation de cette technique en Europe16.

    Fin octobre 2018, elle participe à la fondation de Place publique, parti politique « citoyen, écologiste et solidaire », avec l'essayiste Raphaël Glucksmann17,18. Elle forme un tandem avec ce dernier pour présenter une liste aux élections européennes de 2019, dans laquelle elle ne se place qu'en position non éligible19. Elle s'engage dès lors dans le combat politique20, tout en refusant de participer à ce qu'elle appelle la lutte « entre les égos surdimensionnés » qui y règne19.

    Invitée le 6 mai 2019 sur le plateau de CNews pour l'émission L'Heure des pros animée par Pascal Praud, Claire Nouvian accuse un discours ambiant de nature « climato-sceptique » de la part de l'animateur et des autres invités. Elle juge « complètement taré » de remettre en cause les conséquences et les causes du réchauffement climatique21, tandis que Pascal Praud déclare que Claire Nouvian donne une image « hystérique » de sa pensée22. Claire Nouvian évoque la « misogynie » du plateau, un « guet-apens de climatosceptiques »23 et dénonce un « négationnisme climatique »24. Le CSA reçoit à la suite de cette émission une centaine de plaintes de la part d'auditeurs pour le traitement qu'il lui a été réservé, sans que soient clairement établies les motivations de ces plaintes25.

    Au début de l'été 2019, elle quitte le comité exécutif de Place publique, et coupe tout contact avec l'organisation26. Après Thomas Porcher, c'est le deuxième départ d'un cofondateur du parti, environ un an après son lancement27. Elle fait part de regrets devant l'échec de cet engagement, qu'elle juge totalement dénaturé au regard de l'idée première qui l'a constitué. Elle dénonce la récupération du mouvement par des politiques professionnels issus du Parti socialiste et déclare que Place publique n'a pas réussi à se garder de vieux procédés pour écarter les contradicteurs internes. Tout en précisant que les députés élus sont « tout à fait corrects », elle constate que les systèmes politiques en général restent inchangés, condamnés à la médiocrité et au clientélisme28,29. Claire Nouvian annonce son renoncement à tout engagement politique s'avouant incompatible avec les « tambouilles politiques » au regard de ses conceptions de l’honnêteté et de l'intégrité. Elle décide toutefois de poursuivre son engagement pour l'environnement au travers de l’association BLOOM30.

    Distinctions

    Claire Nouvian est l'une des six lauréates et lauréats (un par continent) du prix Goldman pour l'environnement 2018, une des plus hautes distinctions dans le domaine environnemental31, pour son combat gagné en 2016 contre le chalutage en eaux profondes dans les eaux de l'Union européenne32.

    En 2013, elle est reçue dans l'Ordre national du Mérite33

    En 2012, elle reçoit le trophée des femmes en or, catégorie « femme en or de l’environnement »34.

     

  • Tous les animaux morts.

    Ce que j'éprouve aujourd'hui lorsque je passe à proximité des rayons de viande ou de conserves animales. Et ça ne m'arrive plus dans les magasins que je connais déjà. Je fais un détour.

     

     

    TOUS, SAUF ELLE.

    CHAPITRE 27

    Laure était descendue au supermarché de la ville. Elle devait se réapprovisionner. Elle voulait manger des fruits. Une envie si forte qu’elle en avait rêvé. Elle ne comprenait pas sa réticence à manger de la viande depuis son réveil. Elle avait refusé les plats de l’hôpital et ne s’était alimentée qu’en fruits et légumes. Elle avait pensé que ça passerait, que les médicaments pendant son coma avaient perturbé ses perceptions puis elle avait fini par accepter l’évidence.
    L’idée de manger un animal lui était devenue insupportable. Elle s’était munie d’un simple panier à roulettes.

    Ses besoins alimentaires n’obéissaient à aucun désir. Juste une nécessité de survie. 
    Lorsqu’elle traversa l’allée des conserves, ses yeux se posèrent sur des boîtes de sardines et de maquereaux.

    Elle en avait mangé souvent, pendant des années, elle en adorait le goût. 
    Elle eut un haut-le-cœur, une douleur dans la poitrine, l’impression d’être enfermée dans des tôles étroites, des noirceurs huilées baignant des cadavres.
    Elle s’échappa du couloir et se dirigea vers le rayon des fruits et légumes. 
    Le rayon boucherie et charcuterie se trouvait sur sa route et c’est en approchant des présentoirs que le malaise s’amplifia au point qu’elle s’arrêta. 

    Un vertige qui l’obligea à fermer les yeux. 

    Une odeur détestable l’enveloppa. Un sirop épais et amer coula dans sa gorge, un étouffoir, un filtre bouché, la suspension involontaire de son souffle. C’est là qu’elle entendit les cris aigus des bêtes et elle en eut si peur qu’elle sursauta en regardant autour d’elle. Le sol était jonché de viscères. Des flaques de sang où trempaient des abats.

    De chaque présentoir à viande ruisselaient des coulées épaisses, des vomis d’entrailles lacérées. Des têtes de veau aux yeux exorbités la fixaient.
    Des groins tranchés de porcs vociférants. Des serpentins d’intestins dégueulant des excréments. Des pyramides de boudins gélifiés couverts de mouches verdâtres, des agneaux agonisants suspendus par leurs pattes, le bruit de la viande martelée, le sursaut des corps électrifiés, les beuglements de terreur, les carotides tranchées et les giclées de sang, les soubresauts de la vie qui s'enfuit.

    Un vacarme de guerre dans son crâne, le chaos des massacres.

    Elle étouffait sous le poids du charnier, elle se noyait dans les biles déversées.

    Elle sentit ses jambes se dérober et elle dut s’appuyer au montant d’une étagère.
    Le souffle haletant, le cœur aux abois. Elle recula en s’interdisant de hurler. 
    Elle ne comprenait pas sa solitude. Plus aucun client, plus aucune activité humaine.

    Juste ces monceaux de cadavres et les tressaillements des mourants.


    Elle recula encore, anéantie par le dégoût. Elle chercha une issue.

    Elle devina alors au bout d’une allée interminable un espace lumineux, la sortie d’un tunnel. Elle s’efforça de respirer calmement et n’y parvint pas. De chaque côté des parois circulaires, les yeux globuleux des animaux morts la fixaient. Elle devait sortir, au plus vite, s’enfuir, s’éloigner de ce charnier, ne plus jamais y revenir.


    Elle en mourrait.

    Elle se lança dans une course folle, paniquée, elle sentit les pattes des cadavres qui tentaient de la retenir, s’accrochaient à ses vêtements, des poids morts qui la ralentissaient, elle courait dans une glu sanglante, écrasant des viscères, elle entendait les plaintes, comme des prières, des gémissements qui la poursuivirent jusqu’à la lumière du jour.

  • Importation d'abeilles.

    Regardez les dates de ces deux articles...J'ai cherché des informations plus récentes sans rien trouver. Non pas que la situation se soit améliorée, c'est fortement improbable. Quand je lis que des abeilles sont importées depuis l'Australie par avion, comment pourrait-on suggérer que ça s'améliore ?

     

    Biodiversité

    Les abeilles menacées par la production d'amandes en Californie

     

    https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/biodiversite/les-abeilles-menacees-par-la-production-d-amandes-en-californie_105277

     

    Par Morgane Le Poaizard le 04.10.2016 à 09h00, mis à jour le 04.10.2016 à 09h00 Lecture 4 min.

    Depuis 2007, la production d’amandes, qui a explosé en Californie, requiert un nombre toujours plus important de pollinisateurs. Un rythme que les abeilles états-uniennes ne peuvent tenir.

    abeille et fleur d'amandier

    Les abeilles fertilisent les amandiers en Californie.

    © Vaclav Salek/AP/SIPA

    BOUM. Pour le meeting annuel de la Société américaine de géologie le 27 septembre 2016, Kelly Watson, professeur assistant de géosciences à l’Eastern Kentucky University et son étudiante Larissa Watkins, ont présenté les résultats de leur étude d’imagerie aérienne réalisée grâce au Programme National d’Imagerie de l’Agriculture (NAIP), en Californie. Entre 2007 et 2015, elles ont observé la superficie des terrains cultivés et se sont particulièrement penchées sur la culture d’amandes. La production de ce produit a connu un véritable boum depuis 2007 à cause d’une forte demande et d’une montée du prix des amandes. Or cette effervescence a des conséquences sur les abeilles pollinisatrices puisqu’elles sont importées chaque année dans la Central Valley pour féconder les fleurs d’amandiers.

    Un marché florissant aux conséquences redoutables

    Selon les auteurs, la consommation mondiale d’amandes a haussé de 200% depuis 2005 et les prix ont augmenté d’1 dollar par livre (soit 0,45 kg) pour atteindre un pic de 5 dollars la livre en 2014. Or la Californie répond à 80% de la demande mondiale d’amandes. Le boum de la production d’amandes est particulièrement visible sur les imageries aérienne : l’étude révèle qu’entre 2007 et 2014, la superficie des terrains d’amandiers a augmenté de 14%, or ces cultures ont pris la place de champs de maïs, de coton ou de tomates. Ces derniers utilisaient moins d’eau que les amandiers, ce qui a provoqué une augmentation annuelle de l’irrigation globale de 27% entre 2007 et 2014, malgré la sécheresse historique que connaît l’état. « Si vous regardez les terrains exploités, plus de 16.000 ont été classés comme terrains humides pour les amandes », s’alarme le professeur Watson.

    70% de nos abeilles apprivoisées aux USA vont polliniser les amandes en Californie."

    « La prochaine chose que nous voulons pointer du doigt est ce que signifie l’augmentation de la culture d’amandes pour la demande de pollinisateurs », explique Watson. Les fleurs d’amandiers californiens sont presque toutes auto-incompatibles (elles ne peuvent pas se féconder toutes seules), elles ont donc besoin d’insectes pollinisateurs pour produire des amandes. La culture d’amandes est par conséquent dépendante de la pollinisation par les abeilles domestiques. Or la Californie ne possèdent pas assez d’abeilles, et les Etats-Unis encore moins. Alors comment permettre aux cultures de se développer ? Les apiculteurs semblent avoir trouvé un moyen de répondre à cette demande : ils louent leurs abeilles aux agriculteurs à travers tous les états. Ainsi 60% des abeilles "commerciales", soit 1.6 million de colonies d’abeilles états-uniennes, sont importées en Californie chaque année. Les Apis mellifera, abeilles domestiques européennes, visitent plus de 800.000 parcelles chaque année, de Sacramento à Los Angeles. Leur circuit débute en février avec les amandes californiennes pour finir en hiver en Floride avec le poivre brésilien.

    Les abeilles sont transportées aux quatre coins du pays pour polliniser les cultures. © Dooley John / SIPA

    DÉTRESSE. Le transport de ces insectes leur cause énormément de stress et les pics de chaleur affectent les reines. Les abeilles se restreignent à un régime de nectar d’amandiers au lieu de se délecter d’un mélange de fleurs aux protéines diverses. Elles sont potentiellement exposées aux pesticides, aux nuisibles, aux fongicides et autres produits chimiques qui affaiblissent leur système immunitaire. Les pollinisateurs deviennent les hôtes de virus qui les font voler plus lentement, agir de façon insensée ou mourir prématurément. « Si vous cherchez ce qui cause le déclin des abeilles, l’agriculture industrielle tient certainement un rôle majeur. » affirme Watson.

    Certains cultivateurs tentent de trouver des alternatives à la pollinisation. Une espèce d’amandier, l’Independance, éviterait tous ces transports d’abeilles à travers les états. Il s’agit d’un croisement d’amandier et de pêcher auto-fertile, vendu exclusivement par Dave Wilson Nursery, le laboratoire qui a développé l'espèce. Mais qu’en est-il du rendement et de la qualité du fruit obtenu ?

     

     

    https://www.lesechos.fr/2011/04/la-californie-malade-de-ses-abeilles-1089619

    Publié le 14 avr. 2011 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

    Pour la première fois, une enquête scientifique, portant sur tout le territoire américain, démontre l'inquiétant déclin des abeilles pollinisatrices. Un enjeu crucial pour les cultivateurs d'amandes californiens, gros exportateurs.

    La période de pollinisation des amandiers vient tout juste de se terminer et la Californie s'inquiète pour ses abeilles.

    Il faut dire que, ici, l'enjeu est de taille. Depuis cinq ans, le Golden State investit massivement dans les amandiers, après avoir volontairement abandonné ou négligé plusieurs autres cultures agricoles traditionnelles - fruits et légumes, notamment -, devenues moins rentables à cause de l'augmentation du coût des fertilisants. Avec plus de 320.000 hectares de vergers d'amandiers plantés dans tout l'Etat, la Californie produit 80 % du marché mondial. Désormais, les amandes représentent la principale exportation agricole californienne, devant le vin et les fruits et légumes. Paradoxe économique, une part croissante de sa production va désormais vers la... Chine. Depuis peu, les Californiens embauchent même des acteurs vedettes de l'empire du Milieu pour vanter les mérites de l'amande locale.

    Mais si cette industrie ne connaît pas la crise, surfant sur un marché loin d'être saturé - surtout en Asie -, un danger menace néanmoins les 6.000 cultivateurs de la région. La récolte dépend en effet de millions d'abeilles pour la pollinisation des amandiers. Sans elles, pas de fertilisation. Or les producteurs californiens ne trouvent plus assez d'insectes sur place pour polliniser leurs centaines de milliers d'hectares. A tel point qu'ils louent désormais des abeilles en dehors des Etats-Unis (certaines viennent maintenant d'Australie) pendant la période de fertilisation. Et cela leur coûte de plus en plus cher...

    Un phénomène mondial
    Au-delà de l'aspect purement financier, les difficultés rencontrées par les producteurs locaux illustrent un phénomène mondial, de plus en plus inquiétant. « Si le nombre d'abeilles continue de diminuer en Californie, c'est l'ensemble de cette filière qui est menacée, car elle dépendra des réserves d'abeilles disponibles dans d'autres pays, or il est bien possible que la population des abeilles soit globalement en train de diminuer dans le monde », explique le docteur Sydney Cameron, entomologiste à l'université Urbana Champain de l'Illinois.

    Cette scientifique sait de quoi elle parle. Spécialisée dans l'étude des abeilles, elle vient de rendre publique une enquête qui, pour la première fois, a étudié sur l'ensemble du territoire américain les raisons pour lesquelles le nombre des abeilles est en train de diminuer outre-Atlantique. Publiée dans la revue de l'Académie nationale des sciences, cette étude tire un véritable signal d'alarme. « Nous n'avons étudié en profondeur que huit des cinquante espèces de bourdons vivant aux Etats-Unis, mais la moitié d'entre eux sont sérieusement en danger », assure-t-elle. Dans certains cas, la presque totalité d'une race d'abeilles a disparu, le nombre des autres ayant diminué de 23 à 87 % ! L'étude a duré trois ans, sur plus de 400 sites répartis sur l'ensemble du pays, en constituant des bases de données sur des dizaines de milliers de ruches et en les comparant, quand c'était possible, à des statistiques plus anciennes.

    Les conséquences de la disparition éventuelle des bourdons seraient considérables. Si cette race d'abeilles est celle qui produit du miel, son rôle primordial est la pollinisation des fleurs et - plus important encore pour l'espèce humaine -celle d'une grande majorité de fruits et de légumes. Sans ces abeilles qui assurent la reproduction des végétaux, c'est la disparition assurée d'au moins la moitié des aliments d'origine végétale qui composent notre assiette. L'enjeu avait été perçu par Albert Einstein lui-même, assurant que « si l'abeille venait à disparaître, l'humanité ne pourrait lui survivre que quelques années ».

    Car c'est tout l'écosystème de la planète qui serait alors menacé. Les forêts tropicales, la végétation de nombreuses régions côtières, toutes les fleurs sauvages, même les plantes de régions désertiques seraient en danger s'il n'y avait plus d'abeilles pour assurer cette pollinisation, assure Sydney Cameron.

    L'inquiétude n'est pas nouvelle. Les premières diminutions d'abeilles observées en Amérique remontent au début des années 1990. Mais c'est la première fois qu'une étude réellement scientifique vient la confirmer dans les faits. « Le problème est que, comme c'est la première fois que nous réalisons une étude si globale aux Etats-Unis, nous manquons d'éléments pour savoir si ce phénomène est ancien ou pas. Si c'est seulement le début, c'est particulièrement inquiétant, car le phénomène de diminution que nous avons observé est particulièrement rapide », poursuit la scientifique.

    Pour l'équipe du docteur Cameron, il ne fait guère de doute que la diminution significative des abeilles pollinisatrices s'accompagne d'une baisse des abeilles sauvages. Mais, pour l'instant, on ne sait pas quelles sont les espèces les plus menacées, ni dans quelles proportions. D'autres études ont donc été lancées, aux Etats-Unis mais aussi ailleurs dans le monde, depuis 2007. Leurs résultats devraient être connus prochainement.

    En attendant de savoir « combien » d'insectes ont disparu, on peut déjà parler des causes de leur disparition. Parmi les raisons avancées dans l'enquête américaine, celles liées à l'activité humaine sont évidemment placées en première ligne. Si l'emploi de pesticides dans l'agriculture est à l'évidence néfaste, il y a bien d'autres facteurs. Par exemple la monoculture intensive (en particulier de cultures qui n'ont pas besoin de pollinisation) réduit sensiblement la biodiversité, donc la végétation sauvage dont les abeilles ont besoin pour se reproduire et vivre dans un environnement qui leur convient. Sydney Cameron n'écarte pas non plus le réchauffement climatique comme facteur aggravant, même si là non plus aucune étude scientifique n'a encore fourni de conclusions incontestables. Le résultat cumulé de ces facteurs se traduit par ce que les scientifiques appellent le « colony collapse disorder », qui voit les abeilles quitter leur nid, pour ne jamais y revenir. « Le problème avec la diminution rapide du nombre des abeilles c'est qu'il y a un effet de seuil, au-delà duquel on ne pourra plus rien faire. Et l'on ne sait pas si l'on en est proche ou pas », résume la spécialiste. Quoi qu'il en soit, certains scientifiques américains estiment que la situation empire. « La situation s'est aggravée ces quatre dernières années », assure Jeff Pettis, directeur du Bee Research Laboratory, au ministère américain de l'Agriculture.

    Engouement citoyen
    En Californie, en tout cas, on n'attend pas le résultat de nouvelles études sur le sujet pour se mobiliser. Et les initiatives en tout genre se multiplient. Par exemple celle du docteur Gretchen LeBuhn, spécialiste des abeilles au département de biologie à la San Francisco State University. Il y a presque deux ans maintenant, elle a lancé le Great Sunflower Project (GSP), dont l'ambition est de constituer un outil scientifique d'observation en mobilisant la population. N'importe qui peut donc devenir membre de ce projet en acceptant des graines d'une variété spéciale de tournesol, envoyées par les responsables du GSP. Il faut alors observer le manège des abeilles autour de cette fleur (choisie parce qu'elle attire particulièrement les abeilles pollinisatrices) pendant au moins quinze minutes, plusieurs fois par semaine. « D'un point de vue scientifique, ce que l'on cherche à faire, c'est d'obtenir la carte la plus complète possible des Etats-Unis pour savoir où fonctionne la pollinisation et où elle ne fonctionne pas, ou mal », explique Gretchen LeBuhn. Aujourd'hui, plus de 100.000 personnes ont accepté de planter des tournesols dans leur jardin, y compris en zone urbaine ou suburbaine, dont une majorité se trouvent en Californie. « Les données que nous avons recueillies nous permettent maintenant de disposer d'éléments pour savoir, par exemple, si les abeilles sont sensibles à un type d'urbanisation ou à la densité de la population. On peut aussi relier ces informations aux facteurs environnementaux pour déterminer quels liens il peut y avoir. » Les données sont également suffisamment nombreuses pour identifier les endroits où la recolonisation est la plus nécessaire et ces endroits font donc l'objet d'incitations plus fortes pour trouver des volontaires.

    Maintenant qu'il a prouvé qu'il pouvait susciter un réel engouement citoyen, le Great Sunflower Project aimerait se donner une dimension réellement planétaire. « Il ne faut pas s'y tromper, confirme en effet Gretchen LeBuhn, la majorité de ceux qui acceptent de participer au projet suit également nos conseils pour améliorer la survie de cette espèce. Notamment en ce qui concerne l'amélioration de leur environnement d'habitation, afin qu'elles puissent mieux se reproduire. » High-tech oblige dans le Golden State, l'initiative est relayée sur les réseaux sociaux, notamment sur Flickr, où les participants échangent des photos de leurs jardins pollinisateurs pour obtenir en retour des conseils d'autres membres du projet.

    Certaines entreprises industrielles californiennes sont également très actives pour aider à résoudre le problème des abeilles. C'est le cas du glacier Häagen-Dazs, installé au nord de la Silicon Valley, sensibilisé au problème, puisque 40 % des ingrédients qui composent ses parfums ont besoin d'abeilles pollinisatrices. Depuis deux ans, le groupe finance des programmes de recherche universitaire. Il a même fait installer un immense jardin, sur le campus Davis de l'université de Californie, composé de fleurs qui attirent les abeilles afin de mieux les étudier. Plus original, l'entreprise encourage, sur son site Web, les internautes à exploiter eux-mêmes des jardins susceptibles de plaire aux abeilles. Elle assure également reverser la totalité du chiffre d'affaires généré par son magasin virtuel HelpTheHoneyBees.com aux recherches scientifiques, ainsi qu'une partie des revenus générés par sa glace au miel d'abeilles. Sponsor du Pollinator Partnership (une association à but non lucratif de San Francisco, créée il y a quinze ans pour protéger tous les animaux pollinisateurs), Häagen-Dazs joue même un rôle de lobbyiste à Washington sur ce sujet, en réunissant régulièrement des parlementaires pour les pousser à agir.

    Le Congrès sensibilisé
    Pour quel résultat ? Le Congrès semble désormais prendre très au sérieux l'alarmante diminution du nombre des abeilles américaines. Un comité, formé d'élus républicains et démocrates, s'est ainsi formé l'année dernière. Il s'est fixé pour objectif d'attribuer un financement important pour réaliser de nouvelles recherches sur les causes de la mortalité des abeilles et tenter d'y remédier. Plusieurs dizaines de millions de dollars devraient ainsi être débloqués dans la prochaine « Farm Bill », qui sera votée en 2012. « Pour l'instant, nous ne connaissons même pas l'état exact de la situation, reconnaît Laurie Adams, directrice du Pollinator Partnership. Nous espérons que ces financements permettront enfin de dresser un véritable état des lieux et ensuite pouvoir agir. »

    Michel Ktitareff, À PALO ALTO

  • Une alerte de plus : le phosphore

    Une situation qui concerne encore une fois le milieu agricole : dépendance à une ressource exportée, détérioration de la biodiversité, gaspillage, régime alimentaire carné... De la nécessité de revoir le système agricole intensif...

     

    Phosphore : faut-il craindre une pénurie ?

     

    Par Sophie Gosselin et David Gé Bartoli , publié le 10 janvier 2022

    https://www.socialter.fr/article/le-phosphore-de-l-or-pour-un-tas-de-fumier

    Élément indispensable à toute vie mais pouvant avoir des conséquences désastreuses sur les écosystèmes, le phosphore a participé à l’essor de l’agriculture industrielle de l’après-guerre en étant utilisé massivement dans les engrais de synthèse. Alors que la demande mondiale en roches phosphatées n’a jamais été aussi forte, les craintes sur le caractère plus ou moins durable de cette ressource amènent à reconsidérer les usages que nous en faisons.

    Les lecteurs versés dans la science-­fiction le connaissent principalement comme l’inventeur des trois lois de la robotique ou de la « psychohistoire », concept au cœur de la saga Fondation, actuellement adaptée en série par Apple TV+. Mais Isaac Asimov, accessoirement docteur en biochimie, a également fait de la vulgarisation scientifique son terrain de jeu littéraire. Dans un essai publié en 1959, l’écrivain américain souligne l’importance du « P » figurant sur la droite du tableau de Mendeleïev. Ce « P », la lettre symbolisant le phosphore, n’est rien moins que le « goulot d’étranglement de la vie ». Supprimez-le et le moindre être vivant aura toutes les peines du monde à exister sur notre planète. « Nous pouvons remplacer le charbon par l’énergie nucléaire, le bois par le plastique, la viande par la levure et la solitude par l’amitié. Pour le phosphore, il n’y a ni substitut ni remplaçant », insiste Isaac Asimov.

    Des animaux à la moindre molécule d’ADN en passant par les enzymes et les parois de bactéries cellulaires, il y a donc du phosphore partout dans la nature, mais seulement sous une forme oxydée (phosphate). Le phosphore compte pour environ 1 % de la masse corporelle d’un humain, l’essentiel se nichant dans nos tissus osseux et nos dents. « Peu importe ce que nous mangeons, cette nourriture provient plus ou moins directement des plantes et les plantes croissent grâce au phosphore », ajoute Stuart White, directeur de l’Institut des futurs durables à l’université de technologie de Sydney. Pour stimuler cette croissance et leurs rendements, les agriculteurs enrichissent leurs sols en phosphore avec des fertilisants pouvant également contenir de l’azote (N) et du potassium (K), autres nutriments essentiels. Cette ubiquité apparente ne doit pas occulter le fait que le stock de phosphore disponible sur Terre n’est pas illimité mais fini, ce qui confère à cette ressource un caractère d’autant plus précieux.

    Le raté en or d’un alchimiste

    Quand il fait par hasard la découverte de cet élément vers 1669, à Hambourg, Hennig Brandt est en quête d’un bien encore plus précieux : la pierre philosophale, censée transformer n’importe quel métal en or. Une nuit, l’alchimiste allemand pense être parvenu à ses fins après avoir distillé de l’urine humaine. La forme solide résultant de cette expérience intrigue Brandt par la lumière vert pâle qui en émane. C’est du phosphore. Passé à la postérité, Brandt était-il vraiment le premier à mettre au jour l’élément ? Dans son stimulant livre retraçant l’histoire du phosphore, John Emsley remarque qu’il était peut-être déjà connu des Romains dans l’Antiquité et que le secret de sa fabrication a pu se perdre avec le temps. Avec son caractère hautement inflammable, surtout sous sa forme blanche, particulièrement instable, le phosphore va hériter du surnom peu flatteur d’« élément du diable ». Le phosphore blanc sert par exemple aux bombes incendiaires qui s’abattent sur plusieurs villes allemandes ciblées par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale dont Hambourg, là-même où Brandt fit sa grande découverte près de trois siècles plus tôt.

    Des millénaires avant de l’exploiter pour semer la mort, l’humanité a tiré parti du phosphore pour cultiver le vivant, quand bien même elle ignorait tout de l’identité du bienfaiteur. D’abord grâce au feu et aux cendres contenant du phosphore utilisable par les plantes, puis en recouvrant les champs d’excréments animaux ou humains. Comme le mettra en évidence l’expérience de Brandt, les déchets produits par notre corps recèlent de ce « P » si convoité. Les paysans chinois en avaient déjà conscience il y a des milliers d’années de cela. « Grâce à l’engrais humain, la terre en Chine est encore aussi jeune qu’au temps d’Abraham », observe Victor Hugo dans le chapitre « La terre appauvrie par la mer » des Misérables,où l’écrivain se lamente de voir cet « or fumier […] balayé à l’abîme » à Paris et en France. C’est qu’au XIXe siècle, l’urbanisation commence à priver les paysans d’un fertilisant humain échouant désormais dans les cours d’eau. Dès lors, où trouver le phosphore ? Une première piste mène aux zones d’accumulation de guano, comme les îles Chincha, au Pérou, ou Nauru, autre bout de terre du Pacifique, au siècle suivant. Depuis, le stock s’est épuisé à Nauru et l’île, dont le PIB par habitant est le plus élevé du monde dans les années 1990, est maintenant exsangue.

    Des ressources inégalement réparties

    Au XXe siècle et jusqu’à nos jours, l’écrasante majorité du phosphate est tirée de l’extraction minière. « Tel qu’il est exploité aujourd’hui, le phosphore est une ressource fossile, comme les hydrocarbures, explique Fabien Esculier, chercheur au Laboratoire eau environnement et systèmes urbains (Leesu) à l’École des Ponts Paris Tech. Des conditions géologiques ont favorisé la sédimentation d’organismes et cela a créé au bout de plusieurs millions d’années une couche très riche en phosphore. » Les zones avec de fortes concentrations sont loin d’être également réparties sur la surface du globe. Pour la plupart, elles se trouvent en Afrique du Nord, en Chine, aux États-Unis, en Russie. Selon le dernier rapport annuel de l’Institut d’études géologiques américain (USGS), les seules réserves en roches phosphatées du Maroc et du Sahara occidental s’élèveraient à 50 milliards de tonnes, soit 70 % du total mondial. Durant la seconde moitié du XXe siècle, la production de ces roches a été multipliée par six et, en 2020, elle a atteint 223 millions de tonnes, dont 90 millions rien qu’en Chine.

    « Une partie de ce phosphore est utilisée comme détergent et une autre comme additif chimique pour la nourriture, mais 80 % du phosphore extrait est utilisé pour les fertilisants chimiques », souligne Bruno Ringeval, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de Bordeaux. Ces engrais de synthèse, employés en masse, ont contribué à façonner l’agriculture moderne post-Seconde Guerre mondiale... et ses excès. En France et dans d’autres pays industrialisés, leur utilisation a atteint son pic dans les années 1970-1980 avant d’accuser une baisse. Julien Némery, chercheur à l’Institut des géo­sciences de l’environnement (IGE) de Grenoble, en détaille l’une des raisons : « Pendant longtemps, l’idée reçue dans le monde agricole était que plus on mettait de fertilisants, plus on produisait. Après des décennies d’essais, l’Inrae a montré que cette idée était fausse. Il n’y a pas besoin de mettre cinq fois plus d’engrais que nécessaire pour avoir un rendement cinq fois plus élevé. »

    L’autre raison expliquant cette diminution est la prise de conscience des problèmes environnementaux provoqués par le recours immodéré aux engrais phosphatés. Si les sols peuvent stocker une partie du surplus de phosphore, une autre partie terminera sa course dans les cours d’eau, du fait de l’érosion et du lessivage des sols par la pluie. En se cumulant avec le phosphore contenu dans les rejets d’eaux usées peu ou non traitées, ce surplus accentue les phénomènes d’eutrophisation, avec prolifération des algues vertes à la clé. Mais cette perturbation du cycle du phosphore peut avoir des conséquences bien plus graves, comme une désoxygénation des écosystèmes aquatiques et océaniques, fatale pour la vie marine. « Des événements anoxiques [épuisement d’un milieu aquatique en dioxygène, ndlr] ont déjà lieu dans de nombreux endroits, par exemple en mer Baltique. Une partie des scientifiques n’exclut pas des changements profonds des équilibres biogéochimiques des grands cycles marins menant potentiellement à des anoxies plus fortes », alerte Fabien Esculier. Le risque de voir ces phénomènes se multiplier est encore plus élevé en Chine, en Asie du Sud-Est ou en Amérique du Sud, où la demande en engrais phosphatés a explosé. Cette soif s’explique notamment par une montée en puissance de l’agriculture intensive dans ces régions, ainsi que la part de plus en plus grande occupée dans les régimes alimentaires locaux par les produits d’origine animale qui, rappelle Stuart White, « requièrent cinq à dix fois plus de phosphore que leur équivalent végétal ayant les mêmes caractéristiques nutritionnelles ».

    Le pic à l’horizon ?

    Avec toujours plus d’êtres humains à nourrir sur notre planète (près de 10 milliards en 2050 selon les projections démographiques de l’ONU établies il y a deux ans), autre facteur faisant grimper la demande en phosphore, une pénurie est-elle à prévoir ? Déjà, dans un message datant de mai 1938, c’est en président inquiet que Franklin Roosevelt demandait aux élus du Congrès de se pencher sur les ressources en phosphore des États-Unis pour assurer « des approvisionnements continus et suffisants […] au prix le plus bas ». Le sujet suscite toutefois un intérêt croissant depuis une dizaine d’années et les travaux menés par Dana Cordell et Stuart White. Dans un article publié en 2009, les deux chercheurs australiens ont situé le pic de production mondiale du phosphore dans un futur très proche, aux alentours de 2030. « Quand nous avons mené ces travaux, nous nous sommes basés sur les informations alors disponibles, souligne Stuart White. Peu après, le Centre international de développement des engrais (IFDC) a corrigé les chiffres des réserves, avec une réévaluation à la hausse vertigineuse pour le Maroc et le Sahara occidental. » Même après avoir refait ses calculs, le duo est parvenu à la conclusion que le pic sera passé au cours du XXIe siècle. Pour l’IFDC, qui n’intègre pas de hausse de la demande en phosphore dans ses estimations, les réserves sont amplement suffisantes pour plusieurs centaines d’années. « Il n’y a pas de pénurie imminente de roches phosphatées », assure pour sa part l’Institut d’études géologiques américain dans son dernier rapport.

    Indépendance et changement de régime

    Au-delà de ces résultats divergents, Bruno Ringeval souligne la difficulté de l’exercice sans une connaissance approfondie de la nature du phosphore disponible. « Il y a des réserves dont la qualité est plus faible, où l’extraction est plus compliquée et plus chère », précise-t-il. Sans parler des considérations géostratégiques compliquant l’accès à la ressource : « Même le phosphore existant peut ne pas être disponible parce que le pays le produisant ne veut pas l’exporter ou augmente ses prix. » En septembre dernier, la Chine a par exemple décidé de geler toutes ses exportations de phosphate au moins jusqu’en juin 2022, contribuant à une hausse du prix des engrais chimiques depuis le début d’année. À plus long terme, l’exploitation des immenses réserves de phosphate au Sahara occidental pose également question. Ce territoire, au statut juridique indéterminé pour l’ONU, est au cœur des tensions entre le Maroc, qui en contrôle effectivement la majeure partie, et l’Algérie, soutien du Front Polisario qui revendique l’indépendance du Sahara occidental.

    Même en écartant l’hypothèse de la pénurie, devenir de moins en moins dépendant de l’extraction de roches phosphatées est donc crucial pour les régions ne disposant pas de mines, comme la France et les autres membres de l’Union européenne (UE). En 2014, l’UE a ainsi placé les roches phosphatées comme matière première critique pour son approvisionnement. Quelles seraient les alternatives ? Pour Fabien Esculier, la première des priorités est d’avoir une « logique de sobriété dans les usages », et donc de réduire la quantité de phosphore consommée. « Dans les sociétés occidentales, les habitants mangent beaucoup plus de phosphore que ce dont ils ont besoin, explique le chercheur. En France, le régime alimentaire comprend globalement deux tiers de protéines d’origine animale et un tiers d’origine végétale. Inverser ces proportions aurait un impact très fort sur les produits phosphorés. »

    L’autre enjeu est celui d’avoir un cycle du phosphore plus vertueux, effectuant plusieurs boucles et non une seule ligne droite aboutissant au fond des océans. Le principal levier pour y parvenir, c’est un recyclage accru des excrétions animales ou humaines. Pour les secondes, outre la récupération des boues d’épuration où le phosphore est précipité, cela peut passer par une séparation à la source de l’urine et des matières fécales. « En France, il y a toujours eu des voix pour dire qu’il faut retourner les excréments au sol, note Fabien Esculier, qui a consacré une thèse à ce sujet. Elles ont juste été très peu audibles et marginalisées après la Seconde Guerre mondiale. » Ce retour aux pratiques les plus classiques de l’humanité pour valoriser davantage encore notre « or fumier » sonnerait comme une belle revanche pour Victor Hugo, qui écrivait également ceci dans Les Misérables : « Vous êtes maîtres de perdre cette richesse, et de me trouver ridicule par-dessus le marché. Ce sera là le chef-d’œuvre de votre ignorance. » 

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  • Maisons d’édition écolos

     

     

    ReportageCulture

    Ces maisons d’édition écolos qui bousculent les codes

     

    https://reporterre.net/Ces-maisons-d-edition-bousculent-les-codes-pour-faire-du-bien-a-la-planete?

     

    Ces maisons d'édition écolos qui bousculent les codes

    Relocalisation de l’impression, encres végétales, impression à l’unité... Certaines maisons d’édition françaises tentent, à leur échelle, de proposer une industrie du livre plus écolo.

    Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme), reportage

    À Cournon-d’Auvergne, Hervé Meiffren attend devant la médiathèque qui se trouve à côté de chez lui, deux petits cartons sous les bras. « C’est un tiers de notre stock », dit-il, amusé. En fin d’année 2023, cet ancien commercial s’est lancé dans l’aventure de l’édition avec son fils de 26 ans, Yoann Meiffren. Ensemble, ils ont monté Cornaline, une maison d’édition, autour d’un engagement pour l’environnement et d’un principe fort : « Pas de livres au pilon. »

    13 % de la production de livres a été détruite en 2021-2022, selon le dernier rapport du Syndicat national de l’édition. Cela représenterait plus de 60 millions d’ouvrages qui sont ensuite pour la majorité recyclés en carton d’emballage ou en papier hygiénique.

    « On ne se retrouvait pas dans la manière de faire actuelle, surtout au niveau de la surproduction », raconte Hervé. C’est pour cela que leur première publication, La Connerie humaine, n’a été tirée qu’à 600 exemplaires. « Six petits cartons ! » dit l’autoentrepreneur, qui garde ce maigre stock chez lui. Un engagement qui peut s’avérer parfois difficile à tenir face à l’industrie de l’impression qui baisse le prix pour plus de tirages. « On m’en a proposé 1 200 pour moins cher, mais ce n’était pas notre mentalité, j’ai refusé. »

    Les éditions Cornaline ne réalisent que de petits tirages qui tiennent dans quelques petites boîtes en carton. © Clément Moussière / Reporterre

    « Vous pensez vraiment que les clients ne peuvent pas attendre 2 ou 3 semaines pour avoir un bouquin ? » dit Hervé Meiffren, agacé et le regard posé sur La Connerie humaine, une BD d’humour satirique. C’est aussi la réflexion de Christophe Lahondès, fondateur du groupe d’édition nîmois Nombre 7, qui imprime ses ouvrages à l’unité, à la demande. « Ça me semble être du bon sens, je ne vais pas faire couper des arbres pour que [les livres] restent dans des cartons et finissent à la poubelle. »

    Papier recyclé, encre végétale...

    Chaque année, 1 livre sur 5 est renvoyé chez son éditeur par le libraire. Pour éviter cela, Cornaline refuse les retours. Et ce, quoiqu’il en coûte. « On nous a déjà refusé une séance de dédicaces parce qu’on ne reprend pas les bouquins. » L’apprenti éditeur lève les yeux au ciel. Mais quand retour il y a, des alternatives au pilon existent.

    Sandrine Roudaut, qui a fondé La Mer salée, une maison d’édition située près de Nantes (Loire-Atlantique), préfère en faire don à des publics dits « sensibles ». Pour elle, « il faut surtout faire de la pédagogie auprès des libraires et des lecteurs sur la qualité des livres, car, parfois, on nous renvoie des ouvrages à peine cornés ».

    Elle n’est pas seule à porter cette réflexion. À La Cabane bleue, une maison d’édition jeunesse régulièrement citée comme exemple pour ses agissements environnementaux, Angela Léry s’interroge : « N’est-ce pas superflu de vouloir un objet parfait ? » Comme La Mer salée, sa maison d’édition a supprimé le pelliculage en plastique qui recouvre la plupart des couvertures. « Il est utilisé pour que le livre brille et ne s’abîme pas, mais c’est une question d’éducation, affirme Angela Léry. Nos livres parlent de la beauté de la nature, ça nous guide dans nos engagements. »

    La transparence sur les pratiques de La Mer salée est une des valeurs fondamentales de la maison d’édition. © Clément Moussière / Reporterre

    Avant de cofonder La Cabane bleue, Angela et son amie Sarah étaient éditrices dans d’autres groupes : « On ne se sentait pas alignées avec les maisons dans lesquelles on travaillait. » Pour leur projet, elles sont parties « des incohérences » et d’un constat : « L’objet même du livre n’est pas écolo. »

    Aujourd’hui, l’empreinte carbone moyenne d’un ouvrage acheté en librairie est estimée à environ 2 kg, dont la majorité provient de la fabrication. La production de pâte à papier par exemple est très gourmande en ressources et le plus souvent importée, notamment du Brésil.

    Alicia Cuerva utilise du papier de récupération pour décorer les gardes des livres édités par Cosette Cartonera. © Clément Moussière / Reporterre

    Alors avant de se lancer, les éditrices de La Cabane bleue ont commencé par écrire sur une feuille tous les matériaux qui composent le livre, afin de réfléchir à chaque élément. Et c’est comme cela qu’elles ont décidé de se tourner vers du papier certifié FSC (assurant la légalité du bois et la gestion durable de l’exploitation) et/ou du papier recyclé, et ont découvert l’existence de l’encre végétale. Ces encres utilisent des ressources naturellement renouvelables comme le colza, contrairement aux encres minérales issues en général de la pétrochimie.

    « Ce n’est pas encore 100 % parfait, mais on utilise aussi un profil de couleurs peu gourmand en encre [par exemple le violet requiert davantage d’encre qu’un simple rouge], idem pour les typographies, un noir à 80 %, énumère Angela. Ce sont des choix que l’on peut faire à partir du moment où l’on veut faire mieux. »

    Imprimerie à 750 mètres de l’atelier

    En plus de cela, ces petites mains du changement ont travaillé sur les dimensions des bouquins pour adopter des formats standards qui évitent le gâchis de papier. « Parfois on n’y pense pas, mais même pour les envois par la poste il y a des standards d’enveloppes en carton », dit Sandrine Roudaut.

    À la fin de ses bouquins, La Mer salée édite un colophon « pour sensibiliser à [sa] démarche pour l’environnement ». Il s’agit d’une page sur laquelle sont par exemple indiqués les matériaux utilisés, la provenance des produits et le fait que la maison d’édition ait décidé de tout faire dans un périmètre de 100 km.

    « L’une des grosses difficultés, c’est de tout faire fabriquer au local, en France, et au même endroit, pour réduire le coût carbone du transport », explique Angela Lévy. Un point de vue partagé par Alicia Cuerva, créatrice de Cosette Cartonera, qui a trouvé une imprimerie à seulement 750 m de son petit atelier, dans le centre-ville de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). « Il me suffit de prendre mon vélo pour aller chercher mes pages », dit l’éditrice en rigolant.

    La majorité du stock des éditions Cosette Cartonera tient sur cette étagère du petit atelier. © Clément Moussière / Reporterre

    Ce n’est pas le cas de tous les éditeurs, certains préférant imprimer en Europe de l’Est ou en Asie pour des questions budgétaires. « Impensable » pour cette amoureuse de la nature. Derrière son bureau « de récup’ » en bois, elle s’affaisse, concentrée, à la fabrication de sa prochaine publication. Ici, les livres sont le résultat de ses mains d’artisanes. Couverture en carton, dos en calendrier périmé et reliure à la main.

    Elle a créé sa maison d’édition au retour d’un long voyage en Amérique latine, et tout, dans son atelier, rappelle cela : de la musique aux décorations de toucans. Là-bas, elle s’est inspirée des « cartoneras ». Un mouvement de maisons d’édition né en Argentine, en réaction à la crise des années 2000, qui récupèrent du carton usagé pour en faire des couvertures de livres. Pour cette passionnée de l’artisanat « faire un livre en carton, à la main, c’est un engagement qui interroge et qui oblige à limiter la production. Dans le secteur, il y a un tabou, on ne fait plus rien à échelle humaine ».

    Pour beaucoup, la volonté de mieux faire pour l’environnement s’accompagne d’une réflexion éthique. C’est pourquoi ces maisons d’édition ont aussi décidé de se pencher sur la rémunération des auteurs. « Ça va de pair », explique Sandrine Roudaut, de La Mer salée. Un avis partagé par Christophe Lahondès : « Avoir peu de publications et des tirages en nombre limité nous permet de valoriser davantage les textes publiés et d’accorder plus de reconnaissance aux auteurs. »

    « C’est souvent la question économique qui entre en conflit avec l’écologie, l’éthique et conditionne les choix, s’exaspère Sandrine Roudaut. Nous, sur les valeurs on ne négocie pas, c’est sur le modèle économique qu’on essaye de voir. » Les textes qu’ils publient parlent d’utopies, de modes de vie plus sobres et joyeux. « On veut nourrir la foi en l’humanité, le contenu de nos livres aussi est politique », dit-elle.

    De manière générale, ces maisons d’édition prônent plus de sobriété. Hervé Meiffren pense qu’« il faut réfléchir à décroître et trouver un équilibre pour arrêter de mettre l’argent au cœur des décisions ». Toutes et tous s’accordent à dire qu’ils ne peuvent pas « tout révolutionner, mais, peut-être, inspirer un peu ». Depuis 2019, l’association Pour une écologie du livre fédère éditeurs, auteurs et libraires pour diffuser ces idées.

  • Vasectomie : état des lieux

     

    Que c'est long en France pour que les mentalités changent...Que c'est long...Cette médecine toute puissante, elle a dans son comportement des relents archaïques...J'avais déjà écrit un article sur le sujet, c'était en 2020:

    Vasectomie

    J'avais 37 ans quand j'ai décidé de demander une vasectomie. Nous avions trois enfants et Nathalie souffrait de la contraception chimique, physiquement et psychologiquement. Il était clair pour moi que la solution la plus simple, c'était l'opération chirurgicale. Je n'aurais pas imaginé que ça serait aussi compliqué.

    La gynécologue s'y est catégoriquement opposée et son aval était indispensable. Elle considérait qu'il était impossible de présager de l'avenir et que plusieurs situations inattendues pouvaient survenir et nous amener à regretter notre choix : la perte d'un enfant par exemple. Comme s'il était juste, sain, et raisonné de concevoir un enfant pour en remplacer un autre... ou une séparation du couple et une nouvelle compagne qui voudrait un enfant avec moi. Sauf qu'à 37 ans, je ne voulais pas d'un bébé, d'un jeune enfant, et tout ce qu'implique le rôle de père. Je l'avais vécu, j'en étais comblé et heureux et c'est une étape de ma vie qui était achevée. Je rétorquais également qu'une nouvelle compagne aurait probablement elle aussi un ou des enfants et n'en souhaiterait pas forcément un autre.

    Rien à faire, elle ne voulait pas nous donner son accord.

    Je me suis donc tourné vers mon médecin généraliste, il nous a rencontrés, séparément, il nous a écoutés, et il a jugé que nous étions conscients et lucides sur l'aspect quasiment irrémédiable de l'intervention. Il m'a conseillé malgré tout de procéder à une congélation de mon sperme. Ce que j'ai refusé puisque ça serait en opposition avec mes arguments. Je ne voulais plus d'enfants, ni naturellement, ni par insémination. Malgré son parcours hospitalier dans la région grenobloise, il ne connaissait pas de chirurgien. C'était une intervention très rare selon lui. On était en 1999. Finalement, après quelques recherches, un chirurgien a accepté de m'opérer. Une anesthésie locale suffit. Il faut au préalable se raser très soigneusement toute la partie génitale, une infirmière est venue vérifier que c'était fait et je suis parti au bloc. J'ai été isolé visuellement par une toile et le chirurgien et une assistante ont procédé à l'opération. Dans mon souvenir, ça n'a pas dû prendre plus de trente minutes et je suis rentré chez moi. Il faut passer un spermogramme deux semaines après l'opération. Il n'y a aucune différence de consistance dans le contenu séminal. Il ne manque que les spermatozoïdes. Et même si ça avait le cas, je n'y aurais attaché aucune importance.

    Affaire réglée.

    Quant aux réticences sur la masculinité ou la virilité, je ne me sentais aucunement concerné. La seule chose qui m'importait, c'était le bien-être de Nathalie. Si la virilité tenait à la présence de spermatozoïdes dans l'éjaculation, ça serait vraiment, vraiment juste pitoyable...A mon sens, la virilité, c'est de prendre soin de sa compagne. Coûte que coûte.

    Il reste un point important et qui relève de l'absence de connaissance chez les hommes.

    Il est parfaitement possible de parvenir à l'orgasme sans éjaculer. Avec ou sans spermatozoïdes mais il semble que beaucoup d'hommes imaginent qu'une vasectomie va les priver de l'éjaculation...

    Et avant de l'avoir expérimenté, il est impossible d'imaginer la puissance de cet orgasme et le bonheur spirituel et physique que cette pratique procure à l'homme. Et à la femme, étant donné que la capacité à conserver l'érection contribue bien évidemment au plaisir féminin. La conscience des muscles pelviens, le contrôle du souffle, l'abandon de l'idée de l'éjaculation comme une nécessité dans la quête de l'orgasme. Le tantrisme est la voie...

    La lecture de "KUNDALINI" serait une première approche pour ceux que ça intéresse.

     

    KUNDALINI. (roman)Kundalini

     

     

    Life 18/02/2024 09:00 Actualisé le 18/02/2024 15:31

    Une vasectomie avant 25 ans ? Ces hommes racontent leur parcours médical semé d’embûches

     

    Faire une vasectomie quand on est jeune et sans enfants peut être compliqué, la faute à un corps médical qui a parfois du mal à accepter ce choix.

    Par Mathieu Alfonsi

    Les jeunes hommes qui souhaitent faire une vasectomie font souvent face au refus des chirurgiens.

    Inti St Clair / Getty Images/Tetra images RF

    Les jeunes hommes qui souhaitent faire une vasectomie font souvent face au refus des chirurgiens.

    CONTRACEPTION - « J’ai essuyé le refus de trois urologues consécutifs. » Lorsqu’Émilien entame les démarches pour faire une vasectomie alors qu’il n’a pas encore 25 ans, il se heurte aux réticences du corps médical. En cause ? Il est « trop jeune » pour se priver de la possibilité d’avoir des enfants. « On me disait que j’en voudrais plus tard. Comme je n’avais pas de maladie et que j’étais en bonne santé, il n’y avait aucune raison que je n’en veuille pas. »

    Lire aussi

    La vasectomie, futur moyen de contraception privilégié aux États-Unis?

    La vasectomie est considérée comme une contraception définitive, bien qu’elle puisse être réversible dans certains cas. Elle consiste à bloquer les spermatozoïdes via une ligature des canaux déférents qui les transportent depuis les testicules. Et elle gagne en popularité : selon une étude de l’Assurance maladie et de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, publiée lundi 12 février, le nombre de vasectomies pratiquées en France a été multiplié par quinze entre 2010 et 2022.

    Un intérêt croissant qui n’empêche pas certains jeunes hommes de rencontrer des difficultés pour faire cette opération. Cela a été le cas d’Émilien, mais aussi de Thomas*, un ouvrier agricole originaire du Rhône-Alpes. Tous deux ont fait une vasectomie avant l’âge de 25 ans et se sont confrontés aux nombreux refus des médecins. Pour Le HuffPost, ils racontent leur parcours semé d’embûches jusqu’à la vasectomie.

    « J’avais l’impression que mon corps n’était plus le mien »

    Deux principales raisons ont poussé ces jeunes hommes à opter pour la vasectomie : ils ne voulaient pas d’enfant et souhaitaient partager la charge de la contraception avec leur compagne. « Je ne voyais pas de raison de ne pas le faire. Au pire, l’opération inverse existe même si elle n’est pas sûre à 100 %, et il y a aussi l’adoption », raconte Émilien. Après quelques mois de réflexions, il décide de sauter le pas.

    La procédure est en apparence assez simple : Émilien doit d’abord prendre un premier rendez-vous avec un urologue, qui lui expliquera en quoi consiste l’opération et recueillera son consentement. Puis, il doit fixer une date pour procéder à la vasectomie, au minimum quatre mois plus tard. Mais, dans le cas d’Émilien, c’est dès le premier rendez-vous que les difficultés surviennent.

    « Les urologues essayaient de me faire changer d’avis, et me disaient qu’ils ne faisaient pas de vasectomie avant 30 ou 35 ans. Je me disais : s’ils savent qu’ils ne feront pas l’opération, puisque j’ai 24 ans, pourquoi acceptent-ils le rendez-vous ? J’avais l’impression de perdre mon temps et mon argent », détaille le boulanger.

    Les chirurgiens ont le droit de ne pas procéder à l’opération, au nom de la clause de conscience, selon laquelle un médecin peut refuser certains actes médicaux s’ils sont contraires à ses valeurs morales. « Ce qui arrive souvent », déplore Gersende Marceau, spécialiste de la contraception masculine au planning familial, que nous avons contactée.

    Émilien parviendra finalement à faire sa vasectomie, avec le quatrième professionnel qu’il rencontre. Mais il confie avoir ressenti beaucoup d’énervement : « J’avais l’impression que mon corps n’était plus le mien et que la société devait décider pour moi. Alors que je suis le seul concerné. »

    Rendez-vous chez le psychologue

    Pour Thomas, les difficultés ont commencé avant même les rendez-vous chez l’urologue. Cet ouvrier agricole de 25 ans doit d’abord obtenir une ordonnance d’une médecin généraliste. Cette dernière lui donne, mais lui lance au passage qu’il sera « responsable de la baisse de la population dans le monde », avant d’enchaîner avec : « Vous ne viendrez pas vous plaindre quand vous aurez le SIDA. » Thomas suppose que la généraliste pensait qu’il voulait « faire une vasectomie pour coucher à gauche et à droite sans protection ». « Ce qui n’est pas du tout le cas », précise-t-il. Quoi qu’il en soit, le ton est donné.

    Il prend alors un premier rendez-vous avec une urologue de sa ville, qui se passe à merveille. Il fixe une date, quatre mois plus tard, pour procéder à l’opération. Mais l’urologue se rétracte entre-temps, estimant que Thomas est trop jeune et changera d’avis au sujet des enfants.

    Il s’adresse alors à un second professionnel qui accepte de faire l’opération. À une condition : il doit d’abord consulter un psychologue, afin de discuter de son choix de ne pas congeler son sperme. Mais le rendez-vous avec ce psy tourne au vinaigre : « Il a commencé à me dire que je faisais n’importe quoi. Il m’a fait un profil psychologique pour me déstabiliser et avait un discours très moralisateur. C’était très malsain. Et j’avais encore moins envie de congeler mon sperme. »

    Si l’urologue doit vérifier que le patient est bien en capacité de prendre, par lui-même, la décision de faire une vasectomie, il ne peut pas exiger une expertise psychologique. « C’est illégal », rappelle Gersende Marceau, selon la loi du 4 juillet 2001. Mais Thomas souligne : « Si je ne faisais pas le rendez-vous avec le psy, il pouvait toujours activer sa clause de conscience. »

    Une méthode pas contraignante

    Suite à ces expériences, les deux jeunes hommes déplorent que les médecins aient tenté d’influencer leur choix et de décider à leur place. « Je me suis senti un peu envahi dans mon intimité à cause de toutes ces personnes qui ont partagé leur opinion, alors que ça ne les concerne pas, explique Thomas. Une personne de 22 ans qui veut faire un enfant, tout le monde va la soutenir, alors qu’une personne de 22 ans qui n’en veut pas, ça devient un problème de société. »

    Malgré ces nombreuses embûches, les deux jeunes hommes ont fait leur vasectomie, et ne regrettent rien. Ils assurent que cette méthode n’est pas pas contraignante. « Je ne sens aucune différence par rapport à avant. Il n’y a pas de cicatrice, et rien n’a changé dans ma manière d’éjaculer et dans mes rapports sexuels », détaille Émilien.

    Ce qui n’empêche pas la vasectomie de souffrir d’idées reçues. « Ça fait peur à plein de mecs virils qu’on leur touche les testicules. Certains pensant qu’on ne peut plus ressentir du plaisir ou avoir d’érection » explique Thomas, qui assure, pour ceux qui en doutent, « ne pas avoir perdu [sa] virilité avec une vasectomie ».

  • "N'écrivez pas..."

     

     

    "Alors vous voulez être écrivain ? (So you want to be a writer ?)

    Si cela ne sort pas de vous comme une explosion

    en dépit de tout,

    n’écrivez pas.

    si cela ne vient pas sans sollicitation de

    votre cœur et votre esprit et votre bouche

    et vos tripes,

    n’écrivez pas.

    s’il vous faut vous asseoir des heures

    à fixer votre écran d’ordinateur

    ou plié en deux sur votre machine à écrire

    à chercher les mots,

    n’écrivez pas.

    si vous le faites pour l’argent ou la gloire,

    n’écrivez pas.

    si vous le faites parce que vous voulez

    mettre des femmes dans votre lit,

    n’écrivez pas.

    s’il vous faut rester assis là

    réécrivant encore et encore,

    n’écrivez pas.

    si c’est déjà difficile rien que d’y penser,

    n’écrivez pas.

    si vous essayez d’imiter l’écriture de quelqu’un d’autre,

    oubliez.

    si vous devez attendre que cela rugisse hors de vous,

    alors attendez patiemment.

    mais si cela ne rugit jamais hors de vous,

    alors faites autre chose.

    s’il vous faut le lire à votre femme

    ou votre compagne ou à votre compagnon

    ou vos parents ou qui que ce soit,

    vous n’êtes pas prêt.

    ne soyez pas comme tant d’écrivains,

    ne soyez pas comme ces milliers de

    gens qui se targuent d’être écrivains,

    ne soyez pas superficiel et ennuyeux et

    prétentieux, ne vous consumez pas d’un amour narcissique.

    les librairies du monde ont

    baillé jusqu’à s’assoupir d’écrivains

    comme ceux-là.

    n’en rajoutez pas.

    n’écrivez pas.

    à moins que cela ne sorte

    de votre âme comme une fusée,

    à moins que rester muet

    ne vous rende fou ou

    suicidaire ou assassin.

    n’écrivez pas.

    à moins que le soleil en vous

    ne vous brûle les tripes,

    n’écrivez pas.

    quand le moment viendra,

    et si vous avez été choisi,

    cela se fera

    tout seul et cela continuera

    jusqu’à votre mort ou jusqu’à ce que cela meurt en vous.

    il n’y a pas d’autre manière

    et il n’y en a jamais eu d’autre."

    Charles Bukowski

  • Protection des forêts

     

    Futaie hetres

     

    En-tête la lettre de canopée

    Bonjour Thierry ,


    Ce mois-ci, j’ai pas mal de bonnes nouvelles à vous partager.

    Pression maximale sur Alliance Forêts Bois

    Commençons par le nerf de la guerre : depuis plusieurs mois, nous sommes engagés dans un bras de fer pour dénoncer les mauvaises pratiques d’Alliance Forêt Bois… et nos efforts commencent à porter leurs fruits. Si vous nous rejoignez, je vous invite à découvrir ici l’ensemble de la campagne. Ce que nous reprochons à cette entreprise : de trop nombreuses coupes rases de forêts de feuillus pour les remplacer par des plantations de résineux. Pour tenter de contrer notre campagne, Alliance Forêts Bois essaye de faire diversion en communiquant sur l’écologie - mais ils ne trompent personne : dans l’Indre et la Vienne, nous avons découvert une fois de plus des chantiers désastreux et nous les avons révélés au grand jour avec cette vidéo à partager :

    Alerte coupe rase dans l'Indre et la Vienne

    Ce qui les énerve beaucoup, c’est que nous interpellons leurs financeurs pour dénoncer ce double discours. Après une première vague de départs, Alliance Forêts Bois vient de perdre un contrat de plusieurs millions d’euros avec Air France, qui cherchait un partenaire pour planter des arbres. Grâce à votre mobilisation, Orange nous a également annoncé qu’ils ne signeraient pas de nouveau contrat avec Alliance Forêts Bois en 2024. Ces départs ne sont que la partie visible de l’iceberg : la pression est maximale pour que cette entreprise change ses pratiques. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que nous ne relâcherons pas nos efforts, sans un engagement clair de leur part.

    Dans la Creuse, la résistance s'organise

    Il y a quelques jours, nous étions plus de 400 personnes réunies à Guéret, pour une conférence-débat sur le projet d’installation d’une nouvelle usine de granulés. Vous pouvez retrouver ici la vidéo de cette conférence. Si nous sommes particulièrement inquiets, c’est parce que l’entreprise qui porte ce projet, Biosyl, a déjà un lourd passif : dans la Nièvre, nous avons découvert sur son parc à bois des arbres entiers, dont des chênes centenaires, issus de coupes rases dans le Morvan. Face caméra, le directeur s’était engagé à mettre fin au scandale avant de se rétracter en nous envoyant un courrier. 

    Canopée a donc décidé de venir en soutien aux associations locales pour contrer ce projet en finançant notamment un recours en justice contre la décision d’autorisation du projet par la préfète. Si vous voulez nous aider, vous pouvez faire un don pour financer les frais d’avocats ou signer et partager la pétition.

    Le projet Biosyl a d'ailleurs alimenté le débat de l'émission Dimanche en Politique diffusée sur France 3 Limousin (diffusion tv dimanche 18 février), à laquelle nous avons participé avec trois autres invités autour de la question : la forêt est-elle un bien privé ou un bien commun ? Un débat autour de l'exploitation de la forêt limousine à visionner ici :

    Enfin une loi pour la forêt

    La chape de plomb qui verrouille toute forme de débat autour de la forêt est en train de craquer. Partout des voix s’élèvent pour demander plus de transparence et plus de discussion. Car, si la forêt française appartient à 75% à des propriétaires privés, elle nous concerne tous. Pour répondre aux nombreuses demandes d’élus locaux qui aimeraient pouvoir mieux encadrer les coupes rases sur leur territoire grâce aux documents d’urbanisme, nous avons organisé une conférence à Sabres avec un spécialiste du sujet.

    Mais la bonne nouvelle vient surtout du côté des députés. Notre long travail de mobilisation commence à porter ses fruits avec deux propositions de lois sur la forêt, l’une transpartisane et l’autre issue de la majorité. Comme le montrent nos analyses, les deux portent des ambitions différentes mais vont dans le bon sens. Les lobbies sont déchainés pour éviter qu’elles soient mises au débat dans l’hémicycle. Nous allons donc avoir besoin de vous.

     

    Nous avons mis en place un outil très simple pour interpeller votre député.e par mail, téléphone ou sur les réseaux sociaux en moins de 5 minutes. Nous savons maintenant que ces interpellations peuvent vraiment faire mouche. C’est par ici

    INTERPELLEZ VOTRE DÉPUTÉ.E

    Il y a encore beaucoup de choses dans les tuyaux, donc surveillez les réseaux sociaux et vos emails dans les prochains jours. Le 26 février, Hugo Clément proposera un nouvel épisode de Sur le Front, intitulé La face cachée des forêts françaises, un documentaire qui risque de faire beaucoup de bruit…

    En attendant, je vous souhaite tout le meilleur. Si vous appréciez notre travail, notre indépendance et notre liberté de ton, vous pouvez nous soutenir avec un don ponctuel ou régulier (et en plus, c’est défiscalisé à 66%). Et si vous ne l’appréciez pas, je vous embrasse quand même.

  • Des arbres qui tuent

    Quand j'avais seize ans, mon frère, Christian, qui en avait dix-neuf, a eu un accident de voiture. Sa voiture s'est encastrée dans un poteau en béton d'EDF, dans un virage. De chaque côté, c'était un champ de blé. Tout s'est "joué" à quelques mètres. Le poteau était au milieu du virage.

    L'accident a eu lieu à 23h19, Sa montre était brisée.C'est un instituteur qui l'a trouvé à 2h30, il rentrait d'un repas chez des amis. Les pompiers ont mis 1 heure pour le désincarcérer.

    Poitrine enfoncée, mâchoire brisée, une cheville écrasée sous une pédale, deux vertèbres brisées, le toit de la voiture était plié et avait ouvert son crâne. Les gendarmes ont téléphoné. Mes parents m'ont réveillé. On est allé à l'hôpital. On nous a dit qu'il était cliniquement mort. C'était un 27 juin, jour d'anniversaire de ma mère. Je suis resté avec lui, dans sa chambre, pendant tout l'été et j'ai manqué la rentrée des classes en septembre.

    Il s'en est sorti. Marqué à vie, moi aussi. J'ai tout écrit trente ans plus tard, un roman qui n'est pas publié. Mon frère est mort vingt ans plus tard d'une rupture d'anévrisme.

    Faut-il donc déplacer tous les poteaux susceptibles d'engendrer des accidents gravissimes ?

    Faut-il raser les maisons qui bordent les routes ?

    Les arbres sont-ils responsables ?

    La question est tellement absurde que j'ai du mal à l'écrire.

    "Christian"

    Christian

    Christian...(2)

     

     

     

     

    Abattage massif de 4000 arbres en Haute-Marne :

    "les arbres qui tuent n’ont plus leur place au bord de nos routes !"

    Les collisions avec des arbres sont à l'origine de 10% des accidents mortels sur les routes.

    Les collisions avec des arbres sont à l'origine de 10% des accidents mortels sur les routes. • © CD 52

    Écrit par Géraldine Dreyer

    Publié le 10/02/2024 à 08h00

    Le conseil départemental de Haute-Marne annonce un plan massif d’abattage d’arbres le long de ses axes routiers les plus fréquentés. Un diagnostic est en cours pour identifier les plus dangereux, au nom de la sécurité routière.

    La Quotidienne des Régions

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    C’est un constat : les personnes trouvant la mort après avoir percuté un arbre représentent 10% des tués sur la route. Une réalité qui incite le conseil départemental de Haute-Marne à lancer un plan d’abattage massif au bord des axes les plus fréquentés. Sur les 750 kilomètres concernés, des milliers d’arbres vont faire l’objet d’un diagnostic pour identifier ceux qui sont malades et dangereux.

    Le nombre précis d’arbres qui seront effectivement abattus n’est donc pas encore défini. Mais il s’élèvera à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers. Peut-être bien 4 000, avec une coupe nette annoncée sur la D1 entre Rimoncourt et Nogent. Car c’est sur cette portion de route que le 18 décembre dernier, un homme a percuté un arbre et perdu la vie après un choc très violent. Certains tronçons de la D16 ou encore de la D119 seront concernés par ces abattages.

    S’il faut couper massivement des arbres pour garantir la sécurité de nos habitants et des usagers de la route, nous n’hésiterons pas.

    Nicolas Lacroix, Président du Conseil départemental de Haute-Marne

    Le conseil départemental met en avant la sécurité des habitants sur son réseau routier. "S’il faut couper massivement des arbres pour garantir la sécurité de nos habitants et des usagers de la route, nous n’hésiterons pas. Les arbres qui tuent n’ont plus leur place au bord de nos routes", affirme dans un communiqué le président du département de Haute-Marne, Nicolas Lacroix (LR).

    Pour autant, l’abattage massif d’arbres en bord de route est un sujet clivant. Une association nationale se mobilise régulièrement contre ces coupes franches en bord de route. D'aucuns avancent aussi l'idée que l'alignement d'arbres rendrait le tracé plus "lisible" pour les automobilistes et qu'il créerait un "effet de paroi" qui fait lever le pied.

    Des arbres plantés pour absorber la poussière

    Le débat n'est pas clos. Le conseil départemental de Haute-Marne assure que la présence de ces arbres provoque sur certains tronçons des déformations de la chaussée. Avec pour conséquence des surcoûts d'entretien pour le département. Des arbres qui aujourd'hui ne constitueraient plus qu'un problème pour les collectivités.

    On en oublierait que ces arbres ont été plantés voilà parfois plus d'un siècle pour rendre service à l'homme. Ils devaient aider à réduire la poussière soulevée par les véhicules. Une nécessité qui a disparu au début du 20e siècle avec l'apparition des rubans d'asphalte.

    Cet abattage massif sera accompagné de mesures compensatoires pour "préserver la biodiversité", précise le département, avec notamment la plantation de haies.

     

  • Le jardin vivant

     

     

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    L'actualité nationale et internationale du ver de terre

     

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