Terrorisme d'Etat.

Éducation : gare à ceux qui osent critiquer la réforme !

Le président d'une association de professeurs qui s'est indigné publiquement contre la réforme du latin a été menacé par sa hiérarchie. Hallucinant !

PAR 

Publié le  | Le Point.fr

Le président de l'Association des professeurs de lettres s'est vu reprocher  la « violence outrancière » de ses propos par le directeur académique des services de l’Éducation nationale en charge des collèges au rectorat de Paris.

Le président de l'Association des professeurs de lettres s'est vu reprocher  la « violence outrancière » de ses propos par le directeur académique des services de l’Éducation nationale en charge des collèges au rectorat de Paris.Maxppp©Xavier de Torres

 

Le dimanche 22 mars 2015, Romain Vignest, président de l'Association des professeurs de lettres (APL), publie une déclaration cinglante contre la réforme des langues anciennes défendue par Najat Vallaud-Belkacem. Son texte commence ainsi : « En décembre 2012, à Tombouctou, perle du désert, des barbares détruisaient les mausolées des saints du soufisme. En février 2015, à Mossoul enIrak, d'autres barbares ont saccagé les statues assyriennes du musée archéologique. À Paris, en mars 2015, d'autres barbares encore suppriment l'enseignement du latin et du grec des collèges de France. Pour être d'aspect plus policé, les barbares n'en sont pas moins aveugles, leur oeuvre n'en est pas moins ténébreuse. »

Puis il déroule ses arguments : « La ministre de l'Éducation nationale a répété que la maîtrise de la langue était une priorité absolue ; ignore-t-elle que le latin est la matrice, non seulement originelle, mais continue et ininterrompue des mots du français, du sens de ce qui jusqu'à aujourd'hui s'est écrit en français ? » Enfin, il conclut ainsi : « L'Association des professeurs de lettres met solennellement en garde la ministre de l'Éducation nationale, le gouvernement et le président de la République contre ce qui apparaîtra à nos successeurs comme une aberration politique, un suicide national, un crime contre l'esprit. »

Le soir même, le directeur académique des services de l'Éducation nationale en charge des collèges au rectorat de Paris tient à l'auteur de ce texte, par courriel, des propos pour le moins étonnants. Il s'indigne de « la violence outrancière des propos qui sont tenus à l'égard d'une politique issue de la représentation nationale », et retire le soutien du rectorat à une conférence littéraire sur Voltaire organisée par l'APL qui doit se tenir – et qui se tiendra malgré tout – au lycée Henri-IV. Censurer Voltaire, il fallait y penser !

Amalgame

Mais surtout, ce haut fonctionnaire, l'un des principaux représentants de la ministre pour l'académie de Paris, s'en prend sans aucun motif aux qualités professionnelles de Romain Vignest, dont il est par ailleurs le supérieur hiérarchique : « Je suis inquiet pour les élèves que vous formez si vous vous situez dans le registre de l'outrance en usant de termes qui sont implicitement vecteurs de violence. »  Il confond ainsi le représentant d'une association et le professeur dans un amalgame inédit.

Dans un second courriel, il déplore enfin que la déclaration hostile à la suppression du latin et du grec comme disciplines à part entière à partir de la rentrée 2016 ait pu être tenue… un jour d'élection. Ce dimanche 22 mars avait lieu le premier tour des élections départementales. Où est passée la neutralité de la fonction publique ?

L'usage républicain veut que l'administration fasse la différence entre un militant associatif et un fonctionnaire, et qu'elle ne prenne pas ombrage des activités du premier pour s'en prendre au second. Dans ce cas précis, concernant la controverse sur les langues anciennes, cet usage n'a pas été respecté. C'est une grande première dans l'histoire des relations entre les associations de professeurs et le ministère de l'Éducation nationale. Il reste à espérer qu'il s'agit d'un dérapage isolé.

blog

Ajouter un commentaire