Coronavirus : Vietnam
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/04/2020
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Un autre état d'esprit et un autre Etat au pouvoir. Une idée ancrée dans la population que "moi, c'est les autres" et que je dois me protéger pour protéger les autres qui me protègeront aussi."
Cette philosophie communautaire permet à l'Etat de compter sur l'immunité collective en protégeant les personnes à risque. Tests à grande échelle et organisation dans le confinement des personnes contaminées ou qui doivent être protégées. Quand on voit ce qui se passe dans nos EPHAD...Quand on voit la crise des masques, quand on voit deux millions de franciliens prendre le train pour aller se confiner dans des lieux épargnés jusque-là...
Un Français résidant au Vietnam : « La France, ce pays en voie d’enveloppement »
Les pays occidentaux ont-ils manqué de modestie face à la pandémie ? Un Français résidant au Vietnam, pays aux premières loges de la crise sanitaire mais où l’on ne déplore à ce jour aucun décès, témoigne.
Par L'Obs
Temps de lecture 5 min
Michael Sibony, 33 ans, consultant indépendant en investissement immobilier, est en mission longue durée à Hanoï, la capitale du Vietnam :
« Vue d’Extrême-Orient, la situation européenne face à la pandémie ferait presque sourire si elle n’était pas si tragique. Les pays progressistes imposent à leur population de se confiner et, en France, on enrobe cette privation de libertés d’un champ lexical martial et guerrier anachronique. C’est en observant de loin mon pays se débattre qu’un constat s’impose.
Au Vietnam, pays “en voie de développement”, en guerre il y a cinquante ans, on ne compte à ce jour aucun mort [212 cas confirmés selon le décompte de l’université Johns-Hopkins, dont le suivi fait référence, NDLR].
Plus petit — sa surface équivaut à la moitié de celle de la France — et plus peuplé avec 93 millions d’habitants — soit presque 40 % de plus qu’en France —, le Vietnam gère d’une tout autre manière la non-prolifération du virus, sans appeler à la guerre ni créer de psychose dans les chaumières.
Simplement, en confinant les personnes contaminées, en les testant et en identifiant les personnes risquant de l’être. Ces dernières sont isolées quatorze jours dans des hôtels d’Etat ou des bases militaires. Pas les autres.
Quelques milliers de confinés au Vietnam, par rapport aux millions en France.
Quant au reste de la population, les personnes sont incitées à rester chez elles, mais sans privation de libertés, sans ticket à imprimer pour sortir, comme si elles étaient rationnées [un “confinement renforcé” est entré en vigueur ce mercredi 1er avril, pour quinze jours, afin de freiner la propagation du virus].
C’est intégré : pour s’en sortir, il faut être collectif et responsable. La population entière porte le masque. Alors qu’en France en porter est considéré comme un acte presque malveillant ayant vocation à alimenter les peurs, ne pas en porter au Vietnam est une imbécillité coupable.
Bien sûr, l’Etat communiste et policier est présent. Avec leurs casquettes soviétiques et leur mini pick-ups qui rappellent les petites voitures Majorette des années 1980, ils quadrillent les quartiers en diffusant des consignes préventives avec des haut-parleurs. Toute la population reçoit un SMS quasi-quotidien contenant des indications ou des avis de recherche de personnes à risque, là où, en France, on s’offusque de voir le gouvernement envoyer un seul message de ce type. Ne nous trompons-nous pas de combat ?
La gestion de la crise n’a pas besoin d’être guerrière (d’ailleurs, par respect pour les rescapés des guerres, la décence devrait nous empêcher d’utiliser ce mot), mais simplement d’être organisée, d’être préparée.
Au Vietnam, les dépistages sont maîtrisés et utilisés en grand nombre. Ils sont même exportés, alors qu’en France même les médecins ont du mal à en bénéficier.
Tests de dépistage du coronavirus : les ratés de la stratégie française
En tant que citoyen français, bien intégré et favorisé, je m’étonne d’être à ce point remonté contre les dirigeants de mon pays. Pur produit du système, je ne peux pourtant plus le supporter, ni le cautionner. Nous, Français, qui nous targuons — avec sans doute un peu trop d’arrogance — de gérer des projets complexes, qui vendons notre savoir-faire en organisation pour construire des lignes de train et de métro (ô coïncidence, à Hanoï par exemple), des laboratoires P4 — comme à Wuhan [ville du centre de la Chine et point de départ de l’épidémie] — et des avions partout dans le monde, nous voilà incapables et réduits au chaos de décisions hésitantes, aux choix de vie ou de mort des patients, et d’un virus dont les modalités de transmission ne résistent pourtant pas à la rigueur de gestes simples.
Où est l’Etat protecteur ?
Le Vietnam, Etat presque insignifiant en matière de puissance économique, avec des infrastructures supposées défaillantes, s’avère méticuleux, organisé. Il endigue ce virus de manière humaine et appliquée, pas à pas, puisque les cas sont encore comptés individuellement, et non pas en enfermant ses millions d’habitants chez eux. Où est l’Etat totalitaire ? Où est l’Etat protecteur ? Lequel est en faillite ?
Comme les expats qui ramènent leurs denrées préférées lorsqu’ils reviennent de leur pays d’origine, je me suis retrouvé, au moment de rentrer en France, à remplir ma valise de plusieurs litres de gel hydroalcoolique et de dizaines de masques, achetés dans une pharmacie quelconque de Hanoï. La pharmacienne a eu l’air surprise de me voir embarquer son stock. J’ai eu du mal à lui expliquer que nous savons fabriquer des TGV, mais que produire du savon, c’est trop compliqué. Et que lorsque les stocks manquent, au lieu d’avoir l’honnêteté intellectuelle d’assumer la non-préparation, on préfère expliquer que les masques sont inutiles voire dangereux.
Où sont les masques ? Le scandale d’une pénurie
Les pays en voie de développement veulent entrer dans une société de consommation, créer des infrastructures, un système de santé et d’éducation performant. Ils veulent du progrès et en ont une définition, aussi contestable soit-elle.
En France, quel est notre désir ? Où est notre progrès ? Nos institutions meurent en silence, les citoyens ne font plus confiance à l’Etat et aux services publics. Justice, éducation, santé… Ce qui faisait le rayonnement de la France et représentait un idéal à atteindre pour d’autres, se réduit comme peau de chagrin. Là encore, ouvrir les yeux sur les pays dits “en développement” que nous regardons de notre piédestal nous apprend une chose fondamentale : un pays sans Etat est un pays mort. Que devient l’Etat lorsque toutes ses émanations, toutes ses traductions les plus concrètes, s’évanouissent ? Rien. Que devient un pays sans un Etat pour le défendre ? Rien. Même le libéralisme théorique dans la version keynésienne nous dit que ce sont des compétences fondamentales et le socle de l’Etat.
Cette crise sanitaire majeure met en lumière non pas la force d’un virus, mais la faiblesse et l’orgueil de notre pays supposé développé. Elle met en lumière la destruction de ce qui faisait notre beauté, notre idéal. Notre esbroufe aussi, puisque notre incompétence ne trompe plus personne, si ce n’est nous et notre gouvernement.
Comme le serpent du “Livre de la jungle” qui s’auto-hypnotise sans voir que ses interlocuteurs sont partis. Les beaux trains et les beaux avions ne nous servent à rien si nous ne sommes pas capables de protéger les plus fragiles d’entre nous. De pays développé, nous nous sommes réveillés en pays enveloppé, avec un mal de crâne carabiné. Enveloppé d’un tissu soyeux, confortable, mais qui limite ses mouvements. Comme un linceul. Nous sortirons de cette crise, mais il faudra en tirer les leçons, demander des comptes (les bons, cette fois, pas ceux des comptables), et, surtout, se regarder dans le miroir au lieu de regarder nos mirages. Et nous poser la bonne question : en tant qu’individu et en tant qu’Etat, vers quoi voulons nous aller ? »
Coronavirus : comment le Vietnam, pays « en développement », réussit à faire bien mieux que la France
Longtemps considéré comme un pays « pauvre », le Vietnam, îlot communiste en Asie du Sud-Est, a été félicité par l’OMS pour sa réaction face à l’épidémie de coronavirus. Pourtant, classé au 47e rang des puissances mondiales, le pays n’a pas les moyens de Singapour ou de la Corée du Sud. Analyse d’une stratégie de défense « low cost » mais efficace.
Par Doan Bui
Temps de lecture 9 min
« Rester chez soi, c’est aimer son pays ! » Le slogan sonne bon la propagande gouvernementale. Il a été pourtant plus écouté que le #restezchezvous, envoyé par les soignants en France, le week-end avant l’annonce du confinement, où la France a voté pour les municipales et profité du soleil dans les parcs… Avec 153 cas, dont l’immense majorité importée, et zéro décès compatablisé au 26 mars, la situation du Vietnam, l’un des pays les plus peuplés et denses de l’ASEAN avec 94 millions d’habitants, intrigue. Et incite à la modestie : quand tant de pays riches, comme les Etats-Unis ou la France, sont débordés par le coronavirus, voilà que le Vietnam semble réussir à contenir l’épidémie, alors qu’il était parmi les plus exposés, de par sa proximité avec la Chine. On a largement salué la réussite des dragons asiatiques plus nantis, Singapour, Taïwan ou la Corée du Sud. Le Vietnam, îlot communiste, est un cas à part."
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