L'enfant en burn out (santé)

Le burn-out touche aussi l'enfant

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Parents, école, surmenage... Les causes sont multiples pour que l'enfant tombe en burn-out.

Parents, école, surmenage... Les causes sont multiples pour que l'enfant tombe en burn-out.

 

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Emploi du temps de ministre, injonction de réussite, anxiété de la performance... Après avoir pointé l'épuisement professionnel et parental, les psys tirent la sonnette d'alarme: le burn-out commence dès l'école primaire.

On croyait avoir tout entendu. Le mot est presque galvaudé, employé à tout-va. Le spectre de l'épuisement a fait surface chez les jeunes parents, les aides-soignants, les salariés, les startuppers... Il existe même un burn-out estival, car trop de vacances pourraient, semble-t-il, nous pousser à bout. Dans une société où le stress est endémique, difficile d'imaginer, donc, que nos enfants soient immunisés contre lapression.  

Preuve en est: d'après une enquête nationale menée par l'Unicef en 2014 auprès de quelque 11.000 personnes, âgées de 6 à 18 ans, 40% des enfants sondés ressentent une souffrance psychologique. Les plus touchés? Les filles et les enfants qui vivent dans des familles recomposées. Quant aux adolescents, 30% d'entre eux disent avoir eu des idées suicidaires et 11% auraient déjà tenté de se suicider

Un sujet tabou qui renvoie à l'incompétence des adultes

Pour la pédopsychiatre Gisèle George, auteur de Ces enfants malades du stress (éd. Anne Carrière), l'ampleur du phénomène est sans précédent. La nouveauté? Avant, cela concernait surtout les adolescents à l'approche du bac. Maintenant, on commence dès... lecours élémentaire! "C'est un sujet tabou, car il renvoie à l'incompétence des adultes, dans un monde qui sanctifie le bien-être des enfants et nous matraque d'injonctions au bonheur, assène-t-elle. Parler ouvertement de la détresse des enfants nous fait souvent passer pour des oiseaux de mauvais augure."  

Pourtant, les cabinets de psy affichent complet. "Jusque très récemment, je recevais environ un jeune par an pour des problèmes de craquage nerveux, de dépression ou de burn-out", observe la pédopsychiatre Béatrice Millêtre, auteur du livre Le burn-out des enfants. Comment éviter qu'ils ne craquent (Payot), publié le 9 mars 2016. "Ils sont désormais plus de cinq par semaine à passer le seuil de ma porte et, lorsqu'ils le font, ils sont déjà en grande souffrance." 

Comment alors caractériser le burn-out des enfants? Et en quoi diffère-t-il de celui qui touche les adultes? "Il conjugue une énormefatigue, un désinvestissement des activités ainsi qu'un sentiment d'échec permanent", répond-elle. Il prendrait même trois formes différentes. L'épuisement, lorsqu'une personne est soumise à une trop grande pression par rapport aux récompenses qu'elle reçoit; lacourse frénétique dans laquelle elle se lance, jusqu'à en être exténuée; et l'ennui profond qu'elle finit par ressentir au travail, qui lui paraît monotone et peu stimulant. Sous le contrôle des pédopsychiatres Gisèle George, Béatrice Millêtre et Ada Picard, nous avons tenté de mieux cerner ce grand malaise des enfants. Et d'en comprendre les causes. 

Non, le burn-out n'est pas réservé aux adultes

"S'ils ne sont pas encore sur le marché du travail, ils ont leur propre 'métier d'enfant' à exercer, qui est de réussir à l'école", prévient Béatrice Millêtre. En somme, le métro-boulot-dodo ne s'applique pas qu'aux actifs. Aller à l'école est un travail à part entière qu'ils n'ont ni choisi ni le loisir de modifier, d'adapter ou de quitter. Heures de cours, contrôles, notes, appréciation des professeurs, cours de soutien... Certains s'y adaptent, d'autres y laissent leur santé physique et mentale. 

"Au collège et au lycée, ils ont entre trente-cinq et quarante heures decours par semaine, pendant lesquels on leur demande d'être extrêmement attentifs, de ne pas bouger et de comprendre au quart de tour, insiste Gisèle George. Sans oublier, parfois, jusqu'à deux heures de devoirs le soir. C'est un rythme vertigineux que beaucoup de personnes plus âgées seraient incapables de suivre." Problème: si les adultes savent identifier les premiers symptômes du burn-out, lesados, eux, n'en ont pas conscience. N'ayant pas la même capacité de verbalisation, leur épuisement se manifeste donc de différentes façons. 

Les signes avant-coureurs: stress, fatigue, perfectionnisme

Pour comprendre le burn-out -qui est l'aboutissement d'un excès destress sur une période trop longue- et ce qui le précède, il faut d'abord définir ce qu'est le stress. Selon Gisèle George, c'est un mécanisme physiologique, comportemental et cognitif. Le bon stress nous galvanise et nous permet de surmonter des obstacles. Le mauvais stress, en revanche, nous paralyse, nous fait ruminer et nous donne le sentiment que l'objectif à atteindre est hors de portée.  

Avant un burn-out, le premier signe est une grande fatigue physique et intellectuelle. L'enfant se nourrit mal. Son sommeil n'est plus réparateur et il a des difficultés à s'endormir. Quant à son système immunitaire, il est plus vulnérable. "Tout est en hyperfonctionnement, les organes ne suivent plus et la fragilité somatique est décuplée", observe-t-elle.  

Les troubles sont nets: douleurs abdominales, maux de tête, problèmes de peau... Puis, l'enfant a l'impression qu'il ne dispose pas d'assez de temps pour bien faire. Et pense ne pas être capable de faire ce que l'on attend de lui. "Il devient un véritable petit chef d'entreprise, se sent incompris par son entourage, ajoute-t-elle. Etant constamment sous pression, il devient râleur, de mauvaise humeur et susceptible. Tel une cocotte-minute, il est prêt à exploser à tout moment." 

Enfin, l'enfant se transforme en mini controlfreak. Perfectionniste à l'extrême, il ne tolère pas la moindre erreur... et présente toutes les caractéristiques du syndrome du dimanche soir. "L'enfant peut avoir très peur d'aller à l'école par crainte de ne pas réussir, écrit le psychiatre et psychothérapeute Frédéric Fanget, dans l'essai Toujours mieux! Psychologie du perfectionnisme (Odile Jacob). Il travaille tout le week-end pour être sûr d'arriver avec des devoirs bien faits le lundi matin à l'école." 

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Parents, école, surmenage... Les causes sont multiples

Entre les parents qui ont peur pour l'avenir de l'enfant -et leur transmettent inconsciemment leurs angoisses- et ceux qui mettent la barre trop haut, les kids pètent les plombs. D'après une étude Ipsos publiée en septembre 2015, 57% des Français craignent de se trouver un jour dans une situation de précarité. Parmi eux, plus de 1 adulte sur 3 confie avoir déjà vécu dans la pauvreté. "Nous vivons dans une société qui est obsédée par le bien-faire et la quête d'épanouissement, analyse Ada Picard. Les parents projettent beaucoup trop sur leur progéniture." 

Un argument repris par Gisèle George, qui incite à ne pas mettre la pression aux enfants, "juste pour leur donner le goût de l'effort. Les aléas de la vie s'en chargeront! Il faut que les parents se calment et qu'ils acceptent que l'on ne puisse immuniser ses petits contre lechômage dès la maternelle". Pour preuve, elle cite une anecdote révélatrice. Lorsqu'une maman et son fils de 8 ans arrivent dans son cabinet, le petit garçon confie qu'il rêve de devenir vétérinaire. Au lieu de l'encourager, sa mère répond, avec aplomb: "Pour exercer ce métier, les écoles regardent les notes de leurs futurs élèves depuis lamaternelle. Il faut donc être bon dans toutes les matières si tu veux être admis!" Rien de mieux, en effet, pour plomber les rêves de grandeur de bébé... 

L'école est aussi au coeur du problème. "De nos jours, on en demande trop à cette institution, poursuit-elle. Son rôle est d'être un vecteur de savoir pour tous, pas d'empêcher le chômage de masse." Résultat: à force de mettre les enfants à l'épreuve de façon trop précoce, on en fait de bons petits soldats, écrasés sous le poids des injonctions de réussite. Dans ces conditions, difficile de développer sa personnalité et son estime de soi... 

Les victimes ne sont pas celles que l'on croit

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la victime type du burn-out n'est pas un jeune en difficulté scolaire, mais plutôt l'archétype dubon élève. Consciencieux, impliqué, perfectionniste, il prend son travail et ses activités extrascolaires très à coeur. "Les enfants qui craquent ont souvent la singularité d'avoir un caractère gentil: ils sontsensibles, concernés par les autres, sont exigeants envers eux-mêmes et ont un besoin de sens, précise Béatrice Millêtre. Faire quelque chose ne peut et ne doit être que bien fait." 

Problème: ce perfectionnisme est parfois entretenu par des parents qui, au lieu de féliciter l'enfant lorsqu'il ramène de bonnes notes, lui en demandent toujours plus. "J'en entends souvent qui se plaignent quand leur enfant ramène un 12/20 ou un 14/20, au lieu de ramener un 18/20, dénonce Gisèle George. Le refrain 'il a les capacités pour faire plus' ou 'il ne va pas au bout de son potentiel' peut être brutal pour un enfant." 

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Des enfants rendus adultes avant l'heure

Selon Béatrice Millêtre, le burn-out est favorisé par les parents qui donnent trop de responsabilités à leurs enfants. "Lorsque nous prêtons aux animaux des caractéristiques humaines, et que nous nous comportons avec eux comme s'ils avaient ces caractéristiques, nous parlons d'anthropomorphisme (du grec anthropos, homme, et morphé,forme). Nous faisons de même avec nos enfants en leur prêtant des comportements adultes et des attitudes qu'ils ne peuvent avoir." La pédopsychiatre appelle cela le "mégamorphisme". 

En somme, nous les voyons plus grands qu'ils ne sont et les rendons adultes avant l'heure. Comment l'expliquer? L'envie, dès la maternelle, d'en faire des champions, quitte à mettre de côté leur personnalité.Dansesportchorale... La course aux activités extrascolaires commence chez les tout-petits. "Arrivés dans les classes primaires, les enfants cumulent de trois à cinq activités par semaine dans certains milieux, sans parler des séances d'orthophonie, de psychomotricité... C'est un rythme intenable", conclut Béatrice Millêtre. 

Réhabiliter l'insouciance et la détente

Visites chez le psy, art-thérapie, pleine conscienceméditation... Tous les moyens sont bons pour aider l'enfant à lâcher prise. L'enjeu? "Le faire sortir de l'exigence de réussite et lui faire prendre ses distances avec ce sentiment de gravité qui lui colle à la peau", répond Ada Picard.  

Souffrant d'une anxiété de performance quasi permanente, ces enfants doivent d'abord réapprendre à jouer, à être plus légers. "Un enfant ne joue pas tant qu'il ne se sent pas en sécurité, ajoute-t-elle. Il faut donc réhabiliter cet espace d'insouciance et de détente, l'aider à revenir aux choses simples et à des préoccupations de son âge." 

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