La mémoire et l'intuition. (spiritualité)
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/11/2011
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Même si la mémoire est indispensable, il se pose le problème de son empreinte sur l'instant présent. Se pose également son emprise sur l'intuition dès lors que cette mémoire consciente dont nous usons continuellement ne permet pas en raison de cette omniprésence d'user de cette perception inconsciente d'une vérité qui est en nous et qui surgit sans que nous ayons eu la volonté de nous en servir. J'ai l'impression que cette mémoire attachée au phénomène des pensées obéit à l'ego et à cette obligation d'imposer à l'existence son empreinte. La mémoire consciente est au service du mental, elle utilise le réseau des pensées pour exister et entretient cette impression de maîtrise.La mémoire a un fonctionnement temporel étant donné qu'elle est inscrite dans le passé, c'est en cela d'ailleurs qu'elle répond aux exigences du mental. L'intuition pour sa part ne prend forme que dans l'instant présent en percevant des éléments qui nous échappent et qui lui permettent d'établir la justesse d'un acte. Un acte qui n'est pas décidé volontairement mais qui s'impose.
L'intuition a ceci de déstabilisant qu'elle ne répond pas à cette "maîtrise" illusoire du mental mais qu'elle existe par elle-même, sans aucune intervention consciente. Il ne s'agit pas d'une mémoire mentalisée se nourrissant d'un effort cognitif ou expérimental mais d'un flux de perceptions détachées de la raison et des pensées. Il est probable que ces perceptions se soient inscrites en nous à travers le champ des expériences mais qu'elles ne soient pas restées inventoriées au niveau de la mémoire et de la pensée. Elles sont "tombées" dans une dimension bien plus profonde jusqu'à intégrer notre inconscient.
Même si l'intuition a une part expérimentale inexpliquée, elle n'est pas d'ordre conscient et la mémoire n'en a gardé aucune trace.
Ce qui me tracasse, c'est la présence de cette intuition extrêmement forte chez les jeunes enfants. Une espèce de connaissance immédiate, irraisonnée, démentalisée. J'en ai plus d'une fois été le témoin à travers mon métier. L'étendue des expériences étant trop faible pour expliquer cette prescience, il faut bien situer cette faculté dans un champ intemporel...La capacité naturelle a être impliqué dans l'instant présent et par conséquent à se libérer de la contrainte de la mémoire et de la pensée est sans doute un élément favorable. Il n'y a qu'un enfant pour pouvoir faire d'un bâton une fusée au milieu d'un cercle agité d'adultes babillant...
Il est détaché de ce fardeau temporel, cognitif, expérimental, historique, sociétal, il est libre, encore pour quelques temps, de ce formatage et de cette raison restrictive qui vont lui être imposés par les adultes qui l'entourent et "l'éduquent"...
Cette intuition ou cet instinct (une dimension encore plus puissante) existe par conséquent à priori... C'est ça qui me fascine. Ce qui m'effraie par contre, c'est de constater l'effacement progressif de cette intuition au fil du temps. Elle est plus présente chez les femmes, c'est une réalité bien connue. Elle est également chez elles plus durables.
Peut-être que cet ego tentaculaire est moins présent chez les femmes et qu'elles parviennent dès lors à rester en prise avec cet inconscient profond. Les hommes sont éduqués à être plus cartésiens ou obtus... C'est selon...
Les femmes donnent la vie aussi. C'est un avantage indéniable sur les hommes au regard de la perception intime de ce que la vie propose...
Tout cela ne me dit pas quelle est la source de cette intuition.
S'il ne s'agit pas de la mémoire consciente, ni du phénomène des pensées, s'il ne s'agit pas d'un raisonnement, il faut trouver un autre émetteur.
Je me demandais par rapport à quelques expériences en montagne si cette intuition ne serait pas insérée dans la totalité du corps. Comme une "mémoire" corporelle ajoutée à une mémoire cérébrale. Je ne m'explique pas en effet certains "réflexes" intuitifs que j'ai eus dans l'expérience du canyoning, de l'avalanche, de chutes de pierres, de chutes à vélo etc etc...Comme si mon corps n'avait absolument pas besoin d'être soutenu par une unique intervention cérébrale mais qu'il était capable d'oeuvrer seul à sa survie. J'ai bien pensé au cerveau reptilien. Mais alors, ce qui est effrayant, c'est de se dire que notre évolution existentielle ne met en oeuvre qu'une partie précise de notre potentiel et nous prive d'un autre. Et que seules, quelques expériences précises, souvent inattendues et parfois même dangereuses, peuvent rétablir cette connexion bridée.
C'est peut-être aussi cela que recherchent les alpinistes, escaladeurs, explorateurs, bikers, free riders et autres adeptes de l'adrénaline. Bien plus qu'un simple "shoot" d'endorphines mais des retrouvailles avec ce cerveau englué sous les synapses du néo cortex.
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