Reflets du temps : agressions sur les profs.
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/10/2012
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http://www.refletsdutemps.fr/index.php?option=com_zoo&task=item&item_id=1833&Itemid=2
On ne les compte plus depuis le début de l’année, mais qu’en est-il envers les élèves ?…
Hier, un ancien élève vient me voir en classe. Il est dégoûté, désespéré, déprimé, au fond du trou. Un petit gars, dans une situation familiale très difficile, aucun soutien, non pas parce que les parents ne le souhaitent pas mais parce qu’ils ne peuvent pas, en survie constante, une maladie lourde pour le père, une maman qui gère comme elle peut. Et bien, ce petit gars a reçu cette appréciation sur un devoir d’Anglais : « Qu’est-ce que tu fais au collège, tu viens te chauffer près du radiateur ? »
Au CM2, il a bossé comme un mort de faim, il a progressé toute l’année, il était fier de lui, il avait retrouvé une estime, une envie d’apprendre, ses faiblesses n’étaient plus une condamnation mais une opportunité de se battre, de devenir meilleur. Et là, en un mois de classe, l’image qu’il a de lui, c’est celle d’un « nul ».
Tous les jours, en France, des enfants sont « poignardés » par des professeurs qui n’ont aucune conscience du mal qu’ils font, qui sont incapables de comprendre, de ressentir, de partager, d’avoir la moindre compassion, d’éprouver le moindre amour.
Et les médias vont hurler quand ils seront poignardés.
Qui se pose la question de ce que vivent les enfants ?
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En guise de premier commentaire, en attendant tous les autres :
« La poule et l’œuf »
Martine L Petauton
Certes, Thierry, l’agression de l’élève pousse, comme champignons en automne ; et ce n’est pas d’aujourd’hui ! L’écrit du professeur sur cette copie, est inadmissible ; il met en cause l’individu, bien autant que l’élève ; il juge, ressort, avec son prétendu humour, d’une forme de mort symbolique. Il ne respecte pas l’enfant qui veille toujours sous l’apprenant. C’est pile, le propos du Président, l’autre jour à la Sorbonne, quand il a dit – un peu vite ; je crains les trains entiers des incompréhensions : réformer la notation, par davantage de bienveillance. Il faut entendre : éviter le jugement péremptoire, arrêté ; celui qui ne permet pas le changement, la remédiation, les progrès, bref, celui qui ferme la porte, et ne l’ouvre plus. Ségolène, en tant que ministre, avait, en son temps, dit la même chose, au sujet du décliné des bulletins scolaires, qui, curieusement (ça en disait long sur les mentalités professorales) oubliait de signaler ce que l’élève devait faire pour améliorer ses résultats… Je me souviens d’un principal que j’aimais beaucoup, et que j’ai la chance de compter, encore aujourd’hui, parmi mes tout proches, qui avait tonné – avec quelle raison – contre un professeur, ravi de parler de « cette classe dépotoir » ! Ne rien sacrifier des valeurs hautes de l’école, voilà la mission de chefs d’établissements, pas toujours à leur poste.
L’élève est une personne. Vous avez raison de le dire avec force.
Mais, dans l’affaire de votre chronique, il y a une autre personne, c’est le professeur. N’est-il pas agressé, celui-là, juste sorti de ses théoriques études, mal, vite, trop peu formé, lâché dans une arène dont il ne connaît pas les codes ? N’est-il pas agacé, ce vieux de la vieille, campant sur son « expérience » de professeur (acquise, et immobilisée, il y a des décennies), par cette mauvaise évaluation qui – quelque part, selon lui – signe son « mauvais cours », donc, lui renvoie une image défaillante de lui-même ! J’ai ainsi connu, une collègue, qui pleurait, quand « ces petits cons avaient encore raté le devoir ! »
Bref, Thierry, la poule et l’œuf ?
Thierry Ledru
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Commentaires (8)
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cher Monsieur, vous êtes en train de faire un amalgame assez étrange entre un enseignant qui critique des élèves sans suffisammment se soucier de leur sensibilité, et l'acte d'attaquer quelqu'un physiquement ! en outre, les enseignants qui, récemment, ont été attaqués ne l'ont pas été pour avoir manqué de délicatesse, mais pour avoir, au moins dans un des cas, essayé d'aborder des sujets qui ne plaisaient pas soit à l'élève, soit à ses parents, c'est à dire "le fait religieux", et l'islam. Enfin, c'est ce qu'on est arrivé à grand peine à comprendre, en recoupant diverses informations embarassées, tant les medias ont d'abord présenté l'affaire de manière lénifiante. De toutes façons, même si un manque de tact d'un enseignant avait été en cause, je ne vois pas en quoi cela "justifierait", en quelque sorte, la violence physique ! les mots ont été inventés pour répondre aux mots - on a l'impression que vous trouvez au fond "compréhensible" que les enseignants se fassent agresser soit par des élèves, soit par des parents d'élèves incapables de supporter la contrariété, à coups de poing ou à l'arme blanche !
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Pour ma part Martine, je dirai que le prof est responsable de ce que les élèves lui font vivre. Non pas qu'il est responsable de la situation extérieure à sa classe, de toutes les difficultés inhérentes à la société, chômage, misère sociale, angoisses générées par les images de ce monde, contre tout cela il ne peut rien mais il se doit d'être le "Maître" du sanctuaire que doit être l'école. Les enfants qui y viennent n'ont pas à y souffrir et cela n'enlève en rien leur devoir de travail. L'immense différence au regard du monde extérieur, c'est qu'à l'école ils sont en droit d'attendre un regard accueillant, attentif, respectueux, une attitude nourrie par la patience, l'écoute, l'échange surtout, l'échange...Combien sont-ils ces professeurs qui connaissent réellement leurs élèves? S'ils ne voient face à eux que des élèves, comment pourraient-ils espérer établir une relation respectueuse puisqu'ils nient dès le départ, l'individu lui-même. C'est à l'adulte enseignant de faire le premier pas. Pas l'inverse. Les enfants et même les adolescents ne savent pas encore observer leurs propres fonctionnements. Ils agissent à l'instinct et leur instinct les conduit à une position défensive si l'adulte, face à eux, se contentent de monter au front...Je n'ai pas respecté mes professeurs "à priori" mais parce que je sentais profondément qu'ils nous respectaient. L'attitude inverse est tout autant vraie. Mais il est bien plus facile d'instaurer un rapport de forces, c'est à la portée de n'importe qui. La formation des enseignants est similaire à celle des gradés de l'armée. "Nous ne vous demandons pas d'en faire des hommes mais des techniciens. Montrez leur que vous possédez le savoir dont ils ont besoin pour trouver leur place. Qu'ils vous soient soumis. Mettez en place un conditionnement favorable à l'obéissance. Ils n'ont pas à comprendre ce qu'ils font, ils doivent juste appliquer vos directives."
A l'inverse, on peut apprendre aux enfants à observer ce qu'ils vivent. Un exemple : j'ai expliqué cette semaine que lorsque j'avais décidé au tennis de passer du revers à une main au revers à deux mains, j'avais réalisé que l'ensemble de mon jeu s'était détraqué. Tout à fait normal. On apprend par paliers et il faut accepter que les acquis précédents soient atteints lorsqu'un autre apprentissage se met en place. Il faut apprendre la patience et l'attention, apprendre à rester positif et appliqué, réfréner la colère ou le dépit, ne pas considérer que l'objectif est plus important que l'acte présent etc etc...
Pourquoi les enseignants ne parviennent pas, pour beaucoup d'entre eux, à établir ces échanges existentiels, puisqu'il s'agit bien de ça ? Parce que la formation initiale ne les a pas amenés à cette voie ? Et pourquoi ne réalisent-ils pas que c'est le nœud du problème, pourquoi ne s'y engagent-ils pas d'eux-mêmes? Pourquoi attendent-ils des solutions techniques à un problème qui ne relève pas de la technique? On nous dit maintenant que tout ira mieux parce qu'on va travailler le mercredi matin, que le calendrier va changer, qu'on va revoir les programmes et patati et patata...Trente ans que je vois les mêmes plantages. On marche à l'envers et NOUS sommes responsables. Pas les enfants. Et qu'on ne vienne pas me dire que ce que je prône ne fonctionne que dans des classes "tranquilles". J'ai été éducateur sportif pour délinquants adolescents caractériels et j'ai enseigné en SEGPA. Et puis d'ailleurs, les classes "tranquilles", ça fait un moment que ça n'existe plus. Où que ça soit. Alors, on fait quoi ?
Pour ce qui est des bulletins trimestriels, je n'en fais pas. J'écris cinq lettres dans l'année à chaque enfant. Des lettres dans lesquelles je leur parle d'eux, de leurs progrès, de leur attitude, de mes attentes, de tout ce que je ressens à travers ces instants de vie commune. Aucun jugement. Un partage. Des droits et des devoirs mais surtout, surtout en ne mélangeant jamais que ce que l'enfant fait n'est pas ce qu'il est. Le contenant avant le contenu. Toujours.-
" le prof est responsable de ce que les élèves lui font vivre " !!! non, Thierry, à ce credo - permettez moi, " sûr de soi et dominateur", dangereusement simpliste, imbibé de " culture de l'excuse", qui - à mon humble avis, n'est pas de nature à changer les choses. Seule la discussion, la mutualisation ; seules des recherches en termes de négociations, de compromis, et non de compromission, sont de nature à faire progresser, dans un chantier - école où il y a urgence.
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OK le professeur n'a pas à juger l'élève mais son travail.
Mais, nous, avons-nous le droit de juger le professeur et de soutenir l'élève ? Comment l'élève peut-il avoir envie de travailler si nous le soutenons contre le professeur, tant que celui-ci n'arrive pas à être parfait ? ... -
Madame Talineau
Les médias ne parlent que de certains cas d'agressions, qu'il s'agisse de professeurs ou d'élèves. On connaît la vue extrêmement étroite des médias et leur parti pris pour leur audimat. La réalité du terrain est toute autre. Je pourrais vous parler pendant bien longtemps de tous les cas que je connais personnellement d'enfants humiliés, d'enfants qui quittent le système scolaire, non pas parce qu'ils n'ont pas les capacités à apprendre mais parce qu'ils sont au bout, psychologiquement. Non, je ne fais pas d'amalgame avec les professeurs agressés pour avoir abordé des sujets sensibles au regard de certains élèves. Le sujet est éminemment complexe. De la même façon, je connais aussi des professeurs qui œuvrent au bien être de leurs élèves à travers les apprentissages. Ils sont nombreux eux aussi. Mais je connais aussi leurs difficultés au regard de la hiérarchie, de "l'équipe pédagogique", des proviseurs, du ministère. Quand un professeur se voit reprocher une "trop grande complicité" avec ses élèves et la raison de leur rébellion avec des professeurs "autoritaristes", je me dis qu'il y a vraiment quelque chose de pourri dans ce royaume. Rudolf Steiner disait qu'il ne sert à rien de lutter contre la vieille école, il faut juste attendre qu'elle meure. Mais combien d'enfants "morts" compterons-nous avec elle ? Suffit-il de se dire qu'il en a toujours été ainsi et que l'école ne peut pas tout régler? Non, elle ne le peut pas, c'est évident. Mais, elle n'a pas pour rôle d'accroître les douleurs. Je me souviens très bien de ma scolarité. J'ai rencontré des hommes et des femmes remarquables. Peu, mails m'ont considérablement marqué. Je suis devenu enseignant en me nourrissant de leur exemple. Je me souviens aussi très bien de ceux et celles qui m'ont cassé. Jusqu'à en tomber malade. J'ai cinquante ans aujourd'hui et je ne supporte plus l'idée que rien n'a changé. Claude Allègre parlait de "mammouth". Je préfère le terme de "fossile". On ne change pas un fossile. On le brise, on le réduit en poussière. -
Monsieur Gabard.
Aucune professeur ne sera jamais parfait pour la simple raison que nous sommes dans une dimension humaine. En technologie, on peut parfois parler de perfection. Dans une classe, on peut viser la perfection en sachant qu’elle restera inaccessible. Elle consistera uniquement à refuser catégoriquement les stéréotypes, les amalgames, les « méthodes », les jugements péremptoires, l’idée que plus aucune évolution n’est envisageable, elle consistera à écouter, à ressentir, à être patient, attentif, accueillant. Elle consistera aussi à être rigoureux, intransigeant quand il faut l’être mais en étant capable de justifier chaque décision, non pas au regard d’un règlement intérieur mais au regard de l’humanité.
Dans une classe, chaque enfant est une individualité mais il évolue au cœur d’un système familial, sociétal, il a une histoire personnelle et elles sont de plus en plus complexes…Il ne s’agit pas pour tous les acteurs qui se croisent de "soutenir" l’un ou l’autre, de s’opposer, de soumettre, de convertir mais d’œuvrer conjointement, en bonne intelligence, à l’éveil de l’enfant. Bien évidemment que c’est difficile mais rien n’est possible en se figeant dans une citadelle. L'échec, sinon, est déjà programmé. Nous n’accueillons pas des élèves, nous accueillons des enfants. Ils rentrent dans les enceintes scolaires avec leur histoire et il est aberrant d’espérer les voir entrer, « nus » et disponibles. Soit, l’ensemble de l’individu est pris en considération, soit on se heurtera à un élève, c’est inévitable. Bien évidemment qu’il faut laisser du temps aux enseignants pour valider une telle démarche. Encore faut-il qu’ils l’acceptent. Je connais une professeur qui s’est vue reprocher par « l’équipe pédagogique » d’un collège sa trop grande complicité avec les élèves, c’était de sa faute si les élèves ensuite se rebellaient dans les autres cours. La hiérarchie n’aime pas les singularités pédagogiques, elle n’aime pas que les enfants soient considérés, qu’ils ne soient pas que des élèves. « C’est le terreau du désordre. »
Non, c’est le ferment de l’humanité. -
...Des élèves "poignardés"... ! Non, monsieur, car les mots ont un sens ! Un conseil donc : modérez votre langage, car, on ne peut pas vous suivre quand vous parlez comme cela. Votre choix sémantique est trop grave en contribuant ainsi à décourager les jeunes enseignants, qui ont d'abord besoin d'être soutenus - certes pas d'une manière inconditionnelle (là je suis évidemment d'accord).
Comme il existe parfois dans nos établissements des sortes de "bonnes sœurs laïques" d'extrême gauche, qui voient les jeunes des zones dites "sensibles" comme des petits christs (de banlieues), vous me faites pensez à elles, monsieur. Et, à mon avis, elles font beaucoup de dégâts... ! Les élèves, surtout dans ces zones, ne sont ni des christs, ni des diables - voyez-vous.
Vous êtes dans la généralisation, dans l'outrance. Oui, il y a des humiliations d'élèves à cause de certains enseignants, mais vous ne vous situez que d'un côté. Venez donc dans les régions "sensibles", car votre biographie montre que vous ne semblez pas les fréquenter vraiment beaucoup...
J'ai toujours adoré mon métier, pour les matières enseignées et le contact avec mes élèves. Je sais qu'il y a un "effet professeur", positif ou négatif - je vous rejoins sur ce point. Mais en fait, quelque part, vous me semblez être toujours un élève (au niveau inconscient) et vous ne vous assumez pas comme enseignant, dans la fonction d'autorité qui doit être la nôtre, au risque de voir l'autoritarisme (un grave défaut) tout submerger un jour : certains sont déjà demandeurs, par exemple parmi les parents - et essentiellement pour les enfants des autres, bien sûr. Et cela sans oublier un certain courant politique plutôt en vogue... -
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effectivement ! il n'y a aucune mesure entre critiquer un élève, même maladroitement et sans délicatesse, et "poignarder" quelqu'un. Mal nommer les choses ajoute au désordre du monde.
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Mr Lamouché.
Éducateur avec des adolescents délinquants caractériels, vous pensez que c'est assez "sensible" ? Enseignant en SEGPA, c'est assez "sensible" ? Je ne vais pas faire ma biographie ici pour vous apparaître suffisamment compétent. Vous me voyez comme une "bonne sœur". C'est votre choix. Vous attribuez le seul terme d'autorité à notre fonction ? C'est votre choix. Vous pensez que je condamne d'emblée les jeunes enseignants ? Alors, relisez moi autrement qu'en diagonale et vous verrez que nous nous accordons sur bien des points. Vous ne notez que ce qui vous dérange et vous le sortez de l'ensemble. Si les enseignants n'ont que de l'autorité à dresser devant les enfants pour justifier ce qu'ils demandent, alors qu'ils ne s'étonnent pas que ça ne soit plus suffisant lorsque ces enfants seront adolescents. Lorsqu'il faudra faire intervenir l'armée dans les cours de collège, peut-être qu'on se mettra à y réfléchir... -
C'est tout de même assez consternant de voir à quel point ,e fond du problème peut être nié...La symbolique des guillemets vous échapperait-elle ? En tout cas, la fossilisation des comportements est une réalité criante.
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Et si Julles Ferry c'était trompé? Où, pensez-vous que le fait de rendre l'école obligatoire au delà de l'enseignement primaire soit une solution toujours valable à notre époque?
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Les commentaires des copies comme des bulletins trimestriels sont un exercice fatidieux et répétitif. Le commentaire que vous citez est imbécile; mais, avec un peu d'humour, on peut en faire quelque chose d'amusant, pour, il est vrai, des élèves plus agés, capables d'en rire. J'ai connu un prof de philo facétieux, qui, un jour, avait écrit sur un bulletin : "n'a cessé de progresser...Vers le radiateur!".