"The alpinist"
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/06/2022
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Beaucoup diront que lui et sa compagne sont fous de grimper sans corde, beaucoup diront même que c'est irresponsable d'obliger des secouristes à risquer leur vie pour essayer de les retrouver.
D'autres diront qu'il est impossible de les comprendre parce que notre vie est à mille lieues plus bas que la leur et donc ils ne porteront aucun jugement. Ils se contenteront de vibrer et de se réjouir de la vie totale, entière, extrême de ces "conquérants de l'inutile".
Quant à savoir si la vie "moderne" n'est pas l'exemple même de la folie, je laisse chacun y réfléchir.
The Alpinist
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Dans The Alpinist, le réalisateur américain Peter Mortimer fait le portrait de Marc-André Leclerc, un jeune alpiniste talentueux de Colombie-Britannique qui a accompli dans la plus grande discrétion des ascensions qui ont redéfini l’alpinisme. Son parcours remarquable s’est terminé tragiquement dans une avalanche en Alaska. Nous avons échangé avec le père de Marc-André, Serge Leclerc.
Publié le 4 nov. 2021
MARIE TISONLA PRESSE
Marc-André Leclerc préférait passer sous le radar. Pour lui, réaliser une ascension audacieuse devait être une expérience authentique, personnelle, pas un coup de publicité. « Marc-André, il était comme ça, se rappelle son père, Serge Leclerc, un Montréalais d'origine. Ce n’était pas une personne qui se vantait de ses affaires. Je n’avais pas vraiment réalisé la grandeur de ce qu’il faisait. »
Le monde de l’alpinisme, lui, commençait à porter attention. Au point de soulever l’intérêt de Peter Mortimer, réalisateur du film The Dawn Wall, qui chroniquait l’ascension d’une paroi vierge d’El Capitan, en Californie.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’ARC’TÉRYX
C’est lorsque Marc-André Leclerc a commencé à obtenir des commandites que son père, Serge Leclerc, a compris qu’il faisait des ascensions remarquables.
Peter Mortimer a suivi Marc-André Leclerc pendant deux ans, multipliant les entrevues avec le jeune homme, avec ses proches et avec des grands du monde de l’escalade pour réaliser le film The Alpinist, offert ce jeudi sur Amazon Prime Video.
Dans ses conversations avec son père, Marc-André Leclerc avait minimisé l’importance du projet, parlant d’une « petite compagnie », d’un « petit film ».
Lorsqu’il a rencontré l’équipe de tournage pour une entrevue, Serge Leclerc a réalisé que le projet avait une portée beaucoup plus grande que ce que laissait entendre son fils. Et il est devenu nerveux. « Je leur ai dit que Marc-André est jeune, impressionnable, relate-t-il, en entrevue avec La Presse. Je ne veux pas qu’il se sente sous pression de faire des trucs qu’il n’est pas prêt à faire. Je ne veux pas perdre mon fils à cause d’une connerie de film. »
Le réalisateur a voulu rassurer M. Leclerc, expliquant qu’il s’agissait simplement de suivre Marc-André, et non pas de lui suggérer quoi que ce soit.
Mais ce qui a rassuré quelque peu Serge Leclerc, c’est l’attitude même de Marc-André. Lorsque celui-ci a voulu réaliser une ascension d’envergure, dangereuse, la face Emperor du mont Robson, il n’a rien dit à l’équipe de tournage et s’est rendu seul dans les Rocheuses canadiennes pour réaliser son projet. « Il m’a dit qu’il ne voulait pas avoir une équipe de film qui le suive, parce que cela allait tout changer la façon dont il faisait les choses, se rappelle Serge Leclerc. J’étais content qu’il me dise ça. »
Peter Mortimer a trouvé la situation un peu plus frustrante, mais Marc-André Leclerc s’est montré beau joueur : il a répété son audacieuse ascension pour l’équipe de tournage, ce qui donne lieu à des images à la fois magnifiques et terrifiantes.
L’amour du plein air
Serge Leclerc était allé en Colombie-Britannique en 1978 pour « juste une job d’été ». « Je suis arrivé ici, j’ai vu les montagnes, j’ai vu la mer, je suis tombé en amour, raconte-t-il depuis son domicile à Vancouver. Je ne suis pas revenu. »
Il s’est marié avec une anglophone, a eu trois enfants, dont Marc-André. Ce dernier n’a jamais maîtrisé le français. Diagnostiqué d'un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, il a eu un parcours scolaire pour le moins difficile. Le plein air a été une planche de salut.
Son amour pour être à l’extérieur, ça vient de notre famille. C’est quelque chose qu’on faisait tout le temps. Il a grandi avec tout ça. Pour nous, c’était une progression naturelle de le voir faire ce qu’il faisait.
Serge Leclerc
Triste ironie, ce n’est pas pendant le tournage, ce n’est pas lors d’une dangereuse ascension en solo, sans corde, sans protection, que Marc-André Leclerc a trouvé la mort, en mars 2018, à l’âge de 25 ans. Il a été emporté par une avalanche avec un autre alpiniste d’expérience, Ryan Johnson, sur une montagne d’Alaska.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE THE ALPINIST
Marc-André Leclerc a parcouru les Rocheuses canadiennes, la Patagonie et la terre de Baffin pour réaliser ses ascensions.
Serge Leclerc se rappelle avec émotion les jours qui ont suivi la disparition des deux hommes, son départ précipité vers l’Alaska. Il raconte qu’il était dans l’hélicoptère de recherche lorsque l’équipage a repéré une station de rappel, au sommet de la montagne, puis une corde un peu plus bas, à moitié enfouie dans des débris d’avalanche
« J’ai dit que c’était la corde de Marc-André. Je l’avais vue, il était venu chez moi avant de partir pour l’Alaska. C’est à ce moment-là qu’on a su qu’ils étaient en dessous de la neige. »
Peter Mortimer et son équipe étaient dévastés. Le documentaire, qui se voulait un portrait d’un jeune alpiniste enthousiaste, a pris une tournure tragique. Il offre des moments particulièrement émouvants avec le témoignage des amis de Marc-André Leclerc et, surtout, de sa copine, Brette Harrington, elle-même une alpiniste d’exception.
« Je ne savais pas que la vie pouvait être si douloureuse », laisse tomber cette toute jeune femme qui, jusque-là, s’était montrée invariablement radieuse.
Plus de trois ans plus tard, les deux corps sont toujours sur place. À moins qu’un mouvement de la neige ne les découvre, il n’est pas question d’aller à leur recherche.
« Pour faire quoi ? On va ramener le corps ici, on va le faire incinérer, on va prendre les cendres pour aller les mettre sur une montagne à quelque part ? Il est déjà dans une montagne. Il est gelé solide, il va être jeune à tout jamais. »
Serge Leclerc est reconnaissant de voir la vie de son fils représentée dans un film.
« C’est un bel hommage. Ce que j’aime du film, c’est qu’il démontre non seulement qu’il était bon en escalade, en alpinisme, mais que c’était une bonne personne. Ce qu’il a fait dans les montagnes, c’est sûr que j’en suis fier, mais ce dont je suis le plus fier, c’est la personne qu’il est devenu comme adulte. »
Offert sur Amazon Prime Vidéo
The Alpinist
Peter Mortimer
Avec Marc-André Leclerc
Documentaire
En anglais
90 minutes
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