Le trou dans le bois. (spiritualité /le moi)

Daniel Cowan fait une analogie entre notre perception de notre moi et un trou dans un morceau de bois...Ce trou peut être décrit par rapport à la couleur du bois, sa forme, sa dimension, la texture du bois, la régularité du contour etc...mais il ne s'agit réellement jamais du trou lui-même, c'est à dire du vide qui le constitue, de la qualité de l'air qui s'y trouve, en fait de tout ce qui se trouve dans l'espace même de ce trou et non de ce qui l'entoure. Les qualités du trou sont trop abstraites pour être clairement définies et surtout nous avons l'habitude (le conditionnement) de porter notre attention vers l'environnement plutôt que vers le sujet lui-même. Il en est de même avec notre "moi". Notre sens d'identité personnelle est généré par notre environnement et toutes les expériences vécues dans cet environnement. Nous construisons notre schéma en fonction de nos interractions avec cet environnement, notre capacité à nous y insérer, à y prendre forme, à nous modeler en fonction de toutes les influences que nous subissons. Possessions, rôles, appartenances, croyances, statuts, sont des données rapportées au fil de l'existence et nous les érigeons en identité. Et pourtant, ce "moi" n'est qu'un ectoplasme fabriqué sur mesure, par l'individu lui-même mais en fonction d'intentions projetées vers l'environnement. Il se moule en choisissant l'atelier de poterie qui répond à ses désirs. Cette identité devient son bien le plus précieux et il s'efforcera de la renforcer par des rencontres, des expériences, des situations qui valideront ces "choix".

 

Qu'en est-il si par malheur pour lui cet environnement vient à être perturbé à un tel point que les repères s'estompent ou disparaissent ? Que reste t-il de l'individu ? A quoi peut-il se raccrocher pour ne pas tomber dans le vide existentiel qu'il avait justement toujours évité d'explorer ? Cette conscience du vide survient avec une telle violence que tous les repères volent en éclat. Il n'y a plus de bois autour du trou. Divorce, chômage, dépression, maladie, accident, décès d'un proche, les éléments capables de ronger le bois comme des animaux xylophages sont nombreux et redoutables. Le plus souvent inattendus.

Jusque là, le "moi" se nourrissait de tout ce qui était "non moi" mais convenait à l'image de cette "identité". Si l'environnement devient une source de peur et de danger, ce vide jamais exploré n'offre aucun ancrage. C'est le néant qui apparaît, un néant aussi terrifiant que l'image que l'on a de la mort, il ne reste rien, l'individu a disparu parce que l'environnement ne le maintient plus en état. La mort nous sépare de la reconnaissance de nos proches, de la possession de nos biens, de nos réalisations matérielles, de tout ce qui nous entoure autant que de tout ce que nous portons, souvenirs, sentiments, attachements. Ces "pensées" ne sont d'ailleurs bien souvent que des excroissances de nos expériences environnementales. Elles sont générées par nos relations, c'est à dire encore une fois par des éléments autour du trou dans le bois...

 

Ce travail d'identification exige une dépense d'énergie constante et souvent une imagination débordante afin de multiplier les expériences favorables à cette construction. Les psychologues appellent ce fonctionnement "le renforcement psychologique". La vie devient donc une consolidation permanente par "expériences extérieures." Il se peut très bien que la personne soit parfaitement heureuse de ce fonctionnement. Mais elle instaure un fonctionnement très égotique dans le sens où l'environnement se doit d'entretenir ce fonctionnement. La plupart des activités humaines consistent à défendre cette identité et le bas niveau de synergie s'explique ainsi facilement...Il y a "moi", ce vide entouré par des entités vides qui existent de par leur environnement et qui me font vivre. Ca ne créé aucune cohésion, fusion, osmose mais un entrelac de relations de dépendances.

 

On en revient par conséquent toujours au même problème. Que se passe -t-il si tout s'effondre ?   

 

La possibilité pour le trou d'exister enfin.     

 

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