Nucléaire : les mensonges

Les mensonges du nucléaire français

 

Une enquête édifiante sur les secrets de cette industrie dont on nous vante les mérites depuis les années 1960 (lundi 4 mai, à 22 h 55, sur Canal+).

LE MONDE |  • Mis à jour le  |Par Mustapha Kessous

 

La centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux ( Loir-et-Cher) .

Une enquête édifiante sur les secrets de cette industrie dont on nous vante les mérites depuis les années 1960 

 

A en croire ce documentaire, les mensonges sur le nucléaire français sont aussi toxiques que la radioactivité. Depuis les années 1960, les différents gouvernements nous assurent que les centrales nucléaires sont extrêmement sûres, au point qu’ils n’ont jamais eu à déplorer le moindre accident. Et ce n’est pas tout : l’énergie électrique – produite par les 58 réacteurs du pays – est propre et peu onéreuse. Un mythe, selon les auteurs de Nucléaire, la politique du mensonge ?,qui se font un malin plaisir de déconstruire – pour ne pas diredégommer – la trop belle « fable » des bienfaits de l’atome.

Cette nouvelle enquête de « Spécial investigation » commence dans un village du Loir-et-Cher, Saint-Laurent-Nouan, où se trouve la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux qui, depuis son inauguration en 1963, a connu deux accidents passés sous silence par EDF. Le premier date de 1969, le second – plus grave – remonte à 1980. En cause : un défaut de maintenance qui a entraîné la surchauffe et la fusion de l’un des deux cœurs de réacteur, libérant ainsi du plutonium – matière hautement radioactive et dangereuse – que les responsables du site ont décidé, pour s’en débarrasser, de rejeter dans… la Loire. Une pratique illégale à cette époque et qui l’est toujours de nos jours.

Surréaliste

Il est regrettable que les dirigeants actuels d’EDF n’aient pas souhaité s’exprimer. Seul Marcel Boiteux, ancien président du groupe (de 1979 à 1987), et artisan du nucléaire, a accepté de parler. Ce qu’il dit semble à peine croyable, et son entretien avec le journaliste, surréaliste. Interrogé à propos de ce qui a conduit les responsables à déverser le plutonium dans la Loire, M. Boiteux répond sans ciller : « C’est quand même pas grand-chose. » « C’est du plutonium, c’est interdit », s’étonne le journaliste. « Oui, bien sûr, ce n’est pas bien, mais ce n’est pas grave », se défend l’ancien patron. « C’est illégal », insiste le reporter« C’est illégal de tuer son voisin quand vous êtes en voiture, et que vous rencontrez la voiture d’en face et que vous tenez mal votre volant. En cas d’accident, il se passe des choses illégales, quand on est conscient », explique en souriant le président d’honneur d’EDF. Un tel accident, pourtant, devrait systématiquement obliger à l’évacuation des habitants alentour.

Quid ensuite des sites de stockage des déchets radioactifs ? Et peut-on affirmerque le nucléaire est une énergie propre ? Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, a récemment assuré que le nucléaire produit, en termes de déchets, l’équivalent d’« une piscine olympique ».Vrai ou faux ? Selon les calculs et les différentes révélations du documentaire, le volume de ces déchets correspondrait plutôt à près de 200 piscines olympiques. On est loin du compte.

De même, on est bien loin de la vérité lorsqu’on nous assène que le nucléaire ne coûte pas cher. En effet, la note des travaux de remise en état des centrales nucléaires engagés depuis 2012 s’élèverait à 110 milliards d’euros, soit deux fois plus que le chiffre avancé par EDF.

Documents inédits à l’appui, cette enquête démonte habilement – et avec pédagogie – le discours tenu aujourd’hui sur le nucléaire français. Un discours qui se veut rassurant, notamment par l’usage de certains mots plutôt que d’autres. Les communicants préfèrent par exemple parler de « relâchement » et jamais de « fuite ». L’euphémisme en dit long.

« Nucléaire, la politique du mensonge ? », de Jean-Baptiste Renaud (Fr., 2015, 55 min).

 

Et une autre vidéo pour compléter et croiser les informations :

 

 

 

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