le pouvoir d'achat
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/04/2022
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Il me pose beaucoup de problèmes ce pouvoir d'achat...
Personnellement, d'abord, sur un plan strictement individuel. Il est clair et indiscutable que mon pouvoir d'achat a diminué au fil du temps. Le pouvoir d'achat de Nathalie est encore plus modéré que le mien. Malgré son master 2 (psychologue clinicienne) et sa carrière professionnelle (institurice puis psychologue scolaire).
Sa pension la place sous le seuil de pauvreté. Moi, je suis 500 euros au-dessus, quelle chance...A nous deux, on s'en sort mais tout est calculé et il est heureux que le potager nous nourrisse en grande partie.
Je sais bien qu'il y a des individus qui sont dans une situation bien plus critique que la nôtre. Mais je l'ai déjà expliqué, la "dialectique du pire", c'est un piège, une abomination.
Aujourd'hui, j'ai eu deux visites. J'avais mis en vente sur le bon coin des fenêtres que nous avons remplacées. Les deux couples qui sont venus, un le matin, l'autre l'après-midi, ont raconté la même situation. Ils sont venus vivre dans la Creuse parce que c'était un département, quasiment le seul, où ils pouvaient acheter une petite maison. (environ 35 000 euros) Ils sont donc, eux aussi, en pleine rénovation mais dans l'impossibilité d'acheter des matériaux neufs. Tout est acheté en occasion et remonté par eux-mêmes. Ils sont pourtant tous salariés... Il existe indiscutablement de très nombreuses personnes qui peinent à joindre les deux bouts.
Quelles sont les conséquences au-delà des individus ? Peut-on demander à cette frange de population de prendre fait et cause pour l'environnement, de s'engager dans une voie de décroissance alors que les médias donnent de celle-ci une image catastrophique, un désastre économique, une perte encore plus grande du pouvoir d'achat?
En vélo, on dit que quand on roule vent de face, il faut être con pour lever la tête. Voilà, on en est là, la tête dans le guidon et on n'a pas la possibilité de regarder plus loin que la roue avant. On rentre les épaules, on fait le dos rond, on tente de survivre. Alors, il ne faut pas demander en plus de penser aux miilions de kilomètres que l'humanité a encore devant elle. Il ne reste que l'individu engagé dans sa lutte. Et il serait abject d'aller parler d'égoïsme. La frange de population dont le sujet prioritaire, c'est la perte réelle de pouvoir d'achat, n'est pas en état pour se préoccuper de l'état de la planète, de la biodiversité, de la souffrance animale, des risques environnementaux et de la possibilité de plus en plus grande d'un effondrement de nos systèmes.
Les gens que j'ai vus aujourd'hui sont en équilibre, sur le fil du rasoir, inquiets pour leurs enfants et se sentent démunis, fatigués, aux aguets. Ils se sentent déjà en danger alors un danger lointain qui concerne la planète entière, ça ne peut pas entrer dans leur espace intérieur. Sinon, ils explosent. Et je les comprends parfaitement.
Cette idée que la pauvreté sert les puissants, qu'un pouvoir d'achat réduit à sa portion congrue, c'est un moyen idéal pour maintenir le système en état. Il y a bien longtemps que je suis persuadé que tout ça est volontaire, calculé. "L'Etat-providence", c'est une supercherie. C'est sa providence qu'il cherche à maintenir et pour cela, il faut qu'il y ait des inégalités, des seuils de pauvreté et des seuils de richesse, des injustices et des passe-droits, des malversations et quelques condamnés pour l'exemple. Tout ça est une vaste machinerie et je parle volontairement de machinerie dans le sens où il n'y a plus de réflexions au-delà des rouages ancestraux des classes sociales. Il y aura toujours des pauvres, de plus en plus, et toujours des riches, de plus en plus riches. Et les uns comme les autres entretiennent la machine, les premiers en tentant d'améliorer leur sort en acceptant les règles de la machine et les seconds en oeuvrant à préserver leurs privilèges. Tous engagés dans le même sens. Au jour le jour.
La toute puissance du pouvoir d'achat restera le fil conducteur des existences.
Alors, effectivement, et on le voit encore ce soir, rien ne change et les électeurs espèrent que leur sort va s'améliorer ou tout du moins ne pas s'aggraver davantage. Tout le monde la tête dans le guidon, avec le vent de face. Les contestations, les manifestations, les grèves, les rassemblements, rien ne viendra réellement transformer le système. Chacun ira de sa proposition pour améliorer la situation de chacun mais en fonction de son appartenance à un groupe précis. La notion d'humanité est inexistante.
C'est comme si chacun vivait sur sa planète.
Qu'arrivera-t-il le jour ou les Puissants prendront conscience que ce système les condamne eux aussi au vu de la dégradation constante de l'état de la planète ? Décideront-ils de supprimer les pauvres pour réduire l'impact d'une humanité dévastatrice ? C'est ce que je tente d'écrire depuis deux ans. Et il arrive, parfois, où je finis par avoir peur de ce que j'écris.
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