Les Maîtres.
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/12/2009
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Je suis un peu décontenancé par le nombre de "Maîtres" spirituels qui annoncent que le lâcher prise suffit à l'éveil et qu'il n'y a donc rien d'autre à faire que de laisser tomber les résistances de l'ego, que "nous sommes déjà tous éveillés," qu'il n'y a même pas à chercher quoique ce soit puisque tout est là, etc...
Combien d'années de travail, de quête, de méditation, de recherches spirituelles dans de multiples voies leur a-t-il fallu pour qu'ils parviennent à cet état ? Peut-être se sont-ils aperçus qu'effectivement "tout" était déjà là et que la recherche n'était qu'un mirage mais c'est bien parce qu'ils ont cherché pendant des années que cette révélation a eu lieu...
Comment serait-il possible que nous, pauvres hères spirituels, hantés par notre passé, tourmentés par notre avenir, poursuivis par les contingences quotidiennes, nous parvenions à cette plénitude en occultant l'immense travail que ces maîtres ont abattu?...
Il y a là quelque chose que je ne saisis pas...
L'impression d'être au pied d'une montagne immense, accompagnés par les Swami Prajnanpad, Krishnamurti, Eckhart Tolle, Jean Klein, Douglas Harding...de regarder l'horizon vers lequel leurs regards apaisés se tournent et de ne rien voir d'autre que cette terrible masse rocheuse...Eux connaissent les horizons qui s'étendent de l'autre côté, ils m'en parlent, ils m'invitent à les rejoindre, ils me disent de lâcher prise...
Qu'il suffit de voir ce qui est déjà là...
Je sais ce qui est là. Ce sont mes tourments. Et je sais que de ne pas les comprendre m'empêchera inlassablement de les abandonner à mes pieds pour pouvoir entamer l'ascension. Ce n'est pas une montagne que l'on gravit chargé. Il faut se dénuder. L'épuration entamée se prolongera jusqu'au coeur de l'âme. Si j'essayais de gravir les pentes avec le fardeau qui m'écrase, je mourrais d'épuisement.
Je ne crois pas que ces Maîtres aient pu se passer de cet arrachement des vieilles peaux. Et je trouve certains un peu malhonnêtes de faire miroiter ainsi la plénitude de l'esprit dans l'acceptation pleine et entière de ce qui est. Quelle est donc cette acceptation ? Un déni ou de la lucidité ? Je pense que le piège est là. S'il ne s'agit que d'un déni, le retour de flamme sera dévastateur car ce n'est que l'ego qui s'impose dans le miroitement hallucinogène de la spiritualité. Je ne serais qu'un menteur infatué.
Il est même assez déconcertant de lire chez certains écrivains cette facilité à tout découvrir alors qu'en observant leurs propres parcours on réalise les immenses difficultés qu'ils ont rencontrées. Comme s'il leur fallait nier ce "chemin de croix" et laisser entendre qu'au contraire, tout a été évident.
Il y a ces révélations spontanées (Virgil, Tolle, Ciusi...) qui nous sont présentées comme d'extraordinaires changements de conscience...Et donc, auparavant, ces gens étaient sans doute des banquiers, des avocats, des chefs d'entreprise matérialistes, des gens obtus, fermés à toutes démarches spirituelles, n'ayant même jamais entendu l'expression... Je n'y crois pas. Je vois plutôt une évolution, lente, peut-être même insignifiante, un travail, des lectures, des échanges, etc...Et puis, effectivement, un jour, un bouleversement considérable, à un tel point que tout ce qui avait été éprouvé auparavant semble inexistant, comme s'il n'y avait jamais eu de vie avant...
Mais ces gens ont pourtant bien vécu avant cet état d'éveil...Pourquoi le nier ?
Il me semble inutile en tout cas de lire des livres remplis de certitudes, d'évidences, de plénitude, ces livres qui conseillent aux lecteurs de tout abandonner,de se laisser porter, de lâcher prise. Tant mieux pour leurs auteurs s'ils le vivent réellement. C'est leur liberté et il m'est inutile de rêver devant leur envol.
Ca ne m'apprendra jamais la légèreté. Je ne ferai que l'imaginer.
Il y a deux façons de sortir d'une cellule : imaginer ou creuser un trou.
Je creuse.
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