Mémoire....cellulaire.....(6)
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/03/2015
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Ce texte a pour objectif de donner un aperçu de la sophrologie analysante mais il est inévitablement très incomplet au regard des interventions d'un professionnel. Ce n'est donc qu'une vue très succincte de tout ce qui peut être fait dans le cadre de cette thérapie.
Paul quitta le cabinet avec un franc sourire. Yoann garda en lui l’impression pénible que tout ça ne suffirait pas…
« …Je lui ai dit que je pouvais faire autrement… »
Paul n’avait pas dit qu’il « savait » le faire mais juste qu’il le « pouvait. » L’éventualité d’un échec était contenue dans le verbe employé et l’inconscient ne trompe pas. Il n’y avait aucune certitude en lui, aucune confiance durable, juste des tentatives d’apaisement ponctuel.
Il repensa à cette mère qui portait constamment son enfant, à cette impression pour Paul d’avoir vécu sans contact avec le sol, comme si on lui avait interdit le monde réel… Il y avait là quelque chose de très profondément ancré…Trop profondément.
Il avait expliqué à Paul le processus des pensées et des émotions.
« Il y a deux situations bien différentes, Paul. Soit l’émotion que tu éprouves a été initiée par une pensée, soit il s’agit d’une émotion spontanée qui pourra être suivie d’une pensée réflexive. Une porte qui claque et te fait sursauter, c’est une émotion spontanée. C’est la peur, instinctive, immédiate, sans le passage par la réflexion. Ni même la moindre pensée dans l’instant. Mais cette pensée succèdera immédiatement. Soit, elle analysera la situation et apaisera l’individu soit elle amplifiera l’émotion par des pensées insoumises.
Si tu as peur, par exemple, que les gens que tu aimes disparaissent dans un accident, tu fabriques par une pensée incontrôlée une émotion invalidante. On peut même imaginer que les gens concernés percevront cette peur en toi et en seront troublés, sans qu’ils ne s’expliquent ce mal-être. Tes pensées peuvent influencer la réalité. C’est le cas des individus qui s’extraient du réel jusqu’à se persuader que leurs pensées correspondent à la réalité. Tu comprends Paul ? La réalité n’est pas le réel. Ta réalité, c’est le réel que tu transformes par tes pensées. Il existe dans le monde autant de réalités que d’individus. Toutes les émotions limitantes que tu transportes sont des pensées et des émotions qui ont fini par bâtir en toi cette réalité qui s’est détachée du réel. Il n’y a pas d’autres solutions pour se défaire de cette réalité illusoire que d’aller chercher en soi tout ce qui a contribué à son édification. Et s’en défaire contribuera à rétablir en toi ce qui est réel, c'est-à-dire l’individu qui se connaît lui-même, qui a posé ses tourments, qui a trouvé la paix, qui ressent aussi pleinement l’unité totale avec l’Univers du vivant. Ça n’est pas nous qui sommes en vie, c’est la Vie qui est en nous... Lorsque tu seras parvenu à cet état de paix intérieure, d’observation lucide de tes pensées et de tes émotions, tu ne subiras plus le regard des autres, tu n’y verras plus un jugement inique, tu ne seras plus atteint parce que tu auras établi en toi l’image exacte de ce que tu es et non une image modelée par les émotions incontrôlées qui jaillissent en toi lorsque tu te sens observé. Si tu fais passer en toi les émotions et les pensées par le tamis de ta conscience, il n’en restera que ce qui est bon, juste et utile pour toi. Si tu laisses les émotions et les pensées se nourrir de tes croyances, de tes suppositions, de tes interprétations, tu diffuses en toi un flux constant de poisons… »
Paul quitta la région deux mois plus tard. Un changement professionnel pour sa femme, un terrain constructible hérité des beaux-parents. Ils allaient occuper un appartement pendant la construction de la maison. Deux heures quotidiennes de route pour Paul qui gardait son emploi sur le secteur.
La dernière visite de Paul. Yoann avait eu un pressentiment néfaste et il s’était interdit de l’approfondir.
Il n’avait plus eu de nouvelles.
Il ne s’attendait pas, ce soir-là, à trouver Paul garé devant chez lui.
« Salut Yoann. »
Décomposé, anéanti.
« Viens, entre Paul. »
Il offrit un verre. Assis dans le salon.
« C’est fini avec Emma. »
La tête basse, les épaules tombantes. Toute la misère du monde.
« Et attends la suite… La maison est en construction, le prêt, les artisans et tout le tintouin. Mais le pire du pire. Emma est enceinte de trois mois. »
Ils parlèrent jusqu’à la nuit.
Paul ne savait pas pour l’enfant. Il avait été conçu sans qu’il en soit informé. Emma l’avait mis devant le fait. Il ne comprenait pas. Pourquoi déclencher une grossesse pour lui dire de partir ensuite ?
Yoann avait répondu qu’il s’agissait peut-être pour Emma d’un « enfant sauveteur », une grossesse qui devait agir sur Paul comme un électrochoc. Ne voyant aucune évolution chez son mari, toute sa détresse en avait été renforcée. Jusqu’au point de rupture. Elle s’était chargée d’un fardeau qui pesait désormais trop lourd.
« Surtout que j’en suis déjà un depuis des années pour elle. »
Yoann n’avait pas repris.
Paul avait enchaîné.
« Elle a choisi de garder le fardeau de l’enfant et plus celui du mari. »
Tout était sombre en lui désormais. Jusqu’à la venue de l’enfant lui-même. Puisqu’il prenait la place de Paul auprès de sa femme. Un enfant conçu sans que le père en soit informé, un père qui rejette d’emblée cet enfant à venir puisqu’il devient le rival auprès de la femme-mère…. Un désastre en cours.
« Je sais bien Yoann qu’il faudrait que je change mais je n’arrive pas à réfléchir en fait, c’est comme si j’étais toujours assailli, attaqué, maltraité, comme si on m’arrachait sans cesse les quelques moments de tranquillité que j’arrive à me prendre…Il y a toujours quelqu’un et très souvent Emma, qui vient faire voler tout ça en éclat. Une nuit, j’ai même eu cette phrase dans la tête : « Emma tout pris. »
-Oui, tu es une victime quoi ?
-Je sais ce que tu penses, je me souviens de ce que tu m’as expliqué mais entre des paroles théoriques et la réalité de la vie, comment je fais pour trouver l’équilibre ? Je n’y arrive pas en tout cas. Ou je n’ose pas m’exprimer, je n’ose pas prendre le risque de dire ce que je pense, ce que je vis et du coup, c’est encore pire.
-Et bien, alors, vas-y, exprime-toi puisque tu penses que ça vaudrait mieux.
-Je pense que ça vaudrait mieux, je l’imagine, je l’espère mais quand je veux me lancer, c’est comme si je tombais par terre…Et par terre, pour moi, c’est un monde dangereux. »
Il s’était arrêté tout seul. Les yeux grands ouverts. Il fixait le plancher, puis il leva le regard.
« J’ai compris. Ma mère. Quand j’étais dans ses bras. C’était une fausse réalité, un monde illusoire. Hein, Yoann, c’est ça ?
-C’est fort probable. Mais c’est à toi de le vérifier, de chercher la réponse."
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