Coronavirus : confinement et vie sauvage

Les humains sont confinés, les animaux en profitent pour prendre l'air. Est-ce à dire qu'ils se porteraient mieux sans nous ?

les animaux n'attendaient-ils que notre confinement pour réapparaître ?

Les animaux n'attendaient-ils que notre confinement pour réapparaître ?• Crédits : Buena Vista Images - Getty

Il y a fort fort longtemps, environ une semaine avant le début du confinement, j’avais commencé à regarder une série animalière sur Netflix : ‘’La Terre, la nuit’’. Grâce à des caméras ultra-perfectionnées, on y voit des animaux sauvages : éléphants, panthères, loutres… investir les rues des villes lorsque les lumières sont éteintes et les humains calfeutrés chez eux.

Aujourd’hui, avec le confinement, il suffit d’ouvrir l’œil, de jour, pour assister à un tel spectacle. Sans doute avez-vous vu passer cette vidéo de canards se dandinant en plein Paris, à deux pattes de la Comédie française ; au Maroc, les villes sont devenues le nouveau territoire des sangliers ; à San Francisco, des coyotes se baladent le nez dans la baie ; à Santiago du Chili, c’est un puma qui a été photographié sur la chaussée ; et citons encore ce loup solitaire, surpris sans doute de se retrouver seul sur les pistes de ski à Courchevel.

C’est à croire que tous ces animaux étaient à l’affut, bien planqués mais pas trop loin quand même, pour pouvoir, à la première occasion, profiter de notre absence  pour réapparaître, un peu comme les jouets de Toy Story, qui ne s’animent qu’à partir du moment où les humains s’endorment.
’Hey les gars, on peut y aller, ils sont tous partis !’’

Je vous épargnerai le chapitre sur la nature qui reprend ses droits. Mais ce qui m’a surpris, c’est la rapidité avec laquelle elle l’a fait. Il a suffi de quelques jours pour que les rues changent d’occupants. Surprenant ? Pas tant que ça, me répond Gilles Bœuf.

Gilles Bœuf est biologiste, ancien président du Museum national d'histoire naturelle. Quand j’ai une question à poser sur le monde animal, c’est le plus souvent lui que j’appelle.
"Nous sommes aujourd'hui’’ me dit-il ‘’dans une phase où le vivant n'a pas la possibilité de s'exprimer quand les activités humaines tournent à plein. On a déjà vu ça dans le passé. Le plus bel exemple, c'est Tchernobyl. Après la catastrophe, les animaux sont vite revenus alors qu'ils n'étaient pas là lorsque les humains étaient présents. Cela veut tout même dire qu'un environnement irradié les faisait moins fuir que la présence humaine !"

Oui mais alors, si le vivant revient si vite, n'est-ce pas la preuve que la biodiversité n'est pas si mal en point ? Qu'il suffirait d'un rien pour repartir du bon pied ? Évidemment, ce serait trop simple. "Pour que cela puisse repartir" poursuit Gilles Bœuf, "il faut commencer par ne pas tout détruire, ce qu’on est en train de faire. Sinon, pas de résilience possible. Si on continue comme ça, il n'y aura par exemple bientôt plus de gros animaux à la surface de la Terre."

Sauf à considérer que LE problème, c’est l’humain. Le risque, avec ce genre de considérations, c’est qu’on peut vite franchir un dangereux Rubicon, et considérer que tout irait beaucoup mieux avec l’abolition de notre espèce. Comme le rappelait hier l’invité des Matins, Jean-Christophe Rufin, c’était l’option proposée par le naturaliste Yves Paccalet dans son pamphlet : ‘’L’humanité disparaîtra. Bon débarras !’’.

Prenons un instant au sérieux cette hypothèse. N’est-ce pas absurde et injuste de traiter l’humanité comme un tout ? Dans le dernier rapport de l'IPBES sur les atteintes à la biodiversité (rapport mondial qui fait autorité sur le sujet), ce sont les peuples autochtones qui s'en sortent le mieux.
Autrement dit, des peuples qui non seulement ont un tout autre rapport avec la nature que le nôtre, mais qui souvent ne font pas de distinction entre l'Homme et celle-ci, l'un se confondant dans l'autre, comme a pu le montrer dans ses travaux l’anthropologue Philippe Descola.

Ce n'est donc pas la présence humaine qui pose problème en soi, mais son comportement à l'égard du monde vivant. Alors celui-ci se porterait-il mieux si l’espèce humaine s’en allait définitivement ? Devinez à qui j’ai posé la question ? Gilles Bœuf !  Il ne m’a pas répondu directement mais je vous laisse néanmoins méditer sa réponse : ‘’vous savez, moi, je suis écologue. Et bien plus je prends de l’âge, et plus j’aime les humains’

 

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