Création littéraire (2)

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C'est étrange la création littéraire. Je suis resté pendant deux mois à cogiter sur le dernier tome de la tétralogie, sans aucune inquiétude alors que je n'écrivais rien et je réalise qu'en fait, j'étais au cinéma, un cinéma intérieur, avec des scènes qui surgissaient, sans cadre chronologique, juste des situations précises mettant en scène les différents personnages, deux fois j'en ai rêvé avec des souvenirs précis, des visages, Walter Zorn et Laure. Des pièces de puzzle éparpillées et qui s'attiraient, s'emboîtaient parfois, d'autres restant dans un coin, en attente, des arborescences qui se créaient, dessinant diverses options, des directions possibles et qui se confirmeraient lorsque l'écriture serait lancée. Je n'ai pas un scénario unique mais un schéma ouvert, certaines lignes sont clairement tracées, d'autres sont en pointillés, d'autres encore ne sont que des bourgeons, des élancements figés.

Je sais maintenant dans l'écriture de ce quinzième roman qu'il n'est pas bénéfique de s'enfermer dans un cadre, que je dois m'autoriser les errances passagères, les reflux, les doutes, les incertitudes, que je dois prendre le temps de peser chaque situation, de la ressentir, de l'éprouver, comme si j'étais moi-même impliqué. Et c'est là que j'aime infiniment cet état d'écriture, cette ouverture d'esprit, cette exploration de l'arborescence, s'accorder la liberté de cheminer dans une voie, de l'analyser, de la vivre à travers le personnage concerné, de voir ce qu'il en pense.

De voir ce qu'il en pense.

On pourrait prendre cette expression comme un état de démence partielle, une sorte de personnalisation déraisonnée, mais je sais qu'il est impossible d'écrire un roman et encore moins quatre romans qui se suivent, où se croisent plus de cinquante individus, sans accorder l'état de vie à l'ensemble du casting.

Je me souviens, après l'écriture de "Là-Haut" avoir été considérablement frappé, un jour, dans une rue de Chambéry, à la vue d'un homme qui marchait vers moi, sur le même trottoir. Si je ne m'étais pas contenu, je l'aurais pris dans mes bras. C'était Jean, le héros du roman. En tout cas, l'image exacte que j'en avais.

Je m'étais dit, d'ailleurs, que plus tard, un jour, quand j'aurais fini d'écrire toutes les histoires que j'ai encore en tête, il faudrait que j'écrive un roman qui raconterait la matérialisation humaine des personnages d'un romancier, un écrivain de thriller. Ses personnages viendrait lui faire la peau pour se venger de toutes les souffrances que l'auteur leur a fait subir. Et comme il les connaît parfaitement, qu'il sait comment ils raisonnent, il parvient à leur échapper mais eux aussi savent comment lui raisonne et ils ne le lâchent pas... Cette idée m'appartient et si une des personnes qui vient de lire ce texte s'avisait de me la piquer, je la retrouverai. Et je serai sans pitié.

 

 

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