Débat philo.

Une séance passionnante aujourd'hui avec mes élèves de CM2.

J'en fais un résumé succinct. La séance a duré 1h00.

DÉBAT

 

Ils sont assis, aucune affaire sur la table, même pas la trousse.

Je désigne un enfant et lui dit juste :

"Neige..."

Il me regarde, perplexe.

"Neige...

-Ski ?

Un signe d'acquiescement.

Un autre enfant.

"Océan...

-Bateau."

Un autre enfant.

"Vacances...

-Plage.

-Arbre

-Fruits."

Et ainsi de suite en passant d'enfant en enfant.

 

Puis une explication de ma part.

"Ce travail s'appelle, l'association d'idée. Je vous donne un mot et aussitôt un autre vous vient à l'esprit. Je n'ai même pas eu besoin de vous dire ce que vous deviez faire au début, vous avez fini par trouver tout seul, votre intuition était la bonne.

Puis une question.

"A quelle partie de votre cerveau faites-vous appel pour trouver le mot que vous me donnez ?"

-La mémoire.

-Oui, c'est tout à fait ça. Vous avez en vous, dans votre mémoire des associations de mots. D'où viennent ces associations ?

-De ce qu'on a lu.

-De ce qu'on a vécu.

-De nos expériences.

-De nos discussions.

-De l'école.

-Des vacances.

-Il s'agit donc d'expériences passées qui se sont inscrites dans notre mémoire. C'est une partie essentielle de notre cerveau."

Je me tourne de nouveau vers un enfant et je lui dis:

"Quark...

-..."

Vers un autre:

"Quark...

-Un animal ?

-Et les autres, vous en pensez quoi ?

-Un extraterrestre ! (rires)

-Le dernier film de Walt Dysney (rires)

-Bon, est-ce que vous faites appel à votre mémoire pour me répondre ?

-Ah ben non, on ne sait pas ce que c'est !

-Pourtant vous avez répondu !

-On a imaginé !

-Voilà, c'est ça, vous avez imaginé. Il y a donc en nous une mémoire et une imagination. Les deux ne se contruisent pas sur les mêmes informations et ne fonctionnent pas pour les mêmes objectifs.

-C'est sûr, on rigole plus avec l'imagination ! (rires) (on rigole beaucoup dans ma classe!)

Je laisse le silence s'installer et je pousse un grand cri en tapant des mains près d'une élève qui pousse un hurlement en bondissant sur sa chaise.

(RIRES !!!!!!!!!!!!!!!!!)

"Bon, que s'est-il passé cette fois ?

-J'ai eu peur, trop peur !!

-C'est quoi cette peur? C'est la mémoire ou l'imagination ?

-Ah ben non, je n'ai pas eu le temps !

-Pas eu le temps de quoi ?

-Pas eu le temps d'imaginer ou de me souvenir, c'était trop d'un coup !

-Alors, c'est quoi qui t'a fait réagir ?

-L'émotion !

-Oui, c'est ça, l'émotion ! Elle vient d'où ? Comment la reçoit-on ?

-Partout !! J'ai sursauté dans tout mon corps !

-Mais c'est ton corps qui a reçu l'information qui t'a fait peur ?

-Ben oui, c'est mes oreilles !

-Mais tes oreilles font quoi de ce qu'elles reçoivent ?

-Elles envoient tout au cerveau.

-Mais si tes oreilles ont reçu l'information pourquoi c'est tout ton corps qui a sursauté ?

-Ah ben parce que le cerveau a dit que c'était dangereux. Alors il a fichu la panique partout !

-Donc, c'est le cerveau qui déclenche cette émotion mais c'est par le corps qu'elle se transmet ou qu'elle prend forme, c'est ça, vous êtes d'accord ?

-Oui, c'est ça, j'ai eu la trouille mais c'est mon cerveau en fait qui a eu peur et tout mon corps a sauté !

-C'est donc une émotion et elle est très soudaine.

-Ah ben oui !

-Comment ça se passe si c'est de l'amour ?

-Ouah, c'est  un coup de foudre ! C'est trop chouette (rires).

-Et si ça vient doucement, qu'on découvre que l'autre on l'aime bien, puis on l'aime beaucoup puis finalement on l'adore. Est-ce que c'est toujours une émotion ou est-ce qu'on peut appeler ça autrement ?

-C'est un sentiment plutôt.

-Ah, oui, bien ça, vous êtes d'accord les autres ?

-Oui, c'est comme un copain aussi, au début c'est un pote puis c'est un copain puis c'est un ami. Ca se fait doucement.

Bon, alors, vous voyez que ça fait déjà pas mal de choses à l'intérieur : la mémoire, l'imagination, les émotions, les sentiments. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est que vous parveniez à identifier tout ça quand ça vous arrive, à mieux comprendre ce qui se passe en vous. C'est toujours cette phrase de Henri david Thoreau :"Si tu n'es pas toi-même, qui pourrait l'être à ta place?" C'est ça aussi que ça veut dire, est-ce que nous sommes vraiment nous-mêmes, intérieurement, c'est à dire, est-ce que nous savons ce qui s'y passe, c'est un peu comme si on vivait à l'intérieur d'une maison dont on ne connaît pas toutes les pièces, ça serait vraiment bizarre. Et pourtant c'est un peu ça le problème."

 

Je laisse les remarques s'épuiser peu à peu et puis je prends mon porte monnaie dans ma poche, je sors un billet de cinquante euros et je le laisse tomber sous la table d'un enfant. Je me lève et je lui tourne le dos pendant quelques secondes.

"Qu'est-ce qui s'est passé dans ta tête ?

-Je voulais pas le prendre, répond-il gêné.

-Je sais bien, ne t'inquiète pas ! Mais qu'est-ce qui t'en a empêché ?

-C'est pas bien, c'est du vol. Et puis je sais bien que tout le monde aurait vu que je le prenais.

-Et si personne ne t'avait vu, est-ce que tu l'aurais pris ?

-Non, parce que je sais que c'est à vous.

-Et si ce billet, tu le trouves par terre et que tu ne sais pas à qui il est, qu'est-ce que tu fais ?

-Ah, ben là je le prends !

-Tu n'essaies pas de trouver son propriétaire ?

-Ben, si peut-être mais je sais pas qui c'est ?

-Mais si tu es certaine de le trouver, que tu as vu le billet tomber de sa poche, qu'est-ce que tu fais si tu ne le connais pas ?

-Ah, ben, je ne sais pas, ça dépend si quelqu'un m'a vu le ramasser aussi.

-Tu ne veux pas qu'on te traite de voleur, c'est ça ?

-Ben oui.

-Mais si personne ne t'a vue le ramasser ?

-Ah, ben alors je le garde et je vais acheter des vêtements ! (rires)

-Et les autres, vous en pensez quoi ?

-Non, c'est pas très chouette de le garder je trouve, c'est beaucoup d'argent quand même.

-Ben oui justement (rires).

-Bien, et dans tout ça, qu'est-ce qui en vous déclenche ces réactions ? Est-ce que c'est votre imagination, votre mémoire, vos émotions, vos sentiments ou autre chose encore ?

-Ben, oui j'imagine les vêtements que je vais acheter ! (rires).

-Donc, tu te laisses entraîner par ton imagination.

-Moi je le prends pas parce que mes parents m'ont appris que c'était pas bien.

-Donc, tu utilises ta mémoire et les valeurs que tes parents t'ont enseignées. On appelle ça la morale.

-Moi je le prends pas parce que ça me fout la trouille de me faire voir.

-Donc, tu réponds à une émotion.

-C'est tout mélangé alors !

-Oui, on peut voir ça comme ça mais il y quand même quelque chose en nous qui intervient. Vous vous souvenez de Pinocchio et de Jimmy Cricket ?

-Ah oui, c'est lui qui dit quand Pinocchio fait une bêtise.

-C'est sa conscience !!

-Bien ! voilà, c'est ça, c'est sa conscience. Comment on pourrait expliquer cette conscience en nous ? Qu'est-ce que c'est ? On vient de voir que ça mélange un peu tout ce qu'on a déjà trouvé.

-C'est nos pensées ?

-Quand tu fais un problème de math, tu n'as pas besoin de cette conscience là mais de la conscience que tu dois bien réfléchir. C'est le raisonnement. Quand tu es en haut d'une piste noire de ski, tu dois avoir conscience que ça va être difficile mais que tu peux le faire si tu restes appliqué. C'est la concentration.

-Ah, ben ça fait plein de conscience alors ?

-Ca n'est pas vraiment plein de consciences mais plutôt diverses utilisations d'un état de conscience. Quand on dort, par exemple, est-ce qu'on peut dire qu'on est conscient ?

-Ah, ben non, sinon on ne dort pas ! (rires)

-Donc, nous sommes conscients lorsque nous sommes réveillés et lorsque nous utilisons tout ce qui est en nous :la mémoire, l'imagination, les émotions, la morale, le raisonnement et certainement encore d'autres notions, d'autres pensées, d'autres états de conscience. mais qu'est-ce qui se passe si nous nous laissons emporter par un de ces états sans réellement le maîtriser, sans avoir clairement identifié ce qui se passe en nous. Je vous donne un exemple : Quand il y a une alerte incendie dans l'école, quand l'alarme retentit, si vous vous laissez emporter par la peur et que vous commencez à crier, vous n'allez pas écouter ce que je dis, vous allez paniquer et vous risquez en plus de déclencher une panique générale, ça arrive souvent des mouvements de foule qui se terminent en catastrophe parce que les gens n'ont pas été conscients de ce qui se passait en eux. C'est comme s'ils n'étaient plus réveillés.

-Et pourtant ils ne dorment pas !

-Non, ils ne dorment pas mais pourtant ils ne sont plus conscients. Ça vous arrive aussi parfois quand vous paniquez parce que je vous donne un contrôle surprise !

-Ah oui, on a la trouille et on ne réfléchit plus !

-Et du coup, cette peur en vous vous fait tout rater. Ça n'est pas parce que vous ne saviez rien mais parce que vous n'arriviez plus à réfléchir ! Vous vous souvenez que je vous avais dit qu'il fallait peindre en jaune fluo la pensée la plus importante et que lorsque vous voyiez arriver une autre pensée qui n'avait pas la bonne couleur, il fallait vous en débarasser.

-Ah oui, c'est ça qu'il faut faire pour réussir mais c'est difficile de contrôler les pensées ! Ca part dans tous les sens souvent !

-Et bien il faut déjà en être conscient pour réussir à se corriger à l'intérieur. Sinon, à l'extérieur, sur votre feuille, ça va être un sacré chantier. Etre conscient de ce qui se passe en nous, c'est absolument essentiel. Mais il faut pouvoir mettre un nom sur ce qui nous arrive. Cette conscience, c'est un des aspects les plus importants de notre vie et vous voyez bien que ça met en action énormément de choses en nous. Savoir ce qui appartient à notre imagination, à notre mémoire, à nos émotions, à notre morale, à notre raisonnement, tout ça il faut le maîtriser au mieux. C'est le seul moyen de pouvoir faire un choix réel. Sinon nous ne sommes pas conscients, nous vivons comme si nous étions en train de dormir."

 

 

 

Commentaires

  • Thierry
    • 1. Thierry Le 17/11/2010
    Et moi aussi :))J'apprends beaucoup avec eux.
  • lajotte Fançoise
    • 2. lajotte Fançoise Le 17/11/2010
    Hé Bé! Bravo! Ils en ont de la chance.

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