Diversité et unité.

"Il n'y a en réalité ni vérité, ni erreur, ni oui, ni non, ni autre distinction quelconque, tout étant un, jusqu'aux contraires. Il n'y a que des aspects divers, lesquels dépendent du point de vue. Moi et autrui sont deux positions différentes qui font juger et parler différemment ce qui est un."

Tchouang-Tseu.

 

Cette diversité, au lieu d'être vécue comme l'opportunité d'un enrichissement global, est perçue comme la nécessité d'une lutte entre les égos. Le mental, façonné par des éducations fondées sur la reconnaissance, ne cesse de lutter à travers des jugements pour défendre son "territoire", son image, ses certitudes. Les pensées deviennent des outils de guerre, les convictions sont des étendards. Tout n'est que lutte même dans le dialogue. Il faut absolument se faire entendre, avoir le dernier mot si possible et si ça n'est pas le cas tourner le dos dédaigneusement. L'autre n'est pas l'opportunité d'un échange mais la possibilité de mettre en avant son propre discours. On veut bien l'écouter pourvu qu'on puisse asséner ses propres vérités. Ecouter mais pas entendre. De l'autre il ne restera rien. C'est l'esprit de compétition instauré depuis l'école maternelle :il faut être le meilleur, avoir une image, un bon carnet de notes, répondre ce que l'adulte attend. A ces âges là, il ne s'agit pas de développer ses idées mais d'adhérer à celles de la masse tout en parvenant à être le plus fidèle possible à la connaissance diffusée, quelle soit insignifiante n'a aucune importance, ce qui compte c'est la reconnaissance.

Et puis avec l'âge, on apprend à se démarquer un peu sans réaliser qu'on continue à oeuvrer pour des idées générales auxquelles on reste soumis. La diversité reste une illusion mais le paravent de l'ego continue à s'épaissir. On rentre dans des clubs, des partis, des religions, des castes, des groupes de toutes sortes, on y trouve les échos identiques aux cris que l'on jette à tue-tête, c'est réconfortant, les "équipiers" deviennent des renforts, les autres restent des adversaires. Diversité de surface, embrigadement permanent.

On a subi les années de formation scolaire, personne n'a jamais parlé de conscience de soi, ni d'unité... Ce sont des données inconnues, ésotériques, tout juste bonnes à être placardées sur les portes des temples bouddhistes, moqueries, railleries, il n'est pas possible de sortir de la meute, c'est politiquement incorrect, comme un rejet global de tout ce qui nous a construit. Ou dé-construit. 

 

Et puis il y a les "autres"...

Bien souvent, ils ont été détruits à un moment de leur vie. Un drame, une cassure, un choc dont l'écho perdurera indéfiniment. Parfois, "ça" leur est tombé dessus, sans aucun signe précurseur, une incompréhensible révélation, une illumination totale, durable,inexplicable. L'unité. Une réalité intangible. Un autre regard, une perception inversée. L'individu n'a pas d'existence, il est une image matérialisée, un jeu du phénomène vital. Imaginons que la nature se soit développée sous une seule forme. Ce serait un cauchemar. Le drame vient du fait que les images sont magnifiées au détriment de la source. La Nature ne l'avait pas prévu semble-t-il... Les voies de l'humain sont impénétrables...

 

Qu'en est-il de la diversité dès lors ? Comment est-elle vécue ?

Pour ma part, j'ai quasi totalement tiré un trait sur les relations humaines. Je vis dans une solitude adorée. La femme que j'aime, mes enfants. ce sont les seules personnes que je vois tous les jours, que j'aime, avec lesquels j'échange. Je ne vois jamais les enseignants de mon école en dehors des jours de classe. Chose étrange, je m'entends bien avec certains d'entre eux mais je ne cherche pourtant pas à les retrouver. Je peux passer une semaine de classe sans aller discuter une seule fois avec eux pendant les récréations. Et parfois, j'aurai du plaisir à aller discuter. Mais je sais que ça n'est pas un besoin, une nécessité, juste l'opportunité d'un moment de détente. En dehors de ces gens là, il n'y a personne d'autre. Absolument personne.

 

Et pourtant j'ai un contact facile, on ne me fuit pas. Et surtout, le plus surprenant, c'est cette impression très forte parfois, dans certaines circonstances, d'être connecté avec l'autre, une osmose, un immense bonheur dans le partage... Un sentiment très puissant d'unité. Cette envie irrépressible de me livrer totalement, d'échanger sur des données fondamentales, de partager nos expériences, il m'est arrivé d'avoir envie de pleurer parfois, comme une marée montante, c'était si puissant ce bonheur...

C'est sans doute cette émotivité qui m'a amené à cet isolement. Bien plus que l'énervement occassionnel devant la superficialité de certains échanges. Je me suis protégé...

Et ce blog est devenu peu à peu une autre "ouverture". Tout comme le sont mes romans. Une tentative d'unité.  

 

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