Etre en amour. (spiritualité/sexualité)

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L’union sexuelle ne peut pas se limiter à une répétition mécanique et appliquée des enseignements, des expériences communes, des apprentissages achevés.

Il ne s’agirait sinon que d’une machinerie organique.

Et aussi performante soit-elle, elle ne peut soutenir l’extension de l’amour.

 

Le Kâma-Sûtra est une gymnastique s’il n’est que postures.

Le Tantra n’est qu’une philosophie exotique quand il n’est que récitations.

Le Tao n’est qu’une excroissance intellectuelle quand il n’est qu’adoration des enseignements.

 

Hors de l’amour, rien de bon ne peut advenir.

Il s’agira immanquablement d’une course poursuite à travers le temps, une alternance de leçons apprises et d’objectifs à atteindre.

Du passé au futur en croyant jouir du présent.

 

Il est faux de se croire aimant sous l’emprise du temps.

 

Celui ou celle qui fait l’amour n’est pas dans l’amour.

C’est là que l’observation en soi devient indispensable.

 

Faire :

-Faire la vaisselle.

-Faire les courses

-Faire le ménage

-Faire la gueule

-Faire la guerre 

-Faire l’amour

 

Être :

-Être en retard

-Être en avance

-Être en colère

-Être en joie

-Être en vie

-Être en amour

 

Il s’agit à mes yeux d’être et non seulement de faire. L’usage de l’auxiliaire est à mon coeur incontournable au regard de l’importance considérable de l’engagement nécessaire.

 

Si je « fais l’amour », je construis mes actes sur les expériences connues, sur les anciennes émotions, sur les jouissances passées ou les déceptions enkystées, sur les fantasmes et les illusions temporelles, sur le rejet de telle sensation ou le désir de telle autre.

Et je ne suis finalement pas dans l’amour puisque j’impose à l’instant le chaos de ma mémoire, le réseau infini de mes pensées, de mes attentes, de mes espoirs, de mes craintes, de mes peurs, de mes rejets, de mes volontés, de mes intentions.

 

Qui est là lorsque je « fais l’amour » ? Un être présent ou une machinerie à faire ?

Est-il respectueux d’insérer dans l’amour des schémas anciens ?

Est-ce que les parfums évaporés rendent la fleur nostalgique ? Est-ce que le printemps à venir rend les arbres impatients ?

 

Être dans l’amour. Comment y parvenir ?

Se présenter, l’âme nue, vierge de tout et pourtant nourri des expériences.

Aimer l’autre sans rien projeter de connu et savoir pourtant ce qui le réjouit.

 

Il existe par conséquent une hiérarchie, un canal de lumière, comme un cône infini qui descend des Cieux. L’Amour est le soleil à son zénith et les rayons lumineux qui ruissellent sont des nourritures à saisir pour l’éveil des corps.

Le cheminement inverse est impossible.

Il se peut que les âmes soient dans l’amour pendant que les corps s’étreignent mais des corps qui s’unissent sans que les âmes ne soient conviées sont des machines qui frémissent. Nullement des âmes qui jouissent.

 

On peut faire brûler des bougies, réciter des mantras, masser les corps avec des huiles parfumées, danser nus sous les étoiles, expérimenter de nouvelles postures, s’unir sur le sable chaud ou dans les herbes hautes et être malgré tout en dehors de l’amour.

 

Il est de ces textes littéraires qui vous font pleurer tant ils vous envahissent. Vous les connaissez pourtant jusqu’au plus profond des fibres, on pourrait penser qu’ils en perdront un jour leur puissance. Et pourtant, il suffit d’en dire la première phrase pour que l’émotion vous étreigne.

Il est de ces musiques qui vous retournent le cœur et c’est comme s’il se vidait à l’intérieur, un nectar solaire qui vous embrase et vous offre des ailes d’ange.

Il est de ces paysages qui vous obligent à vous asseoir tant vos jambes y perdent leurs forces, tant les bourrasques qui vous bousculent effacent toute idée d’équilibre.

Il est de ces regards qui plongent en vous comme des révélateurs, des alchimies qui éclairent les noirceurs, comme des fibres tissées qui s’unissent et s’emmêlent.

 

J’ai pleuré ainsi de bonheur des milliers de fois. Quelques larmes ou des marées entières, une intensité de soleil levant, comme au premier jour du monde.

Le temps qui passe n’y fait rien. Tout est là, comme une naissance qui revient.

Et rien pourtant n’est jamais identique.

 

Être devant le corps de la femme que j’aime et me réjouir, accueillir l’offrande comme un trésor inconnu, comme une poésie éternelle, une mélodie divine, un horizon sans frontières.

Ne jamais croire que la cartographie d’un corps est achevée. C’est l’intensité aimant du regard qu’on y pose qui en dessinera l’éternelle beauté, la virginité à redécouvrir, par-delà le temps et les voiles fluctuants des pensées. Le corps qui a été n’existe plus et le corps à venir n’existe pas. Il n’est que celui qui est là et que j’aime.

Ne jamais croire que le plaisir éprouvé peut se retrouver. Celui-là n’existe plus, il est d’un autre temps et l’amour éternel se vit dans l’instant. La mémoire l’encombrerait tant qu’il se retirerait devant l’outrage. Le plaisir s’invente et se vit à chaque étreinte, à chaque regard, caresse et mot tendre, à chaque parole, chaque effleurement, chaque baiser et chaque pensée. Chercher à reproduire un plaisir ancien condamnerait l’amour à l’entrave.

 

Être dans l’amour des âmes, hors du temps.

Apprendre à ne plus faire l’amour, se libérer des schémas répétés, s’engager dans l’espace sans aucune balise, pénétrer l’âme aimée par les battants ouverts de ses yeux, glisser en elle avant même de toucher sa peau.

Tout est là, fulgurant, flamboyant, spontané.

Rien d’ancien n’existe et rien de nouveau n’est à créer. Il s’agit uniquement d’être là, impliqué, vierge de tout et maître de sa conscience, agir dans le non agir, sans aucune intention et nourri de toutes les attentions.

 

Je suis en amour comme je suis en vie.

Et parce que je suis en amour, je pourrai appliquer dans un deuxième temps ce que j’ai appris.

Le cheminement inverse est une limitation programmée.

Les rayons du Soleil ne remontent pas vers la source.

Le plaisir ne nourrira jamais l’Amour. Seul l’inverse est possible.

 

C’est la vibration des âmes qui emplit les individus, c’est la pénétration des âmes qui comble les êtres, la jouissance de la vie qui rayonne, le courant de la Création qui enflamme, le brasier de la sève qui inonde.

Être en amour pour que les âmes réjouissent les corps.

 

 

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