L'accoutumance à la normalité

Clair, net, précis et incontestable.

 

Avec l’autorisation de Gérard WEIL

UNE DES CAUSES DU CONSUMERISME: L' ACCOUTUMANCE,

Introduction: Notre société occidentale est en crise.  Les partisans du libéralisme sans frein sont convaincus qu’elle n’est que passagère. Je n'en suis pas si sûr, car la crise a des causes bien plus profondes que les abus du système financier, comme je me propose d'essayer de le montrer ci-dessous.

Bien des auteurs ont analysé la naissance du capitalisme, Max Weber, qui l’attribue à l’éthique protestante. Très succinctement, l'enrichissement est pour les protestants, une bénédiction divine. Marx, bien sûr, l'attribue à la transformation des moyens de production, ce sont la naissance de la mécanisation et la rationalisation des moyens de production qui ont favorisé le développement du capitalisme.  

Freud voit dans l'avarice un symptôme de l'attachement au stade anal, il fait un parallèle entre le fait de «  retenir » ses sous avec le fait de retenir ses selles chez le petit enfant.

 Mélanie Klein voit dans l'avidité, une relation au stade oral.

Pour ce qui est de la dimension religieuse de la naissance du capitalisme, Max Weber en fait une analyse très poussée et très documentée et on ne saurait la nier. Mais à mon avis, la religion en l'occurrence n'est qu'une façon de se donner bonne conscience, les raisons de s'enrichir étant plus profondes.

La transformation des moyens de production est certes aussi un terrain favorable au développement du capitalisme, mais là encore, on peut se demander pourquoi les capitaines d'industrie, les banquiers ont profité de ces moyens pour accumuler les richesses au lieu de les partager.

La psychologie me semble donner des réponses bien plus profondes, mais on remarquera que les humains ne sont pas tous restés attachés au stade oral ou au stade anal. Or, dans notre société productiviste, ils continuent à consommer plus qu'il n'en faut pour vivre, à accumuler des biens. Pourquoi ?

Je pense qu'il existe une raison encore plus profonde, qui est d'ordre physiologique, c'est " l'accoutumance" ou habituation.

Développement.

Tout être vivant est doté d'un instinct d'exploration. C'est grâce à lui qu'il se procure nourriture, abri et sexe.        

Mais ses besoins vitaux satisfaits, il reste chez l’homme et chez nombre d’êtres vivants, un besoin d’exploration qu'on nomme aussi curiosité ceci pour une raison très simple: comme je le rappelle ci-dessus la vie est, entre autres choses, un ensemble de sensations. Pas de sensations, pas de vie ! C'est avéré dans le cas des nourrissons que l'on se contente de nourrir et de soigner mais  qu'on  ne stimule pas autrement, ils finissent par dépérir. (Ce que Spitz nomme « la dépression des nourrissons » ).

L'homme a besoin de se sentir vivre et pour se sentir vivre, il a besoin de variété dans les sensations, étant entendu qu'elles peuvent varier tant en nombre qu'en intensité. Pourquoi ce besoin de la variété ?

L'homme n'a pas seulement besoin de pain, mais de sensations, d’émotions, de sentiments et de pensées,  des besoins tels que celui de reconnaissance sociale, besoin très puissant, par exemple.

Or,  des sensations  ou des émotions ou même des pensées,  se répètent inévitablement et elles finissent par perdre les effets stimulants qu'elles avaient lors de leur découverte. C'est ce que je nomme l'accoutumance.

Par facilité, l'homme cherche à augmenter l'intensité de ces phénomènes et leur fréquence. Or, grâce aux technologies, il le peut. C'est à mon avis, une des raisons profondes du consumérisme.

Exemples:

            Vous changez de  logement, donc sensations nouvelles qui vous tiennent éveillé jusqu’à accoutumance à votre nouvel environnement sonore.

             Une ambulance passe, la sirène retentit, variant en intensité et en fréquence, vous prenez conscience de son passage mais si cela persistait du matin au soir et du soir au matin vous finiriez par ne plus y prêter attention, vous vous habitueriez.

            Vous entrez dans une pièce odorante;  l’odeur peut vous séduire ou vous incommoder, mais au bout d’un certain temps vous ne sentez plus rien, c’est l’accoutumance. Pour maintenir la sensation odorante, il faut augmenter les doses de gaz odorant dans la pièce. 

             Vous prenez l’autoroute, vous accélérez, vous éprouvez une sensation de vitesse, mais ne pouvant dépasser le 130, vous vous accoutumez à cette vitesse constante et bientôt, vous ne la ressentez plus d’où la tendance à accélérer et à dépasser les vitesses autorisées.

         Le tic-tac de votre pendule s’arrête, vous vous réveillez et en prenez conscience. Notez bien cette remarque car dans les exemples précédents, c’est par l’apport de sensations que vous restez vigilant, alors que dans cet exemple, c’est la disparition d’une sensation qui vous maintient éveillé.

         Les exemples précédents relatent un changement dans votre environnement, changement dépendant ou non de votre volonté. Le passage d’une ambulance ne dépend pas de votre volonté, mais le changement de logement peut en dépendre. Dans ce cas, ce changement est lié à une activité d’exploration.

         Certaines sensations sont liées aux mouvements de notre physiologie, sensations dont nous ne sommes  habituellement pas conscients car nous y sommes accoutumés, comme la respiration, la digestion ou les battements du cœur. Mais des variations de ces sensations peuvent provoquer des états de conscience, par exemple, on peut prendre conscience des battements du cœur lorsqu’il accélère. Il est intéressant de noter que moyennant un peu d’entraînement, on peut  prendre conscience des battements cardiaques même lorsque le cœur est au repos, mais ce n’est possible que parce qu’il s’agit de battements, c'est-à-dire de variations.

         En résumé, on constate que lorsqu’une variation se répète régulièrement, il y a accoutumance et l’état de conscience qu’elle suscite tend à disparaître, autrement dit, l’homme ne se sent plus vivre.

            Les sensations sont provoquées par des stimuli tels que l’impact de photons sur la rétine pour les sensations visuelles, des molécules sur la peau pour le toucher, la chaleur, des molécules d’air sur le tympan pour l’ouïe, etc. En ce qui concerne les émotions, les sentiments, les pensées, ce sont des ensembles de stimuli qui les provoquent, par exemple la vue d’un animal agressif provoque la peur, celle d’un ami la sympathie, la lecture d’un livre stimule les émotions ou la pensée, etc.

Pour continuer à se sentir vivre, l’homme a alors le choix entre plusieurs possibilités:

1- il peut augmenter le nombre et l’intensité des stimuli,

2- il peut affiner ses sens, de sorte qu’à stimuli égaux, les sensations soient plus intenses.

3- il peut se couper des stimuli obtenant de la sorte une variation importante dans l’ensemble de ses sensations, ce qui est aussi une façon de se sentir vivre (Cf. l’exemple du tic-tac qui cesse )

Partant de là, quatre modes de vie sont possibles:

1- Le consumérisme qui vise à augmenter le nombre et l’intensité des stimuli. Ce choix s’est fait par facilité car il va dans le sens de l’entropie croissante, ou, si vous préférez, dans le sens de la plus grande pente, tendance amplifiée au maximum par le marketing et la publicité.

On mange plus, des mets plus variés, dans les discothèques, le son est toujours plus fort, assorti de flash éblouissants, les tenues de plus en plus tapageuses, mèches de cheveux vertes, rouge vif, la télé nous assomme de clips étourdissants et de films de violence, d’horreur, les véhicules de sport ou de transport vont toujours plus vite, dans les grandes surfaces les marchands mettent  à notre disposition une variété infinie de produits de même nature dont on fait varier l'emballage et le nom ( Lessives, par exemple ) etc...

Mais ce choix mène à une impasse à cause de l’accoutumance . Cette remarque est valable pour tout: la boisson, le tabac, les drogues, la danse, la musique. Quand le haschisch ne suffit plus on passe à des drogues plus fortes, dans les discothèques on augmente le niveau sonore et le rythme jusqu’aux limites du supportable et au delà même puisqu’on sait maintenant que les habitués des boîtes de nuit deviennent sourds. A la télé on nous abrutit de clips, maelström de bruits et d’images. Cela est valable aussi pour la fringale d’achat. Ce mode de vie conduit à la mort, mort individuelle, non seulement car on atteint des limites biologiques (embonpoint, maladies cardio-vasculaires, overdoses, cirrhoses, accidents de la route) mais aussi mort sociale, comme nous l'explique fort bien Juan Roy de Menditte en conduisant à l'individualisme forcené, destruction du lien social et enfin mort planétaire, parce que pour produire toutes ces excitations à une population toujours plus nombreuse, on a besoin d’énergie et qu’on épuise les ressources naturelles de la planète, sans parler de la pollution. Le pire c’est qu’il conduit à la mort sans même qu’on soit passé par le bonheur, car chez ceux qui le pratiquent, le sentiment de vide subsiste  et les pousse parfois au suicide.

Les conséquences de ce consumérisme ont été fort bien expliquées par les co-auteurs de ce livre et je n'y reviendrai pas.  J'insiste toutefois sur l'infantilisation des individus qui mène aux difficultés que rencontrent les enfants à dépasser le complexe d'œdipe.

Comment échapper à ce destin funeste ?

Pour augmenter le nombre et l'intensité des sensations et des émotions, on peut choisir la vie à haut risque: pour cela, nous avons la guerre, les sports de l’extrême, l’exploration de terres vierges et la spéculation financière. Je pense à un jeu de rôle relaté par l'économiste Bernard Marris: si chacun joue la solidarité dans ce jeu, il est assuré de gagner un” salaire” à la fin du jeu, mais si un joueur décide de jouer perso, il peut rafler toutes les mises et se retrouver riche, les autres joueurs étant alors dépouillés, mais bien sûr il peut aussi tout perdre.  Le choix est sans doute producteur d’adrénaline, quel exultation  quand on gagne ! Mais à l’échelle de la finance internationale, c’est un jeu mortel pour la société, c’est bien ce que nous expérimentons en ce moment. C’est ce jeu qui conduit à aller toujours plus vite, autant dans les transports que dans la communication; il faut être le premier arrivé pour arracher un marché, les traders sont soumis à un stress  permanent. Mais ils aiment cela, c’est une source d’adrénaline. On peut parler d'addiction, car comme nous le dit Susan George, «  pour les Riches et les Puissants, rien ne sera jamais trop », ils sont fermés à toute argumentation rationnelle, comme le sont les tabagistes ou les alcooliques. Contrairement au consumérisme passif, télévision, achat,  induit par notre société marchande et ses serviteurs médiatiques, le choix d'une vie à haut risque implique une très grande activité, mais il apporte des stimuli puissants et comme le consumérisme passif,  il sert le capitalisme financier.

La guerre, apporte des stimuli puissants, tant à ceux qui la font qu'à ceux qui suivent l'actualité et on sait maintenant à quel point elle sert les intérêts financiers.

Les sports de l’extrême sont récupérés pour servir de spectacle à la foule ( Cf. les jeux dans l’empire romain ).  Mais ils ont de plus un aspect pernicieux qu’un ami montagnard, alpiniste chevronné m’a fait voir; il dit en substance : “ J'en étais là et c'était de plus en plus tendu dans l'engagement...Je n'analysais, rien en fait, c'était une course en avant, sans cesse rehaussée d'un cran. Bien que ça soit passé tout près à quelques reprises ça ne m'arrêtait pas parce que les stimuli avaient une telle puissance que rien d'autre dans ma vie ne pouvait me procurer l'impression d'exister. Il a fallu que je perde mon intégrité physique pour que ça s'arrête. La décision s'est imposée et j'ai dû tout réapprendre. C'est là que la conscience de ces stimuli s'est révélée, que la réalité de ma quête s'est dessinée. J'ai donc appris, non pas à diminuer les stimuli mais à les éprouver différemment, avec un autre regard. La perdition dans laquelle j'étais engagé depuis des années m'a sauté à la gorge. Je n'avais plus besoin de cette surenchère dès lors que je connaissais la source. Je cherchais à "humilier" la mort pour éprouver la vie alors qu'en fait je me séparais de la vie en croyant lutter contre une entité qui n'avait aucune existence. Je n'avais pas besoin de diminuer le nombre ou la puissance des stimuli étant donné que je n'en avais plus besoin. La façon dont j'éprouvais la vie ne se nourrissait plus de combats épiques mais d'une contemplation infinie. Il ne s'agissait pas de stimuli nécessairement réactivés mais d'une captation entière de chaque instant. J'ai continué à aller en montagne mais avec une autre démarche, sans l'objectif du sommet à tous prix, juste l'exploitation de la vie en moi.” (C'est à travers ce genre de témoignage que je parlais dans l'article précédent de la dimension spirituelle des "explorateurs". Quant à cette surenchère de l'extrême, j'ai pu voir depuis mon adolescence combien elle se révèle fatale lorsqu'elle n'est plus conscientisée. Beaucoup ont disparu..)

 

N’est-ce pas aussi cette volonté de puissance  qui motive les financiers avides ?

Cette course permanente, dénoncée avec le talent qu’on lui connaît par Raymond Devos dans son sketch “  Mais où courent-ils” est, selon le psychanalyste, ethnologue et neuro-psychiâtre Boris Cyrulnik, à l’origine d’une partie des suicides d’enfants, (Les pays nordiques y auraient mis bon ordre en réduisant la durée des cours, le temps d’école, bref, tout ce qui stresse les enfants ).

L’ épicurisme : Il est un autre moyen de maintenir le sentiment de vivre , voire de l’élever, c’est d’éduquer nos  sens ce qui, à stimulus égal, permet de mieux ressentir. C’est ainsi qu’un œnologue, ayant éduqué son nez, éprouve beaucoup plus de plaisir à déguster un grand vin qu’un  néophyte. Idem pour un mélomane capable de déceler le 1/16ème de ton à l’écoute de la musique, id° pour un peintre à la vue d’un tableau ou d'un paysage, etc... Quand on observe ce que les multinationales de l'agro-alimentaire proposent dans les grandes surfaces, nous sommes loin du compte. Les clients remplissent leur caddy, mais n'est-ce pas parce que la surconsommation sert d'ersatz à des besoins fondamentaux non satisfaits, comme le lien social, tout simplement ?

         Ceci est valable pour le registre des émotions.  Dans l’état actuel des choses, on nous abreuve, pour qui veut bien boire, de films d’horreur.  Et comme il y a accoutumance, les réalisateurs en rajoutent toujours plus: “ La nuit des morts vivants”, “ Massacre à la tronçonneuse » « The descent », « Saw », etc... N’est-il pas préférable d’éduquer sa sensibilité, d’apprendre à lire un film et d’en tirer un maximum d’émotions en devenant cinéphile ?

Cela implique qu’il faut réapprendre la patience, qu’il faut prendre son temps, ce que nous avons perdu dans notre société chronovore.

Un autre moyen de se procurer des stimuli intenses et nouveaux est le jeu. Il apporte des stimuli puissants car dans le jeu il y a compétition, fut-elle avec soi-même, pour améliorer ses performances. Mais il n'y a pas beaucoup de nouveauté dans les stimuli qu'il procure. Quand par exemple, on maîtrise le poker, seuls les partenaires peuvent changer mais les règles ne changent pas. Il en résulte que le joueur prend de plus en plus de risques et mise de plus en plus pour augmenter l'intensité des sensations. Il est clair que boursicoter est un jeu, le capitalisme joue au Monopoly avec le monde, sans état d'âme.

            Mais il existe des limites physiologiques et le vieillissement d’ où un affaiblissement des réponses aux stimuli d’où ennui, déprime et souhait de mort. Comment échapper à l’ennui, et maintenir le bonheur de vivre à niveau constant ?

            Qu’est-ce qui est toujours nouveau et permet ainsi de renouveler en permanence les sensations, les émotions, les sentiments, la pensée et donc de maintenir son sentiment de vie constant ou même de l’élever ?

Une  source de stimuli toujours nouveaux: la création- Vivre  créer, créer par son travail, créer  la danse ou la musique, peindre, écrire, faire du théâtre. Il est bien évident que par définition, créer amène toujours du nouveau, créer dans les arts et inventer dans les sciences et la technique augmente le nombre des stimuli. Plus un être sera habile et entraîné, plus il créera dans le même intervalle de temps. Quant à l’accoutumance, il est toujours possible de changer de champ de création si elle s’installe, mais dans le domaine de la création cela arrive rarement , les grands romanciers, peintres, compositeurs, interprètes ont souvent créé jusqu’à leur mort. Les domaines où cela n’est pas possible, du fait du vieillissement, sont le sport, la danse et tout ce qui fait appel aux performances psychomotrices, encore que, dans ces domaines, les pratiquants se font professeurs ou entraîneur et finalement ne cessent pas d’exercer leurs talents, mais sous une autre forme.

          Il est clair qu’en créant, non seulement on multiplie les stimuli sensoriels, mais on éprouve des émotions, tantôt  positives, quand on mène à bien une œuvre, un spectacle, une expérience scientifique et qu’on les partage, tantôt négatives quand on échoue, mais dans tous les cas, on vit.

Notre société encourage-t-elle la création ? En partie oui, dans la mode, l’ameublement, et même les arts, à condition que ce soit rentable, sujet à spéculation. Mais l’école n’encourage pas la créativité. C’est Albert Jacquard qui dit que l’Ecole Polytechnique fait des imitateurs, pas des créateurs. Le but avoué de l'école est de former des producteurs, il existe certes des enseignants qui tentent de développer les facultés créatrices de nos enfants, mais ils sont souvent sujets à la réprobation de leurs collègues et des inspecteurs d'académie, la plupart sont en fait les courroies de transmission du pouvoir. (Le but inavoué de l'éducation nationale est d'enseigner l'accoutumance à la normalité...)

Une source d'émotions, le service- Parmi les modes de vie on peut aussi choisir le service,  dans le social et la santé par exemple. Il est bien évident que cela permet de multiplier les émotions, en guérissant, en créant du lien, en aidant à trouver des solutions. Hélas, nous constatons que la société marchande tend à réduire pour ne pas dire détruite ce mode de vie, atteinte au service public, réduction des effectifs, etc.

Là encore, nous constatons qu'en matière de santé, par exemple, l'industrie pharmaceutique encourage la prise de médicaments, là encore, nous sommes dans la consommation.  Or, j'entendais un grand cancérologue affirmer qu'il n'a jamais pu guérir un malade qui ne voulait pas guérir, quelques soient les méthodes utilisées, et il reconnaissait l'importance du moral, de l'accompagnement, du lien.

Une autre façon de faire varier le nombre et l'intensité des sensations et des émotions, l'ascèse-  Quoiqu'on en pense, c'est aussi un choix de vie, qui s'explique par le fait de se maintenir éveillé par la suppression des stimuli; j'y ai fait référence à propos de l'arrêt du tic-tac. Ce mode de vie est peu répandu,  mais il existe et conduit certains hommes à se retirer du monde, du moins pendant une période plus ou moins longue. Un tel mode de vie n'est sans doute pas du goût des multinationales.

Sans aller jusqu'à proposer l'ascèse, A. Maslow nous propose une psychologie de l'être qui se résume en fait à une réalisation de soi.  Maslow constate que les êtres vivants sont écartelés entre deux tendances, le besoin de sécurité et la besoin de grandir. Si la sécurités, physique et affective sont assurées, les humains continuent à grandir toute leur vie, grandir c'est-à-dire apprendre sur soi et le monde, devenir de plus en plus indépendant des opinions, de plus en plus patient, tolérant, etc.  Peut-on dire que la société marchande favorise cette croissance?

En guise de conclusion- Les modes de vie non consuméristes impliquent l'effort, or les seuls efforts auxquels nous invite la société de consommation se font dans le cadre du travail. Pour le reste, du fait des facilités évidentes que la technologie nous apporte, et de l'exploitation qu'en font les multinationales, elle conduit à une perte du goût de l'effort.  Pourtant si nous voulons éviter les souffrances, l'effort est indispensable.

Les choses doivent se faire en temps utile, comme un accouchement par exemple.

Si elles ne se font pas, la souffrance apparaît. Tout se passe comme si la somme de souffrances devait être égale à la somme des joies, autrement dit comme si l’univers était un jeu à gain nul. Il en  résulte que la vie est une lutte permanente au cours de laquelle il faut faire des efforts. Les efforts sont des mini-souffrances, tout à fait surmontables et surtout des souffrances qui  n’abaissent pas, n’humilient pas mais au contraire font grandir. (Et c'est là que se trouve la source de vie des "explorateurs")

Si vous ne mettez pas chaque jour de l’ordre dans vos affaire, arrivera un jour où quelque chose vous obligera à le faire, remplir sa déclaration de revenus par exemple, et ce sera très désagréable, non seulement parce qu’une majoration vous sera imposée, mais parce qu’il faudra fouiller, fouailler, trier, jeter dans un laps de temps réduit.

C’est pour avoir refusé de faire des efforts que les humains subissent des souffrances, tout se passe comme s’ils devaient “payer”, en quelque sorte équilibrer le bilan. Par exemple, des enfants auxquels on ne refuse rien, dont on n’exige rien connaîtront plus tard une immense angoisse. Est-ce à dire que des enfants dont on exige trop, et souvent des efforts inadaptés à leur âge connaîtront la joie à l’âge adulte ? Non, car en imposant aux enfants des efforts inadaptés, les adultes se dispensent des efforts qu’ils devraient faire pour bien les éduquer. La balance n’est donc pas équilibrée et il faudra que quelqu’un paie.

On objectera le cas des gens atteints d’une maladie grave. Dans la logique de mon discours, on devrait dire “ Mais quels efforts aurait-il du faire pour l’éviter?” Je ne sais pas, mais il est une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que nous sommes tous solidaires de façon très profonde et cette solidarité est tellement profonde que certains paient pour d’autres.  ( «  Les parents ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en seront agacées »  Jérémie, 31-30)

Les grandes souffrances viennent d'un bilan mal équilibré.

Il faut une société où l'on cesse de produire pour la consommation à outrance et où l'on fasse tout pour développer les facultés créatrices de l’homme et lui redonner le goût de l'effort.

 

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