La psychologie préventive

Le drame des Cévennes : deux morts, deux familles brisées, un jeune homme qui sortira de prison dans une vingtaine d'années, sa propre famille anéantie. 

J'en parlais justement avec ma femme hier. Après avoir été institutrice pendant vingt ans, elle est retournée à la FAC. Licence puis master de psychologue clinicienne et retour dans la fonction publique comme psychologue scolaire. Elle ne voulait pas ouvrir de cabinet privé mais elle voulait permettre aux enfants et aux parents de bénéficier de cette structure d'aide dans le cadre de l'école publique (et donc gratuite.)

Elle a très vite mis en place un "point écoute" dans lequel les enfants pouvaient laisser un mot dans une boîte aux lettres à la porte de son bureau.(en plus de son travail dans les classes et avec les enseignants et les parents et les différentes structures) Rapidement les enfants des écoles où elle intervenait lui ont écrit. Des mots parlant de difficultés relationnelles à l'école ou dans les familles. Elle recevait les enfants et ils discutaient.

L'effet était considérablement positif. Le constat était simple : les enfants avaient besoin d'exprimer TOUS les mal-être, tous les problèmes, toutes les inquiétudes, toutes les interrogations et même s'il n'y avait pas toujours de réponse permettant de solutionner la problématique, le fait de pouvoir simplement en parler avec une personne "neutre" allégeait profondément le trouble. Les enfants parlaient entre eux de la "psychologue" et ils attendaient avec impatience que Nathalie vienne les chercher en classe pour ce moment d'échange. 


J'ai vécu une période très compliquée à mon adolescence. Mon frère, plus âgé, s'est crashé en voiture. Cliniquement mort. Je suis resté à l'hôpital, dans sa chambre, pendant deux mois et demi, toutes les vacances scolaires d'été. Service de neuro-chirurgie. A chacune des opérations qu'il a eues, je n'étais pas certain de le voir revenir. Mes parents travaillaient et me rejoignaient le soir. Une période très dure pendant laquelle, j'ai vu mon meilleur ami de classe mourir à la suite d'un accident de mobylette. La seule nuit où je ne suis pas allé le voir, il est mort. J'aurais eu besoin, considérablement besoin d'une aide psychologique. Tout comme mes parents. Mon frère a survécu et est sorti de l'hôpital. Il est mort vingt ans après d'une hémorragie cérébrale. Mes parents ne s'en sont jamais remis. Et là encore, aucune aide psychologique.
Aujourd'hui, mes parents ont 85 ans et sont tous les deux frappés par la maladie d'Alzheimer et de démence sénile. Rien, aucun accompagnement psychologique, aucune aide, aucune prise en charge émotionnelle.

Le constat est simple : nous manquons considérablement d'aide d'ordre psychologique. La solution est simple. Des cabinets de psychologues dans le cadre de la fonction publique, prise en charge par la sécu. Les enfants dont ma femme s'occupait n'avaient aucun problème à venir la voir, ils avaient juste hâte qu'elle trouve un moment pour les recevoir. Ils n'avaient aucune idée préconçue au regard de cette aide psychologique.

Mes parents, de leur côté, n'auraient jamais accepté et ils ne l'acceptent toujours pas aujourd'hui. "On n'est pas fous". C'est une question d'éducation et c'est pendant l'enfance que ça doit se mettre en place.
Il y a énormément de problèmes qui pourraient être résolus, dans les couples, dans les entreprises, dans les familles, pour de multiples situations.
Lorsqu'il y a un attentat ou une catastrophe naturelle, on voit des cellules psychologiques qui sont proposées. Il ne faudrait pas attendre ces situations de crises. Il faut anticiper...

Quel serait le coût n'est pas un problème si on pense à tous les dégâts qui seraient évités, dégâts psychologiques et par contre-coup physiques. Ne serait-ce que le coût des traitements par antidépresseurs. C'est en anticipant qu'on empêche les dégradations.

Sans doute, par contre, que les laboratoires pharmaceutiques verraient d'un très mauvais oeil une prise en charge psychologique, en amont des troubles qu'ils sont censés "guérir"...

L'aide psychologique est un garde-fou et le terme est particulièrement adapté dans le drame des Cévennes et il y en a beaucoup d'autres. 

Mais c'est justement cette association avec le domaine de la folie qui pose problème pour la majotité des individus. C'est pour cela qu'il faut engager ce processus dans l'enfance, lorsque les conditionnements n'ont pas encore établi leurs limites.

Encore faut-il que les parents l'acceptent...

Si on pense par exemple aux groupes de paroles pour les personnes qui souffrent d'addictions, alcool ou autres, le suivi psychologique dans le cas de drames, deuils, maladies, attentats, traumatismes de toutes sortes, on sait que cet accompagnement a un impact positif, parfois considérable, parfois même salvateur. Mais le problème, c'est que cela n'arrive qu'à la suite d'épreuves. Il n'y a pas d'anticipation. Bien évidemment qu'on ne peut pas prévoir qu'un jour, on peut être pris dans un attentat, en réchapper et en souffrir psychologiquement. Mais si l'habitude du soutien psychologique avait été prise dès l'enfance, bien des situations douloureuses, inextricables, seraient résolues ou pourraient être atténuées.

La dimension psychologique, les bienfaits de la parole partagée, les dialogues, l'écoute émanant d'un professionnel, d'une personne "neutre", sachant analyser les mots, les regards, les postures, les silences...Combien de drames seraient évités si tout cela était valorisé à sa juste valeur ? 

Les Indiens Kogis organisent des cercles de paroles où chacun est invité à exprimer ses problèmes et où des "chamans" interviennent pour réguler les troubles, apporter des voies de réponses.

Prendre exemple sur des peuples "primitifs." Non, non, ça serait trop humiliant...Les laboratoires pharmaceutiques et la médecine occidentale sont là pour nous sauver. Oui, c'est certain, ça fonctionne aussi. Je ne le nie pas. Mais ça fonctionne quand le problème est déjà là.

La psychologie préventive n'oeuvrerait pas uniquement dans le constat mais principalement dans la protection. Afin que le problème meure dans l'oeuf et n'éclose pas. 

 

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