"Le miracle Spinoza" de Frédéric Lenoir.

Le philosophe dont j'admire le plus le travail, assurément. Celui qui est aussi le plus ardu. J'ai lu plusieurs passages de "L'Éthique" et le langage utilisé, la complexité des formulations et des pensées, l'incroyable portée des idées et de tout ce qu'elles génèrent rendent la lecture vraiment difficile dès lors qu'on cherche à en saisir la profondeur. Dix lignes peuvent engendrer des jours de réflexions. Des années avant de pouvoir les appliquer ...

Frédéric Lenoir a su dans ce livre "Le miracle Spinoza" mettre ce philosophe à ma portée. C'est la troisième fois que je lis cet ouvrage.

J'ai choisi un extrait. Je pourrais en choisir dix, vingt, trente de plus...

 

Le miracle Spinoza de Frédéric Lenoir

Page 109/110

« Pacte social, démocratie, laïcité, égalité de tous les citoyens devant la loi, liberté de croyance et d'expression : Spinoza est le père de notre modernité politique. Un siècle avant Voltaire et Kant, et même quelques décennies avant Locke, qui publie sa remarquable « Lettre sur la tolérance » en 1689, il est le premier théoricien de la séparation des pouvoirs politiques et religieux et le premier penseur moderne de nos démocraties libérales. Mais là où il me semble encore plus moderne que nous, c'est qu'il a parfaitement perçu, alors qu'elles n'existaient pas encore, les limites de nos démocraties : le manque de rationalité des individus, qui, étant encore esclaves de leurs passions, suivront la loi plus par peur de la punition que par adhésion profonde. Or, si « l'obéissance extérieure » est plus forte que "l'activité spirituelle interne", pour reprendre ses propres expressions, nos démocraties risquent de s'affaiblir. C'est pourquoi ils rappelle l'importance cruciale de l'éducation des citoyens.

Cette éducation ne doit pas se limiter à l'acquisition de connaissances générales, mais aussi enseigner le vivre-ensemble, la citoyenneté, la connaissance de soi et le développement de la raison. À la suite de Montaigne, qui prônait une éducation visant à faire des têtes « bien faites » plutôt que des têtes « bien pleines », Spinoza sait que plus les individus seront capables d'acquérir un jugement sûr qui les aidera à discerner ce qui est véritablement bon pour eux, ce qu'il appelle « l'utile propre », plus ils seront utiles aux autres en étant des citoyens responsables.

Toute la pensée de Spinoza repose en effet sur cette idée qu'un individu s'accordera d'autant mieux aux autres qu'il est bien accordé avec lui-même.

Autrement dit, nos démocraties seront d'autant plus solides, vigoureuses et ferventes que les individus qui les composent seront capables de dominer leurs passions tristes – la peur, la colère, le ressentiment, l'envie, etc..- et qu'ils mèneront leur existence selon la raison.

Même s'il ne le dit pas explicitement, on comprend aussi que des citoyens davantage mus par leurs émotions que par leur raison, pourront élire des dictateurs ou des démagogues.

Spinoza avait compris, trois siècles avant Gandhi, que la véritable révolution est intérieure et que c'est en se transformant soi-même qu'on changera le monde. "

 

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