Le moi et le Soi.

Le moi est une idée que l'on a de soi, une connaissance directe, immédiate, sans le passage par le raisonnement.

Il convient de préciser qu’il se construit bien entendu, du premier jour au dernier. Il n’est pas figé, fixe, constant. Il évolue, en "bien ou en mal". Cette intuition est fondamentalement « expérientielle. » Toutes les situations, tous les évènements, des plus anodins aux plus traumatisants concourent à cette intuition et à sa progression dans le temps.

Mais je vois une distinction profonde entre cette « existence » perçue par ce moi et la « vie » perçue par bien autre chose. L’existence est constituée par tout ce que le moi accumule. La vie n’a pas besoin d’accumuler quoique ce soit. Elle est. constante et immuable.

Est-ce que le moi peut réellement la saisir, est-ce que le moi, dans le chaos de ses pensées, dans le fatras incommensurable de son existence peut réellement percevoir cette conscience du soi et de la vie. Le Soi. Qu’en est-il ?

Le moi est une entité individuelle modelée par d’autres entités individuelles, par d’innombrables imbrications dans lequel le moi s’identifie. On peut clairement se demander si la notion de Soi et la conscience de la vie lui sont accessibles. Que peut-il saisir dans son fonctionnement, sinon, une idée mentalisée ? La vision d’un Tout et l’appartenance du Soi à ce Tout sont-ils de pures hallucinations d’un mental qui se gargarise d’un cheminement spirituel, comme un piédestal à sa magnificence ?

Il serait bien plus profitable et honnête que ce soit le Soi qui conçoive le moi, que ce soit lui qui observe les agitations frénétiques de ce petit individu mais dans cette soumission de l’individu à son identification, c’est le moi qui part à la recherche d’un Soi dont il a entendu parler et qui comblerait son désir de séduction. Car celui-là qui est au cœur de son Soi est beau et sage…Vaste mystification.

Que peut saisir une entité centrée sur elle-même quand elle se dit être en quête du Tout. La fourmi a t-elle conscience de la forêt dans laquelle elle travaille, de la planète sur laquelle elle existe, de l’Univers ? Possédons-nous une conscience plus élaborée que celle de la fourmi ? Oui, bien évidemment ou alors c’est que la fourmi cache bien son jeu… Bien, et alors ? Dès lors que le moi part à la recherche d’un Graal qui dépasse son entendement, que peut-il trouver d’autre qu’une entité à sa dimension, c'est-à-dire bien autre chose que le Soi ?

Alors, il nous faut chercher sur le chemin des religions…Mais les religions sont issues du mental. Aucune religion ne peut être un tremplin. Elles ne sont qu’une boucle qui ramène le moi vers lui-même. Puisqu’il en est l’instigateur.

De toute façon, tant que le raisonnement, la linguistique, la dialectique, la logique, la rhétorique entrent en action, c’est le moi qui cherche ce qui ne lui est pas accessible. Dès lors qu’il y a un observateur et une quête, c'est à dire l’objet observé, l’individu reste dans un cheminement mentalisé et par conséquent le moi…Il a conscience de sa recherche et s’en glorifie et imagine dès lors être sur la voie. C’est juste celle qui le ramène à lui-même. Mais par des chemins enluminés de métaphysique, ce qui donne un aspect valorisant à la quête…Vaste mystification.

La métaphysique est lucide quand elle est capable de juger de son insuffisance. C’est le moi qui se regarde par des fenêtres plus larges. Mais il n’y a pas de nouvel horizon. Pas celui du Soi.

Faut-il donc passer par un autre canal que le moi pour saisir le Soi ? Mais s’il n’y a plus de moi, il n’y a plus de conscience, de vigilance, il n’y a plus rien qui puisse saisir puisque tout a disparu… Ca serait considérer que seul le mental a la capacité de saisir… Je ne pense pas que ça soit le cas. Là, il s’agit juste d’un formatage. On a appris à penser pour saisir. « Je pense donc je suis. » Sacrée catastrophe que cette affirmation. « Je pense donc je fuis. » Je fuis la possibilité d’entrer dans une dimension qui m’échappe dès lors que je pense.

Ca ne nous donne pas de piste quant à la quête de ce Soi. Pour l’instant, il reste insaisissable.

Mais n’est-ce pas justement la solution à l’énigme ? Puisque le moi ne peut pas saisir un Soi, autre qu’une enveloppe grossie de son propre moi, puisque le Soi ne peut pas être conscience de lui-même puisque cela reviendrait à concevoir un Soi détaché du Tout, c'est-à-dire immanquablement une individualité, ce qui serait antinomique dans l’idée du Tout, il n’est dès lors pas possible de saisir le Soi par le moi. Tout simplement. Le Soi aperçu par le moi est nécessairement une entité séparée du Tout et par conséquent autre chose que le Soi.

Le Soi est Conscience et non conscience. Il ne peut pas être conscientisé car il faudrait qu’il s’individualise et qu’il s’identifie à l’observateur. Le ciel ne peut pas voir le ciel. Il faudrait qu’il prenne de la hauteur !! L’Univers ne peut pas s’observer. Le Soi ne peut pas se connaître. Ni par lui-même puisqu’il ne serait plus le Soi mais une entité séparée du Soi, ni par le moi qui ne peut pas connaître ce qui le contient.

 

Bon, ça semble à peu près se tenir tout ce charabia. Mais alors qu’en est-il des expériences mystiques ? Des révélations qui font basculer parfois en quelques instants, des individus « basiques » à des êtres éveillés ? (cf le post sur Virgil.) Qu’ont-ils aperçu, ressenti, perçu, « compris » (pas de façon rationnelle bien entendu…), que leur est-il arrivé ?

Est-ce que le moi peut basculer dans une dimension qui ne serait pas le Soi mais un « simple » état de conscience modifiée ? Comment considérer que ces gens puissent évoluer dans un monde mentalisé en ayant eu accès à une vision unifiée de la vie ? Comment gérer ce genre d’antagonismes ? Comment passer du haut en bas, de l’intériorité mentalisée à l’universalité dés-identifiée ?   

 

Les voyageurs des NDE ? Les guérisons « spontanées » et inexpliquées ? Que s’est-il passé ? Le moi, dans ces expériences extrêmes, n’a rien à voir. Il est bien trop futile et insignifiant pour s’engager dans des voies aussi radicales. Ecoutons les paroles des « expérimentateurs »…C’est stupéfiant. Tellement éloigné de notre vision mécaniste et rigoriste de la vie.

Le Tout s’est-il laissé découvrir, le Soi s’est-il révélé ?

Mais alors, tout ce que j’ai écrit au-dessus ne tient pas. Tout ça ne serait donc bel et bien que du charabia métaphysique.

 

C'est qu'il reste autre chose à saisir. Et sans doute pas par le langage.

 

Je vais aller regarder les étoiles.

 

Ajouter un commentaire