Le moi. (spiritualité/ le moi)

Le trou dans l'arbre est donc ignoré par notre obstination à nous concentrer sur l'environnement et les relations qu'il génère. Notre nature réelle est détournée, étouffée, ignorée parce qu'elle est beaucoup moins saisissable, elle réclame une vigilance constante. Le philososphe écossais du XVIII ème siècle, david Hume, regardait constamment "à l'intérieur de lui-même" pour essayer d'y découvrir une entité qu'il aurait pu appeler son "vrai moi" mais il tombait toujours sur les perceptions sensorielles et les "habitus." (La notion d'habitus (Aristote et Socrate) a été popularisée en France par le sociologue Pierre Bourdieu. L'habitus est pour lui l'ensemble des expériences incorporées et de la totalité des acquis sociaux appris aux cours d'une vie par le biais de la socialisation).

Cette difficulté provient du fait que le moi qui sous-tend toute expérience ne peut pas lui-même être expérimenté d'une façon objective. Dans une expérience, il y a l'objet expérimenté et le sujet d'expérience, l'expérimentateur. Comment faire de l'expérimentateur l'objet d'expérience lui-même ? Comment se détacher du sujet expérimenté lorsque ce sujet est l'expérimentateur ? Si je cherche à éclairer un suet à travers mon raisonnement, je dirige sur lui la "lumière" de mon raisonnement mais que vais-je éclairer si le sujet est lui-même la source de la lumière ? Ce rayon lumineux ne risque -t-il pas d'être manipulé par l'émetteur lui-même, ne risque -t-il pas d'être influencé, détourné, "enluminé" ?

Cela ne signifie pas pour autant que le vide dans le trou de l'arbre ne peut pas être éprouvé mais qu'il ne peut pas l'être dans le même champ d'expériences que l'environnement, avec les mêmes "outils". Ca ne serait qu'une hallucination à laquelle nous finirions par nous identifier comme nous le faisons pour notre "moi". Ca ne servirait à rien. Notre identité sociale, physique, psychologique, émotionnelle est fluctuante, instable, elle varie au fil des expériences. Ce sont des catalogues de caractéristiques qui ne sont pas intangibles. Mais il existe pourtant également un Moi, une entité immuable qui a le pouvoir de considérer ces changements sans que ces changements n'influent sur lui. C'est l'identité véritable. L'expérimentateur. Mais un expérimentateur qui doit parvenir à se dessaisir de lui-même comme "objet"...Ce serait un état de conscience pure, dépourvu de tout contenu. Il ne s'agit pas là de s'observer dans les évènements extérieurs mais d'entrer dans un espace sans expérience et que cette observation ne devienne pas elle-même une expérience...Au risque de renvoyer l'expérimentateur face à son objet...  Etre conscient de n'être conscient de rien...Comme si l'on écoutait mais qu'il n'y ait rien à entendre. Mais ce silence est un bruit inaudible, il est toujours là. Alors quelle est cette conscience qui n'a conscience de rien ? Dans quel "univers" intérieur se trouve-t-telle ?

Beaucoup de mystiques ont écrit qu'elle était de l'ordre de "l'inneffable."

Le Tao Te King

"Le Tao qui peut être décrit n'est pas le Tao."

 

Le Mandukaya Upanishad.

"Ce n'est pas la connaissance extérieure

ce n'est pas la connaissance intérieure

pas plus que la suspension de la connaissance

ce n'est pas savoir

ce n'est pas ignorer

pas plus que ce n'est l'ignorance elle-même

ça ne peut pas être davantage vu que compris

on ne peut pas y indiquer de frontière

c'est ineffable et au-delà de la pensée

c'est indéfinissable

ce n'est connu qu'en le devenant."

 

Maître Eckhart, le mystique chrétien du XIII ème siècle.

"Tout ce que l'homme vit ici extérieurement en multiple est intrinsèquement Un. Ici, toutes les brindilles d'herbe, bois et pierres, toutes choses sont Unes. C'est la plus profonde profondeur."

 

Le vide dans le trou de l'arbre, le Moi, comme le point de fusion de la Vie.  

 

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