Le Wu-Wei du Tao.

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« Ne pas s’opposer au courant mais couler avec lui

Ne pas croire que c’est nous qui agissons alors que « Cela » agit en nous. »

 

C’est ainsi que les Taoïstes conçoivent le Wu-Wei.

C’est la « non-action. »

« Agir dans le non-agir. »

Il ne s’agit pas d’un abandon laxiste et niais, une fainéantise portée aux nues, une béatitude lâche mais bien d’une conscience ultime de l’instant et du Réel, du souffle divin, de la « Présence » en soi.

Le Wu-Wei, c’est ne rien faire avec son mental qui laisse entendre qu’il serait l’architecte de nos vies.

Ne pas intervenir avec des pensées insoumises, l’imagination, les peurs, les ancrages du passé et les projections temporelles, les espoirs, les attentes, les identifications, les regrets, les colères, les désirs…

C’est aimer ce qui est et non pas aimer ou ne pas aimer ce que le mental décrète.

C’est être « juste » envers tous les aspects de l’existence, c'est-à-dire ne pas porter de jugements, d’interprétations soi-disant rationnelles quand elles ne sont que des errances mentalisées.

 

Les effets produits par les actes seront de qualité si la qualité de conscience dans les actes est effective.

 

L'exemple du tennis est très révélateur :

Si je viens de manquer une balle et que je continue à y penser, il est quasiment certain que je manquerai la balle suivante...

Même constat si je cherche à reproduire un coup gagnant lorsqu'une autre balle se présente.

Rien n'est jamais identique et c'est la gestion totale de l'instant et donc la conscience de l'acte qui seule peut contribuer à l'effet positif de l'action. De la même façon, si je décide de monter au filet et que je pense au coup à venir une fois que je serai arrivé, je vais manquer la balle que je dois d'abord maîtriser avant d'être au filet.

Si je m'observe à cet instant, je vois que mon regard se porte en partie vers le filet parce que ma pensée s'y projette alors que je dois absolument me concentrer sur le coup à faire et donc uniquement sur la balle. Et le fait que mon regard se porte vers l'avant ( et donc l'avenir), je perds la maîtrise de l'instant présent en ne regardant pas vraiment la balle....

Et si je m'en veux ensuite d'avoir manqué ce coup, je manquerai encore le coup suivant...

Il apparaît dans ces situations précises que les flux de pensées temporelles ( se projeter vers l'avenir ou regretter le passé) sont des perurbateurs très puissants et que le mental semble ne pas pouvoir les occulter.

Chaque instant est unique et ne doit souffrir d'aucune intrusion temporelle. C'est pour ça d'ailleurs qu'il est nécessaire de répéter encore et encore chaque geste pour qu'il soit parfaitement inscrit dans le mental (pensées, mémoire, émotions, maîtrise corporelle) afin qu'ensuite, je sois libéré de cette pression et que je puisse me concentrer intégralement sur l'instant.

C'est le but des entraînements à la technique mais en situation de compétition, la conscience de l'instant redevient primordiale.

On peut bien évidemment user de cette attention dans tous les domaines de la vie : de la cuisine au ménage, du bricolage à la méditation, de la sexualité au massage, du yoga à la lecture, de l'écriture à la marche en montagne... Chaque activité humaine devrait s'ériger sous ce regard conscient.

 

 

En escalade, il est pourtant indispensable d'anticiper sur la suite de la voie et l'enchaînement des mouvements mais si l'attention se porte uniquement sur les deux, ou trois mètres suivants, le grimpeur court le risque de tomber là où il se trouve. L'anticipation, même si elle est nécessaire, ne doit pas devenir prioritaire, elle ne doit pas s'extraire de l'instant mais se projeter immédiatement une fois le geste accompli. Pas avant.

Lorsque j'ai passé mon permis moto (500 cm3), j'ai pu observer la justesse du phénomène...Et une moto de ce poids, quand elle s'échappe, c'est sans appel...

Lorsque je descends un chemin dans une forêt, en VTT, à toute vitesse, si mon attention se porte sur la suite du chemin jusqu'à en oublier le geste que je dois accomplir, là où je suis, je tomberai.

La conscience immédiate, cette "présence", cette intensité démentalisée, c'est là que l'individu s'élève dans la maîtrise et la connaissance de soi, c'est là qu'il chemine vers l'éveil intérieur.

On peut donc analyser le phénomène dans tout ce qu'on fait.

"Agir dans le non-agir", c'est apprendre à être là tout en étant capable de gérer la suite.

Le "non agir" n'est donc pas une absence de maîtrise mais la capacité à s'extraire de tous les troubles inhérents au mental et aux pensées insoumises qui viendraient interférer sur la qualité de l'acte présent.

La gestion émotionnelle relève intégralement de cette dimension du Wu-Wei. Toutes émotions exacerbées par une pensée insoumise est une entrave à la qualité de l'acte lui-même.

"L'émotion de la victoire", bien connue des sportifs, relève de cette problématique. Celui qui n'a plus qu'un point à mettre pour remporter un match de tennis ne pourra le réussir s'il ne parvient pas à l'oublier.

Si je prends l'exemple du massage, il ne peut être bénéfique qu'à partir du moment où chaque geste prodigué est libéré de l'intention qui peut s'y cacher. C'est la qualité de conscience qui produira la qualité du massage. Il s'agit donc de s'extraire de toutes formes de pensées intentionnelles et de s'appliquer à libérer de soi l'énergie aimante afin qu'elle se diffuse. Non pas en y pensant mais juste en le vivant, corporellement. L'énergie bienfaisante se libérera d'elle-même, non pas sous le joug de la volonté mais sous l'intensité de l'amour.

 

Un masseur ayant acquis une très bonne base technique et une grande connaissance des protocoles peut n'être qu'un technicien...Il ne deviendra un bon masseur qu'à partir du moment où il parviendra à nourrir son mental cognitif de la conscience. Rien d'autre n'est possible à mon avis.

Les effets produits par les actes seront de qualité si la qualité de conscience dans les actes est effective.
C'est incontournable.

 

C'est là d'ailleurs que se révèle "l'intuition".

L'intuition se libère lorsque le mental se tait.

J'ai pris parfois, dans des situations critiques, des décisions qui ne relevaient pas du mental mais qui était générée par cet état de conscience en soi, non pas une analyse rationnelle mais une évidence spontanée qui semble jaillie de nulle part.

Jung parlait de "Maître intérieur"...Celui qu'il faut trouver...

Certains magnétiseurs, par exemple, ressentent dans leurs mains ce que leur mental ne pourrait déceler, c'est ce qu'on appelle la "clairvoyance" et le terme est très bien choisi.

C'est "clair et il le voit" parce que le mental n'est pas le Maître mais l'ouvrier de la conscience.

Clairvoyance : Faculté de voir avec clarté, sagacité, pénétration, lucidité : Analyser une situation avec clairvoyance.
Forme de perception extrasensorielle d'objets ou d'événements.

Intuition : Connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l'expérience.
Sentiment irraisonné, non vérifiable qu'un événement va se produire, que quelque chose existe : Avoir l'intuition d'un danger.

 

Ce qui signifie pour moi que la clairvoyance est la condition sine qua non de l'intuition.

C'est parce qu'un individu a atteint un état constant de clairvoyance que l'intuition peut s'éveiller en lui.

Cette intuition et la capacité à la recevoir sans aucun filtre limitant, c'est l'émergence ultime de "Cela", son jailissement, au-delà de la force occultante du mental. 

L'intuition n'a aucun ancrage au Temps. Elle peut se développer par la multiplication d'expériences mais lorsqu'elle jaillit, elle est libre de toutes pensées et par conséquent de la dimension temporelle. 

Walter Bonatti, alpiniste de renom ayant considérablement marqué son époque, a parfois évoqué cette intuition salvatrice. Il parlait effectivement de sa connaissance de la montagne et des nombreuses expériences ultimes qu'il avait connues mais il n'attribuait pourtant pas la justesse de la décision qui s'imposait à ce passé tumultueux.

C'est "Cela" qui agit en nous.

Une conscience fulgurante d'un potentiel infini, inconnu, au-delà du vécu.

Ce qui est en nous.

L'Amour, la Nature, la méditation, la contemplation, le silence, l'effort physique.

Des éléments, à mes yeux, incontournables pour que ce trésor enfoui émerge du chaos des vies matérielles.

 

 

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