Les enseignants qui prennent des cours...

On n’arrête plus la privatisation des études. Longtemps réservée aux lycéens et étudiants, le « cours de soutien payant » s’adresse désormais aux…enseignants eux-mêmes ! La logique est la même : surfer sur la crise du système éducatif public en « offrant » de pallier à ses manques. Puisqu’il est de notoriété publique que les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) ne préparent pas les futurs profs à la réalité de leur métier, il n’est pas étonnant que des établissements privés se soient engouffrés dans la brèche.

Selon un sondage CSA publié cette semaine, seuls 16% des enseignants débutants estiment que l’IUFM leur a fourni des outils et des méthodes directement applicables en classe. Les autres, ces milliers de jeunes profs parachutés en ZEP qui éclatent en sanglots en plein cours deux jours après la rentrée, seront autant de clients potentiels : on imagine déjà les bénéfices que ces écoles pourront tirer de leurs cessions « gestion de votre première classe »…

Car ces leçons sont loin d’être gratuites. Chez Forprof, comptez 600 euros pour 30 heures de cours répartis sur une semaine avant la rentrée. C’est moins cher chez Prépa-Public, qui demande 275 euros pour 25 heures. Les deux organismes se défendent de profiter d’un système en déshérence, quand ils n’affirment pas agir par pur altruisme. « Moi aussi, je préférerais que le public joue son rôle et forme correctement les futurs enseignants !, s’insurge Carol Huron, directrice de Prépa-Public. Mais ce n’est pas le cas. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On ferme les yeux et on laisse nos enfants face à des profs mal formés, sacrifiant ainsi plusieurs générations d’entre eux, en attendant que l’Etat se réveille ? »

Les établissements privés accompagnant les aspirants profs dans la préparation du concours existent depuis très longtemps. Certains proposaient déjà des stages pour les lauréats s’estimant mal préparés à la tenue d’une classe, mais ils ne rencontraient que peu de succès. La récente réforme de la formation des enseignants, la fameuse « masterisation », leur a permis d’augmenter leurs effectifs. Concrètement, l’année d’alternance, partagée entre stages sur le terrain et cours théorique, a été supprimée : dès septembre, les jeunes profs seront envoyés devant des élèves… sans bénéficier de séances de débriefing. C’est là que les établissements privés interviennent : « refus de l’autorité, violence physique et verbale, relations avec les collègues et les parents d’élèves, tous les problèmes qui se posent à un jeune professeur seront abordés à travers des cas concrets et avec l’intervention d’une psychologue, d’enseignants en exercice et professeurs de l’IUFM », explique Carol Huron. Qui ajoute : « les jeunes enseignants savent ce que le concours réformé leur fait perdre. Du coup, on a beaucoup de retours positifs pour le stage d’août prochain ».

En supprimant l'alternance, le gouvernement a sans doute réalisé de belles et bonnes économies. Mais il a du même coup, ouvert la voie à un marché de formation privée, créneau immédiatement occupé. Seuls perdants : les jeunes profs qui devront désormais payer pour être correctement formés, ou du moins se sentir un peu plus armés pour gérer nos adorables enfants

Source: Marianne2.fr

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