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TRIBUNE

Opinion | Rapport du GIEC : l'ampleur de la crise n'épargnera personne

 

Les conclusions du nouveau rapport du GIEC insistent sur l'incapacité de notre espèce à s'adapter à un changement climatique majeur. Mais, osons le dire clairement : un tel changement, s'il devait advenir, aura dévasté nos sociétés et économies bien plus tôt, écrivent Julien Pillot et Philippe Naccache.

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Inondations à Saintes, dans les Charentes.

Inondations à Saintes, dans les Charentes. (Philippe LOPEZ/AFP)

Par Julien Pillot (enseignant-chercheur en économie (Inseec Grande Ecole)), Philippe Naccache (enseignant-chercheur à l'Inseec Grande Ecole)

Publié le 28 juin 2021 à 16:20Mis à jour le 29 juin 2021 à 10:13

 Prétendre que les pays occidentaux sont mieux armés pour faire face au changement climatique relève d'un strabisme qui pourrait insidieusement nous conduire à minorer l'ampleur de la catastrophe à venir.  Certes, nous connaissons le caractère inégalitaire du changement climatique. Certains territoires subissent un réchauffement plus rapide, et certaines populations sont plus exposées aux conséquences climatiques et économiques. En s'intéressant à la vulnérabilité relative des pays, un institut tel que «Notre Dame Global Adaptation» a ainsi établi une cartographie plutôt « rassurante » pour les pays riches, notamment ceux situés en Europe de l'Ouest.

Raréfaction des matières premières

Or, cette vision occulte largement le caractère systémique de la crise économique et sociale qui suivrait un changement climatique majeur. Pensons déjà à notre dépendance extérieure. Nous aurions tort de considérer que le problème ne réside que dans la désindustrialisation de la France, et qu'il suffirait de réimplanter des capacités de production pour retrouver une certaine « souveraineté ». Car, notre pays resterait dépendant de l'approvisionnement en matières premières dont il est faiblement doté. Or, ces dernières sont sous tension du fait de leur surexploitation et leur raréfaction, se traduit par une inflation déjà palpable et qui ira crescendo dans les années à venir. Et nul stock de sécurité ne pourra amortir le choc engendré par une demande mondiale largement supérieure à l'offre disponible.

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Notre capacité à assurer notre autonomie alimentaire va également se poser avec acuité dans un monde où la productivité agricole aura chuté en raison de l'aridité, de l'acidité des sols ou de phénomènes climatiques extrêmes devenus communs. Que se passera-t-il quand l'eau viendra à manquer pour assurer nos besoins agricoles et que les destructions d'hectares de cultures intensives en eau, à l'image des amandiers californiens, sera devenu l'unique moyen de préserver les besoins de la population ? Vers quel territoire nous tournerons-nous pour faire valoir notre « effet richesse » quand les ressources naturelles viendront à cruellement faire défaut à l'échelle planétaire ?

Déséquilibres multiples

Enfin, il convient de penser les « effets de rebond » socio-économiques induits par un changement climatique majeur : grippement des mécanismes assurantiels, stress sur notre système bancaire suite au déclassement de certains actifs immobiliers (notamment en zones littorales) ou carbonés, chute de la productivité horaire et faillites en cascade faute de demande solvable… Sans oublier les inquiétudes quant à notre capacité à absorber les chocs migratoires induits par des territoires devenus inhabitables en raison de la montée des eaux ou d'épisodes de chaleurs humides.

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Nos sociétés se sont bâties sur un équilibre qui repose sur l'exploitation d'un environnement favorable. Le protocole de Montréal, qui a abouti à l'interdiction planétaire de l'utilisation des gaz CFC responsables du trou dans la couche d'ozone, a montré que nous étions en mesure de nous adapter à un problème isolé. Mais, imaginer que nos sociétés pourront s'adapter à un changement systémique brutal, dans lequel les déséquilibres seront multiples, relève de l'illusion. Si un tel schéma devait advenir, nul pays ne serait à l'abri. Encore moins quand les pays en question doivent une large part de leur apparente prospérité à l'exploitation massive de ressources situées à l'autre bout de la planète…

Julien Pillot et Philippe Naccache sont enseignants-chercheurs à l'Inseec Grande Ecole.

Julien Pillot et Philippe Naccache

 

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