Slow sex

Le slow sex, ou l'amour en pleine conscience.

Le slow sex, ou l'amour en pleine conscience.

Getty Images/Hemera

Après la slow food, voici le "slow sex", autrement dit "la décélération érotique", un mouvement prôné par un sociologue italien, devenu un phénomène de société aux Etats-Unis.

Prendre son temps, déguster, savourer, s'enivrer des goûts et parfums... Vous aurez reconnu les principes défendus par les apôtres de la pleine conscience et du "slow food". Seulement voilà, ici il ne s'agit pas de nourriture mais... de sexe. Ce nouvel avatar de la "slow attitude" porté par un sociologue italien, Alberto Vitale, rencontre un succès assez phénoménal aux Etats-Unis, avec à la clé des centres de formation dédiés au "slow sex". S'inscrivant dans la lignée du best seller Eloge de la lenteur, de Carl Honoré, mais aussi dans une mouvance visant à lutter contre l'emballement de la société de consommation, le "slow sex" est une invitation à faire l'amour non seulement plus lentement, donc, mais surtout "en pleine conscience". Concrètement, en débranchant son téléphone, en s'assurant que rien ne viendra interrompre les ébats et en s'interdisant d'associer sexualité et performance.  

Un credo qui peut séduire, tant il est difficile aujourd'hui de se poser, mais qui peut aussi soulever quelques réserves: quid, dans le slow sex, de la fièvre du désir qui n'attend pas et surtout, de la spontanéité? Et si parfois, au lit surtout, l'inconscience avait aussi du bon? 

Un moyen de lutter contre la dispersion

Albert Barbaro, sexologue et thérapeuthe de couple, voit plutôt cette mode du slow sex d'un bon oeil: "Je vois tellement de patients qui se dispersent, qui ne parviennent plus à accorder le temps nécessaire à lamontée du désir, que je ne peux qu'approuver l'idée d'aller plus doucement", explique-t-il. Préférant parler "d'égo-concentration" plutôt que de pleine conscience, le sexologue souligne l'importance d'être présent à soi et à l'autre dans le rapport intime, "sans que des pensées parasitantes viennent vous déconcentrer: 'Est-ce que j'ai bien garé ma voiture, est-ce que les enfants ont fait leurs devoirs, ai-je bien envoyé ce mail, etc'". "Le slow sex, s'il est pris dans le sens "ici et maintenant" et s'il implique de se centrer sur ses propres sensations et désirs", est un bon moyen de renouer avec l'autre mais aussi avec sa propre sensualité", poursuit Albert Barbaro.  

Ralentir la cadence, c'est aussi pour les femmes avoir plus de chances de parvenir à l'orgasme. Comme le rappelle Carl Honoré, il faut en effet en moyenne 20 minutes aux femmes pour atteindre leur pic d'excitation, tandis que les hommes y parviennent en moins de 10. "Je n'ai rien contre les "quickies", les petits coups rapides entre deux rendez-vous ou pendant la micro-sieste de ma fille, confirme Sandrine, 39 ans. Mais honnêtement, il est tout de même très rare que je grimpe au plafond dans ces conditions. Sans réclamer des préliminaires de trois heures, il est évident qu'il me faut plus de temps pour jouir que mon conjoint." Sans être une afficionada du slow sex, Sandrine confie apprécier les soirs "sans enfant, où l'on se chauffe gentiment, puis un peu plus sérieusement, sans objectif absolu de performance, avec pour seul enjeu d'être l'un avec l'autre, et plus si affinités..."  

Abandonner l'idée de performance sexuelle et se concentrer sur l'instant

Une façon de voir les choses qui correspond en tous points aux idées défendues par Carl Honoré et Alberto Vitale, lesquels déplorent cette quête d'efficacité que l'on applique aujourd'hui à tous les pans de nos activités, sexecompris. Autrement dit, dénonce Carl Honoré, nous privilégions plus souvent la destination (ici l'orgasme), que le voyage. Or parfois, le voyage peut être plus enrichissant que l'instant finalement très bref de l'arrivée. "Pour nous il est clair que quand les couples abordent la relation sexuelle d'une manière plus tranquille en savourant et dégustant chaque moment lentement, en conscience, ils font l'expérience de plus de sensibilité, plus de sensualité et plus de satisfaction. 

Après l'acte sexuel ils se sentent nourris par l'amour en profondeur, réinvestis de leur force en tant que couple et réinvestis de leur force en tant qu'individus", écrit quant à elle Diana Richardson, auteur de Slow sex, faire l'amour en conscience. Défendant l'idée d'une "sexualité douce", cette thérapeute de couple invite elle aussi à abandonner tout but à atteindre, et à mettre l'accent "sur l'écoute subtile de nos sensations, sur le 'non sensationnel', sur la présence à soi-même et à l'autre, par l'échange verbal, le contact visuel, la lenteur qui permet de goûter l'instant." 

Ne pas tomber dans le dogmatisme et conserver de la spontanéité

De belles phrases qui laissent Alice relativement perplexe, voire agacée, de "devoir aussi être en pleine conscienceau lit": "Il est quand même difficile de rester maître de soi dans ces moments là, non?" "Il faut garder à l'esprit que sur un plan purement anatomique, le rapport sexuelrepose sur une certaine dynamique, un rythme qui s'accélère nécessairement à un certain point", abonde Albert Barbaro. La lenteur ne peut donc être une constante jusqu'au bout et ne doit pas empêcher qu'à un moment les corps s'échauffent et "oublient" de prendre leur temps. "D'une manière générale, ajoute-t-il, mieux vaut éviter de tomber dans le dogmatisme. Le plus dangereux pour le désir, c'est avant tout la routine". On peut donc alterner entre des soirées "bougies, massages tantriques et marathon des préliminaires" et des "cinq à sept" précipités et spontanés. Le tout étant bien au final de suivre ses envies. 

Journaliste, Caroline Franc est également l'auteur du blog Pensées by Caro 

 

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