A travers le tunnel
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/06/2025
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Les expériences de mort imminente
Publié le samedi 24 mai 2025
Des personnes dans un tunnel ©Getty
Provenant du podcast Carnets de santé
Steven Laureys est l'un des plus grands spécialistes mondiaux du cerveau et du coma. Passionné par les expériences de mort imminente, il a cherché à comprendre ce qui se passait scientifiquement en se soumettant à des expérimentations.
Avec
Steven Laureys, neurologue, directeur de recherche au Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et fondateur du Coma science Group au centre de recherche de l’université de Liège
Que se passe-t-il dans le cerveau d’une personne dans le coma ? Que comprend-elle ? Qu’entend-elle ? Quel espoir de réveil, de récupération ? Peut-on d’emblée prédire ses possibilités et donc adapter la prise en charge du patient ? Bien sûr, les connaissances, notamment grâce aux nouvelles technologies d’imagerie cérébrale, ont progressé, mais cet état reste encore très mystérieux et continue à la fois d’inquiéter et de fasciner.
Les expériences de mort imminente sont-elles de pures hallucinations ?
Marina Carrère d'Encausse s'entretient avec Steven Laureys, qui, tout au long de sa carrière, a exploré l'esprit humain, nos pensées, nos perceptions et émotions. Ses travaux portent sur le coma, mais aussi sur les commotions cérébrales, l’anesthésie, le rêve, l’hypnose, la transe, la méditation.
La conscience reste un des grands mystères pour la science
D’une spécialité que certains considéraient comme ésotérique, les choses ont évolué et aujourd’hui, selon le neurologue : « on a une vision beaucoup plus dynamique avec la neuroplasticité (c’est-à-dire le fait de pouvoir développer de nouvelles connexions et de nouveaux réseaux pour que le cerveau continue de fonctionner, même si des zones ont été abîmées.) Il y a des patients, certainement les jeunes, traumatisés crâniens, où ces milliers de milliards de connexions arrivent, et cette plasticité, peut assurer une récupération fonctionnelle. De plus, la neuroimagerie nous a permis de mieux documenter et d'être plus précis dans le diagnostic et aussi dans le pronostic, et même de proposer de nouvelles pistes thérapeutiques. »
Mais malgré les avancées médicales, le directeur fondateur du Coma Science Group à l'Université de Liège reste prudent : « la conscience reste un des grands mystères pour la science. » […] Finalement, le cerveau, l’on dit que c'est une fonction émergente à travers ces connexions, cette dynamique entre le thalamus qui est profond et ces deux réseaux de la conscience. »
4 à 5% d’expérienceurs, c’est-à-dire de personnes qui ont vécu une EMI
Il y aurait dans le monde 4 à 5% d'expérienceurs, ces personnes qui ont vécu une EMI. Pour comprendre ces personnes, le spécialiste du cerveau et de la neurologie de la conscience, a tenté d'en vivre une : « Je me suis fait injecter de la psilocybine dans mes veines, lors d’une IRM à Londres. Je n'avais plus de corps, j'étais un avec l'univers. J’ai eu cette vision du tunnel, et j'ai perdu connaissance. Et entre-temps j’ai vécu toutes les caractéristiques, y compris la décorporation».
Que se passe t-il dans notre cerveau lorsque l'on fait une EMI ?
Cela fait 25 ans que l'on étudie ces états modifiés de conscience, le coma, ce qui se passe aux soins intensifs. 15% des personnes au CHU de Liège qui survivent ont une expérience de mort imminente. Mais l’EMI n'est pas la mort cérébrale car jamais une personne avec les critères de mort cérébrale n’est revenue pour dire ce qu'elle avait vécu. A l’avenir, le Professeur en est convaincu : « des médecins vont proposer une théorie de la conscience, des pensées, des perceptions, des émotions. Entre temps, on a une série de données expérimentales, d'hypothèses ». Et de conclure que : « Comprendre notre univers intérieur, cela nécessite des scientifiques un peu rebelles qui osent remettre en question les vérités d'aujourd'hui. »
L'EMI, est-ce la preuve de la vie après la mort ou une pure hallucination ? La conscience réside-t-elle uniquement dans le cerveau ? Steven Laureys a tenté de comprendre ces patients qui racontaient leur expérience et a tout fait pour en vivre une. Le neurologue explique la façon dont ses connaissances et ses hypothèses ont évolué au fil de ses travaux.
TOUS, SAUF ELLE
CHAPITRE 2
Des visages sans relief. Des peaux lisses qui l’observaient scrupuleusement, la détaillaient intérieurement. Elle sentait leurs regards sur son âme, comme des brises tièdes qui l’enveloppaient. Elle ne savait dire ce qu’elle était malgré le flot puissant de ressentis. Elle avançait sans aucun mouvement, elle n’était plus qu’un souffle d’air, un rayon de lune, l’éclat tremblotant d’une étoile naine et pourtant, chacune de ces âmes rencontrées la parcourait comme le flux sanguin de la vie. Elle les voyait et simultanément elle les sentait en elle.
Elle ne possédait pourtant plus aucune enveloppe. C’était une certitude. Mais tout était là. L’air sur sa peau, le son du silence, le toucher des parois circulaires qui crépitaient et tous ces visages lisses qu’elle croisait. Où que se pose son regard, elle ne discernait qu’une myriade de présences.
Elle avançait à des vitesses stupéfiantes dans une immobilité absolue. Une aimantation vers le fond de l’univers. Un plongeon intemporel vers les étoiles. Elle était subjuguée par ce puits vertical et elle aurait été incapable de préciser le sens de son déplacement. Comme s’il n’y avait plus d’espace, pas plus que de temps.
C’est là que Figueras s’était interposé et avait stoppé sa progression. Elle avait reconnu le sourire flamboyant de ses prunelles. Les mots avaient résonné quelque part en elle.
« Tu n’as pas fini ton parcours. Retourne d’où tu viens. Réintègre ta matière. Tu te souviendras de ce que tu es quand tu ne seras plus ce que tu crois être. »
Tout était là sans qu’elle n’y comprenne rien.
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