TOUS, SAUF ELLE : Aimer l'amour.

 

 

TOUS, SAUF ELLE

Extrait


"Laure ne cherchait plus à s’expliquer les raisons de cette attirance pour Théo. C’était juste une évidence. Elle ne comprenait pas davantage la puissance de cette étreinte, cette joie en elle, comme un rayonnement inconnu qui l’avait emplie, une lumière intérieure qui n’avait rien d’un orgasme habituel. Elle aurait pu ne pas jouir d’ailleurs sans en éprouver la moindre frustration. Et plus étrange encore, Théo n’avait pas été qu’un simple partenaire aimant mais l’opportunité d’une révélation. 
La lumière. Elle était toujours là et elle ne savait la nommer autrement. 
Le sexe de Théo en elle. Comme un canal d’énergie. Elle avait senti le flux l’envahir, bien au-delà du connu. 
Elle avait perdu le lien avec le réel. Comme une plongée verticale vers des altitudes inexplorées, l’effacement de son être et l’émergence d’une entité indéfinissable, une chaleur d’étoile, un rayonnement solaire qui l’avait embrasée au-delà de son corps, comme si autour d’elle son âme s’était réjouie.

Elle était assise dans le canapé du salon, les yeux dans le flou, un regard poreux fixé sur le mur devant elle, une vision intérieure. Nous n’étions pas, fondamentalement, des êtres de matière mais des âmes enveloppant des corps mouvants, des énergies capables d’aimanter des particules pour en fonder un véhicule. Une révélation qui se nourrissait de la lumière qui l’avait enveloppée. 

Qu’était-elle cette lumière ? Pourquoi l’avait-elle empêchée de partir dans l’habitacle de la voiture ? Pourquoi elle ? Et pourquoi ne l’avait-elle pas connue plus tôt ? Que devait-elle en faire désormais ? 
Elle comprit alors qu’elle n’avait rien su de la vie, qu’elle en avait ressenti uniquement l’illusion de l’existence, que le réel était bien au-delà de ce que la raison humaine lui avait enseignée, que ses limites l’avaient bridée et qu’elle était entrée désormais dans le champ de tous les possibles. 
Sans pouvoir aucunement présager de la suite.
Cette perception des atomes, cette vibration dans tout ce qui était empli du flux vital, cette pénétration des êtres comme s’ils n’avaient plus de carapaces mais qu’ils étaient devenus des entités sans frontières, intégralement ouvertes, offertes, des espaces à découvrir sans que rien de connu ne vienne en brider l’exploration. 
Elle avait aimé Théo comme on aime un lever de lune, un coucher de soleil, un silence de montagnes, des nuages courant sur l’azur, un parfum de fleurs, le chant d’un oiseau. Elle n’avait pas aimé le corps d’un homme, ni même un homme, ni même un cœur. Elle avait aimé l’amour."

 

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