Sophrologie : deuil personnel

« Allongez-vous confortablement. Prenez votre temps pour sentir que votre corps est idéalement placé, comme dans un cocon protecteur, parfaitement installé, dans le bien-être physique qui vous convient...Bien… Maintenant, je vous invite à observer votre respiration, à l’intérieur de vous, regardez-la couler en vous, se répandre, monter et descendre, suivez les mouvements de votre ventre, abandonnez-vous à ce rythme lent et profond, sans effort, sans chercher à changer quoi que ce soit, juste impliqué dans l’instant, concentré sur ce souffle qui entre par vos narines, ce courant un peu frais et cet air chaud qui ressort…Relâchez votre visage, vos mâchoires, votre front, laissez la détente s’installer, accompagnez-la, lieu par lieu, comme sur un chemin lumineux. Votre corps se détend, vos épaules, votre nuque, votre poitrine, votre ventre…Vous descendez de plus en plus profondément, guidé par votre respiration et le calme qui se diffuse. Vos jambes, se relâchent, elles sont lourdes, immobiles, chaudes peut-être…Concentrez-vous sur les sensations de calme, laissez les pensées se diluer, ne cherchez pas à lutter contre elles, laissez-vous guider par votre respiration et cette bienveillance pour les sensations en vous. Tout votre corps est relâché, vous en sentez chaque partie, vous pouvez déplacer votre conscience et parcourir votre être intérieur et profiter pleinement de cette plénitude.

…Silence…

Vous voyez se dessiner maintenant un canal de lumière qui vous enveloppe, une belle lumière dans un canal qui monte, qui monte, et vous entraîne, en toute protection. Vous suivez ce canal et vous vous élevez à l’intérieur, vous êtes aspiré, vous vous laissez emporter en toute confiance. La lumière vous enlace, elle est là pour vous guider dans un espace de plus en plus haut, un tourbillon de plus en plus rapide…

Un fil de lumière se présente à vous, vous le saisissez, il vous élève dans le canal, c’est une ligne que vous suivez, de plus en plus haut, de plus en plus vite, sans aucune inquiétude. Votre être  intérieur sait où il doit aller. Ce fil, c’est le fil du temps, le fil qui vous ramène vers vos souvenirs enfouis, un chemin qui vous appartient et que la lumière éclaire. Vous montez toujours, de plus en plus haut puis vous arrivez enfin dans un espace de calme, de paix, de silence, un espace baigné par une lumière protectrice.

 

Une personne apparaît dans la lumière. C’est votre frère, Christian, votre frère du passé, avant sa mort…Il marche vers vous. Comment est-il ? Quel âge, quelle allure, comment est-il habillé ?

…Silence…

Il a vingt-deux ans. On est à Pen-Hir, on fait de l’escalade. Il a son baudrier et un bonnet sur la tête. Il fait froid. Il me sourit.

-Qu’est-ce que vous ressentez, là, maintenant, en retrouvant votre frère ?

…Silence…

-De la tristesse, une immense tristesse. De l’injustice aussi et puis en même temps, une acceptation…De la culpabilité aussi, de la honte.

-Pour quelles raisons ?

-Je l’ai abandonné pendant trop longtemps, je ne me suis plus intéressé à lui, j’étais dans ma vie et je me suis éloigné. Je ne l’avais pas revu depuis plusieurs mois quand il est mort.

-Est-ce que vous lui avez déjà dit tout ça ?

-Non.

-Prenez le temps de le faire maintenant. Prenez le temps de vous retrouver.

…Silence…

Est-ce qu’il y a de la colère aussi en vous ?

-Il y en a eu quand Christian a déchiré le cahier que j’avais écrit à l’hôpital. Il ne l’a jamais lu. Et puis, j’ai accepté. Ça lui appartenait, c’était son histoire, pas la mienne.

- Dites-le-lui aussi.

…Silence…

-Qu’est-ce que Christian vous aurait répondu s’il avait pu entendre ce que vous venez de lui dire ?

…Silence…

-Que je n’ai rien à me reprocher. Que j’ai fait tout ce que je pouvais et que lui aussi s’est éloigné de moi. On avait tous les deux nos raisons. Personne n’est coupable de rien.

-Est-ce que Christian aurait voulu que vous restiez triste ou que vous gardiez cette culpabilité en vous ?

-Non, sûrement pas.

-Qu’est-ce que Christian aurait aimé vous souhaiter ?

-D’être heureux avec Nathalie et nos enfants.

-J’aimerais que vous imaginiez un lien entre Christian et vous, un lien positif  qui contiendrait vos plus beaux souvenirs, vos plus belles émotions, les bonheurs que vous avez partagés. J’aimerais que vous le décriviez, sa forme, son volume, sa couleur, sa température, son aspect.

-C’est comme une corde, elle est rouge, lisse, elle brille…Elle est solide.

-À quel endroit de votre corps vient-elle se fixer ?

-Dans mes mains.

-Et pour votre frère ?

-Pareil. Il la tient aussi dans ses mains.

-C’est comme une corde d’escalade entre vous ? Comme une cordée ?

-Oui, c’est ça. Comme quand on grimpait ensemble.

-Qu’est-ce que vous ressentez, là, maintenant ?

-C’est chaud en moi, dans mon ventre surtout. Je suis bien.

-Qu’est-ce qu’il y a dans ce lien de plus important, quelque chose que vous auriez appris grâce à votre frère ? Comme l’honnêteté, la fraternité, la patience, la solidarité…Qu’est-ce qu’il y a de plus important ?  

-Le courage. La force morale. Force et Honneur.

-Bien. J’aimerais maintenant que vous imaginiez un autre lien. Un lien limitant qui contiendrait toutes les émotions qui vous attachent encore à Christian et qui vous limitent, les souvenirs qui vous alourdissent. Comment est-ce lien ? Quelle est sa forme ? Où se trouve-t-il ?

-C’est comme un fil barbelé, froid, gris et il fait le tour de notre tête, à tous les deux.

-Vous êtes reliés par un fil barbelé qui entoure votre tête, c’est ça ?

Oui.

-Alors, imaginez que vous placez dans ce lien tous les souvenirs les plus douloureux, tous les moments que vous auriez voulu ne jamais vivre. Vous allez mettre dans ce lien votre colère, votre culpabilité, votre honte, l’injustice, votre peine, votre détresse, tout ce qui vous fait souffrir encore aujourd’hui.

…Silence…

-Vous l’avez fait ?

-Oui.

-Est-ce que vous voulez garder ce lien entre Christian et vous ?

-Non.

-Alors, je voudrais que vous déposiez le lien positif que vous tenez dans vos mains. Juste quelques secondes. Puis, vous allez défaire le fil barbelé qui entoure votre tête. Délicatement, sans vous blesser. Puis, vous allez le déposer au sol. Comme une corde à vos pieds. Quand vous l’aurez fait, vous reprendrez le lien positif dans vos mains et vous le garderez précieusement, bien serré. Vous ne le perdrez jamais. Il sera toujours là, entre Christian et vous.

-Je défais le fil barbelé autour de la tête de Christian ?

-Non, c’est à lui de le faire, c’est de sa responsabilité. On ne peut pas libérer quelqu’un. Qui que ce soit et si vous vous imposez malgré tout, vous lui volez son existence. Christian n’est prisonnier que de lui-même, tout comme vous. Chacun doit œuvrer à sa propre libération.

-Mais il est mort, il ne peut pas se libérer.

-Christian que vous voyez, là, maintenant, il n’est pas mort. Il est devant vous.

-En vrai, il est mort.

-Mais en vrai, personne ne sait ce qu’il en est de cette mort. On ne peut donc pas s’autoriser quoi que ce soit sur quelqu’un, de vivant comme de mort.

-Et si Christian m’avait demandé de le libérer.

-Alors, vous auriez eu le choix entre l’acceptation ou le refus.

-J’aurais accepté. Je l’aurais fait.

-Mais là, maintenant, ce qui importe, c’est que vous gardiez en vous le lien positif entre vous deux. Pensez bien que Christian aurait aimé vous voir heureux.

…Silence…

-Vous pouvez remercier votre frère de s’être présenté à vous, d’avoir permis ce travail entre vous. Vous pouvez lui dire que vous l’aimez tout comme il vous a aimé. Vous êtes reliés par un fil d’amour. Uniquement de l’amour. Et vous laissez se diffuser en vous ce bien-être, dans tout votre corps, dans toutes vos fibres, aujourd’hui et pour le reste de votre vie. »


 

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