Et alors ? Ce Soi ?
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/08/2010
- 3 commentaires
NOIRCEUR DES CIMES.
Extrait. « Tu n’es pas au fil des âges un amalgame agité de verbes d’actions conjugués à tous les temps humains mais simplement le verbe être nourri par la vie divine de l’instant présent. » L’aura étincelante exhale des paroles qui l’investissent avec douceur. Des myriades de cristaux éclatants scintillent autour de l’apparition et l’enlacent délicatement. Il sent les mots glisser en lui et répandre sur leur trajet des tiédeurs qui le tranquillisent. Il ne distingue aucune forme et pourtant il devine qu’il est observé. Les particules lumineuses coulent en lui comme des nourritures, le soutiennent et le revigorent. Il a l’impression de flotter dans une matrice protectrice et l’énergie qui lui parle résonne dans son esprit comme à travers une cloison moelleuse…Il n’a plus de corps, il n’est qu’une entité vibratoire, palpitant sur un tempo étrange, mystérieux, incommensurable. Etrangement lui vient à l’esprit qu’il n’a même plus d’esprit et que cette pensée n’en est pas une, qu’elle n’a pas de source connue et que l’émetteur habituel a disparu. Ni corps, ni esprit, ni matière, ni intellect mais une certitude de vie. »
Qu’est-ce que c’était ? J’étais cloué au lit. Crucifié plutôt. Les clous plantés dans le dos et la jambe gauche. Un seuil de douleur qu’on ignore, qu’on ne peut pas imaginer, qu’on ne sait même pas pouvoir supporter. Trois hernies discales. Et puis cette rupture, totale, incompréhensible, imprévisible, comme si parvenu à une altitude inconnue, le mental n’avait plus d’oxygène, que les pensées et les résistances ne pouvaient plus prendre forme, n’avaient plus de nourriture, une perte d’identification, la douleur avait tout rongé, jusqu’à la dernière image, les rôles les plus essentiels, ni mari, ni père, rien, il ne restait rien que cette douleur insoutenable jusqu’à ce qu’elle disparaisse à son tour. Cette rupture, ce vide. Cette absence de tout, plus rien, aucune sensation, plus de corps, plus de peur, aucune pensée, le néant sans rien pour le voir, rien…Comment expliquer qu’il n’y a rien. Ni même rien pour s’en rendre compte. Toute la difficulté pour l’exprimer vient du fait qu’il n’en reste rien. Puisqu’il n’y avait plus rien pour s’en souvenir, pour que ça se grave. Rien ne s’est gravé dans ce rien. Et puis cette phrase, soudaine, au milieu d’auras bleutées.
« Tu n’es pas au fil des âges un amalgame agité de verbes d’actions conjugués à tous les temps humains mais simplement le verbe être nourri par la vie divine de l’instant présent. »
Ca n’était pas moi. Ca venait d’ailleurs. C’était trop long pour que je l’élabore moi-même dans cet état d’hébétude. Qu’est-ce que c’était ? « Qui » était-ce ? Des nuits entières à me poser cette question, de mois, des années, des heures à y penser en marchant, sur mon vélo, assis dehors, sous les étoiles, à tenter de retrouver dans ce vide environnant une source, un point de départ, un noyau de clarté, un point lumineux d’où aurait jailli cette fulgurance. Dans ce vide intersidéral que la douleur avait engendré, dans cette incapacité à être moi, à penser même, comment une telle complexité pouvait-elle se concevoir ? Il existerait donc un autre émetteur ?...Et je pourrais recevoir ces émissions inconnues ?...
Le Soi ? Ce vide était-ce cela « la vacuité ? » S'éveiller à la vacuité est-ce voir que personne ne souffre ici, qu’il y a une sensation mais personne pour en prendre livraison. La douleur porte-t-elle un enseignement salvateur ? Pointe-t-elle vers ce qui est au-delà de la douleur ?
« Les quatre nobles vérités qui sont à l'origine du bouddhisme sont: la vérité de la souffrance ou de l'insatisfaction inhérente, la vérité de l'origine de la souffrance engendrée par le désir et l'attachement, la vérité de la possibilité de la cessation de la souffrance par le détachement, entre autres, et finalement la vérité du chemin menant à la cessation de la souffrance, qui est la voie médiane du noble sentier octuple. »
Je ne sais pas ce qu’est ce sentier octuple. Je comprends par contre cet attachement à la douleur, comme à tout le reste. Toutes les identifications qui s’opposent au Soi, qui le couvrent comme autant de salissures. La douleur est un purificateur forcené. Elle brise la coquille et libère le noyau. Mais ce noyau n’est pas une entité individuelle. Il est le flux vital. L’énergie créatrice. Et dans l’amour inconditionnel, ineffable, incommensurable de l’énergie, il n’y a pas de mal, pas de douleur, pas de traumatisme puisqu’il n’y a plus de moi et que le moi entretient tout ce à quoi il est identifié. N’être plus rien efface jusqu’au mal tout comme il efface le bien. Il n’y a que ce qui est. Et ce qui est ne porte pas les fardeaux mentalisés du moi. Bien et Mal ne sont que des rumeurs. La douleur comme la libération du Tout en moi. Comment pourrais-je y voir du Mal ? Ce Bien dans lequel je m’imaginais exister et qui m’avait brisé. Bien et Mal, juste deux termes qui n’ont aucune réalité dans le flux vital. Cette absence de lucidité qui entretenait ces rumeurs. Et en venir à honorer la douleur lorsque le moi est éteint.
Il y a autre chose. Une autre réalité, sans doute la seule. Lorsque le rêve éveillé est brisé et que toutes les rumeurs s’éteignent dans la lumière de la Conscience. Pas « ma » conscience mais l’Autre. Celle qui unifie.
Commentaires
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- 1. Jean-Yves Le 10/11/2013
Merci pour la réponse... avec beaucoup de retard, désolé... mais je viens tout juste de voir ta réponse.... -
- 2. Thierry Le 20/09/2010
Bonjour Jean-Yves.
Si je pouvais donner des conseils, c'est que j'aurais une solution...Et je n'en ai pas. Pas quelque chose de fiable en tout cas. J'ai essayé les grands éditeurs nationaux, rien, aucune réponse détaillée, juste des lettres types, des éditeurs régionaux qui ne voulaient pas se lancer dans un registre peu porteur à leurs yeux, et encore d'autres tentatives, et encore d'autres. Des ré écritures, du travail, essayer de comprendr ece qui clochait sans pour autant me trahir...Il faut chercher, chercher, chercher, dans la jungle immense des éditeurs celui qui se lancera, parce qu'il sera emballé par l'écriture, par l'histoire, par l'auteur, les contacts directs sont essentiels, tenir un blog est une porte d'entrée, une "vitrine", être capable de montrer que ce roman n'est pas qu'un accident de parcours, juste un instant de lucidité mais une démarche durable, profonde, entière, que ce roman n'est qu'une étape, que ça peut donner un partenariat au long cours, un éditeur a besoin de voir loin...Tout ça est très complexe mais reste avant tout un commerce. Ce ne sotn pas des mécènes. Ils ont besoin d'être persuadés de la justesse d eleur choix. Quand il s'agit d'un petit éditeur, c'est toute la maison qui s'écroule en cas d'échec. Le risque est réel au vu de l'engagement financier. C'est pour ça aussi que de tenir un blog sur le long terme peut apporter une assurance. Ne pas passer pour un "auteur météorite" , d'autant plus que dans ce registre, la garantie du succès n'existe pas. Il faut travailler sur la distance. Après, il y a bien entendu la force de frappe de l'éditeur...Les succes de Lévy ou Musso, on sait très bien qu'ils ne sont pas justifiés au regard de ce qu'ils contiennent... Nous, on n'existe pas parce que les majors se font des choux gras avec ceux-là, ils n'ont aucune raison d'aller prendre des risques avec des guenilles dans le registre people. Par conséquent il faut aller vers les petits éditeurs et trouver celui qui est convaincu de l'intérêt de ton ouvrage. Et là, c'est long, très long, très, très long...Mais il faut y croire. Il le faut. Sans cesse. -
- 3. jean-yves Le 20/09/2010
Bonjour Thierry
J'ai lu avec attention le récit de ton parcours d'écrivain sur ton blog. J'ai trouvé le lien sur le forum "regard sur l'éveil" que j'ai fréquenté à une certaine époque. Nous avons en commun l'aspiration spirituelle et l'écriture ; pour ma part, je n'ai toujours pas réussi à faire publier mon premier roman bien que je l'ai réécrit, retravaillé une bonne dizaine de fois. J'ai plus ou moins laché à ce sujet, mais c'est sûr que si je trouvais un éditeur...
Peut-être auras-tu quelques conseils à me donner à ce sujet, la première partie de mon manuscrit "Le voyage des albatros" est visible sur mon blog. Il évoque bien sûr la quête spirituelle...
Voilà, à bientôt sans doute...
Jean-Yves
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