Génocide des Indiens.
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/03/2018
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Dans la préface de l’incontournable ouvrage de Dee Brown “Bury my Heart at Wounded Knee” ( Enterre mon coeur à Wounded knee, 1970, réédité en 2000 et 2007) il est fort justement dit ceci: “Si les anglo-américains ont ‘gagné’ l’Ouest du continent, alors pourquoi ne par raconter l’histoire du point de vue de ceux qui l’ont ‘perdu’: les Apaches, les Nez-Percés, les Utes, les Cheyennes, les Sioux, les Arapahos, les Navajos ?… Pour les Indiens du reste, l’Est a toujours été la direction de laquelle le trouble est venu. […] Dee Brown fut capable de montrer comment le gouvernement des Etats-Unis a employé une méthode consistante de mensonge et de tromperie ainsi que de manipulation pour arracher leurs terres ancestrales, nation autochtone après nation autochtone.”
Célébration du plus gros génocide de l’histoire de l’humanité !-L’invasion de Christophe Colomb en Amérique
de Sandra Véringa | 11 octobre 2016
Célébration du plus gros génocide de l’histoire de l’humanité !-L’invasion de Christophe Colomb en Amérique
« Si vous les hommes blancs, n’étiez jamais venu ici, ce pays serait encore tel qu’il était autrefois. Tout y aurait conservé sa pureté originelle. Vous l’avez qualifié de sauvage, mais en réalité il ne l’était pas, il était libre. Les animaux ne sont pas sauvages, ils sont seulement libres. Nous aussi l’étions avant votre arrivée. Vous nous avez traité de sauvages, vous nous avez appellé barbares, non civilisés. Mais nous étions seulement LIBRES !! » Léon Shenandoah, chef indien iroquois
Christophe Colomb n’a pas découvert l’Amérique
Voilà, tout est dit. Une pure fabulation de la vérité, pourtant, c’est la première chose qu’on nous apprend dans notre plus tendre enfance. Mais cela n’est seulement le début des atrocités secrètes qui ont façonné la société que nous connaissons aujourd’hui.
“Dans un tel monde de conflit, un monde de victimes et de bourreaux, il est du devoir des pensants de ne pas être du côté des bourreaux.”
~ Albert Camus ~
Journée Christophe Colomb mythe et réalité de la célébration morbide de l’holocauste du continent américain
Tous les écoliers d’Amérique du Nord apprennent ce poème qui commence par ces vers devenus forcément célèbres:
“In fourteen hundred ninety-two
Colombus sailed the ocean blue,”
Poème, contine écrit pour immortaliser auprès de la jeunesse la “découverte” du “nouveau monde” par la chrétienté occidentale au XVème siècle.
Colomb, un aventurier italien, mercenaire du roi d’Espagne, de son nom espagnol Cristobal Colón, qui veut dire “le colonisateur porteur de la croix” posa le pied sur les îles des Caraïbes le 12 octobre 1492, où il fit de suite érigé une croix et des gibets, histoire de donner d’entrée, le ton de l’aventure.
Le narratif colonial nous dit qu’il apporta les lumières de la civilisation chrétienne en ces terres paiennes, le poème à sa gloire citant même le “commerce des épices” avec les locaux.
Si bon nombre connaît le narratif officiel, immortalisé par le “Gégé” national dans un film de propagande de commande réalisé par Ridley Scott en 1992, dont le but évident fut de redorer l’image de Colomb ternie par la vérité historique émergeant pas à pas et contrant le narratif propagandiste colonialiste.
Le 12 octobre fut célébré pour la première fois 300 ans après l’arrivée de Colomb, le 12 octobre 1792. Le 12 octobre fut déclaré fête nationale “Colombus Day” en 1912, puis de nouveau par le président FDR en 1934. Ce n’est que plus tard, sous la présidence de Richard Nixon, en 1971, que “Colombus Day” fut établi comme fête nationale ayant lieu tous les seconds lundis du mois d’octobre.
L’arrivée de Colomb en ce jour néfaste de 1492 marqua le début du plus grand holocauste de l’histoire de l’humanité qui vit la destruction et l’annihilation d’entre 30 et plus de 100 millions d’indigènes, selon les sources, depuis cette époque sur l’ensemble du continent des Amériques. Si les chiffres sont toujours débattus, le massacre généralisé, qui continue de nos jours alors que nous écrivons ces lignes, aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, dans la forêt amazonienne et là où des intérêts liés aux ressources naturelles et leur exploitation par les corporations et gouvernements sont en jeu, lui est totalement avéré par les archives.
Célébrer le jour de Colomb, célébrer le mythe de la civilisation apportée au “nouveau monde”, c’est célébrer le plus grand holocauste qui s’est tenu sur cette planète et pour l’expliquer un peu mieux, laissons la place aux historiens et à la parole historique autochtone.
Ce que nous dit l’histoire hors propagande coloniale
Dans la préface de l’incontournable ouvrage de Dee Brown “Bury my Heart at Wounded Knee” (1970, réédité en 2000 et 2007) il est fort justement dit ceci: “Si les anglo-américains ont ‘gagné’ l’Ouest du continent, alors pourquoi ne par raconter l’histoire du point de vue de ceux qui l’ont ‘perdu’: les Apaches, les Nez-Percés, les Utes, les Cheyennes, les Sioux, les Arapahos, les Navajos ?… Pour les Indiens du reste, l’Est a toujours été la direction de laquelle le trouble est venu. […] Dee Brown fut capable de montrer comment le gouvernement des Etats-Unis a employé une méthode consistante de mensonge et de tromperie ainsi que de manipulation pour arracher leurs terres ancestrales, nation autochtone après nation autochtone.”
C’est aussi ce à quoi se sont attelés depuis lors, des historiens tels queHoward Zinn, David Stannard, Roxanne Dunbar-Ortiz, Charles C. Mann, ainsi que des historiens, juristes et militants autochtones tels Vine Deloria Jr, Taiaiake Alfred, Ward Churchill, Russell Means, Steven Newcomb que nous allons citer pour illustrer ce propos et éclairer l’histoire du côté des soi-disant “vaincus” et ainsi réviser les positions historiques colonialistes et eurocentristes de la doctrine officielle faisant la promotion de fêtes nationales comme le “Colombus Day” et “Thanksgiving” afin de maintenir la bonne conscience coloniale dans les esprits citoyens sous emprise.
Voyons d’abord ce que nous disent les études historiques sur le continent des Amériques avant l’arrivée de Colomb, dans la période dite pré-colombienne. L’histoire coloniale officielle fait toujours état de populations autochtones éparses, peu nombreuses, mal organisées et peu nombreuses, bref, le portrait typique d’un monde obscur et barbare ne demandant qu’à recevoir la civilisation chrétienne. Là encore, l’histoire classique parle toujours des “Européens”, du continent avant l’arrivée des “Européens”, les “Européens” qui découvrirent le “nouveau monde”, de la “civilisation européenne” et tout ce qui est utile pour occulter le fait que dans les écrits de l’époque, il n’était fait nulle mention des “Européens”, mais des Chrétiens. Les documents officiels, décrets pontificaux, chartes royales ne parlent que de “terres païennes”, “d’ennemi du Christ”, de “barbares et d’infidèles” à “réduire en esclavage perpétuel”, à “dominer”, à “subjuguer”, ce qui fut effectivement fait en respectant la lettre des décrets et chartes publiés.
D’autre part, la controverse sur les chiffres de la démographie autochtone dans la période pré-colombienne tend à se dissiper au fur et à mesure de la publication d’éudes de plus en plus approfondies sur la question. L’histoire officielle veut nous faire croire depuis des décennies que la population amérindienne pré-colombienne était de quelques centaines de milliers d’individus vivant disséminés sur le continent de manière nomade et arriérée. Cette vision d’un monde obscur et de survie extrême, servant la doxa coloniale, est balayée par les nouvelles études universitaires.
Ainsi nous apprenons ceci dans l’ouvrage récent de l’historienne Roxanne Dunbar-Ortiz “An Indigenous History of the United States”, 2014, p.17 que: “La population totale du continent était d’environ 100 millions à la fin du XVème siècle, les 2/5 de la population se situant en Amérique du Nord, incluant ce qui est aujourd’hui le Mexique. Le région centrale du Mexique à elle seule comportait quelques 30 millions de personnes. A la même époque, la population de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural était de 50 millions…”
L’Amérique pré-colombienne:
Charles C. Mann, journaliste au magazine “Science”, auteur de 4 ouvrages dont “1491, nouvelles révélations sur les Amériques avant Colomb”, Vintage Book, 2005 ~ Extraits traduits par Résistance 71~
“Lorsque Cortez arriva, d’après les chercheurs de l’université de Berkeley, Californie, Cook et Borah, 25.2 millions de personnes vivaient dans la région centrale du Mexique seule, une zone de 125 000 km2. Après son arrivée, la démographie de toute la région s’effondra. Dans les années 1620-25, il ne restait plus que 730 000 Indiens, approximativement 3% de la population originale avant la première apparition des colons. Cook et Borah ont calculé que cette zone précise n’a pas retrouvé sa population du XVème siècle avant la fin des années 1960.
Dès l’époque de Bartolomé de Las Casas, les Européens (chrétiens) ont su que leur arrivée avait amené une catastrophe pour les populations des Américains natifs. “Nous les chrétiens, avons détruit bien des royaumes ; où l’Espagnol passa, conquît et découvrit, ce fut comme si un feu avait traversé l’endroit, détruisant tout sur son passage.” écrivit Pedro Cieza de León, le grand voyageur de l’après conquête du Pérou.”
“Il est vrai que les conquistadores ne voulaient pas la mort en masse des Indiens ; mais ce désir n’était en rien motivé par un élan humanitaire. Les Espagnols voulaient en effet que les indigènes soient utilisés comme source de travail forcé (esclavage). De fait, les morts en masse des Indiens fut un tel coup dur financier aux colonies, qu’elles menèrent, d’après Borah à une ‘dépression économique’, qui dura plus d’un siècle. Pour se repourvoir en main d’œuvre, les Espagnols commencèrent à importer des esclaves d’Afrique.”
N’oublions pas non plus que lorsque les chrétiens arrivèrent sur ce continent, y vivaient déjà les grandes civilisations centralisées Inca et Maya, et plus au nord les confédérations des grandes nations des plaines centrales (Cheyennes, Sioux, Arapahos, Commanches, Apaches), au nord-est la confédération iroquoise, les nations algonquines, toutes avec un mode de gouvernance gérant, de manière centralisée (Inca, Aztèque) ou non, des millions de personnes.
La culture nord-américaine a gravé dans sa littérature l’épopée romancée des premiers explorateurs à atteindre la côte Pacifique: Meriwether Lewis et William Clark plus connus sous le vocable de Lewis & Clark, décrivant les étendues vierges et sauvages du sous-continent. Voici ce qu’en dit Charles Mann:
“Incroyable d’imaginer aujourd’hui des bisons vivant de New York à l’état de Georgie. Une créature des grandes plaines, le Bison bison fut importé à l’Est par les Indiens suivant une route de feu de prairie géré et contrôlé par les indigènes, alors que cela changeait des forêts en pâturages pour que le bison puisse survivre si loin des ses terres originelles. Le feu des Indiens a eu un gros impact sur le milieu du continent que les Amérindiens transformèrent en une prodigieuse grande ferme d’élevage. Les Amérindiens ont brûlé tant de fois les prairies centrales et du Midwest, que cela a étendu leur superficie, en toute probabilité, les grands pâturages célébrés aujourd’hui par les cow-boys furent établis et entretenus par les peuples vivant là les premiers. ‘Lorsque Lewis & Clark se dirigèrent vers l’Ouest depuis St Louis, ils n’explorèrent pas une étendue sauvage mais une très vaste pâture gérée par et pour les Indiens”, écrivit l’éthnologue Dale Lott.”
Roxanne Dunbar-Ortiz: Docteur ès Histoire de l’université d’UCLA, chaire d’études des nations amérindiennes de l’université d’état à Hayward, Californie, auteure de plusieurs ouvrage dont “Une histoire indigènes des Etats-Unis”, 2014
Extraits traduit par Résistance 71
Quand on lit ce qui suit, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la société celtique qui mena l’Europe de l’Irlande au Danube pendant plus de 800 ans…
“Au moment des invasions européennes chrétiennes, les peuples indigènes avaient occupé et façonné chaque parcelle des Amériques, établi des réseaux extensifs d’échange et des routes de communication et ils subvenaient à leur population en s’adaptant à des environnements naturels spécifiques, mais ils adaptaient aussi la nature à leurs besoins. […]
L’universitaire David Wade Chambers écrit: “… Les Amériques pré-colombiennes étaient sillonnées et reliées par un réseau complexe de routes et de chemins qui devinrent les premiers chemins empruntés par les occupants et furent ensuite transformés en autoroutes.’ […] L’Amérique du nord en 1492 n’etait pas une étendue sauvage vierge de toute civilisation mais un réseau complexe de nations indigènes, les peuples du maïs. Le lien entre les peuples du nord et du sud du continent peut être observé par la distribution du maïs depuis la Mésoamérique… Cette brève revue d’une Amérique du Nord précoloniale suggère la magnitude de ce qui fut perdu par l’humanité et contredit tout à fait le mythe entretenu par les occupants colons des chasseurs-cueilleurs néolithiques vadrouillant sur la terre pour juste survivre. Celles-ci étaient des civilisations fondées sur une agriculture avancée et caractérisées par un système politique de gouvernance.
L’holocauste
David Stannard:
Historien, professeur d’études américaines à l’université d’Hawaii, auteur de six ouvrages et de nombreux articles universitaires. Son livre phare est “American Holocaust: The Conquest of the New World”, publié aux éditions Oxford Press, 1992, dont nous avons traduit l’extrait ci-dessous.
“Pour remettre ceci dans une perspective contemporaine, le ratio de survivants natifs sur le continent des Amériques après le premier contact avec les Européens, fut moins de la moitié de ce que serait le ratio de survie aujourd’hui aux Etats-Unis si chaque blanc ou noir mourait. La destruction des Indiens sur le continent fut et de très loin, le plus important génocide de l’histoire de l’humanité. C’est pourquoi, comme un historien l’a dit abruptement, loin du romantisme et de la chevalerie habituellement employés pour symboliser l’établissement des chrétiens d’Europe aux Amériques, le symbole le plus approprié à la réalité serait en fait une pyramide de crânes. […]
De plus, la question importante pour le futur dans ce cas n’est pas “cela peut-il encore se produire?” mais plutôt si “cela peut-il être arrêté ?” Car le génocide des Amériques et dans d’autres endroits du monde où des peuples indigènes survivent, n’a jamais vraiment cessé. Aussi récemment qu’en 1986, la Commission des Droits de l’Homme pour l’Organisation des Etats-Unis a observé que 40 000 personnes simplement “disparurent” au Guatémala durant les quinze années précédentes. 100 000 autres ont été ouvertement assassinées. Ceci représente l’équivalent aux Etats-Unis de plus de 4 000 000 de personnes qui seraient massacrées ou retirées sous décret officiel du gouvernement, un chiffre qui est presque six fois le chiffre de toutes les morts américaines durant la guerre de sécession, 1ère guerre mondiale, seconde guerre mondiale, guerres de Corée et du Vietnam, le tout combiné.“
Dunbar-Ortiz cite dans son livre sus-mentionné, l’auteur de la fameuse histoire “Le merveilleux magicien d’Oz” L. Frank Baum, qui écrivit en 1890 5 jours après le massacre de Wounded Knee, le 3 janvier 1891: “Les pionniers (sic) avaient déclaré auparavant que notre seule sécurité dépend de l’extermination totale des Indiens. Les ayant trompé pendant des siècles nous ferions mieux, afin de protéger notre civilisation, de faire suivre cela par un autre méfait et de faire disparaître de la face du monde ces créatures sauvages et indomptables.”
[…]
Cette copie du 18ème siècle de la carte de l’amiral chinois Zheng He de 1417 prouve le Nouveau Monde n’a pas été «découvert» par Christophe Colomb. La carte a été authentifié par les experts de ventes aux enchères de Christie.
“En 1913, la cour suprême des Etats-Unis déclara dans sa décision de maintenir le peuple Pueblos comme pupille du gouvernement fédéral: ‘Ils sont essentiellement un peuple simple, non informé et inférieur’.”
Le mensonge du narratif historique va jusque dans les caractères mêmes des soi-disants héros de la longue guerre des Etats-Unis contre les Indiens. C’est ainsi que le narratif s’est enrichi des images hollywoodiennes de la cavalerie pimpante coloniale chargeant les méchants Indiens tuant les pauvres fermiers blancs qui ne leur avaient rien fait, tout comme dans les films de John Ford, qui participèrent grandement à la propagande du statu quo colonial. A ce sujet voici ce que nous dit Dunbar-Ortiz dans son livre p.148:
“Comme l’a écrit l’historien amérindien Jace Weaver: “Les guerres indiennes des Etats-Unis ne furent pas combattues par la cavalerie blanche américaine comme montré dans les films de John Ford, mais par des Africains-Américains, et des immigrants irlandais et allemands enrôlés.” La chanson célèbre et envoûtante de Bob Marley “Buffalo Soldier” capture parfaitement l’expérience coloniale des Etats-Unis: “Said he was a buffalo soldier / Win the war for America.”
De tous les historiens américains, Howard Zinn de l‘université de Boston, fut celui qui en 1980, jeta l’énorme pavé dans la mare coloniale lorsqu’il publia son livre choc devenu culte aujours’hui (plus de 2 millions de copies vendus pour un livre d’histoire, pas mal du tout !…) “Une histoire populaire des Etats-Unis” qui s’ouvre sur le chapitre qui frogorifia l’Amérique “Christophe Colomb, les Indiens et le progrès humain” . Il récidiva dans le chapitre 5 de son livre entretien avec Donaldo Macedo en 2005:“Christophe Colomb et la civilisation occidentale”, qui reprend tous les thèmes de son premier chapitre de 1980.
En voici quelques extraits, nous avons par ailleurs traduit et publié ce chapitre sur Résistance 71 en septembre 2012.
“Laissez-moi ici vous faire une confession: Je ne savais pas grand chose de Colomb jusqu’à il y a environ une douzaine d’années, quand j’ai commencé à écrire mon livre “Une histoire populaire des Etats-Unis”. Je possédais un doctorat en Histoire (Ph.D) de l’université de Colombia, ce qui veut dire que j’avais reçu l’entrainement adéquat d’un historien, mais ce que je savais en fait de Christophe Colomb n’était que ce que j’avais appris à l’école primaire. […]
Ainsi, comment devais-je donc raconter l’histoire de Christophe Colomb ? J’en vins à la conclusion que je devais la voir au travers des yeux des gens qui étaient là lorsqu’il arriva, les gens qu’il appelait les “indiens”, parce qu’il croyait être arrivé en Asie. Et bien, ils n’ont laissé aucun mémoire, aucune histoire. De plus, ils avaient été exterminés en quelques décennies après l’arrivée de Colomb.
[…] Oui il était concerné par Dieu, mais il l’était plus encore par l’or. Partout sur l’île d’Hispagnola (aujourd’hui Haïti) où lui, ses frères et ses hommes passèrent le plus clair de leur temps, il fit ériger des crucifix partout. Mais ils construisirent également des échafauds partout sur l’ïle, on en comptait 340 en 1500. Des crucifix et des échafauds, cette terrible juxtaposition historique.
[…] Les atrocités se multiplièrent. Las Casas témoigna d’Espagnols embrochant des indiens au fil de leurs épées pour le plaisir, fracassant la tête de nouveaux-nés sur les rochers; lorsque les indiens résistaient, les Espagnols les traquaient, équippés pour les tuer de chevaux, d’armures, de lances, d’épieux, d’arquebuses, d’arbalètes et de chiens dressés particulièrement féroces. Des indiens prirent parfois ce qui appartenait aux Espagnols, pour ce que les indiens n’avaient pas de concept de ce qu’était la possession privée et donnait eux-mêmes tout à fait librement ce qui leur appartenait, ils furent décapités ou brûlés vifs au bûcher.”
Nous vous engageons à lire notre traduction complète du chapitre.
Dans le premier chapitre sur Colomb de son livre “Une histoire populaire des Etats-Unis”, Zinn dit ceci:
“En deux ans [après l’arrivée de Colomb], par le meurtre, les mutilations ou le suicide, plus de la moitié des 250 000 Indiens vivant sur Ispañola (aujourd’hui Haïti) étaient morts. […] En 1550 ils n’étaient plus que 500. Un rapport datant de l’année 1650 indique qu’aucun des Indiens originels Arawaks/Tainos ou leurs descendants n’existait sur l’île.”
Puis plus loin: “lorsqu’il arriva sur Ispaõla en 1508, Bartolomé de Las Casas dit “Il y avait 60 000 personnes vivant sur l’île incluant les Indiens, ainsi entre 1494 et 1508, plus de trois millions de personnes périrent de la guerre, de l’esclavage et du travail dans les mines. Qui des générations futures croira cela ? Moi-même écrivant ceci en tant que témoin occulaire ayant connaissance de ceci, ai-je du mal à le croire…”
“Ce que Colomb fit aux Indiens Arawaks aux Bahamas et à Haïti, Cortez le fit aux Aztecs du Mexique, Pizzaro aux Incas du Pérou et les occupants colons anglais en Virginie et dans la Massachussetts le firent aux Indiens Powhatans et aux Péquots.
Que nous disent les natifs sur le sujet ?
Vine Deloria Jr: Historien, théologien et ancien directeur du Congrès National Indigène, auteur de nombreux ouvrages dont le fameux “Custer est mort pour vos pêchés”, 1978.
“l’acquisition de terres et le travail des missionnaires fonctionnent toujours ensemble dans l’histoire américaine.
[…] Les premiers colons ne fuirent pas les persécutaions religieuses autant qu’ils voulaient les perpétuer dans des circonstances qui leur étaient favorables.”
Taiaiake Alfred: Professeur de Science Politique, responsable de la chaire de gouvernance indienne à l’université de Victoria, Colombie Britannique, Canada. Auteur de plusieurs ouvrages de référence comme “Wasase” et “Peace, Power and Rightousness”, dont nous avons traduit de larges extraits.
“La plupart des non-indigènes ont toujours vu les peuples indigènes en termes problématiques: comme obstacles au progrès de la civilisation, comme pupilles de la couronne, des reliques des temps sauvages, la lie de la société moderne, des criminels, des terroristes… C’est toujours l’objectif des gouvernements canadien et américain de faire disparaître les Indiens ou, si cela échouait, de les empêcher de bénéficier de leurs territoires ancestraux.”
Steven Newcomb: Juriste, co-fondateur de l’Indigenous Law Institute, auteur de “Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte”, Fulcrum, 2008, dont nous avons aussi traduit et publié de larges extraits.
Newcomb a intensivement recherché et publié sur la motivation fondamentale qui envoya Colomb sur le continent du nouveau monde et tous ceux après lui: l’hégémonie coloniale, la conquête et l’extension de l’empire chrétien, de la chrétienté. Ceci a commencé à la fin du XIème siècle avec la première croisade et a atteint son point culminant avec les bulles pontificales Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493) qui envoyèrent, justifièrent la conquête du monde “païen” par la “grâce” d’un dieu vengeur et mystificateur et pour le bénéfice de ses représentants de “droit divin” sur terre, le pape et les rois et reines, c’est à dire la chrétienté: l’empire chrétien ou “imperii christianorum”…
“Quand, de la perspective aborigène, nous rejetons la fausse affirmation des chrétiens européens que “dieu” les a envoyé pour prendre possession et coloniser les terres indigènes des “Amériques”, il est évident que les chrétiens européens n’avaient aucune autorité légitime sur les nations indigènes et leurs territoires ancestraux. Ce que les chrétiens européens clâmèrent au nom de la loi, sur la base inconsciente du modèle cognitif du conquérant n’était rien d’autre que le droit d’empire et de domination, qui était intégral à la mentaité de domination de la chrétienté.”
“Durant le XVème et le XVIème siècles et plus tard, les monarchies et nations de la chrétienté levèrent le vieux narratif de l’ancien testament et le thème du peuple élu et de la terre promise du contexte géographique général du Moyen-Orient et commencèrent à le transférer au reste du monde. […] Ainsi, ils ont conçu que pour eux-mêmes, ils avaient reçu l’ordre de dieu de prendre possession des parties les plus importantes de la terre’. […] Les monarques et les conquistadores de la chrétienté transformèrent le ‘commandement ‘ de Yaveh aux Hébreus de prendre la terre de Canaan en une version globalisée chrétienne de la même doctrine.”
Christophe Colomb fonctionna sur ce système. De fait, il était mandaté par ce système incarné par le roi d’Espagne et protégé par les bulles Dum Versitas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493). Le colonialisme occidental est avant tout un colonialisme religieux utilisant le bras séculier des états monarchiques de “droit divin” ne rendant compte qu’au “vicaire de dieu” sur terre: le pape.
Russel Means: Activiste Lakota de renom, membre fondateur de l’American Indian Movement (AIM), figure du siège de Wounded Knee en 1973, acteur, philosophe et sociologue, que nous avons traduit et publié également. Il la publié deux ouvrages remarquables, le premier son autobiographie “Where White Men Fear to Tread” en 1995 et le second juste avant sa mort en 2012 “Si vous avez oublié le nom des nuages vous avez perdu votre chemin”, qui est une superbe introduction à la pensée et à la philosophie amérindienne. Ce petit livre de juste 100 pages dont chaque mot est pesé, fut le testament spirituel de ce grand activiste. Nous avons traduit et publié de larges extraits de l’ouvrage sur Résistance 71.
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