Je ne peux pas faire autrement.
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/05/2012
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« Ne t’invente pas des armées d’ennemis pour excuser tes propres faiblesses. « Jarwal le lutin
Je repensais à cette maxime de ce cher lutin et j'établissais le parallèle avec les difficultés que je rencontre pour être édité. J'ai écrit huit romans, deux sont publiés, un neuvième est en cours...Bon, il doit bien y avoir une raison. C'est certainement trop facile de rejeter la faute sur les éditeurs qui ne comprennent pas mon immense talent :))) Plus sérieusement, je sais bien depuis le temps que mes textes les rebutent parce que pour eux, ils concernent une "niche littéraire" et n'ont pas un potentiel de vente suffisant. Il faudrait donc que "j'adoucisse" ma prose, que je la simplifie. L'exigence serait mon ennemie ou ma faiblesse. Mais se pose dès lors, à travers cette simplification éventuelle, mon propre cheminement.
Je sais que mes livres m'enseignent. Ça peut paraître étrange mais ils sont le fil conducteur et non seulement des éléments conduits. Ils tracent eux aussi des routes et je suis le passager. Alternance constante entre ce que je produis et ce moment fabuleux où les mots s'enchaînent dans une fluidité incroyable parce que "j'ai" disparu et que je ne suis plus que le transmetteur et non seulement l'écrivain. C'est cette exigence et cet approfondissement qui créent ce flux libérateur. L'histoire m'appartient toujours mais pas les introspections qu'elle génère. Et ce fusionnement entre l'écrivain et le Soi n'est possible qu'au bout de ce chemin éprouvant de la vigilance. Si je décidais d'abandonner ce que je porte pour ne plus être que le transcripteur d'une histoire, je finirais peut-être par devenir un écrivain reconnu. Mais je ne me reconnaîtrais plus.
Ce qui m'importe d'ailleurs, c'est que le lecteur rencontre lui aussi sa propre disparition. Que l'histoire, nourrie par "cette écriture exigeante" devienne un effaceur de l'individu, qu'il disparaisse lui-même dans les atermoiements, les élévations, les tourments, les révélations, les drames, les rencontres, les fusions, l'inexplicable, l'invisible, l'irrationnel, que la vie du lecteur soit aspirée par cette exigence, que les mots, les idées, les pensées, les émotions l'envahissent jusqu'à ce qu'il n'ait plus conscience de lire, jusqu'à ce que la vie du livre coule en lui, jusqu'à ce que les mots résonnent en lui indéfiniment, qu'il ne puisse plus s'en défaire, qu'ils deviennent des compagnons, que le livre lui-même n'existe plus et qu'il ne reste que ce fil de vie qui relie l'existence des personnages et celui qui les accompagne et plus beau encore, qu'ils ne fassent plus qu'un.
Je vais donc garder mes faiblesses littéraires et continuer ma route.
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