KUNDALINI : Commentaire de "Plume fragile"

Kundalini web 1

 

Je connais Milena à travers ses écrits sur son blog : "La plume fragile".

J'aime beaucoup son écriture et son univers littéraire empli de poésie, de lumière, de doutes, de questionnements, d'incertitudes, de flamboyance, de réjouissance. Empli de tout ce qui fait l'existence.

Elle a lu KUNDALINI et en a fait un commentaire sur une autre file.

KUNDALINI : commentaire (1)

Je retranscris  notre échange ici parce qu'il me réjouit. 

laplumefragile

  • 4. laplumefragile (site web) | 26/11/2018

Après avoir lu l'article qui présente un résumé (très synthétique à mon avis) de l’œuvre, c'est certain qu'on a envie d'embrasser ce livre, de l'étreindre pour découvrir, appréhender, apprécier, expérimenter tout ce qui se passe derrière ces corps.

 

  • 3. Thierry | 26/11/2018

Bonjour Plume fragile :)
"Etreindre", j'aime beaucoup ce mot-là et il s'accorde parfaitement avec l'histoire. :)
Je serais très touché et honoré que vous le lisiez, tout autant que d'en connaître votre avis. J'aime beaucoup votre plume et il est bon de connaître l'avis des gens qui écrivent ;)

 

laplumefragile

  • 2. laplumefragile (site web) | 21/05/2020

Cher Thierry,

Ce confinement aura quand même eu un effet positif : celui de t’écrire au sujet de Kundalini. Je plaisante un peu mais cette boutade n’est pas anodine. Je pense que pour pouvoir te donner mes impressions, j’avais besoin d’avoir le temps de le faire et le temps de prendre ce temps. Voilà qui est fait.

La lecture de Kundalini fut une expérience sensible, vivifiante, périlleuse et douloureuse à certains moments, interactive et riche. Interactive, on peut trouver cela curieux, mais c’est un peu mon sentiment général sur ce récit : on peut presque sentir ces âmes en ébullition – oui, leurs étreintes au pluriel et leur étreinte au singulier sont vives, denses, amplifiées par le style de l’écriture et le choix d’envolées qualificatives – si bien que j’ai eu l’impression de les ressentir. C’était aussi très fort lors des instants d’escalade. Je peux bien déceler les passions qui anime l’auteur -grimpeur né - de ce texte abrupte et escarpé qui tente d’acheminer un lecteur dans la voie sinueuse de l’Amour et des Sens, et de la Spiritualité (ce terme reste encore énigmatique pour moi), malgré les fosses, creux et crevasses, surfaces lissées et solides en apparence mais fragiles en réalité ; ces activités physiques (yoga et escalade) étaient pour moi riches en symboles et métaphores. En tout cas, j’ai voulu y voir cela sous ces angles. Ma lecture n’est qu’appréciative et comme n’importe quelle lecture, subjective. Mon regard est peut-être biaisé par le fait que j’ai vécu une forme de synchronicité entre le moment de ma rencontre avec toi, cher Thierry (cette petite mort qui nous aura rapprochés), le moment de découvrir ce livre commandé expressément, et les moments qui ont jalonné ma vie pendant cette année écoulée. Autant d’éléments qui, forcément, influent sur mon expérience de lecture et l’analyse que je peux en tirer. Pratique sportive, écriture, expériences personnelles et professionnelles, vies de couples : autant de similitudes rencontrées qui m’ont aidée à plonger davantage dans ce récit, que je comprends mieux qu’il soit qualifié d’« ovni littéraire » après l’avoir lu. En effet, il m’est difficile de le classer.

Le style est déroutant : il y a beaucoup de répétitions, sans qu’elles n’en soient vraiment. Il y a un effort certain et prononcé dans les descriptions (analogies entre anatomie humaine et nature : la flore et le minéral sont omniprésents « sève, pistil, ruisselant, navires de pluie, flux magmatique, tige, liane… »). L’accumulation d’adjectifs n’a pas été facile à digérer. Ce n’est qu’au fil de la lecture que je m’y suis habituée. Ce flot est d’ailleurs facilité en contrepartie par l’utilisation d’un champ lexical très dense lié à la nature, justement. Kundalini, l’étreinte des âmes est un récit fluidique, vivant. Il m’a donné l’impression de voyager parfois au sein de mon propre corps : grâce à l’expérience de Maud, on apprend que des événements inconnus (car non élevés à notre conscience ou reniés, ignorés par peur de ce qu’ils pourraient représenter) se déroulent en nous, dans un espace qui nous est invisible à l’œil nu mais qui existe bel et bien par les manifestations que l’on peut observer à l’extérieur de son corps. Un peu comme le cosmos, cet univers qu’on sait exister, sans qu’on n’ait jamais pu l’observer véritablement outre par des représentations imagées ou dans un observatoire ; qu’est-ce que c’est ? Cette notion de l’univers est d’ailleurs abordée dans le roman de façon sporadique et plus ou moins diffuse, lorsque Maud découvre les ouvrages de Sat et qu’elle commence à s’interroger sur les manifestations physiques dont elle est témoin et qui l’ébranlent (forces, chaleur, vibrations, apparition). Kundalini frôle un peu le genre de la science-fiction à certains moments. Cette divinité, ces visions ? à quoi correspondent-elle ?
L’auteur parvient à maintenir le lecteur en haleine par cette dimension « cosmique » et divine, tout en restant collé à la réalité : des histoires communes, des lieux communs, des vies de couples et des orientations professionnelles que tout un chacun aura pu connaître un jour ou l’autre dans sa vie. Il questionne notre sexualité du quotidien d’une manière tout à fait éclairante et lucide. C’est toute la force du roman : nous interpeller et nous fasciner pour un terrain d’observation dont nous ignorons beaucoup de choses, ou qui nous semblent obscur, difficile à comprendre tant les barrières sont réelles mais intangibles. La sexualité est complexe, ce n’est pas nouveau, on le sait (et encore, beaucoup l’ignorent !). Dans Kundalini, il n’est jamais question de tabou, ce terme n’existe même pas puisqu’il ne s’agit pas de cela. D’ailleurs, très tôt, Maud oublie qu’elle a des complexes, et se libère très rapidement de ces chaînes invisibles façonnées par une société étriquée – elle s’en étonne elle-même). Enfin, Sat sert de guide évidemment, tout au long du roman : la notion d’apprentissage constitue ce fil conducteur pour intéresser le lecteur et l’amener à pousser la porte de la curiosité intérieure. Non pas qu’il s’agisse d’un dépassement de soi à réaliser à terme (quand bien même Maud tente de se dépasser par moment, mais c’est qu’elle se cherche, elle-même). En effet il s’agirait plutôt de cerner, d'appréhender l’association de forces centripète puis centrifuge, un mécanisme que l’auteur qualifie je crois de « dimension énergétique conscientisée ». Kundalini nous invite à regarder en nous et à nous interroger sur les comportements qui nous animent et les actions qui nous dirigent (alors que c’est ce nous qui devrait diriger l’action et non l’inverse), afin d’aller au-delà d’une individualité bridée et renfermée. « L’orgasme n’est pas un objectif mais un moyen d’aller plus loin ».
L’orgasme. Bel outil magnifié tout au long du roman, sous plusieurs formes (mentale, physique, émotionnelle). Je pense que c’est aussi pour cela que j’ai eu l’impression de vibrer parfois au contact de ces deux protagonistes (la danse de Maud m’a transportée). Kundalini fait la part belle à ce que je qualifie peut-être maladroitement d’outil, mais je trouve qu’il y a une certaine forme de technicité de ce texte, induite par cette notion d’apprentissage. La physique des corps n’est-elle pas représentée à chaque page ? Les forces (naturelles, divines, physiques) ne sont-elles pas dans toutes les lignes ? j’ai seulement regretté parfois la présence de (trop de) points de suspension qui me laissaient un goût d’inachevé ou d’incapacité à réussir à finaliser un chapitre, un passage ou à mettre un point d’orgue ou une ligne de fuite à une action, une étape à franchir, ou une émotion. Ne s’agissait-il que d’un brouillon, en définitive ? le projet n’a-t-il été imprimé, parachevé qu’à l’était de « projet » et non d’accomplissement ? Je ne le pense pas, mais…

Enfin, la fin. Je n’ai pas aimé la fin. Même si je peux comprendre que cela se terminait bien ainsi dans ton schéma d’écriture, cher Thierry. Le chapitre XXXIII était celui de trop. Il ne fait qu’une page et demie, mais elle n’était pas indispensable selon moi. Même si c’est poétique, j’ai regretté que tu ne t’arrêtes pas, cher Thierry, à ce dernier passage en italique qui fait office de belle péroraison, et qui nous fait dire que « mais oui, mais c’est bien sûr, cela ne pouvait finir que comme ça ».

Merci pour ce beau voyage initiatique, une exploration des corps comme je ne l'aurai jamais lue et vécue. Kundalini, l'étreinte des âmes, un roman expérimental donc, fluidique et vivant.

Bien à toi,
Milena

 

  • 1. Thierry LEDRU | 22/05/2020

Bonjour chère Milena
Je veux bien attendre un an sans aucune impatience quand c'est pour recevoir un tel commentaire ^^
C'est que du bonheur.
Je vais donc reprendre les différents points en commençant par la fin.
Tu n'es pas la seule à avoir trouvé cette fin "injustifiée". Pour moi, il ne pouvait en être autrement étant donné que leurs parcours respectifs d'âmes étaient accomplis. L'attachement à la vie terrestre n'avait plus de raison d'être. Je n'avais donc pas envie de m'en tenir à un "happy end" alors que toute l'histoire est construite sur cette indispensable osmose "divine".
Les points de suspension... ^^ Oui, je les utilise lorsque je souhaite intriguer le lecteur justement, lui signifier que quelque chose de plus se tient caché au-delà du dernier mot, indiquer également que cette interrogation, ce doute, cette supposition, ce non-dit, seront repris plus tard et éclairci. C'est comme une "enquête" qui progresse de jalon en jalon.
Les répétitions. Dans ce roman-là, elles avaient effectivement un sens : elles devaient induire un contexte, comme un livre de marins qui utiliseraient inévitablement les mots voiles, mat, coque, bouts, cordes, poulies, gouvernail etc...Je voulais donc que ce roman soit immergé dans la nature et que les termes associés servent le texte, même si leur usage n'était pas une évidence à certains moments.
L'utilisation des adjectifs qualificatifs relève de la même exigence étant donné qu'ils portent en eux beaucoup de "qualités", c'est à dire pour moi toute cette dimension physique, émotionnelle et spirituelle dont je ne voulais surtout pas sortir.

"Kundalini nous invite à regarder en nous et à nous interroger sur les comportements qui nous animent et les actions qui nous dirigent (alors que c’est ce nous qui devrait diriger l’action et non l’inverse), afin d’aller au-delà d’une individualité bridée et renfermée. « L’orgasme n’est pas un objectif mais un moyen d’aller plus loin ». Ces lignes me réjouissent grandement. C'était le but de l'ouvrage. Tout ce que Maud découvre et expérimente finit par la libérer du carcan sociétal, éducatif, machiste, de tous les rôles et les identifications que nous absorbons au fil de l'existence et qui finissent par nous absorber nous-mêmes...Elle découvre une sexualité entière, libérée de tout, elle découvre son potentiel sportif dans l'escalade, la randonnée et la natation, elle découvre sa gestion émotionnelle dans l'assemblage des galets, sa sensibilité à l'énergie vitale qui se tient dans les arbres comme dans tout ce qui vit... etc etc ... ^^ Et l'énergie vitale en elle, cette vie interne dont nous ne prenons pas réellement conscience parce que nous ne sommes pas invités à nos premières années à cette exploration et que nous l'abandonnons sous la pression constante des flux extérieurs.
..
.« la dimension énergétique conscientisée »... Oui, voilà, c'est elle que je cherche. Dans ma vie et dans mes romans.

" Ne s’agissait-il que d’un brouillon, en définitive ? le projet n’a-t-il été imprimé, parachevé qu’à l’était de « projet » et non d’accomplissement ? Je ne le pense pas, mais…"
Je pense que tous les romans sont des brouillons. Il m'est très difficile de considérer qu'une histoire est finie. Je pourrais les réécrire sans cesse et n'en être jamais satisfait. Je pourrais recommencer mes sept romans publiés et en faire à chaque fois une version différente, non pas dans le scénario mais dans l'écriture. Est-ce qu'il n'en est pas de même dans toutes les créations artistiques ? Quand je vois les différentes versions musicales de certains compositeurs que j'écoute, je me dis que c'est ce qui s'est passé. Le problème du roman une fois publié publié, c'est que je ne maîtrise plus rien.
"je comprends mieux qu’il soit qualifié d’« ovni littéraire » après l’avoir lu. En effet, il m’est difficile de le classer."
Eh bien, voilà, je suis heureux. C'est ce que j'espérais et c'est dans cette vision de cette histoire que j'ai travaillé. Neuf mois d'écriture pour une entité littéraire qui n'appartient à rien de connu.

Je te remercie très chaleureusement Milena, avec tendresse et reconnaissance.
Je t'embrasse en te souhaitant de belles envolées littéraires avec "la plume fragile".

 

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Commentaires

  • Thierry LEDRU
    • 1. Thierry LEDRU Le 25/05/2020
    Merci Milena pour cette analyse parfaitement juste.
    "En effet, si la nature jalonne tout le roman comme ciment de la relation qui se tisse entre les deux personnages, elle est, elle aussi, LA personnalité de Kundalini. Les hommes sont capables de s’unir à elle, autant qu’ils sont capables de s’aimer, de s’unir à l’Autre."

    Je pense que l'état de la nature, de la biodiversité, des océans, de l'atmosphère, c'est une seule chose qui l'explique : l'absence d'amour. Rien ne changera tant que cette émotion suprême envers la Terre n'émergera pas dans le cœur et l'âme des humains. Mais cet amour "cosmique", "universel", intégral n'émergera pas davantage tant que les humains ne sentiront pas en eux la connivence envers la vie, non pas simplement le fait d'être en vie, à travers une pensée mais dans leurs fibres, dans tout leur être et peut-être même sans que cela ne passe par leur cerveau.
    KUNDALINi, pour moi, c'est la mise en lumière de cet amour qui est au-delà de l'amour humain.
  • laplumefragile
    Cher Thierry,
    merci pour ces échanges ! je les aime aussi.
    Petite précision : j'ai oublié ce paragraphe-ci dans mon commentaire sur ton site :
    "Avant d’en arriver à la conclusion, Kundalini est aussi une œuvre fervente défenseuse de la nature et de sa préservation (par l’homme ! aussi étrange que cela puisse paraître). Sans pour autant être un roman versant dans l’apologie et la politique de l’écologie, j’ai trouvé intelligente la façon dont l’auteur se sert de Sat, ce guide ou mentor, pour transmettre un message positif à notre égard, nous, l’humanité. En effet, si la nature jalonne tout le roman comme ciment de la relation qui se tisse entre les deux personnages, elle est, elle aussi, LA personnalité de Kundalini. Les hommes sont capables de s’unir à elle, autant qu’ils sont capables de s’aimer, de s’unir à l’Autre. Alors, autant faire en sorte d’être à son écoute et de la protéger, en reconnaissant qu’elle est vulnérable. Aimer, écrit Thierry Ledru dans l’un de ses derniers billets, c’est accepter la vulnérabilité de ceux qu’on dit aimer."

    si tu veux l'intégrer, tu peux :)
    Belle soirée (orageuse, ici).

    Milena

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