L'énergie de la sexualité sacrée.

Sexualité, vers l'amour véritable

Libido, désir, jouissance, orgasme, bien-être physique et psychique… Et si la sexualité nous conduisait aussi à une ouverture spirituelle ? De la libération sexuelle à la sexualité consciente.
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Depuis Mai 68, la sexualité a connu bien des révolutions ! Si le mot apparaît au XIXe siècle, c’est seulement au XXe si.cle que la sexualité devient un objet d’études scientifiques, soulevant d’innombrables questions sur son mystère et notre nature érotique. Qu’en est-il vraiment ?

 

Un parfum de déception


La révolution sexuelle voulait délivrer l’individu des freins moraux et sociaux qui, à l’époque, encadraient la sexualité. « Il s’agissait d’aider chacun et chacune à s’ouvrir sans gêne à ses désirs pour améliorer sa vie sexuelle », explique le psychiatre et neuropsychologue Jean-Paul Mialet. Certains objectifs de ce souffle libérateur ont été remplis : « Aujourd’hui, la sexualité n’est plus un sujet tabou, elle s’enseigne même dans les écoles, elle s’est ouverte au débat collectif et individuel : chacun en parle aisément. »

Cette libération du désir et de la sexualité n’efface cependant pas tous les malentendus et les ambiguïtés. « On assiste à un retour des travers du passé, la morale ayant été remplacée par l’obligation de jouir », prévient la Dre Ghislaine Paris, sexologue. L’immense progrès en termes de révolution sexuelle a été la reconnaissance de la femme, non plus comme objet de désir, mais comme un sujet à part entière. Son désir libéré lui appartient et elle a le droit d’en jouir. Mais doit-on confondre droit et obligation ? « La pulsion sexuelle est très puissante », rappelle notre experte, mais s’y soumettre sans réserve est en réalité anxiogène. « L’interdit est structurant ; il redonne un but à la sexualité adulte, qui est d’entrer en relation avec l’autre. » Sans lui, nous resterions piégés dans une sexualité autocentrée et infantile… Une dérive largement en cours, aujourd’hui, qui nous prive d’une autre dimension pressentie de la sexualité restant à découvrir !


 

Un partage, pas une performance


Cette nouvelle liberté chèrement acquise impliquerait donc de nouvelles responsabilités. Ne plus être soumis à des voies toutes tracées est un grand progrès mais nécessite l’effort d’inventer ses propres références, sa propre éthique librement consentie, et de se reposer la question de la sexualité. « Le prochain défi sera sans doute de replacer la sexualité dans son contexte qui n’est pas celui d’une performance mais d’un partage, c’est-à-dire l’expression de l’intimité d’un couple », avance le psychiatre Jean-Paul Mialet. 

En écho, le sexothérapeute Stephen Vasey confirme que de nouveaux besoins émergent dans le secret de son cabinet : plus de lenteur, de détente, et de laisser-faire. « La demande d’une autre façon de se “connecter” en privilégiant une qualité de présence aimante est réelle », ajoute notre expert. L’amour, nous y voilà, le grand absent des discours sur la révolution sexuelle ! Pour la psychanalyste France Schott-Billmann, « nous confondons le désir avec l’amour. Alors que le désir n’en est que l’amorce. Seul l’amour permet d’aller au-delà des corps ».


 

Redonner du sens à la sexualité


Autre point important : notre société manquerait de repères symboliques, d’où la perte de sens en matière de sexualité. Dans son livre Sous la couette, Osho, l’enseignant spirituel sans doute le plus provoquant du XXe siècle, développe son point de vue : « La sexualité, bien plus qu’une réalité biologique, est existentielle ! Le sexe est une des activités données par la nature, qu’on essaye de soumettre aux lois du marché et de notre société de consommation. Alors qu’en réalité, le sexe comme la vie est un mystère que nous avons à décoder, puisqu’il s’agit d’une énergie si vitale que la vie vient de là. »

Dans la tradition du tantra hindou, il existerait un érotisme cosmique lié aux forces élémentaires de la nature, qui s’éveillerait en nous dès lors que nous nous y immergeons. « Je garde un souvenir brûlant d’un petit matin très tôt, en Bretagne, en bord de mer, où je me suis allongée nue sur de grands rochers, offerte à l’océan et au soleil, et où j’ai ressenti un puissant désir qui grandissait à travers mon corps, sans évocation d’aucun partenaire, mais en de profondes connexions avec la nature qui m’entourait », se rappelle Nathalie. Les tribus matriarcales d’autrefois, déjà, vénéraient la femme en tant que ventre cosmique, plein de la force de vie de la terre, et c’est lors de l’union des principes masculin et féminin, que pouvait s’exprimer, la délicieuse pulsation qui anime les éléments. Alors la sexualité, porte de l’amour véritable, devient le prélude à l’expérience spirituelle.

Toutefois, comme le signale la psychanalyste France Schott Billmann, pour qui retrouver le sens de la sexualité est également un enjeu crucial, il va nous falloir dépasser certaines mésententes persistantes : « Nous sommes toujours en butte à ce que le psychanalyste Jacques Lacan appelle “l’impossibilité sexuelle” ». C’est-à-dire que la jouissance féminine est de l’ordre de l’être en quête de l’invisible pour entrer en résonance avec son âme. Tandis que la jouissance phallique, elle, est de l’ordre de l’avoir. Un saut de conscience serait donc nécessaire.


 

Vers une sexualité “consciente”


Il n’y a pas de recette pour accéder à la voie sacrée de la sexualité, simplement des changements intérieurs à opérer. Comme l’acceptation de notre désir, par exemple. D’après la Dre Shakti Malan, diplômée d’anthropologie sociale et enseignante de tantra, « notre relation habituelle au désir est le plus souvent de l’ordre de l’appétit ou du rejet. Si nous acceptons notre désir pour ce qu’il est, sans souhaiter nous en débarrasser, ni chercher un moyen de le satisfaire, le désir lui-même peut devenir un espace, un lieu de pure présence. Alors le désir peut devenir une méditation, et ouvrir la voie de la sexualité consciente. Au registre du sacré, l’éveil de la kundalini est également central. La kundalini, l’énergie vitale en sanscrit, est traditionnellement décrite comme un serpent lové sur luimême, à la base de la colonne vertébrale. Dans la pratique sexuelle ordinaire, cette énergie reste endormie, car on se focalise surtout sur les organes sexuels, et un orgasme à visée de “décharge”. » Dans la pratique sacrée, la kundalini s’éveille, et notre énergie sexuelle commence à s’élever le long de la colonne vertébrale. Là, la dimension corporelle s’efface au profit d’un sentiment de complétude plus vaste, où le coeur et la conscience s’ouvrent ! Pour Dee, l’expérience a été bouleversante : « À un moment des ébats, j’ai ressenti un puissant mais paisible flux qui montait, comme un cordon d’argent qui reliait mon périnée à la suture coronale, j’ai été envahie d’une grande béatitude. »

S’extraire d’une sexualité ordinaire n’est pas si compliqué. Pour Osho, qui avait pour habitude de ne pas offrir de longs apartés discursifs mais d’en proposer l’expérience, il s’agit lors de l’acte sexuel de rester « alerte », c’est-à-dire d’observer ses sensations. « Si vous êtes vigilant, vous ressentirez qu’un nouveau circuit se crée, l’électricité de votre corps se déplace dans une nouvelle direction, circulaire, cette fois. Vous devenez le véhicule d’une énergie vitale qui circule en vous. » Une sensation singulière, très différente de celle d’une simple décharge orgasmique, comme en témoigne Nathalie Vieyra, certifiée en massage tantrique : « Lorsque “l’inspir” et “l’expir” ralentissent alors que l’intensité des contractions orgasmiques s’amplifie, la transformation de l’énergie sexuelle peut avoir lieu. Survient alors la sensation d’un élargissement du champ de conscience avec un afflux de lumière au niveau du 3e oeil, et d’une fusion énergétique avec l’autre et le monde qui nous entoure. » Alors la possibilité de ne faire qu’un avec son partenaire est possible, quelque chose qui nous dépasse se produit : l’énergie sexuelle devient une énergie de méditation.

Si l’on considère que l’épanouissement sexuel est bel et bien une composante majeure de l’équilibre personnel, tant sur le plan du développement physique, psychologique, émotionnel que spirituel, le sujet mérite réflexion, et surtout de nouvelles explorations ! Comme une nouvelle discipline spirituelle, en quelque sorte.

 

L'Orgasme

Impossible de parler de sexualité sans évoquer l’orgasme. Perçu comme le paroxysme du plaisir, ses effets peuvent s’avérer surprenants.
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© Piotr Marcinski
L’orgasme, explosion intense de plaisir dans le corps, fruit de l’amplification du désir et de l’excitation, est généralement considéré comme étant l’objectif à atteindre dans la sexualité. Il en serait le « clou du spectacle », le bouquet final. Alors, cette jouissance hante nos psychés, nos corps, tout autant que nos clips publicitaires. Nous le voulons. Toutefois, l’orgasme tel qu’habituellement médiatisé ressemble parfois à une sorte d’arnaque du monde moderne. Derrière cette jouissance présentée comme un big bang bling-bling, se cache un phénomène notable et que nul ne sait réellement définir.

La médecine, par exemple, décrit ses manifestations les plus communes : contractions musculaires du périnée et des organes sexuels, modification de charges électriques dans la zone génitale, décharge de fluides chez la femme et éjaculation chez l’homme – bien que facultatifs. Le tout serait épicé d’une production hormonale qui favoriserait la sensation de plaisir et, bien sûr, de certains facteurs psychologiques. Cependant, la revue scientifique Clinical Psychology Review liste 26 descriptions de cette apogée sexuel sans qu’aucun consensus ne soit trouvé. « Pour l’instant, il n’y a pas de définition cohérente de l’orgasme », confirme le sexologue Jean-Claude Piquard, auteur de Les Deux Extases sexuelles« Finalement j’ai eu un orgasme. Mais mon docteur m’a dit que ce n’était pas le bon », plaisante Woody Allen. L’orgasme ne serait-il pas alors avant tout une expérience de lâcher-prise que chacun expérimente à sa manière ?
C’est ce que pense Wilhelm Reich, médecin psychanalyste, auteur de La Fonction de l’orgasme et précurseur des recherches sur ce phénomène mystérieux. Pour lui, l’orgasme se produit lorsque la montée en puissance de l’énergie sexuelle dans le corps lâche d’un coup. Cette « petite mort » marquerait le passage d’une tension quasi insoutenable à une relaxation soudaine. Au-delà de ces symptômes variables, l’orgasme serait avant tout un abandon de soi. Une expérience divinement jouissive. « Reich a défini la courbe de l’orgasme en montrant comment au moment de l’acmé, le corps perd tout contrôle et décharge l’énergie accumulée, provoquant tout un tas de réactions », détaille le Dr Michel Heller, psychologue et auteur de Psychothérapies corporelles, Fondements et méthodes.

 

Revitalisés des pieds à la tête


Reich note aussi au passage que l’énergie libérée cherche à irriguer notre organisme. Allant bien au-delà des parties génitales, ce grand lâcher-prise pourrait potentiellement nous permettre d’être revitalisés de la tête aux pieds par un flux puissant d’énergie vitale. Ceci aurait de multiples effets bénéfiques sur notre santé. Cependant, le psychanalyste fait le constat de « cuirasses » qui agissent comme des barrages à cette circulation. Construites par tout un chacun pour se protéger des difficultés de la vie, elles se trouveraient au niveau physiologique (cuirasse musculaire) et psychologique (cuirasse caractérielle).
Le psychanalyste insiste alors sur la nécessité de les nettoyer en soulignant que l’orgasme en serait à la fois un moyen et un résultat. Plus nous sommes libérés de nos tensions, plus l’orgasme peut prendre de l’ampleur. Plus il prend de l’ampleur, plus l’énergie qu’il génère nettoie les barrages qu’elle rencontre. « Reich considérait l’orgasme comme une sorte de mécanisme de nettoyage de nos cuirasses. Il le voyait un peu comme un phénomène de réinitialisation de nos paramètres », résume le Dr Gérard Guasch, médecin psychanalyste et auteur de Wilhelm Reich : Biographie d’une passion.

 

Ouverture spirituelle


Que se passe-t-il alors lorsque nous acceptons de vivre pleinement cette initiation au lâcher-prise ? Abandon à plus grand que soi dans un plaisir intense. Entrée dans des espaces-temps où les possibles sont surprenants. « Je crois que l’orgasme ouvre à la spiritualité car il nous décharge, ne serait-ce qu’un petit moment, des repères habituels auxquels nous sommes identifiés. Là, nous accédons à d’autres sources, dans lesquelles il semble indéniable qu’il y ait une dimension spirituelle. Nous pouvons alors avoir une sensation de béatitude qui nous fait nous sentir appartenir au cosmos », énonce Gérard Guasch, par ailleurs maitre du tao de la tradition Longmen. De nombreuses traditions spirituelles ont ainsi développé des pratiques permettant de faire de la sexualité un marche-pied vers un élargissement de la conscience.

 

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