La croissance à tous prix
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/05/2019
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Aucune visée à long terme des effets de la "croissance".
On récolte, on exporte par cargos dans le monde, on contribue à la disparition des petites exploitations et de leurs diversités, on assassine toute la faune et la flore et puis un jour, on se rend compte que les besoins vitaux de la population loacle ne sont plus accessibles...
Ça aura pris trente ans. Il en faudrait le double certainement pour rétablir l'équilibre perdu.
Une solution ? Acheter ce qui pousse chez soi ou mieux encore quand c'est possible, cultiver soi-même. Pas de transport par cargos épouvantablement polluant, pas de surexploitation dans les pays producteurs. Chacun mange ce qu'il a.
"Ah, ben, oui, mais les avocats, c'est comme la viande, c'est bon. Alors, tant pis, on va continuer".
Il n'est plus possible de se réjouir de son assiette quand la demande alimentaire d'ici contribue à la mort là-bas. Ça n'est plus possible.
Au Chili, les avocats assèchent les cours d'eau
L'engouement culinaire pour l'avocat dans les pays occidentaux n’est pas sans conséquences sur le plan économique et surtout environnemental. Le Chili en fait les frais depuis presque 30 ans.
De Juliette Heuzebroc
Récolte d'avocats dans un verger de Valle Hermoso, La Ligua, dans la province de Petorca au Chili le 6 mars 2018.
PHOTOGRAPHIE DE AFP/ARCHIVES / CLAUDIO REYES
Les années 1990 ont marqué le début d’un engouement pour la consommation d’avocats, en particulier aux Etats-Unis et en Europe. Réputé pour ses bienfaits alimentaires, ce fruit d’origine guatémaltèque est aujourd’hui principalement exploité au Mexique, au Chili et en Afrique. Si ce phénomène a longtemps été synonyme de dynamisme économique pour les Chiliens, il devient aujourd’hui source de dégâts environnementaux aux conséquences directes sur le quotidien des citoyens.
Avec une exportation en constante augmentation, le Chili a fourni plus de 159 700 tonnes d’avocats à des pays étrangers en 2016. Lorsque l’on sait que pour irriguer un hectare d’avocats, 100 000 litres d’eau quotidiens sont nécessaires (l'équivalent de la consommation d’eau de 1000 habitants), on saisit l’enjeu écologique relatif. Enjeu auquel s’ajoute les conditions très spécifiques de transport et d’exportation du fruit, très énergivores.
La province de Petorca, située dans la région centrale du Chili, a vu ses cultures traditionnelles de pommes de terre, de tomates et ses vergers disparaître pour laisser place à l’exploitation écrasante des avocatiers. On y trouve aujourd’hui plus de 16 000 hectares de culture, soit une augmentation de 800 % en moins de 30 ans. Les habitants n’ont plus d’eau pour vivre, s’hydrater ou se laver et doivent faire venir l’eau par camion ; les sols étant complètement asséchés par les exploitants agricoles.
Déchets dans le lit asséché de la rivière Ligua de la municipalité de Petorca, région de Valparaiso au Chili le 2 mars 2018.
PHOTOGRAPHIE DE AFP/ARCHIVES / CLAUDIO REYES
Les lits de plusieurs rivières, comme Ligua et Petorca, sont à sec depuis plus de dix ans. Les poissons et autres agents de la faune et de la flore ont également disparus, déréglant considérablement l’écosystème de la zone. Mais plus grave encore : l’absence de cours d’eau rend impossible toute évaporation et ainsi le processus de formation de nuages et donc de précipitations. Dotée d’un climat subtropical, la province de Petorca connaît depuis des années de longues périodes de sécheresse, amplifiées par le phénomène météorologique El niño.
Si les habitants accusent ouvertement les exploitants agricoles d’être responsables de la disparition des eaux souterraines, ces derniers s’en défendent. Le gouvernement lui-même peine à trouver des solutions pour alimenter la région correctement puisque l’exploitation de l’eau est un système privatisé au Chili depuis 1981, sous la dictature d’Augusto Pinochet. Si l’État actuel tente de revenir sur cette décision, elle ne peut en attendant pas redistribuer cette richesse comme elle le souhaiterait pour fournir en eau tous les Chiliens.
Par ailleurs, l’extrême monopole des exploitants d’avocatiers et leur consommation en eau ont fortement contribué à la fermeture des cultures et élevages locaux à échelle familiale, engendrant une migration conséquente de ces travailleurs.
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