Christophe Alévêque avait vu juste. Dans un article consacré à l’humour aujourd’hui (Politis n° 1232, du 20 décembre 2012), l’humoriste soulignait « un certain couvre-feu moral », dénonçait « un retour à la morale dans un monde totalement amoral ». Avant d’observer qu’en « faisant son métier d’humoriste, sans même diffamer, quand on gagne son procès en première instance, c’est déjà un billet de 10 000. Quand il y a appel, c’est encore un billet de 10 000. On en vient ainsi à l’épuisement financier. Avec pour conséquences la censure et l’autocensure. À partir du moment où l’on s’attaque aux puissants, aux intouchables, aux icônes et au pouvoir, on se retrouve vite devant une machine financière ».
Alévêque en sait quelque chose, engagé depuis deux ans dans un procès contre Zinédine Zidane, pour avoir déclaré à propos de la star du foot, au magazine SportMag, en janvier 2011, que « ce mec est un panneau publicitaire qui a trois neurones (…) et qui maintenant profite de son image à outrance (…) Ambassadeur de Danone, qu’il crève dans le yaourt ! »
Plutôt que sourire, le joueur a traîné l’humoriste en justice, réclamant 75 000 euros de dommages et intérêts. Pas moins ! Au tribunal correctionnel de Paris, Christophe Alévêque avait maintenu ses propos, mis en avant le rôle du bouffon, « le seul à pouvoir s’attaquer au roi. J’ai critiqué avec mes mots quelque chose de vulgaire ». Et de rappeler au tribunal les 11 millions d’euros empochés par Zidane pour soutenir la candidature du Qatar pour la Coupe du monde de foot.
En première instance, Alévêque a été relaxé. Ce qui n’a pas empêché la défense du footballeur de faire appel. Ses avocats déclarant même, en février dernier, qu’ils se contenteraient d’un euro symbolique de dommages et intérêts. Dans cette judiciairisation à l’extrême, de tout et n’importe quoi, la justice a tranché ce jeudi 7 mars, bien au-delà de ce qui était demandé : elle a condamné, en appel, l’humoriste à 5 000 euros de dommages et intérêts pour injure, outre 5 000 euros de frais de justice. Une justice de classe, au profit d’un VRP de Danone et du Qatar.
AFP / Loïc Venance