La SAFER.
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/03/2021
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Dans l'achat de notre nouvelle maison, avec un terrain de 4500 m², nous avons été confrontés à la SAFER. Et nous avons découvert cet organisme. Depuis, j'ai cherché à comprendre et ça n'est pas bien joli.
Dans notre cas, la SAFER devait émettre un avis et avait donc un droit de préemption. Il fallait que le dossier soit vu par une commission et cela retardait de plusieurs semaines la signature définitive chez le notaire. La SAFER n'avait aucunement l'intention de préempter ce bien pour le réserver à un agriculteur. Il s'agit juste pour eux de freiner le dossier. Ils nous ont donc réclamé 240 euros pour que le dossier soit vu "en mode accéléré". Et nous avons payé car nos acheteurs étaient aussi impatients que nous de déménager, d'autant plus que pendant ce temps, la banque leur prenait déjà des frais sur leur prêt bancaire.
Tous les moyens sont bons pour prendre ce qui peut l'être et quand ça ne vient pas d'un côté, ça vient d'un autre. On est tous dans le même bateau. Une barque vermoule où il faut écoper sans cesse.
Même les notaires reconnaissent que le fonctionnement de cet organisme relève quelque peu d'une forme de mafia. Il est indéniable qu'à l'origine, l'idée de pouvoir permettre à de jeunes agriculteurs de s'installer est une bonne chose. Ce sont les dérives qui sont irrecevables.
Les Safer gèrent-elles bien les terres agricoles ?
https://reporterre.net/Les-Safer-gerent-elles-bien-les-terres-agricoles
Durée de lecture : 9 minutes
19 février 2016 / Julie Lallouët-Geffroy (Reporterre)
Alors que les conflits liés à l’appropriation des terres se multiplient, se pose la question du rôle des Safer, organismes chargés de veiller au foncier agricole. Reporterre a voulu comprendre le fonctionnement de ces sociétés anonymes, dont le nom est apparu dans les dossiers de la ferme-usine des Mille vaches et de la ferme des Bouillons.
Elles sont 26 en France, suivant plus ou moins le découpage des anciennes régions métropolitaines et ultramarines. Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), chapeautées par une structure nationale [1], sont des sociétés anonymes sous tutelle des ministères des Finances et de l’Agriculture. Elles ont été créées en 1960, en plein révolution verte, à l’époque où la guerre restait dans les esprits et où l’autosuffisance alimentaire et la modernisation agricole étaient une priorité.
Leur rôle est de réguler le marché des terres agricoles : ayant une vue d’ensemble sur le marché foncier, les Safer ont pour mission d’éviter une flambée des prix et de structurer les nouveaux usages de ces terres en donnant la priorité à l’installation de jeunes agriculteurs. Aujourd’hui, les Safer complètent leur panel de compétences avec la préservation des espaces naturels.
Le droit de préemption, une « arme atomique »
Principal outil des Safer : elles peuvent intervenir au moment de la vente d’une terre. Prenons l’exemple d’un agriculteur qui part à la retraite et souhaite vendre sa ferme. Il trouve un acheteur, se met d’accord avec lui sur le prix de vente et passe devant le notaire pour conclure la transaction.
Celle-ci doit obligatoirement être signalée à la Safer locale. Si celle-ci considère que le prix est trop élevé ou que l’acheteur n’a pas le bon profil, elle peut casser la vente en usant de son droit de préemption. Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer, avait qualifié ce pouvoir « d’arme atomique » lors de l’expulsion de la ferme des Bouillons, près de Rouen. Avec la préemption, la Safer sort la transaction du marché, définit le prix de vente, réalise un appel à candidatures et choisit parmi les prétendants le meilleur acquéreur.
Dans les faits, les Safer utilisent ce droit de préemption dans moins de 10 % des cas. De manière générale, elles encadrent les transactions foncières à l’amiable et touchent une commission au passage. Cela constitue leur principale ressource, les pouvoirs publics ne participant au budget des Safer qu’à hauteur de 5,4 % de leurs charges.
Dans un rapport publié en 2014, la Cour des comptes a consacré un tome à la gestion des Safer. Elle n’y va pas par quatre chemins. Intitulé « Les Safer, les dérives d’un outil de politique d’aménagement agricole et rural », le rapport détaille plusieurs points noirs dans le fonctionnement de ces structures.
Comment les Mille vaches ont contourné la Safer
La financiarisation des transactions agricoles est l’un de ces points noirs : « Un nombre croissant, même s’il ne peut être défini précisément, de pratiques et de montages juridiques, généralement réalisés à des fins d’optimisation fiscale, peut conduire à la fois à faire échec à la mission de transparence du marché foncier rural des Safer, mais aussi à l’utilisation éventuelle de leur droit de préemption ou d’une possibilité d’acquisition à l’amiable. »
Ces montages juridiques se caractérisent essentiellement par le transfert de parts sociales. En effet, la Safer n’a d’œil que sur les transactions réalisées sur la totalité d’un bien et non pas sur le transfert de ces parts. C’est donc un moyen de passer entre les mailles du filet et de ne pas voir la Safer se mêler de ses affaires. Il suffit de taper sur un moteur de recherche « éviter préemption Safer » pour s’en convaincre. Les forums sont légion, les échanges entre internautes virulents, et les astuces pour échapper aux Safer simples à trouver, comme ici.
Depuis le site http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-5463490-sci-contre-preemption-de-la-safer
Le président national des Safer, Emmanuel Hyest, confirme cette tendance inquiétante. « Depuis quatre ou cinq ans, ce type de montage financier se multiplie et devient significatif. La conséquence en est l’opacité du marché car nous n’avons plus de visibilité sur ces transactions. Cela induit une montée des prix du foncier et donc la difficulté croissante de transmettre son exploitation. On le voit avec les financiers qui achètent les grands crus bordelais. »
Un exemple majeur de ce type de montage financier est la ferme-usine des Mille Vaches. C’est par le biais de transmission de parts sociales que Michel Ramery est parvenu à acquérir ses terres à l’insu de la Safer. Résultat : les pouvoirs publics se retrouvent devant le fait accompli, sans possibilité juridique de casser les ventes effectuées. « Moi, je n’ai rien contre le modèle agricole des Milles Vaches, explique Emmanuel Hyest, mais pour ce qui est du montage financier, je m’y oppose totalement. »
À terme, la généralisation de telles pratiques déboucheraient sur la mort des Safer. Pour pouvoir réguler le marché, elles ont besoin d’être informées de l’ensemble des ventes. Comme ces montages financiers n’ont pas besoin d’être déclarés, une part de plus en plus importante du marché échappe donc aux Safer, les rendant impuissantes.
« J’appelle ça de la mafia !!!! »
Le président des Safer rappelle l’importance de la structure qu’il dirige : « Les terres agricoles françaises sont parmi les moins chères d’Europe et c’est grâce à la régulation. Sans nous, de nombreux jeunes agriculteurs ne parviendraient pas à s’installer. » Les données fournies par le rapport de la Cour des comptes montrent qu’en 2014, le marché du foncier agricole s’est légèrement dynamisé avec 81.000 transactions effectuées (soit 2 % de plus qu’en 2013) pour 338.000 hectares ( + 2% par rapport à 2013) pour un montant global de 4 milliards d’euros (3 % de plus que l’année précédente). En 2012, les Safer ont permis l’installation de 1.200 agriculteurs et le renforcement de 3.800 exploitations.
En retournant sur les forums Internet, la virulence des internautes étonne. Sur l’un de ces forums, un internaute résume les propos égrainés au fil des échanges. « Même si dans la théorie la Safer est là pour défendre les agriculteurs, dans la pratique elle est surtout là pour avantager certains, (…) ceux qui fonts copains-copains avec elle, mais surtout et avant tout pour faire un maximum de fric sur le dos des petits et des vieux, (…) moi j’appelle ça de la mafia !!!! »
Emmanuel Hyest s’agace de ces critiques récurrentes. « On ne peut pas nous dire que nous manquons de transparence : nous sommes sous le contrôle du gouvernement. Nous avons deux commissaires du gouvernement, les collectivités et les syndicats dans nos conseils technique et d’administration, que voulez-vous de plus ? »
Le corporatisme mis en accusation
Ils sont nombreux, syndicats minoritaires en tête, à critiquer la mainmise de la FNSEA, le premier syndicat agricole, sur les Safer ; car lorsqu’il y a un représentant de la FNSEA et un autre des JA (Jeunes Agriculteurs, la section « jeune » du syndicat majoritaire), cela fait deux voix pour la FNSEA. À cela, Emmanuel Hyest répond à la volée : « La Confédération paysanne n’a qu’à faire pareil ! » Il ajoute : « Il n’y a pas de mainmise, mais du bon sens. Dans la plupart des cas, les attributions se font par consensus, les décisions à prendre sont souvent évidentes comme le nez au milieu de la figure. Tous les membres du conseil d’administration savent qu’une attribution – ou une non-attribution – peut changer la vie de quelqu’un. »
Cependant, c’est sur la question de bien commun que se fonde la critique principale. Elle est portée par des structures « para-agricoles » : des associations et des collectifs qui veulent se mêler du devenir des terres agricoles. Emmanuel Hyest ne veut pas en entendre parler et s’en agace : « La création des Safer, dans les années 1960, vient de la profession, des agriculteurs eux-mêmes. Ces associations, ces militants ne sont pas passés par les urnes. Qui représentent-ils ? »
Si, à l’époque de la naissance des Safer, qui est aussi celle de la modernisation agricole, de la création de la FNSEA et des politiques nationales et européennes en faveur de l’agriculture, personne ne jugeait illégitime que les agriculteurs encadrent eux-même leurs activités, cette logique corporatiste passe bien plus mal en 2016. Lorsque les critiques fusent sur la « mainmise » de la « mafia » que serait la FNSEA, c’est bien le corporatisme qui est accusé, avec une question à la clef : est-il légitime que les agriculteurs, qui ne représentent plus que 3 % des actifs, selon l’Insee, aient la main sur le territoire ?
En vertu de cette vision héritée des années 1960, Emmanuel Hyest s’oppose aux associations et collectifs « para-agricoles ». Le cas de la ferme des Bouillons, en Normandie, incarne parfaitement ces enjeux. Un collectif de militants a empêché qu’une ferme devienne un supermarché mais, au moment de la vente, la Safer Haute-Normandie, présidée aussi par Emmanuel Hyest, qui a la double casquette de président local et national, n’a pas voulu que ce collectif prenne en charge le développement économique de la ferme. Comme il le dit : « Qui représentent-ils ? »
Dans le giron de la société civile
Gaël Louesdon fait partie de l’association Terre de liens, une structure qui collecte de l’épargne citoyenne afin d’acheter des terres, puis de les louer aux agriculteurs qui n’arrivent pas à réunir les sommes nécessaires pour en être propriétaire. Ce moyen permet de maintenir les terres agricoles dans le giron de la société civile et d’en faire des biens communs, comme cela aurait pu le devenir pour la ferme rouennaise. « Nous vivons toujours dans l’héritage de la restructuration de l’après-guerre, dit-il : l’agriculture c’est 54 % du territoire et elle est dominée par une corporation alors qu’entre temps, la décentralisation est passée par là, les collectivités ont pour mission la maîtrise de leur territoire, la société civile s’affirme, mais elles manquent de moyens d’agir. Il faudrait que les Safer s’ouvrent à l’ensemble de la société afin que cette instance soit plus démocratique. »
C’est cette voie que souhaite prendre la loi d’avenir agricole, entrée en application en 2016. « Avec cette loi, on ne peut plus nous parler de manque de transparence », assure le président des Safer. Et en effet, la loi élargit un peu plus les conseils d’administration aux syndicats et aux associations. Elle améliore également la transparence, notamment sur le transfert des parts sociales, ce montage juridique qui permettait de passer sous le radar des Safer. Sans être pour autant la panacée car, si tous les transferts de titres doivent être déclarés aux Safer, leur droit de préemption ne s’applique que pour la vente de 100 % du capital de la société. Il suffit donc d’un transfert de 99 % pour éviter la structure agricole. Un seuil qu’Emmanuel Hyest entend bien « négocier » pour le « réduire à 50 % ».
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SOCIÉTÉ D’AMÉNAGEMENT FONCIER ET RURAL
SAFER, le Conseil constitutionnel dit NON
31 mars 2017 • Philippe François
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Le 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a décidé d’annuler l’article de loi renforçant le pouvoir des SAFER dont « les dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ». Des termes sévères et un coup d’arrêt définitif aux prétentions de la Fédération nationale des SAFER (FNSAFER) et d’une partie des syndicats agricoles d’accaparer la gestion de l’ensemble des terres agricoles. Mais aussi une critique cinglante du ministre de l’Agriculture et de son cabinet, du ministère de l’agriculture, et des nombreux députés de la majorité et sénateurs qui avaient voté une loi visiblement contraire à la Constitution : incompétence, soumission au lobby SAFER ou démagogie pré-électorale se reposant sur le Conseil constitutionnel pour censurer ce coup de force ?
Cette affaire se rajoutant aux critiques récentes des SAFER par les plus hauts organismes de contrôle publics (Cour des comptes, Inspection générale des finances, Ministère de l’agriculture-Conseil général de l’agriculture) a opportunément remis dans l’actualité la question de fond : peut-on réformer ou faut-il supprimer les SAFER ?
Sur le terrain, les critiques contre les SAFER sont depuis longtemps nombreuses et virulentes, même si elles sont souvent discrètes (les agriculteurs veulent protéger leurs chances). Depuis quelques années et plusieurs condamnations des SAFER en justice, ces dysfonctionnements sont reconnus aux plus hauts niveaux de l’État :
Quatre années d’évaluation publique des SAFER
2013 : l’Inspection des finances et le Conseil général de l’agriculture (Ministère de l’agriculture) publient un rapport démontrant que le système des SAFER est opaque, inefficace et coûteux pour les finances publiques. Ils proposent leur extinction.
2014 : la Cour des comptes dénonce le peu de résultats des SAFER, et l’utilisation massive de leurs prérogatives pour se financer. En s’immisçant dans des transactions où leur intervention est inutile (substitution), elles détournent à leur profit des taxes dont les collectivités locales ont pourtant besoin. La Cour propose de les réformer.
Octobre 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture est adoptée. A son origine aucune disposition relative aux SAFER. Le gouvernement fait insérer de nouvelles dispositions en faveur des SAFER (préemption sur cession de 100 % des parts, préemption sur cession en démembrement de propriété,…) dont déjà une partie est sanctionnée par le Conseil Constitutionnel.
Mai 2016, malgré ces avertissements de ses propres services, au lieu de réformer les SAFER, le gouvernement fait insérer un volet foncier, projet largement écrit par la FNSAFER renforçant leurs pouvoirs, dans le projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Décembre 2016, le Conseil constitutionnel annule cette loi à la demande des députés LR.
Décembre 2016, dans l’urgence, des parlementaires de gauche et des sénateurs de droite font voter une nouvelle version de la loi destinée à contourner la décision du Conseil constitutionnel.
Mars 2017, à la demande de 60 députés de droite, le Conseil constitutionnel annule la nouvelle version de cette loi qui portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Alors que la France traverse un crise économique, sociale et sécuritaire, et que la crise agricole frappe plus la France que tous les autres pays européens, cette urgence à soutenir un lobby avant les élections est choquante. Il est au contraire temps de se demander pourquoi nos agriculteurs sont plus frappés par la crise agricole que ceux des pays voisins dont les initiatives ne sont pas étouffées par des administrations publiques et para-publiques.
Une tentation collectiviste ancienne
Face au monde agricole, en 1961 comme en 2017, l’idée que tout irait mieux si l’État disposait de tous les pouvoirs est récurrente pour certains. Après avoir décidé ce que les consommateurs doivent consommer, il fixerait qui aurait le droit de posséder la terre et de cultiver, ce qu’il faut produire et les prix de vente. Dans les années 1960[1], le contrôle des structures, l’autorisation d’exploiter et les SAFER ont largement mis en place les bases de cette politique. Et d’après le livre d’Edgard Pisani, père de ces réformes, (Utopie foncière[2]) cette situation n’était qu’une première étape avant une étatisation totale du secteur.
Publié en 1977 dans la perspective des élections de 1981, ce livre prône la nationalisation de la totalité des terrains de France. Une fois propriétaire de toutes les terres, chaque fois qu’une de ses propriétés se libérerait (décès, retraite ou abandon par l’exploitant) l’État choisirait un nouvel exploitant « en toute objectivité », naturellement. Ce projet exclut, à regret, l’expropriation immédiate, pure et simple des terres, et propose que l’Etat préempte (à son prix) toutes les parcelles mises en vente jusqu’à ce qu’il soit maître de tout le sol du pays. Une position affirmée dès 1975 dans le document approuvé par le Comité directeur du parti socialiste « L’établissement par la loi de ce droit éminent confère à la collectivité la faculté et le devoir d’acquérir – par droit de préemption - la totalité des biens fonciers librement mis en vente ». Une étatisation qui devrait ne prendre que deux générations (50 ans) d’après les auteurs. ll faut lire les 85 pages des articles détaillés du projet de loi qu’Edgard Pisani entendait faire adopter par le Parlement en 1981 pour réaliser vers quelle structure collectiviste le système mis en place nous entraine si les Français ne se révoltent pas.
La tentation corporatiste
Logiquement, rien n’aurait dû faire plus horreur aux paysans français très attachés à leur liberté et au droit de propriété que cette politique. En URSS, six millions de paysans sont morts en luttant contre la collectivisation des terres. Mais en France, des éléments du monde agricole ont compris l’intérêt qu’ils auraient à s’associer à la gestion par l’État du système agricole. Si c’est en principe l’Etat à travers les préfectures qui décide des attributions et autorisations, c’est en réalité en lien très étroit avec les responsables de la corporation agricole. Encore une fois, une situation similaire à celle des logements publics (HLM, logements intermédiaires, logements haut de gamme) où des intermédiaires (élus et autres) ont pendant longtemps tiré parti de leurs pouvoirs d’attribution des logements[3].
L’échec
En 2017, malgré 9 milliards de subventions européennes, financées par la France, notre agriculture est dépassée par celle de ses voisins, et le revenu de nombreux agriculteurs est très inférieur au SMIC, voire négatif pour tous ceux qui sont contraints chaque année d’abandonner ce métier.
Une exploitation typique de 80 hectares de grande culture ou d’élevage, perçoit pourtant chaque année environ 24.000 euros de subvention soit 2.000 euros par mois. Pour tous les agriculteurs qui se versent moins de 1.400 euros par mois (voire moins de 400), la solution n’est pas de leur accorder 300 euros de plus d’aides sociales. C’est, comme pour toutes les entreprises, de réduire leurs charges et la suradministration de ce secteur économique. L’État qui se montre incapable de gérer de grandes entreprises comme le Crédit Lyonnais, AREVA ou la SNCF, est encore moins bien placé pour choisir et conseiller les centaines de milliers de petites TPE/PME agricoles dispersées sur tout le territoire.
Conclusion : non au closed shop[4]
Par leur emprise, les SAFER, Chambres d’agriculture et autres commissions de cogestion de l’agriculture, ont mis en place une véritable « closed shop » dans ce secteur. C’est la corporation agricole (dominée par les syndicats agricoles) qui choisit les personnes qui ont le droit de s’installer et ce qu’elles doivent produire. Partout dans le monde, et en France dans les ports et les imprimeries, les dégâts causés par ce monopole d’embauche auraient dû avertir sur ce qui allait se passer dans le secteur agricole.
Le rapport Inspection des finances-CGARR de 2013 concluait : « Aussi, considérant la génèse de ce droit de préemption et sa réalité actuelle, la mission propose que les décrets d’application définissant les périmètres de préemption des SAFER ne soient pas renouvelés au fur et à mesure qu’ils viennent à échéance. » Une solution raisonnable d’extinction, qui donnera à ces société privées le temps de se transformer officiellement en marchands de biens ou en agences immobilières ordinaires.
Comment la loi SAFER-2017 a été censurée
Les articles incriminés ont été largement inspirés par la FNSAFER comme elle le revendique. Introduits en mai 2016 dans la loi relative à la lutte contre la corruption, ils sont votés au Parlement en octobre et censurés comme plusieurs autres articles en novembre par le Conseil constitutionnel pour une question de forme : ces cavaliers législatifs n’avaient rien à voir avec la loi en question.
Dès décembre l’article concernant les SAFER est repris par le député socialiste Dominique Potier qui déclare : « On va aller vite pour faire repasser sous une autre forme ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel ». Un projet de loi est voté en janvier, d’abord au Sénat à la quasi-unanimité, puis à la majorité à l’Assemblée nationale où la droite s’abstient.
Convaincue du caractère inconstitutionnel de la mesure SAFER, la Fédération nationale de la Propriété Privée Rurale (FNPPR) a aussitôt transmis aux parlementaires les études qu’elle avait réalisées en 2016. La fin de la session parlementaire et la proximité des élections avaient rendu le planning très tendu. Et c’est finalement le 16 février, que 60 députés de droite emmenés par Christian Jacob, ont déposé leur demande d’annulation.
Le 16 mars, le Conseil constitutionnel concluait : « Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles : le troisième alinéa de l’article 1er et l’intégralité de l’article 3 (relatif au droit de préemption sur les cessions partielles de parts sociales) ».
Une décision qui a l’avantage de mettre définitivement un terme à ce sujet, tout en ayant fait largement connaître cette façon légale de prévenir l’intrusion des SAFER dans des contrats privés.
Note : le rapport de l’Inspection des finances et du CGARR remis en 2013 à son ministre vient seulement d’être rendu public quatre ans plus tard par décision de Michel Sapin. Un signe de la gêne des ministres de l’Agriculture qui se sont succédé depuis cette date face à un contenu incontestable rédigé par des experts de leur propre ministère.
[1] Dans le domaine du logement cette tentation existe aussi, l’Etat aimerait pouvoir tout contrôler et attribuer à chacun un logement selon des standards définis, et selon son bon plaisir.
[2] Toujours en vente
[3] Les réformes des commissions d’attribution auraient mis un terme à ces pratiques.
[4] Wikipedia : Le closed shop, littéralement « boutique fermée » mais sémantiquement « monopole d'embauche ». En France, un système équivalent a été mis en place par la CGT pour les ouvriers du livre ou encore pour les dockers.
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